Après avoir développé le duo Airbase / Xbase pour simuler le son des boîtes à rythmes vintage, Jomox revient en force avec le Sunsyn, un synthétiseur hybride polyphonique dont les spécifications techniques et la souplesse théorique sont très prometteuses. Ça va chauffer !
(Test initialement paru en juin 2002)
Disparus au début des années 80, les synthétiseurs analogiques polyphoniques font un léger come-back ces derniers temps. Mais s’ils se comptent encore sur les doigts de la main, ils font d’autant moins légion en France, avec une distribution qui s’apparente souvent à la stabilité des bons vieux VCO. Ainsi, l’A6 d’Alesis a su trouver sa route jusqu’à notre studio, mais les Omega de Studio Electronics sont restés de l’autre côté du périphérique ou de l’Atlantique. Après plus d’une année de safari, nous sommes enfin parvenus à capturer le Sunsyn, une machine aux spécifications techniques alléchantes annoncée depuis plusieurs années. Parviendrons-nous à dompter la bête ?
Ergonomie de premier abord excellente
Présentée sous forme de console rackable, le Sunsyn est une solide machine carrossée dans une coque métallique aux flancs en bois. Son panneau de commandes est une invitation aux voyage sonore, avec pas moins de 40 potentiomètres rotatifs, 43 interrupteurs, 85 leds, un écran de contrôle 2 × 24 caractères et un afficheur numérique à 3 leds / 7 segments. L’utilisation en rack nécessite de laisser libre une unité de part et d’autre des 6 U de la machine pour une ventilation correcte. En effet, le Sunsyn chauffe beaucoup, il porte bien son nom ! L’ergonomie semble, de premier abord, excellente, avec une large partie de commandes directes et le reste par menus locaux (section RCO) ou globaux (via les 4 touches de fonction et les 4 potentiomètres associés situés sous le LCD).
Hélas, la machine n’est pas exempte de bogues, loin s’en faut : dans certains cas, l’appui sur un bouton sans fonction ouvre inopinément une autre page menu, la touche « exit » ne fonctionne pas toujours, l’encodage se fait uniquement par incrémentation même si on décrémente… un bâclage incompréhensible. Le panneau arrière est très complet, avec une prise casque, une paire de sorties stéréo, 8 sorties séparées (toutes symétriques, à +4 dBu), une paire d’entrées audio / CV stéréo, un trio Midi, une borne pour câble secteur et une interface PCMCIA. Le Sunsyn gère des cartes jusqu’à 16 Mo pour stocker 350 programmes, 150 multitimbres, 63 tables d’ondes et des formes d’ondes.
Qualité sonore indéniable
Le Sunsyn offre une diversité sonore assez exceptionnelle, avec des sons très pêchus, chauds et gras. On trouve des basses hyper résonantes, des nappes denses et brumeuses, de grosses synchros avec balayage d’enveloppe plus ou moins rapide, des effets évolutifs, des solos agressifs et des effets spéciaux. Mais si le souffle existe bien sans être trop problématique, il n’en est pas de même des nombreux crépitements involontaires qui apparaissent çà et là et qui ressemblent à tout sauf à un son analogique. Une qualité sonore indéniable mais une qualité audio douteuse…
Chacune des 8 voix de polyphonie comprend 2 VCO analogiques purs couplés à 2 RCO numériques, une entrée audio stéréo et un générateur de bruit. Les VCO travaillent sur une étendue de 2 à 32 pieds. Ils sont capables de produire une onde en dent de scie ou une onde rectangulaire à impulsion variable. Les 2 VCO peuvent être synchronisés, ce qui est très utile pour des solos coupants. Une fonction « Restart » permet de faire repartir les VCO à leur position zéro lorsqu’ils sont déclenchés, ce qui donne une pêche additionnelle. Une heureuse procédure d’accordage automatique permet de calibrer les 16 VCO en moins de 10 minutes. Les RCO sont des oscillateurs numériques complexes qui viennent compléter les VCO (voir encadré). Enfin, le générateur de bruit produit du bruit blanc ou rose. Le signal mixé attaque alors un VCF puis un VCA purement analogiques.
Filtre transformiste
Très élaboré, le filtre du Sunsyn est un modèle purement analogique résonant. Sa grande spécificité tient aux possibilités d’accès à ses 4 pôles. Montés en série, chacun dispose d’une courbe de réponse passe-bas ou passe-haut et d’un décalage de la fréquence de coupure. Ainsi, il est possible de se fabriquer une infinité de courbes de réponse, en passant continuellement par les modes passe-bas de 1 à 4 pôles, passe-bande 1 ou 2 pôles et passe-haut de 1 à 4 pôles, le tout sans quitter le domaine analogique. Magnifique ! Le filtre possède également un tracking clavier.
Autre conception heureuse, le mise en service du mode 2 pôles maintient la résonance sur les 4 pôles, ce qui permet d’obtenir des réponses ultra-résonantes même avec un nombre réduit de pôles, contrairement aux autres machines analogiques du marché dont la résonance décroît avec le nombre de pôles. A nous les possibilités d’auto-oscillation dans tous les modes de réponse, un luxe que nous apprécions ! Mieux, le Sunsyn autorise le morphing entre 2 profils de filtrage. Sont affectés la fréquence de coupure, la résonance, les offsets des 4 pôles, les modes des 3 premiers pôles, ainsi que les segments ADS de l’enveloppe. Le passage continu entre les 2 profils, en milieu analogique pur, est assuré par un bouton dédié assignable à la molette de modulation ou à un contrôleur Midi. Un must ! Au global, 256 programmes utilisateur sont disponibles.
Modulations généreuses
Pour moduler le son, on dispose de 2 enveloppes ainsi que 2 LFO. Les enveloppes ADSR sont générées par de purs circuits discrets qui leur confèrent une détente ultrarapide et une large plage d’action. Avec des temps courts, on entend des clicks, preuve de leur rapidité. Chacune des enveloppes est assignée au filtre et à l’amplificateur, en plus des destinations matricielles. Les LFO sont générés numériquement. Ils possèdent 5 formes d’ondes et peuvent être synchronisés à l’horloge interne ou Midi. Très étendue, leur plage d’action varie de 0.015 Hertz (très lent) à 121 kHz (niveau audio). Mais le clou, c’est sans conteste la puissante matrice de modulation à 4 cordons par voix, qui vient compléter les assignations fixes habituelles, telles qu’enveloppe sur filtre.
Chaque cordon comporte 2 sources simultanées, un modificateur et une destination, tous à 8 éléments. La première source comprend la dent de scie du VCO1, l’impulsion du VCO1, le RCO1, l’enveloppe 1, la tension de la note du VCO1, la voix précédente du VCO2, le bruit et le LFO1. La seconde source comprend les mêmes paramètres, mais pour les seconds éléments, à part le bruit remplacé par l’entrée audio. L’intensité de la modulation est assurée par les modificateurs : dent de scie du VCO1, impulsion du VCO2, enveloppe 1, enveloppe 2, RCO1, LFO1 et LFO2. Par ailleurs, 4 contrôleurs Midi et 8 destinations de modulations par la vélocité peuvent aussi entrer dans la danse. Les destinations finales sont la FM sur le VCO1, la FM sur le VCO2, la largeur d’impulsion du VCO1, celle du VCO2, la coupure du VCF, la résonance, le signal externe sur le VCF et le volume du VCA. On peut ainsi se fabriquer un modulateur en anneau, une cross-modulation entre les VCO, de la synthèse AM et de la synthèse FM purement analogiques. Incroyablement puissant !
Toujours pas multitimbral !
Dans le Sunsyn, chaque voix possède ses propres générateurs, filtres et modulateurs. En fait, le mode programme est un dérivé d’un mode multitimbral où toutes les voix possèdent les mêmes réglages. C’est du moins ce que prétend le mode d’emploi, car ce qui suit est pour l’instant de la pure fiction : lorsqu’il sera développé, le mode « Multi » permettra au Sunsyn de piloter 8 canaux indépendants avec allocation dynamique des voix. Une fois un canal sélectionné, le programme correspondant pourra être édité dans son contexte multitimbral. Pour chaque canal, on pourra sélectionner le numéro de programme, le canal Midi, le volume et la sortie audio. Mais rien concernant des fenêtres programmables de tessiture et de vélocité comme sur les machines numériques modernes. Autre limitation déjà documentée, l’utilisation ou non de la synchronisation VCO / RCO sera globale pour les 8 canaux. La mémoire utilisateur renfermera 128 multitimbres programmables. Pour en terminer avec cette catégorie « Espoirs », le Sunsyn sera doté d’un petit arpégiateur pouvant agir sur 5 octaves, avec 4 motifs élémentaires et synchronisation Midi.
Un goût amer
Le Sunsyn nous a laissé une double impression : la puissance sonore est bien là, tant par la chaleur et la patate des sons produits que par les possibilités de filtrage et de modulation. Hélas, la machine souffre de gros handicaps : la qualité audio est moyenne, avec beaucoup de parasites pas très analogiques et des fonctions vitales longtemps promises peinent à voir le jour. Pire, certaines pages menu sont boguées. Cela aurait passé si le Sunsyn était une machine nouvelle, mais après trois années d’exploitation et dans cette gamme de prix, c’est inadmissible ! Ceci dit, les inconditionnels d’analogiques pure race trouveront peut-être ces défauts tout à fait surmontables et l’écoute de la machine les convaincra sans leur laisser, contrairement à nous, un goût amer.