5 ans après le VE-500, 8 printemps après le VE-8 et 15 longs hivers après le VE-20, Boss a lancé il y a quelques semaines le dernier membre de sa série de multieffets pour chanteurs(ses), le VE-22. Dans un marché où la concurrence ne se bouscule pas ces derniers temps et où les innovations se font attendre, ce nouveau Vocal Performer va-t-il réveiller le marché ?
Des pieds et des mains
Le Boss VE-22 nous est arrivé dans une belle boîte en carton rouge et blanche, avec à l’intérieur ce nouveau petit animal, quelques documents et quatre piles AA. Car oui, première bonne surprise, ce VE-22 est parfaitement nomade et Boss tient ses promesses en annonçant une autonomie de six heures avec l’alimentation fantôme et neuve si vous utilisez un micro dynamique. Nous avons réalisé la totalité des tests avec notre Telefunken Elektroakustik M81 sans avoir à brancher l’appareil sur secteur ni à changer les piles et lorsque l’indicateur de batterie faible est apparu à l’écran, nous avons encore bénéficié d’une bonne marge de presque deux heures en l’allumant et en l’éteignant plusieurs fois. Avec deux jeux de piles rechargeables, vous pourrez donc emmener ce VE-22 partout et assurer de longs sets, c’est pratique et écologique. Les piles se chargent par le dessous, en quelques secondes tout est prêt.
Remettons maintenant la bête à l’endroit pour voir de quoi elle retourne. Le VE-22 est un boîtier rouge légèrement scintillant, assez compact, qui mesure 218 × 143 × 64 mm et pèse 910 grammes. Même s’il est annoncé comme le successeur du VE-20, on constate d’emblée que son look est bien éloigné de cet ancêtre de plus de 15 ans maintenant et s’inspire plutôt du VE-8, le processeur pour voix et guitare acoustique que Boss avait présenté en 2016, tout cela ne nous rajeunit pas. On reconnait la partie inférieure inclinée, les trois gros footswitches avec leurs LED dont on retrouve dorénavant le code couleur à l’écran et autour des trois potards de réglage dont nous allons longuement parler dans un instant. Le petit écran LCD couleur de 320 × 240 points est facilement lisible, mais aurait probablement mérité d’être un peu plus grand ; d’autant qu’il y avait de la place, le réglage de niveau ligne/casque se trouvant esseulé sur sa gauche alors qu’il aurait pu être installé avec ses comparses à sa droite. Mais ne boudons pas notre plaisir, c’est le premier de la série à bénéficier d’un affichage de cette qualité.
À droite donc de l’écran, nous trouvons, en partant du haut à gauche, un potard pour naviguer dans les presets et valider ses choix, deux petites touches pour entrer et sortir du menu, verrouiller les réglages pour éviter toute modification accidentelle, accéder à la section de dynamique et d’égalisation et enregistrer les paramètres dans les presets en appuyant simultanément sur les deux touches.
En dessous, nous trouvons trois autres potards pour gérer les trois effets d’harmonie, de délai/réverbe et les Effects, une section plus fournie et créative qui inclut même des combinaisons, mais nous en reparlerons dans le chapitre suivant. Pour les trois encodeurs dédiés aux effets, Appuyer/tourner permet de choisir rapidement le type de traitement et en appliquant une double pression, on accède directement à l’édition des paramètres. Pas besoin donc de repasser à chaque fois par le menu quand on a besoin d’effectuer un réglage à la volée. Petit point négatif, lorsque vous arriverez au bout de la sélection, il vous faudra tourner les encodeurs dans le sens antihoraire, car même s’ils sont sans fin, vous n’irez pas plus loin et ne reviendrez pas à la case départ. Dommage.
Enfin, une simple rotation permet d’effectuer des incrémentations unitaires, mais en cliquant/tournant, le défilement se fera par paliers de dix unités, on apprécie le gain de temps. À l’exception du réglage de niveau, les potentiomètres sont entièrement crantés. Tous tiennent fermement sur leur axe, on reconnait là la qualité de fabrication de Boss.
Les trois footswitches Harmony, Effect et Echo sur la partie inclinée sont de très bonne facture, bien fermes, et même s’ils sont plutôt destinés à être pilotés du bout du pied, vous pourrez vous muscler les mains, car ils ne requièrent pas un gros débattement pour faire leur office. Par défaut, ceux du milieu et de droite servent à changer de preset mais si vous souhaitez piloter séparément chaque effet au pied, vous devrez activer le mode Manual en appuyant simultanément sur ces deux contrôles. Il vous faudra alors changer de preset avec le potard Memory ou basculer à chaque fois entre les modes Manual et Memory, un coup de pied à prendre. Ces deux footswitches Effect et Echo vous servent également à gérer le looper, dont nous allons évacuer le sujet dès maintenant, car avec seulement 37 secondes et aucune mémoire pour sauvegarder ses boucles, c’est certes un petit outil pratique quand on veut travailler des passages ou chercher des idées, mais il nous semble davantage être un gadget qu’un véritable atout.
Enfin, en appuyant simultanément sur les footswitches Harmony et Effect, vous pourrez bypasser tous les effets quand vous vous adresserez à votre public entre deux morceaux. Y aurait-il eu une façon plus pratique de gérer cette fonction ? Un appui long ou une double pression sur le footswitch Harmony aurait peut-être été plus simple, mais cela restera du goût de chacun. Boss a également fait un choix quelque peu déroutant : ce footswitch permet d’activer et de désactiver certains paramètres des deux autres types d’effets lorsque le VE-22 est en mode Memory, pour varier le niveau de la réverbe ou activer une saturation par exemple au milieu d’un passage. Boss précise qu’il est possible de reporter cette configuration sur une pédale de contrôle externe, en gérant cette fois jusqu’à huit paramètres simultanés. On se dit alors que ce VE-22 est peut-être un peu trop petit en termes de pilotage pour tout ce qu’il a à offrir et que Boss a dû faire des compromis, quitte à sacrifier la cohérence et l’ergonomie…
Voilà donc pour la façade, allons maintenant voir ce qu’il se passe à l’arrière.
Le VE-22 propose évidemment une entrée micro sur XLR avec un petit réglage de gain et un commutateur d’alimentation fantôme de 48 V pour ceux et celles qui utilisent des micros électrostatiques ; deux sorties droite et gauche/mono sur XLR, une sortie casque/ligne et une entrée auxiliaire sur mini-jacks de 3,5 mm (avec un niveau d’entrée nominal de –20 dBu, celui de l’entrée micro étant de –40 dBu), une entrée pour deux footswitches ou une pédale d’expression externe sur jack de 6,35 mm, un commutateur de marche/arrêt toujours bienvenu, surtout pour économiser les piles, un port USB C et une prise pour bloc secteur externe uniquement compatible avec les modèles Boss de série PSA-S.
Nous sommes restés perplexes devant cette configuration. Le VE-22 fonctionne sur piles et nous en sommes ravis, mais l’alimentation secteur n’est pas incluse et le port USB C, qui de nos jours permet d’alimenter bon nombre d’équipements audio, ne sert ici que d’interface pour votre ordinateur ou votre smartphone/tablette et le câble n’est pas fourni non plus. Étrange choix de la part de Boss et une vraie déconvenue au moment d’installer le pilote sur notre Mac (il est aussi compatible avec Windows, ainsi que les récents iPhone et iPad). Certes, il est compatible avec les processeurs Intel et Silicon, mais le fichier « Readme » précise « Démarrez l’ordinateur en ayant pris soin, au préalable, de déconnecter tous les câbles USB (à l’exception de ceux du clavier et de la souris). » En plus de vingt-cinq ans dans l’informatique et l’audio, nous n’avons jamais dû débrancher le moindre dispositif USB de notre ordinateur pour installer un driver. Et au redémarrage, le clavier et le trackpad étaient gelés, il a également fallu débrancher et rebrancher le clavier pour reprendre la main. Nous sont soudainement revenus des souvenirs de Windows ME au siècle dernier…
Passées ces interrogations, allons mettre les mains dans la bête.
Un joli petit bolide
Le Boss VE-22 va beaucoup plus loin que ses prédécesseurs en ce qui concerne les réglages et on le constate dès l’ouverture du menu : les effets bien entendu, mais aussi la configuration des signaux envoyés dans les sorties XLR et USB, à choisir entre dual mono, stéréo et dry/wet, bien vu, surtout si vous enregistrez vos prouesses vocales dans votre STAN ! Les niveaux des effets et de la sortie, le coupe-bas pour le micro, l’assignation des paramètres aux footswitches/pédale d’expression externes, la gestion de la mémoire de presets, le loopback si vous utilisez le processeur avec votre ordinateur et souhaitez réinjecter le son provenant de ce dernier dans le VE-22 pour le traiter ; vous pourrez même choisir de n’activer momentanément les effets que lorsque vous gardez le pied sur les footswitches ou les faire résonner par une simple pression, de façon standard.
Pour gérer tout ce beau monde, on utilise les quatre potentiomètres, un coup de main à prendre, mais on comprend rapidement le fonctionnement : Memory sert à faire défiler les lignes et les pages et en cliquant sur les trois potards d’effets, on sélectionne les options, chaque ligne en comprenant trois au maximum. On utilise donc Harmony pour l’option de gauche, Effect pour celle du milieu et Echo pour celle de droite. Une fois entré dans le menu de chaque option, on opère de la même façon et on tourne ou clique/tourne les trois encodeurs pour modifier les valeurs de chaque réglage proposé. Une fois la configuration terminée, on la mémorise, sinon tout est perdu lorsqu’on change de preset ! La mémoire de presets s’ouvre et commence alors le laborieux processus de saisie du nom personnalisé, qu’il faut accomplir avec les trois potards d’effets. Échauffez bien vos poignets et vos doigts, car vous allez en faire des tours dans un sens, puis dans un autre. Cela donne à ce VE-22 un petit air de processeur des années 2000 et l’on se prend à rêver d’un écran tactile. Pas de problème me direz-vous, puisque ce VE sert d’interface audio, on va pouvoir gérer tous ces réglages avec un éditeur logiciel, c’est la norme aujourd’hui. Eh bien non, pas d’appli, pas de logiciel, encore une chose qui nous laisse perplexe, d’autant que le VE-500 a eu droit au sien et que l’on voit bien que Boss a repris une partie de ses paramètres dans ce VE-22… Pour être tout à fait complets, sachez que le VE-22 propose 50 presets préprogrammés, identifiés par un « P » avant le numéro du preset à l’écran, et que vous avez droit à 99 mémoires utilisateur, que vous identifierez grâce à la lettre « U ».
Nous l’avons dit dans le chapitre précédent, le Boss VE-22 présente quatre sections de traitement : Harmony, Effect et Echo qui constituent les presets, et la section de dynamique et d’égalisation que vous pouvez régler séparément pour chaque preset (attention à bien effectuer une mémorisation à chaque fois, sous peine de perdre les paramètres). La partie dédiée à la dynamique comprend un compresseur, un enhancer, un dé-esseur et une fonction de suppression de bruit ; l’égaliseur offre quant à lui trois bandes avec un balayage des médiums.
La section de dynamique est située en première place du bloc de traitement du signal, suivie des harmonies, des Effects, du réglage de volume, des délais/réverbes et du niveau de sortie. Le looper est divisé en deux parties : une première Check avant cette section pour vérifier le son avant l’application des effets et la seconde après le bloc de traitements, avec les effets donc. Notez que tout ceci est fixe, vous ne pourrez donc pas réorganiser la chaîne si vous avez envie, par exemple, d’appliquer une saturation ou un flanger après la réverbe. Pour finir avec cette visite des entrailles, notez que la conversion N/A se fait en 32 bits et celle A/N en 48 bits avec en sus une technologie maison baptisée AF, pour Adaptative Focus et non pas Audiofanzine. Celle-ci permet de réduire le rapport signal/bruit des convertisseurs. Le traitement interne se fait en 32 bits à virgule flottante et la fréquence d’échantillonnage est de 48 kHz.
Mais il est temps de passer au plat de résistance et de découvrir les trois sections principales de ce VE-22.
Singing in the Red
Le Boss VE-22 propose 39 types d’effets au total, avec des harmonies bien sûr, des effets de délai et de réverbe et une catégorie Effect plus créative qui va de la distorsion au slicer en passant par les traditionnels chorus, vibrato, phaser, flanger, mais aussi des effets lo-fi et de radio, et même des combinaisons alliant distorsion et chorus ou flanger ou phaser, etc. Nous avons apprécié la variété et avons même eu quelques bonnes surprises, notamment le modulateur en anneau qui pourra soit conserver la même hauteur tonale, soit suivre les notes que vous chantez.
Restons un instant dans cette dernière catégorie, car nous avons été étonnés de trouver un délai court, alors que la catégorie Echo est faite pour cela, et surtout un correcteur de hauteur tonale qui pourra servir aussi bien à ajuster une voix un peu bleue qu’à appliquer un effet de hard-tune plus robotique, quatre options étant ici disponibles. Ce traitement occupe donc un slot à lui seul et n’est pas disponible séparément, empêchant ainsi d’utiliser d’autres effets créatifs. Idem pour le délai court. Encore un choix bien étrange de la part de Boss. Autre chose désagréable, le niveau sonore entre les effets de cette catégorie est très disparate, nous avons sursauté plusieurs fois sous notre casque en passant d’un traitement à l’autre. Vos tympans étant précieux, nous avons homogénéisé les niveaux dans les extraits suivants, mais prenez garde quand vous utiliserez le processeur chez vous :
- Boss VE-22 Effects Light00:20
- Boss VE-22 Sat_Lo-fi00:47
- Boss VE-22 Pitch Correction00:50
Côté Echo, on retrouve les délais et les réverbes traditionnels, avec des réglages de niveau, de temps, de feedback ou encore de préretard. Par contre, nous avons été ébahis de constater que les queues de réverbe se coupent brutalement lorsque l’on change de preset, une chose que l’on ne pensait plus entendre en 2024…
Passons enfin aux harmonies, avec cette fois une présélection réalisée par Boss comprenant deux ou trois voix doublées, une quarte inférieure, une tierce supérieure, une quatre inférieure et un double, une tierce supérieure et un double, une sixte et une quatre inférieures, une tierce supérieure et une quatre inférieure ainsi qu’une tierce et une quinte supérieures. Si rien de tout cela ne vous convient, un mode Manual permet de faire chanter vos choristes virtuels comme vous le souhaitez, une configuration que vous pourrez sauvegarder séparément pour chaque preset.
Chaque voix d’harmonie bénéficie ici encore de différents réglages, notamment le niveau, le panoramique, le délai, le vibrato, la profondeur et surtout le formant, si vous préférez être accompagné(e) de voix plus masculines ou féminines. Deux voix donc, mais pas davantage. Si vous vouliez un chœur grégorien ou une chorale d’enfants, il faudra aller voir ailleurs. Pas grand-chose à dire en ce qui concerne la qualité, ce sont des voix synthétisées, avec leurs limites dont nous parlons à chaque fois. Veillez à ne pas trop les mettre en avant dans votre mixage et à bien choisir les hauteurs en fonction de ce que vous chantez pour qu’elles ne sonnent pas de façon trop artificielle :
Terminons cette présentation des harmonies en pointant du doigt l’éléphant dans la pièce, comme disent les anglophones. Le VE-22 ne dispose pas d’entrée pour instrument, ni de capteur/microphone, ce qui signifie qu’il n’a aucun moyen de détecter automatiquement la tonalité de votre morceau, une fonctionnalité que certains concurrents ont intégrée depuis belle lurette. C’est donc vous qui devrez la configurer manuellement, pour chaque preset. Cela ne posera pas de problème à certains(es), mais si votre morceau comporte des modulations ou que vous décidez de baisser la tonalité de votre répertoire avant le concert parce que votre voix est fatiguée, vous devrez à nouveau jouer du potard ou préparer une jolie chorégraphie pour changer de preset entre votre refrain et votre pont, en n’oubliant pas que cette bascule, que vous devrez peut-être effectuer en un quart de seconde, décapitera la queue de réverbe du preset initial.
Une dernière remarque concernant la gestion du tempo, une fonction indispensable pour ajuster les répétitions du délai ou la fréquence du slicer ou du chorus. Certes, le réglage manuel est possible, mais si vous voulez un tap tempo, c’est une fonction un peu perdue dans les limbes, que vous devrez assigner au footswitch Harmony, au détriment d’une autre. Encore un compromis que nous trouvons malheureux. Et qui dit tap tempo dit métronome pour le looper ? Eh bien non, il n’y en a pas. Quand on vous dit que c’est un gadget…
Terminons par un petit florilège de presets pour ne pas rester sur une note négative :