Tout petits, nombreux et sympathiques, les modules GM représentent en quelque sorte le Pays des Schtroumpfs des instruments de synthèse. Parmi eux, le N1R de Korg aurait sans aucun doute toutes les chances d’être le plus grand.
Dans le comparatif de modules GM, Korg s’était brillamment illustré avec le superbe NS5R. Très récemment, Roland s’est empressé de répondre à son compatriote avec le SC-880 , un module GM en rack 1U de très bonne qualité sonore et ergonomique. Sans attendre le MU-128 Yamaha, Korg a mis sur le marché ses claviers GM N5 et N1. C’est le moteur de synthèse de ce dernier qu’emprunte le N1R dans un emballage plus léger, destiné à la mise en rack. Mais si le nouveau Korg vise ostensiblement la cible des musiciens techno, cette restriction ne semble pas évidente, tant le territoire sonore couvert par la machine est vaste. Schtroumpfons tout cela de plus près !
Schtroumpf coquet
Le N1R se présente dans une élégante tenue noire 19 pouces 1U dont la face arrière comprend le trio Midi, une prise quatre broches pour l’alimentation externe, une interface (To Host) pour ordinateur (Mac et PC) et quatre sorties audio au format jack 6,35. Merci pour le format jack et les deux sorties audio supplémentaires par rapport au NS5R. En revanche, il est dommage que Korg ait retenu une alimentation externe et fait disparaître les deux entrées audio… Une connectique pro, un format rackable, une couleur noire et l’impossibilité de recevoir une carte fille audio sur slot interne, tout porte à croire que le N1R n’a pas la vocation de super générateur sonore pour ordinateur en mal de carte audio – contrairement au NS5R – mais fait plutôt penser à un véritable expandeur.
L’examen de la façade nous confirme cette première impression : outre le LCD graphique 144 × 40 pixels de couleur vert ou orange commun à la série N, elle accueille pas moins de seize interrupteurs, un potentiomètre cranté de valeur et quatre potentiomètres pour modifier des paramètres en temps réel, qui renforcent l’idée de cible techno évoquée précédemment. Saluons au passage la prise casque située en façade, juste en-dessous du potentiomètre de volume global. Deux petits reproches concernant la taille des commandes : on regrette la grande molette crantée et les touches rectangulaires généreuses du NS5R remplacées par un petit potentiomètre et de minuscules “ Smarties ”. C’est bien pour les petits doigts de Schtroumpfs mais un peu trop juste pour nos grosses paluches de testeurs… Mais ces quelques remarques n’entachent pas l’excellente première impression laissée par la machine, loin s’en schtroumpfe !
Schtroumpf costaud
Le N1R n’a rien du Schtroumpf à lunettes, car il excelle plus sur les chiffres que sur les lettres. A commencer par les 64 voix de polyphonie sur 32 canaux Midi. Basée sur une classique lecture d’échantillons, la Rom renferme 18 Mo de PCM déclinés en 563 multisamples et 304 percussions (avec quelques doublons…), les 6 Mo ajoutés par rapport au NS5R comportent des multiéchantillons de grand piano stéréo, pianos électriques, Clavinet, Wurlitzer et orgues qui complètent un vaste territoire sonore allant de la panoplie intégrale GM aux effets spéciaux en passant par les sons d’orchestres classiques ou les instruments ethniques.
Comme toujours chez Korg, la qualité sonore est vraiment au rendez-vous. On croise bien çà et là, quelques artefacts métalliques dans les basses, mais pas le moindre aliasing dans les aigus. De plus, les points de bouclage ont bénéficié des traitements magiques d’Infinity. Pour ce convaincre de cette qualité, il suffit de parcourir quelques uns des 1169 programmes, 302 combinaisons et 37 kits de batterie que renferme la mémoire interne du N1R. Parmi les nouveautés, “ N1 Whirly EP ” est une simulation très convaincante de la chaleur d’un Wurlitzer supertrampesque. “ St. Piano ” utilise quant à lui le nouveau multisample de piano acoustique stéréo, bien fait et assez polyvalent, avec une réponse en dynamique correcte et des points de transition habilement masqués, sauf peut-être entre les deux derniers échantillons supérieurs. Pour en finir, “ N1 Dyno EP ” utilise un multiéchantillon de piano électrique très musclé, piqué à la Rom du Trinity. Pour se répéter à nouveau, les textures synthétiques qui évoluent inlassablement en une infinité de détails subtils sont une réussite qui perpétue la légende Korg. Voilà qui comblera le Schtroumpf paresseux qui sommeille en chacun de nous.
Schtroumpf bricoleur
Ceux qui aiment bricoler leur propres sons ne seront pas déçus. Digne héritier des 01/W, c’est le module GM le plus programmable du marché. Mieux, il copie en partie l’interface graphique du Trinity, ce qui le rend capable de représenter un clavier avec indication de la note appuyée, des courbes d’enveloppe, de filtrage et de tracking de clavier, ou des icônes, des faders et des cases à cocher. De jamais vu dans cette gamme ! Le traitement du signal est du “ pur Korg ” : on part d’un ou deux oscillateurs, on leur affecte un échantillon, on injecte le tout dans un filtre passe-bas (un paramètre Color tente de simuler une résonance) et on attaque deux multieffets. Il y a trois générateurs de tracking, trois LFO et trois enveloppes multi-segments (pitch, filtre et ampli), un portamento polyphonique, des fenêtres de tessiture et de vélocité. La totale !
Ensuite, le N1R peut regrouper huit programmes au sein d’une combinaison, avec réglage de tessiture, vélocité, départ effets et filtre Midi. Grosse nouveauté, la machine peut fonctionner en mode “ performance ” à 16 canaux par regroupement de programmes ou de combinaisons, ce qui est très souple pour le jeu live, le mode multi étant plutôt réservé à l’utilisation avec un séquenceur. Mieux, on peut placer sur un même canal 2 programmes ou combinaisons parmi les 16, en split ou en couche. Au total, la Ram du N1R renferme 100 programmes, 100 combinaisons et 32 performances.
Un mot maintenant sur les deux multieffets dynamiques embarqués, en tout point identiques à ceux du N5. Leur routage est extrêmement souple : série, parallèle, avec possibilité d’envoyer le premier effet sur les sorties principales et le second sur les sorties séparées. A noter que le 48e et dernier algorithme est un filtre passe-bas résonant avec LFO et enveloppe séparés sur la résonance. Pour en finir avec les compliments, félicitons Korg pour le manuel en français très concis et bien traduit. Bricoleur mais pas bricolo !
Schtroumpf party
Tirant partie de la mode techno, le N1R embarque un arpégiateur et dispose de quatre potentiomètres rotatifs (couplés à un sélecteur à trois positions) pour faire bouger le son en temps réel. Ils peuvent agir sur le mode de déclenchement, l’octave et la vitesse de l’arpégiateur, ou bien l’attaque, le relâchement des enveloppes de filtre et de volume (couplées), la coupure du filtre, la modulation d’un paramètre d’effet, la balance, le panoramique, le temps de portamento ainsi qu’un paramètre de modulation à définir. Mémorisées et utilisées au stade des 32 performances, les quatre affectations libres reçoivent les paramètres précédents auxquels s’ajoutent les envois aux effets et les contrôleurs Midi de 00 à 95. Dès qu’on actionne un potentiomètre, le paramètre saute sur sa position physique. Pour le live, il manque donc les réglages “ seuil ” et “ relatif ”.
Passons maintenant à l’arpégiateur qui dispose de 20 motifs (up, down, techno, dance, jungle, funk…). On peut paramétrer l’étendue (1 à 4 octaves), le déclenchement, le tempo, l’action de la vélocité, le temps de gate, l’ordre, le split et le swing. Ce n’est certes pas l’arpégiateur d’un Audity 2000, mais notre Schtroumpf a le sens du groove !
Schtroumpf gourmand
A l’heure du repas, le N1R répond présent sur les coups de Midi. Digne héritier du NS5R, il offre une multitimbralité de 32 parties par le port “ To Host ” avec le driver livré avec la machine, ce qui permet de contourner la seule entrée Midi limitant la machine à 16 canaux. Sur chaque canal, on affecte au choix un programme ou une combinaison, ce qui est très souple. Et comme la machine reconnaît les messages RPN et NRPN, elle peut recevoir des réglages de paramètres de synthèse par canal. Un petit filtre Midi permet d’ignorer ou valider les changements de programmes, la pression, les contrôleurs et les Sysex.
Une autre fonction permet de router les 16 canaux reçus par le Midi In vers les ports Midi A, B (internes) ou C (externe). Quelques regrets maintenant : si l’arpégiateur est capable de se synchroniser à l’horloge Midi, il n’en est pas de même pour les LFO et les effets (délais notamment) ; un peu gênant pour une machine orientée techno… Quant aux Midi dumps, ils sont globaux pour tous les programmes, toutes les combinaisons, toutes les performances et tous les effets. Burp ! Pour terminer, le N1R reconnaît les agencements de son GS (Roland) et XG (Yamaha) et la reproduction GM est impeccable, miam !
Bien schtroumpfé !
Contrairement à ce que son nom pourrait suggérer, le N1R n’a rien d’un nain. Non seulement Korg met à notre portée une quantité impressionnante de sons, programmes et effets, mais la qualité de l’ensemble est surprenante. Il permet d’explorer des univers musicaux très variés et même si l’arpégiateur et les quatre potentiomètres de sa face avant lui donnent une connotation technoïde, nous le conseillons sans aucune restriction à tous ceux qui souhaitent ajouter le grain sonore Korg à leur panel, remplacer leur vénéré MT-32 (sans le jeter !) ou tout simplement reproduire fidèlement des séquences GM. De plus, Korg a mis la machine en rack, a étendu sa Rom, a amélioré l’interface utilisateur et l’a doté de 32 mémoires de performances multitimbrales et de 4 sorties séparées en jack.
Notre côté Schtroumpf grognon nous porte à regretter l’absence de slot interne pour carte fille, la disparition des entrées audio stéréo, l’impossibilité de synchroniser les LFO et les délais via Midi et le manque de véritable filtre multimode résonant. Mais comme le NS5R en son temps, le N1R est un grand séducteur, performant et plein de charme. Bref, un bon parti pour la Schtroumpfette !
Glossaire
Modulation dynamique : possibilité de moduler en temps réel des paramètres de synthèse ou d’effets par des contrôleurs physiques ou Midi, tels que la molette agissant sur un temps de réverbération.
Sysex : Système Exclusif. Catégorie de messages Midi “ privés ”, destinés à contrôler les paramètres spécifiques d’une machine donnée.
Sysex universel : certains messages Sysex ont décidé de perdre leur exclusivité pour être reconnus par tous les fabricants. C’est le cas de l’Inquiry Request (“ qui es-tu ?), du message d’initialisation GM ou encore du Master Volume.