La série des Studio Effects signée Native s’agrandit avec Transient Master, un plug-in qui devrait être fidèle à son inspirateur conçu par SPL. L’occasion de jeter une oreille sur l’aîné logiciel.
La gestion de la dynamique, si elle est facilement compréhensible, n’en demeure pas moins un des domaines du son dans lequel l’expérience de l’utilisateur compte tout autant que l’outil utilisé. Le choix des compresseurs et autres éléments de la même famille au sein d’un set-up ou d’un mixage peut parfois relever du casse-tête, tant les problématiques peuvent être diverses.
Quand SPL, fabricant allemand, a présenté son module en rack Transient Designer, de nombreux ingés (musique et cinéma) et musiciens y ont rapidement vu la solution à deux problèmes fréquemment rencontrés : l’un sur l’attaque, les transitoires (molles, ou à l’inverse trop marquées), l’autre sur la tenue du son, qu’elle soit trop courte ou trop longue, notamment en prise de son extérieure, où l’on n’a pas toujours le temps de parfaitement maîtriser les réverbérations naturelles.
À cet effet, le fabricant et son ingénieur en chef, M. Tilgner (qui est depuis parti créer elysia, autre marque réputée pour ses compresseurs), ont imaginé une technologie analogique à base de VCA et de générateurs d’enveloppe, nommée Differential Envelope Technology, jouant très astucieusement et efficacement sur un principe de soustraction ou d’addition des deux générateurs afin d’accentuer ou diminuer attaque et tenue. Mais ne rentrons pas dans les détails (d’autant qu’on trouve des explications très claires sur le site du fabricant), car ce qui compte, c’est le résultat (on y reviendra) et l’incroyable simplicité de l’interface : deux potentiomètres, Attack et Sustain.
Avant de sortir sa propre gamme de plug-ins, SPL s’est associé à Universal Audio, ce qui a résulté en une version conçue pour l’UAD-1 puis UAD-2, bénéficiant de plus d’un réglage de volume. De nombreux éditeurs ont aussi proposé leur version du classique SPL, tels Voxengo avec son Transmodder, Waves avec TransX, Sonnox avec Transmod, DigitalFishPhones avec Dominion (gratuit, pour PC et Mac OS9 seulement) et SSL avec Drumstrip (liste non exhaustive).
C’est donc au tour de Native Instruments de présenter sa vision de l’effet, avec le Transient Master.
Introducing Transient Master
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Procédure habituelle chez Native, on télécharge le plug compatible Mac et Windows après achat (sur le site de l’éditeur, 99 €), on l’installe et l’autorise via le Service Center et le numéro de série. Après installation, impossible de trouver le dossier habituellement placé dans le dossier Native Instruments, et donc le manuel (en anglais seulement, et fort succinct), mais on peut télécharger ce dernier sur la page de présentation du site de l’éditeur.
Le plug peut être ouvert au sein de Guitar Rig 5 Pro et sa version gratuite, Guitar Rig 5 Player (qui dispose lui d’un ampli et plusieurs effets), et on le retrouve dans la catégorie Dynamics. Un glissé-déposé dans le rack vide, et il est immédiatement utilisable. Deux petites choses à vérifier avant usage, d’abord la désactivation du Noise Gate, et l’activation en mode Stereo du simulateur d’ampli guitare/et maintenant hébergeur d’effets (clic sur le bouton R à côté de l’indicateur de niveau Input).
On retrouve l’interface extrêmement simple de l’original, augmentée maintenant du Gain amené par la version UA, et de deux boutons supplémentaires, Smooth et Limit. L’un dit bien ce qu’il fait, c’est-à-dire remédier à tout écrêtage induit par l’augmentation du volume d’une des deux composantes traitées, l’autre est plus original au sens où il présente une courbe plus douce, spécifiquement conçue pour les guitares saturées selon l’éditeur.
En situation
Commençons par un groove de batterie extrait d’un morceau plus complet (donc déjà mixé pour ce morceau), pistes séparées envoyées sur plusieurs bus, sur lesquels seront insérées les différentes versions du Transient, afin de pouvoir effectuer les réglages en passant rapidement de l’un à l’autre.
On va d’abord tenter d’accentuer les attaques de la batterie. Sur le Transient Master, adoptons un réglage de 50 % (dommage de ne pas avoir d’indications en dB), en surveillant le niveau de sortie qui a tendance à monter très vite, et donc en compensant via le réglage Gain. Le Limiteur intégré est désactivé, et il n’y a rien sur la tranche Master de Logic. Notons la consommation CPU ridicule.
Petite précision, comme toute compression conçue pour faire ressortir l’attaque d’un son (attaque du compresseur lente), il ne peut y avoir augmentation de volume si le fichier de base est déjà au maximum (inférieur ou égal à 0 dB). Il est donc naturel que le son perçu après traitement semble moins “fort”, il faut alors remonter le volume d’écoute si l’on veut comparer à niveau perçu égal. D’autant que l’oreille est plus sensible aux fluctuations du niveau moyen qu’aux crêtes. Fort heureusement, d’ailleurs…
Voyons la même chose avec le Transient Designer d’UA.
Notons déjà que les réglages sont légèrement différents d’un éditeur à l’autre, tout comme le comportement. On continue avec l’attaque réglée au minimum. D’abord chez Native.
Puis chez UA.
À réglage censé être égal, qui plus est aux limites de chaque plug, la différence est flagrante. D’abord sur le plan fréquentiel, et surtout sur celui temporel. Chez UA, il semble parfois que des transitoires résiduelles interviennent ici et là, avec un effet de “dédoublement” du son et donc modification importante de la phase, alors que chez Native, le son reste très unifié. Plus neutre, mais unifié.
À des valeurs moins importantes, le plug UA se comporte mieux, alors que le Native donne l’impression d’éloigner le son. UA d’abord.
Puis Native.
Passons aux modifications de la durée. On coupe tout ! Valeur maximale, soit plus de sustain du tout dans les exemples suivants. Native d’abord.
UA ensuite.
Là encore, grosse différence entre les deux. Native coupe quasiment comme un noise gate, ne seraient-ce les petites traînées de cymbale, ce que ne saurait rendre à l’identique un noise gate. Le traitement est très sévère. Chez UA, c’est plus doux, le son ne disparaît pas selon une pente aussi verticale. Il faut même compenser un peu au Gain pour atteindre le 0 dB au Master (il n’y a aucune normalisation effectuée sur les fichiers de ce test).
Voyons le résultat sur des valeurs moins radicales (n’oubliez pas de réécouter régulièrement l’original…). Commençons par UA.
Puis Native.
L’effet “noise gate” est encore présent chez Native, alors que le but recherché n’est pas celui-là. Il s’agit bien d’atténuer le sustain, mais sans cette pente brusque très audible. UA s’en sort mieux, et ne produit cet effet à aucun des paliers du bouton Sustain. On trouvera de l’intérêt aux deux types de comportement, mais le plus musical est celui du Transient Designer.
Rappelons que cette fonction est très appréciée, notamment pour réduire les ambiances.
Guitarons
On continue avec une rythmique guitare, constituée de deux parties enregistrées dans différentes parties d’un morceau, donc avec une intention légèrement différente. On va booster les attaques et réduire le sustain, afin de rendre cohérents les deux “sons”. D’abord, la rythmique originale.
Puis dans l’ordre, le Transient Master.
Et le Transient Designer.
On remarquera la grande différence dans les réglages (et dans le son…) : pour arriver à un résultat assez proche, on ne travaille pas de la même façon selon l’éditeur. De plus, on commence à réellement discerner ce qui fait la personnalité de chaque plug : pentes très marquées chez Native, plus douces chez UA.
Essayons maintenant sur une guitare avec distorsion, afin d’entendre l’action du bouton Smooth. Guitare seule d’abord.
Puis UA pour commencer.
Et Native, d’abord sans puis avec Smooth enclenché.
On va terminer avec une ligne de basse (sale, mais c’était l’esthétique voulue), et essayer de l’éclaircir un peu, en lui redonnant de l’attaque là où certaines notes sont molles, et en coupant un peu le sustain global. D’abord le fichier original.
Puis traité avec le Transient Master (une première fois normalement, une deuxième fois avec Smooth.
Et le Transient Designer.
Voilà une basse qui a retrouvé un peu de pêche, même si le résultat montre bien les différences de comportement (notons aussi la disparité de réglages). Les différents bruits de doigts et micros qui remontent seront atténués ensuite avec un paramétrique bien réglé. Ils restent dans l’exemple afin de montrer l’action complète des plugs.
Bilan
On pourrait croire que l’utilisation bien maîtrisée d’un compresseur, d’un expandeur et d’un noise gate pourrait remplacer le Transient Designer et ses émulations. Ce n’est pas entièrement faux, mais c’est très complexe à mettre en œuvre, et le résultat ne sera peut-être pas à la hauteur du temps passé, notamment au niveau de la subtilité du suivi d’enveloppe du signal entrant. Et les plugs (ainsi que l’original) ne nécessitent, en tout et pour tout, que de tourner deux boutons…
Les deux versions, l’originale version UA validée par SPL et le Transient Master de Native se comportent bien, en ce sens qu’elles font ce qu’elles sont censées faire. L’une et l’autre ont des faiblesses, UA sur certains fichiers stéréo avec des réglages extrêmes de sustain, Native avec cet effet noise gate parfois trop prononcé.
Le choix dépendra peut-être du fait que l’on possède ou non une UAD-2 (ou –1). Le Guitar Rig 5 Player et ses éléments gratuits sont indéniablement un plus, même si l’on aimerait parfois ne pas avoir à passer par lui, simplement ouvrir le plug sur une tranche, notamment à cause de la place que prend son interface graphique. On peut cependant apprécier la cohérence de la gamme Studio Effects conçue par l’éditeur, en attendant le test des Solid Mix Series inspirés comme leur nom l’indique d’une célèbre marque anglaise.