Le JX-08 est le premier module de la série Boutique équipé du moteur ABM, faisant suite au JU-06A doté du moteur ACB. Avec une polyphonie accrue et une bitimbralité, cette modélisation de JX-8P a-t-elle conservé la qualité de modélisation de la précédente série ?
On pensait la série Boutique en confinement depuis le JU-06A, mais Roland a présenté simultanément deux nouveaux modules fin 2021, le JD-08 et le JX-08, modélisant deux célèbres synthés d’hier et d’avant-hier de la marque, respectivement le JD-800 et le JX-8P. Retour au 21e siècle. À la grande différence des premiers modules Boutique qui utilisaient une modélisation précise des composants au détriment de la polyphonie (l’ACB), ces nouveaux synthés incorporent le moteur ABM, développé pour la plateforme Zen-Core équipant les nouveaux synthés et workstations de la marque. Résultat, une polyphonie sérieusement accrue et une puissance réaffectée à d’autres fonctions. Question corollaire immédiate, la précision de la modélisation a-t-elle suivi ? Dans ce test, nous allons répondre à cette question pour le JX-08, modélisation du JX-8P sorti en 1985. Nous avons testé le synthé en V1.02.
Commandes bien pensées
Le JX-08 reprend la conception commune aux différents modèles de la série Boutique. C’est un module ultra compact (300 × 128 × 47 mm pour 900 g), pouvant être monté dans une station d’accueil clavier ou boîtier (voir encadré). En dépit de sa petite taille, il n’a rien d’un gadget : la façade et l’arrière sont constitués d’une même tôle pliée bien solide ; seuls le dessous et les côtés sont en plastique. Les commandes sont de bonne facture et agréables à manier, que ce soit les 28 poussoirs (dont 5 rétroéclairés), les 11 interrupteurs (à 2–3–4 positions), les 17 curseurs linéaires (20 mm) ou les 10 rotatifs parfaitement ancrés (9 potentiomètres et un encodeur-poussoir pour la navigation). Les commandes occupent tout l’espace disponible, exit les rubans verticaux, tant mieux. Leur taille et leur disposition constituent pour nous le meilleur compromis de toute la série Boutique, entre le JP-08 très surchargé et le JU-06A assez dépouillé.
Prise en main instantanée
À part l’entrée horloge (permettant aussi de faire avancer les pas du séquenceur) placée en façade, la connectique est située à l’arrière : interrupteur secteur, port USB C (alimentation, Midi et audio, nécessitant l’installation d’un driver), mini-potentiomètre de volume, sortie casque, sortie ligne, entrée ligne (routée directement vers les sorties analogiques/USB, pour cascader plusieurs modules) et entrée/sortie Midi au format DIN. Toute la connectique audio est au format mini-jack stéréo. En dessous du module, on trouve un petit HP de contrôle (on ne lui en demandera pas trop) et une trappe pour insérer 4 piles AA-LR6 (fournies, à défaut d’un cordon USB C et d’une alimentation secteur de 500mA minimum qu’il faudra acquérir). Elles offrent 6 heures d’autonomie, d’après les spécifications du constructeur.
Au-delà du classique
Lorsqu’on utilise la Cross Mod et la Synchro des DCO, on note de l’aliasing dans les aigus, sans aucun doute une limite du moteur ABM par rapport à ce qu’aurait pu faire un moteur ACB. Ceci mis à part, aucun doute, les sonorités sont dans la pure lignée des JX-8P/JX-10. Le moteur ABM s’en sort globalement très bien et la polyphonie généreuse fait vite oublier les 4 voix du moteur ACB, dont l’extrême précision de modélisation ne fait pas défaut ici, hormis quand les DCO s’intermodulent dans les aigus. Ceci est sans doute dû au fait que le JX-8P est à l’origine un synthé très intégré et très maitrisé, avec des DCO très droits, des filtres ultra linéaires et des modulations numériques. Du coup, il est moins compliqué à modéliser que des synthés comme le JP-8 ou le Juno-60, plus caractériels. Dans la palette sonore, on trouve aussi des couleurs différentes des classiques de chez Roland. Cela provient sans doute des trois modèles de filtres passe-bas, accessibles par le menu. Pour s’éloigner davantage, on pourra aussi solliciter les effets intégrés qui, nous le verrons plus tard, vont bien plus loin que les deux positions de chorus originelles.

- JX-08_1audio 01 Dave Split00:59
- JX-08_1audio 02 Dave Stabs00:19
- JX-08_1audio 03 Dave Souvenir00:45
- JX-08_1audio 04 Dave Next Door00:56
- JX-08_1audio 05 Dave Fifth00:41
- JX-08_1audio 06 Back To The Smith00:20
- JX-08_1audio 07 JM Smith00:53
- JX-08_1audio 08 Tequila Smith00:48
- JX-08_1audio 09 Art Of Smith01:00
- JX-08_1audio 10 Dave Sequence01:27
Plutôt 10 que 8P
Au plan global, on peut régler l’accordage, le volume de l’entrée audio, la transposition, la vélocité (fixe ou réelle, avec trois courbes de réponse) et le point de Split. On trouve aussi quelques réglages Midi : canal global, canal de la partie A, canal de la partie B, synchro, routage DIN/USB, passage de la prise Out en soft Thru. Plutôt bien loti, finalement, ce JX-08, pour un tout petit module à tarif abordable.
Cœur du réacteur
La résultante entre alors dans un filtre passe-haut statique à quatre positions (qui est en réalité placé après la sommation des voix), suivi d’un filtre passe-bas résonnant 4 pôles. Là où le moteur va plus loin que le JX-8P, c’est qu’il propose trois modèles le filtre. Roland ne donne aucune autre précision, nous pensons qu’il s’agit des modèles Roland, Sequential et Moog que l’on trouve déjà sur le moteur JX-8P des Jupiter-X/Xm. Le filtre passe-bas « modèle Roland » simule bien l’ancêtre, qui possède un peu moins de caractère que ses prédécesseurs polyphoniques de fin 70’s / début 80’s. La réponse du curseur de fréquence de coupure est parfaitement lisse, sans escalier. Cette dernière peut être modulée par le LFO, le suivi de clavier et l’une des deux enveloppes, au choix (modulation bipolaire avec modulation par la vélocité). La résonance pousse le filtre en légère auto-oscillation, comme sur le JX-8P. Le JX-08 renferme toutefois un précieux mode qui permet d’étendre la plage de certains réglages au-delà du modèle pur et dur ; lorsqu’on l’active, l’auto-oscillation du filtre est beaucoup plus prononcée, bien vu Roland ! Le signal poursuit sa course dans l’ampli final, dont on peut régler le niveau (de clair à saturé) et son contour (via l’enveloppe 2, elle-même modulable par la vélocité) ou sous forme de porte.
Modulations basiques
Enfin, c’est par le menu que l’on accède à certains paramètres inaccessibles en façade : modèle de filtre passe-bas (nous en avons parlé), vieillissement des composants (comme un synthé vintage), extension de la plage de réglage de certains paramètres au-delà de celle du JX-8P (vitesse du LFO, coupure du filtre, résonance, enveloppe de filtre), réglage de vélocité affectant les différentes enveloppes (pitch, filtre, volume, mixeur DCO2), quantité de pitchbend, profondeur du LFO, courbe de portamento et action de la pression sur trois destinations (LFO, filtre, brillance). Leur édition via le menu n’est pas trop pénible. Ces paramètres sont sauvegardés avec les programmes (bien qu’ils figurent dans le menu PART).
Effets dopés
Mais ce n’est pas tout, puisqu’à ce multieffets s’ajoute une réverbe stéréo placée juste derrière. Elle offre 5 algorithmes : 2 pièces, 2 halls et une plaque. On peut régler la quantité, le temps prédélai, le temps de réverbe et le niveau de sortie. On ne peut donc pas modifier la tonalité du signal mouillé, tant pis. La qualité est très bonne, surtout pour un module de ce prix, ce n’est là encore pas un gadget. Tout cela est sauvegardé avec les programmes, ce qui facilite l’intégration des effets aux sons et permet au JX-08 de s’échapper un peu de la couleur sonore formatée du JX-8P. Dernier point important, lorsqu’on utilise deux parties en même temps (Split/Dual), on a deux multieffets indépendants, c’est beau ! La réverbe, par contre, est globale, et peut être activée sur les parties de son choix.
Arpèges et séquences
On passe au séquenceur : 64 pas, bitimbral, polyphonique 8 voix par partie, du lourd ! Une séquence mémorise, en plus des deux motifs de partie, les deux numéros de programme, les réglages des deux parties (volume, panoramique) et leur arrangement (Whole, Split ou Dual). On trouve 128 mémoires, qui constituent également le mode Performance. Parmi ces mémoires, 16 sont préchargées. Les motifs des parties A et B peuvent être lus en même temps et mutés à la volée. Il y a différents sens de lecture : avant, arrière, pendulaire, inversion alternée des pas pairs/impairs, aléatoire et « en avant tant que le clavier est joué ». On trouve aussi une fonction Shuffle (avance/retard).
L’enregistrement se fait en mode grille (notes et liaisons directement entrées avec les 16 boutons de pas suivant la division temporelle choisie), en mode Step incrémental (avec les 13 boutons de pas formant un clavier ou un clavier externe) ou en mode temps réel (idem). Dans ce dernier, on peut entrer les mouvements de commandes à la volée. Il n’est pas possible de les éditer ultérieurement, il faut les supprimer et recommencer en cas d’erreur. On peut ultérieurement entrer la durée et la vélocité de chaque pas en mode grille. Tout comme les notes, les CC des mouvements enregistrés peuvent être transmis en Midi, bien vu ! Pour les moins inspirés, un générateur aléatoire de motifs est inclus. Roland n’a pas oublié les fonctions duplication, copier/coller, effacement (notes, CC, tout) et annulation, sympa…
Midi et audio
Conclusion
Roland a même intégré des modèles de filtres additionnels (Moog, Sequential) que l’on retrouve sur les synthés de la plateforme Zen-Core, permettant au JX-08 de sortir de la personnalité sonore pas spécialement originale du JX-8P. Il en est de même pour certains réglages qui peuvent aller plus loin que sur le JX-8P, étendant la palette sonore. Autant en 1985, le JX-8P sortait du lot avec son clavier dynamique apportant une expressivité accrue et une certaine fraîcheur à l’analogique, autant aujourd’hui tout cela est banalisé par de nombreuses offres VA alternatives. On pourra, pour terminer, reprocher au JX-08 la connectique mini-jack, le manuel en ligne abscons, l’archivage des mémoires sans Sysex et l’alimentation secteur non fournie. Au final, le JX-08 est une bonne surprise qui, sans révolutionner le genre, met à portée du plus grand nombre un synthé facile à dompter, expressif et compact.