Les effets sur la voix sont de plus en plus présents dans les musiques actuelles, mais quand on veut des effets spéciaux, il est difficile d'en confier le lancement à l'ingé son. Les loopers sont aussi à la mode, notamment pour les gens qui font des spectacles seuls en scène. Alors lorsqu'un constructeur aussi sérieux que TC-Helicon propose dans un même boîtier un processeur vocal, un harmoniseur et un looper, le tout utilisable pour voix seule, voix + guitare ou voix + clavier, on se dit que ça vaut le coup de regarder de près. Let's go !
Qui t’es TC ?
TC-Helicon est une firme canadienne appartenant à TC-Group, une holding comportant plusieurs compagnies prestigieuses dans le monde de l’audio, une des plus connues étant sans doute TC- Electronic, mais aussi les ampli Lab.gruppen, ou les enceintes Tannoy… TC Group a fusionné avec Gibson en 2008. TC-Helicon s’est spécialisée dans les équipements pour la voix, des processeurs aux micros. Avec généralement de produits de bonne qualité, solidement bâtis et produisant un excellent son.
Le Voice Live Touch est une déclinaison du Voice Live 2, lequel se présente sous forme de pédalier, dispose de plus de possibilités (dans une certaine mesure)… et est 60% plus cher avec un « prix public » de 800 € contre 500 pour le Voice Live Touch. Ajoutons que, contrairement au VoiceLive 2, le VoiceLive Touch comporte un looper. Et pas des moindres.
Mais le VoiceLive touch n’est pas juste une version allégée de son prédécesseur. En effet, ses concepteurs ont eu l’idée d’en faire un produit muni d’une interface complètement différente puisqu’elle est intégralement tactile. C’est à la mode, mais est-ce une bonne chose ? Nous en discuterons plus loin. Commençons par découvrir la bête !
Du costaud ma bonne dame !
L’impression que donne le VoiceLive Touch à la prise en mains, c’est que c’est du costaud. Le poids de l’engin malgré son format compact contribue à cette impression, de même que le matériau qui le constitue. À l’exception de la « façade » où figure l’interface tactile, la carcasse est constituée d’une sorte de plastique caoutchouteux (mais ferme) de bon aloi. Pourquoi un tel matériau ? Parce que le VoiceLive Touch a une forme particulière qui lui permet soit d’être utilisé posé à plat, soit d’être accroché à un pied de micro, ce qui est pratique pour l’avoir sous la main. Le système d’accrochage est bien fichu, comme vous pouvez le voir sur les photos. Par contre, si l’espèce de retour dans lequel le pied s’insère cache bien les nombreuses prises des yeux du public, il ne rend pas le branchement des câbles très facile. On ne peut pas tout avoir. Les prises jack un peu longues pourront poser problème.
Si la forme globale du VoiceLive Touch est sympa et originale, l’esthétique de la façade tactile est plutôt laide, donnant l’impression d’avoir été conçue dans les années 80. Dans certaines (rares) circonstances, on pourra aussi être ébloui par des reflets. L’alimentation est, hélas, un bloc transfo-prise digne d’un appareil à usage domestique. Vraiment pas très cohérent pour un appareil de scène, surtout de ce prix. Un bloc transfo branché dans une rallonge ou une multiprise n’est pas le truc le plus élégant au milieu d’une scène. Heureusement, sa longueur devrait suffire à le planquer derrière un retour. Tout ceci n’est pas bien grave, mais un tel produit méritait mieux, car il y a du lourd côté fonctions.
Machine à tout faire ?
En effet, le VoiceLive Touch vous en donne pour votre argent côté possibilités. Jugez plutôt :
- processeur d’effets vocaux
- correcteur d’intonation (il vous aide à chanter juste)
- harmoniseur (ajout de choeurs à votre voix)
- effet guitare simple
- looper
- sampleur de phrases
Ouf ! Rien que ça !
Passons vite sur le correcteur d’intonation : on dispose d’un simple réglage de « dureté » (en pourcentage), à mettre à 0 si vous êtes diva et à 100 si vous êtes casserole. Comme toujours avec ce genre d’outils, on perd des nuances d’interprétation en poussant le réglage et on peut même avoir des trucs bizarres (le fameux effet « Cher »). Mais sa présence est pratique : il est difficile de chanter juste avec des choeurs et des effets poussés ajoutés à sa propre voix. Le correcteur permet de contrebalancer ceci. Comme il est global, on préférera sans doute utiliser celui qui figure dans un des effets pour les presets qui le nécessitent. Notez que les exemples audio ont été enregistrés avec la correction désactivée (NDLR : et ça s’entend !).
Le processeur comporte 6 catégories d’effets : l’harmoniseur, la modulation (chorus, flangers…), un delay, une réverbe, un « double » et un FX qui comporte lui-même différents effets (un seul utilisable à la fois). L’ensemble fonctionne comme des sections indépendantes qu’on peut enclencher individuellement (comme des pédales séparées). Chaque section dispose d’un certain nombre de paramétrages, plutôt simplifiés. Voyons l’exemple des délais : on peut choisir entre 18 types de délais, régler la quantité d’effet envoyée dans le mix, régler la largeur stéréo et le tempo. C’est tout. Pas de réglage direct du feedback, encore moins du damp ou d’une éventuelle réinjection : c’est le choix du numéro de type de délai qui donne accès à une palette de rendus différents. Les 18 solutions représentent un choix assez vaste, mais ce n’est pas dans le travail de précision que permettent les réglages classiques. On verra que ce n’est de toute façon pas le propos du VoiceLive Touch.
À ces paramètres s’ajoute un « lead level » que l’on retrouve dans chaque section d’effet. Il permet de réduire le volume de la voix de l’utilisateur lorsque l’effet est enclenché seul. Il équivaut à un classique réglage dry/wet, mais le fait qu’il ne s’active que lorsqu’un effet est utilisé seul permet des effets spéciaux (très) intéressants.
Certaines sections disposent de plus de réglages, d’autres sont très sommaires. La réverbe n’offre, en plus du « lead level », que le niveau d’envoi dans le mix et le choix entre 30 « types » différents, ce qui laisse tout de même de quoi voir venir, ces variations jouant aussi bien sur la couleur que sur la durée. Si cette approche a le mérite d’être simple (tout le monde ne sait pas à quoi correspondent les différents paramètres d’un délai ou d’une réverbe), ils sont parfois frustrants pour qui est habitué à régler un effet. D’autant que les types sélectionnables ne sont identifiés que par des numéros et pas des noms, ce qui rend leur identification difficile et demandera souvent de tous les essayer.
Le VoiceLive Touch réclamera donc un certain temps de préparation de ses presets avant d’aller sur scène. Si les sons d’usine sont souvent très bons, ils pourront exiger au moins d’ajuster les niveaux.
Choeurs qui carburent
La grosse part du gâteau est tout de même l’harmoniseur. D’ailleurs, 8 touches lui sont intégralement dédiées dans l’interface. Il permet d’ajouter d’autres voix à votre chant (par exemple à la tierce, à l’octave) pour faire comme si que vous aviez embauché toute une chorale. Ou au moins un groupe vocal. Là, les réglages sont plutôt évolués : on dispose de 15 « styles » différents, on peut activer et désactiver à volonté chaque voix et chacune dispose de son réglage de volume, de panoramique et de « genre » (en fait, le formant).
L’harmoniseur peut fonctionner de façon « libre », suivre une gamme et une tonalité (soit globale, soit différente par preset) ou être contrôlé par une source extérieure (un mix complet, une guitare ou un clavier MIDI) pour que les voix d’harmonies soient justes avec le morceau joué (par exemple, choix entre la tierce majeure ou mineure). Notez qu’à l’opposé de son « grand frère » le VoiceLive 2, le VoiceLiveTouch ne permet pas de rentrer une gamme personnalisée, mais ça devrait rarement poser de problème (peut-être aux jazzmen).
Cet harmoniseur est redoutable. Il permet d’obtenir soit des choeurs légers aptes à simplement épaissir une partie de chant, soit de réaliser des effets transformant totalement votre voix. Il est notamment possible de l’utiliser comme octaveur, en haut comme en bas qui permettra à un homme de chanter comme une diva d’opéra ou comme un méchant de film de SF. Bien sûr, la voix est ainsi dénaturée. L’option « diva » ne vous permettra pas de faire croire que Nathalie Dessay est venue en guest, mais l’effet est tout à fait utilisable en un clin d’oeil.
Bon, et la guitare dans tout ça ? Elle peut être utilisée de deux façons et le simple branchement d’un jack change la donne. Très malin ! On dispose pour la guitare d’une sortie (thru). Si on y branche un jack, ce qui est joué à la guitare contrôle les harmonies, mais la guitare n’est pas audible sur la sortie principale (celle du chant) : elle ressort inchangée et peut être envoyée vers des pédales d’effet ou un ampli. Si l’on ne branche rien dans cette prise, la guitare passe par des effets et est mixée avec le chant sur la sortie principale. Elle peut aussi être utilisée dans le looper que nous verrons plus loin. Ce système permet différentes configurations. La seconde solution est par exemple excellente pour un chanteur-guitariste acoustique qui fait un spectacle solo tandis que la première sera la préférée des fondus de pedal-boards chargés.
Mais il est temps de nous intéresser au looper
Looper pas loupé
Avec l’harmoniseur, le looper est le second gros morceau du gâteau. La preuve est que pratiquement la moitié de la documentation lui est consacrée, y compris une demi-douzaine de pages de conseils (très bien vus) sur le looping vocal. Serait-ce l’atout principal du produit ? Rappelons rapidement ce qu’est un looper : c’est un système d’enregistrement qui permet d’empiler des boucles. Si vous êtes doué avec votre voix, vous pouvez ainsi réaliser en live une instrumentation complète. Le mieux est de regarder par exemple ce qu’en fait Didier Lockwood dans cette vidéo :
Ou encore ce qu’en fait ce démonstrateur (doué) :
Non seulement le looper du VoiceLive Touch est bien fichu, mais ses possibilités sont assez vastes et intéressantes. L’utilisation la plus simple consiste à utiliser les deux boutons qui lui sont dédiés : un pour enregistrer, l’autre pour arrêter ou (re)lancer la lecture. À ceci s’ajoute un « undo » qui permet d’effacer la dernière boucle ajoutée. Classique et efficace.
Mais le VoiceLive Touch propose deux modes très intéressants qui le rapprochent d’un sampleur de phrase : le mode « loops » et le mode « shots ». Dans le premier, on affecte des boucles à des emplacements mémoire et on peut ensuite les enchaîner de façon synchronisée, en passant librement de l’un à l’autre façon groovebox. Ce mode est vraiment bien fichu et efficace en live : si vous passez à un emplacement vide, la boucle précédente y est copiée (ce qui évite un blanc), mais vous pouvez aussi vider un emplacement pendant que vous enregistrez sur ce même emplacement, ce qui permet par exemple d’enregistrer un solo sur un accompagnement, puis de ne jouer que le solo seul pour faire un break.
Le mode shots est un peu différent. Là, on affecte les boucles aux boutons normalement dévolus aux presets favoris et les boutons deviennent alors comme des pads de sampleur en mode trigger : un appui déclenche la lecture du début de la boucle, qui s’arrête si on relâche ou en déclenche une autre. De quoi jouer de véritables patterns rythmiques ou remixer vos propres boucles. Notez que le VoiceLive ne dispose pas de mémoire permanente : tout est à faire en live.
En tous cas, ce looper est vraiment bien fichu. Et plutôt facile à utiliser, ce qui n’est pas forcément le cas du VoiceLive en général…
Tactique du tout tactile : talent, mais talon d’Achille
L’interface du VoiceLive Touch est « tout tactile ». Très à la mode ! En regardant l’appareil, on se dit que c’est une bonne idée pour un truc destiné à la scène : pas un entourage de boutons pour ramasser de la poussière et l’humidité, pas un potard dont le cabochon risquerait de sauter sur un choc… Bref, rien de mécanique. Sauf que je suis réservé sur le choix du tout tactile pour la scène.
Le gros intérêt du tactile est d’interagir avec des interfaces changeantes. Si celle du VoiceLive avait été un écran tactile, changeant d’affichage en fonction des fonctions utilisées, j’aurais sans doute crié au génie. Mais l’interface du VoiceLive Touch n’est pas un écran. C’est une simple surface lisse où les « boutons » sont sérigraphiés. Et là, on ne voit plus trop l’intérêt par rapport à des boutons classiques qui permettent de manipuler un appareil familier pratiquement sans le regarder. Un bouton classique permet d’y garder le doigt posé tout en regardant le public et de donner la pression nécessaire juste au moment de déclencher, votre doigt vous renvoyant alors la sensation que vous avez bien appuyé. Avec l’interface tactile, c’est impossible. Non seulement le déclenchement se fait dès le contact, mais il est nécessaire de regarder pour appuyer au bon endroit, sur le bon bouton (et pas entre-deux ou sur deux à la fois) et seule une information visuelle (l’allumage d’une led sur le VoiceLive) vous indique que vous avez bien « appuyé ». De plus, sur le VoiceLive, quelques potards pour pouvoir régler des effets en un tournemain auraient été bienvenus.
Au lieu de ça, tous les réglages se font avec un slider horizontal. Celui-ci est très bien fichu : c’est la seule partie de l’interface où le tactile est un réel plus, irremplaçable par un bouton classique. En glissant lentement le doigt dessus, on fait défiler des paramètres. Mais si on le fait glisser vivement, les chiffres défilent rapidement, puis ralentissent, comme si on avait lancé une roue. Un simple tap arrête le défilement. Ce slider est entouré de deux flèches, lesquelles offrent différentes fonctions.
Mais le problème du VoiceLive est aussi dans l’abus qui est fait de ce slider. Il sert à toutes les sauces et beaucoup de fonctions s’obtiennent par une « combinaison » de touches avec le slider plus un autre « bouton ». Cette approche où il fait en quelque sorte office de touche shift ou contrôle ne serait pas forcément idiote si des sérigraphies rappelaient les combinaisons, ce qui n’est pas le cas. Moralité, pendant les premières heures d’utilisation, il faut sans arrêt rouvrir la doc pour se rappeler des commandes basiques ! Agaçant.
Dernier point : l’affichage se fait par une fenêtre de leds trop petite pour afficher les noms complets de presets ou de paramètres, lesquels doivent donc défiler. Cet affichage n’est pas un modèle de lisibilité. Mais pourquoi donc ne pas avoir mis un simple écran LCD de quelques lignes ?
L’interface n’est donc vraiment pas la plus grande réussite du VoiceLive Touch. Entendons-nous bien : il ne pose aucun problème pour l’utilisation sur scène. Mais pour le paramétrage et les fonctions plus complexes ou celles que vous n’utilisez pas souvent, il faudra garder la doc à portée de mains. Les deux d’ailleurs, car la Française et l’Anglaise (toutes deux à télécharger) se complètent et quelques informations présentent dans l’Anglaise m’ont semblé manquer dans la française. Au final, le VoiceLive Touch est un paradoxe : très simple et accessible sur certains points, il devient complexe pour les fonctions évoluées.
Ajoutons, concernant l’interface, qu’il existe un pédalier en option avec 3 switchs qu’on peut affecter à son goût (particulièrement recommandé pour le looper). Celui-ci affiche un prix public de 50 €.
Et ça sonne ?
Oui, clairement. Ça sonne même très bien. La partie effet guitare est particulièrement bien adaptée pour une guitare acoustique. Quant à tous les effets dont on dispose pour la voix, il n’y a rien à redire : c’est propre, efficace… Bref, comme toujours chez TC-Helicon (enfin, ceux de leurs produits qui sont passés entre mes mains), le son est impeccable.
Trop ? Question de goût, mais au mien, oui, un peu trop. Le VoiceLive Touch offre un son très propre et très produit, orienté grosse prod nord-américaine. Ce qui est une véritable plus pour beaucoup de musiciens, mais pourra ne pas être au goût de tous. Question de style. Notez cependant que si vous faites des petites scènes avec des sonorisations médiocres (et souvent pas de sonorisateur), cette qualité sonore facile à diffuser est une véritable aubaine et son côté très produit donnera un indéniable vernis pro à votre prestation.
Voici les quelques exemples audio réalisés modestement par votre serviteur. Des vidéos de démonstration sont disponibles sur le site de TC Helicon et leurs démonstrateurs sont autrement plus talentueux !
- l’homme presse00:35
- Emmenez-moi00:35
- 5e element00:04
- clandestino00:22
- petit navire00:20
Conclusion
Enthousiasmé au départ par le concept, je suis au final un peu mitigé sur le VoiceLive Touch qui mélange des aspects vraiment excellents et des scories agaçantes. De ce côté, je ne suis pas franchement convaincu par l’interface tactile et je suis passablement surpris de certaines lacunes d’ergonomie (à côté de belles trouvailles) et par certaines complexités. Mais le VoiceLive Touch est aussi bourré de qualités : en plus de sa qualité sonore irréprochable, de l’intelligence de certaines fonctions et de l’étendue de ses possibilités (dont beaucoup n’ont pu être évoquées ici faute de place), il offre surtout un harmoniseur performant et un excellent looper. Ce sont surtout eux qui justifient l’achat. À l’époque où je me produisais au chant + guitare, seul ou en duo, j’aurais été vraiment ravi de disposer d’un tel produit.