Lancée l'an dernier avec le délai TC2290-DT, la série Icon de TC Electronic a de quoi attiser la curiosité. En effet, cette gamme de produits a pour particularité de conjuguer chacun des plug-ins avec un petit contrôleur physique dédié. Lors de la présentation du modèle DVR250-DT en septembre dernier, la vidéo promotionnelle a encore plus éveillé l'intérêt de votre serviteur tant le rendu sonore était attrayant. Ainsi, c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai accueilli ce joujou chez moi afin de le passer sur le grill. Voici les conclusions de ces quelques semaines de tête-à-tête…
Hard way
Le DVR250-DT est donc une modélisation de la première réverbération numérique commercialisée en 1976, la fameuse EMT 250. À peine plus grand que le contrôleur (52 × 109 × 133 mm), le carton contient le strict minimum : un guide de démarrage rapide sommaire, un câble USB 2.0 / micro-B avoisinant les 150 centimètres servant à relier la bête à votre bécane tout en l’alimentant et bien sûr, le contrôleur.
Avec son châssis métallique et ses 500 grammes, ce dernier semble particulièrement robuste et tient bien en place sur un bureau ; les différents boutons en plastique inspirent également confiance. En revanche, les quatre joysticks reprenant l’esthétique singulière du modèle original me laissent dubitatif… Ils paraissent solides de prime abord, mais je ne saurais me prononcer quant à leur durée de vie. De plus, il faut bien avouer qu’ils ne faciliteront pas le transport de l’engin. Autre déconvenue, il n’y a pas de bouton d’allumage, donc à moins de débrancher le câble USB après chaque utilisation, ce qui est loin d’être pratique, ce contrôleur tirera toujours un peu de jus… Même si ça ne doit pas aller chercher bien loin, ce n’est pas très écolo et ça n’est pas non plus idéal lors d’une utilisation avec un ordinateur portable fonctionnant sur batterie. Au rayon des bonnes nouvelles, TC a eu la bonne idée de doter ce joujou d’un angle d’inclinaison facilitant la lecture de la sérigraphie, au demeurant très claire, ainsi que la visualisation des différentes LED. Quant à la taille effective du contrôleur, elle ne me paraît ni trop grande, ni trop petite et si mes palmes ont su naviguer avec aisance entre les différents paramètres, nul doute que ce sera également le cas pour la majorité d’entre vous.
Passons à présent à l’installation à proprement parler. Disponible en 32 et 64 bits pour Mac OS X (10.10 minimum) et PC (Windows 7 minimum) aux formats AAX, VST (2.4 & 3) et AU, le plug-in s’installe très facilement après récupération de l’installeur sur le site de l’éditeur. Quant à l’autorisation, c’est on ne peut plus simple… Tout bêtement parce que le contrôleur fait office de dongle. La bonne nouvelle, c’est que le contrôleur ne nécessite pas l’installation de pilotes supplémentaires, c’est toujours ça de pris. En revanche, l’utilisation du contrôleur en guise de clé d’autorisation induit son lot d’inconvénients. Malgré l’octroi d’une « période de grâce » baptisée « Travel Period » qui permet d’utiliser le plug-in sans avoir le contrôleur branché, le problème reste entier, car l’interface graphique ne donne pas accès à la majorité des paramètres qui sont réservés au contrôleur susnommé. En outre, passés les 60 jours de la « Travel Period », le plug-in entre en « Demo Mode » et les rares paramètres jusqu’ici manipulables ne le sont plus. Moralité, en situation de mobilité, il vous faudra toujours vous déplacer avec l’engin, même si comme nous l’avons déjà évoqué, celui-ci n’est pas nomade dans l’âme. De plus, si vous l’égarez ou s’il venait à ne plus fonctionner pour une raison ou pour une autre, vous pourrez dire adieu à ce plug-in. Enfin, chaque joujou de la gamme Icon nécessite son propre contrôleur pour fonctionner, consommant ainsi un port USB à chaque fois puisqu’aucune possibilité de chaînage des unités n’est proposée… Bref, messieurs les Danois, il me semble que vous auriez pu mieux faire sur ce coup-là et je ne pense pas que la généreuse garantie constructeur de trois ans suffise à aplanir les choses.
Avant de passer à la suite, permettez-moi de soulever un autre lièvre. Le contrôleur ne peut pas fonctionner avec autre chose que le plug-in prévu à cet effet et c’est bien dommage ! En effet, s’il avait été possible de le faire fonctionner en tant que contrôleur MIDI générique, l’utilisateur aurait pu s’en servir pour piloter d’autres plug-ins. Certes, avec ses quatre joysticks et ses sept boutons, il n’y aurait pas eu de quoi aller bien loin. Ceci étant, j’aurais personnellement bien aimé pouvoir par exemple associer l’engin à l’ensemble de mon parc de plug-ins de réverbération afin d’avoir un seul et unique contrôleur MIDI dédié à cette famille de traitements. Je comprends bien que cette ouverture vers le monde extérieur ne soit pas dans les prérogatives de TC, mais enfin, ça aurait été tellement agréable pour les aficionados du contrôle hardware dont je fais partie…
Soft way
Voyons maintenant ce que le DVR250-DT offre en pratique. Pour commencer, sachez que le contrôleur se synchronise parfaitement bien avec le plug-in, soit manuellement grâce à un clic de souris sur l’icône située en bas à gauche de l’interface graphique du plug-in et représentant une petite chaîne dont la couleur indique le statut de synchronisation, soit automatiquement au travers de deux options – synchronisation automatique avec l’instance du plug-in se trouvant au premier plan ou synchronisation avec la dernière instance insérée dans le projet. C’est simple et on ne peut plus efficace, bravo !
Niveau sonore, le concepteur danois s’est appuyé sur l’analyse de deux unités hardware originales afin de concevoir cette modélisation d’EMT 250. Au programme, nous avons l’ensemble des six algorithmes ayant contribué à rendre célèbre cette machine : Delay, Phaser, Chorus, Echo, Space et bien sûr la fameuse réverbération. Notez que, quel que soit l’algorithme utilisé, le plug-in ne consomme pas plus de 0,4% de CPU sur ma machine de guerre (Mac Pro fin 2013 Hexacoeur Xeon 3,5 GHz – 32 Go DDR3) avec une latence de six petits samples, ce qui est somme toute raisonnable pour ce genre de traitement.
Pour passer d’un algorithme à l’autre, il suffit d’une pression sur le bouton idoine du contrôleur, une deuxième pression activant le bypass qui est indiqué par un clignotement de la LED correspondante. Les quatre joysticks pilotent des paramètres différents selon l’algorithme sélectionné et une pression sur le bouton « Set » permet de basculer ces derniers sur des réglages secondaires. Pour savoir exactement qui contrôle quoi, un coup d’oeil sur l’interface du plug-in renseignera rapidement l’utilisateur qui de toute façon s’habituera très vite à tout ça et se passera donc de cette oeillade en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. Nous n’allons pas ici décrire par le menu ces paramètres puisqu’ils reprennent exactement ceux présents sur le modèle original et que les plus curieux d’entre vous pourront découvrir cela en jetant un coup d’oeil sur le manuel de l’engin disponible sur le site de l’éditeur. Sachez juste que l’ensemble fonctionne diablement bien. Tout tombe naturellement sous les doigts, les retours visuels présents sur le contrôleur sont bien pratiques et l’ajout de LED pour vérifier les niveaux d’entrée et de sortie est ma foi fort bienvenu. Bref, l’utilisation du contrôleur est un véritable régal ! De plus, il permet d’automatiser les réglages de l’engin en un tournemain. Que demande le Peuple ?
Avant d’enchaîner avec une session d’écoute, quelques mots sur les fonctions uniquement disponibles au travers de l’interface graphique du plug-in.
Outre le réglage des niveaux d’entrée et de sortie, une section baptisée « Vintage » permet de sculpter la patine sonore afin de passer d’un traitement plus « sale » que l’original à un rendu beaucoup plus propre. Mine de rien, cette section élargit considérablement la palette sonore disponible. Cependant, le DVR250-DT flirte toujours avec la pâte EMT, il ne faut donc pas espérer atteindre la polyvalence des réverbérations modernes.
Concernant les presets fournis de base, sachez qu’ils sont particulièrement bien fichus et que des presets « signature » réalisés par de grands noms du monde de l’audio sont récupérables gratuitement sur le site de la marque. Seul regret à ce sujet, il n’est pas possible de naviguer de preset en preset depuis le contrôleur.
Enfin, permettez-moi de vous parler de mes habituelles marottes lorsqu’il s’agit de tester un plug-in, à savoir les fonctions de redimensionnement de l’interface graphique et de comparaison A/B. Si l’absence de la première n’est absolument pas gênante, notamment grâce à la présence du contrôleur, la seconde aurait été en revanche un plus non négligeable étant donné la subtilité de ce genre de traitement.
Bien, voyons à présent ce que la bestiole a réellement dans le ventre…
My way
Commençons par une ligne de synthé :
- 01_Synth_dry00:41
- 02_Synth_Chorus00:41
- 03_Synth_Chorus_Verb00:41
- 04_Synth_PhaseWider00:41
- 05_Synth_PhaseWider-250Space00:41
- 06_Synth_PhaseWider-DarkSpace00:41
- 07_Synth_PhaseWider-BrightSpace00:41
Le premier extrait se résume au signal source qui est, il faut bien l’avouer, un peu « tristoune ». Sur le deuxième, une instance du DVR250-DT en mode Chorus permet d’obtenir un rendu sonore plus vivant en un tournemain. L’extrait suivant se voit doter en sus d’une instance utilisant l’algorithme de réverbération avec un decay conséquent afin d’obtenir une jolie profondeur de « chant ».
Sur le quatrième exemple, c’est le mode phaser qui est mis à profit de façon à élargir le rendu. Les extraits suivants utilisent en sus une instance en mode « Space ». Même s’il ne s’agit pas de l’algorithme le plus polyvalent qui soit puisqu’il ne dispose de base que d’un réglage du prédélai, il est possible d’obtenir pas mal de variation en jouant avec la section « Vintage » propre à la modélisation de TC.
Passons à présent à un riff de guitare électrique :
- 08_Gtr_dry00:12
- 09_Gtr_Delay-Slap00:12
- 10_Gtr_Echo00:12
- 11_Gtr_ShortVerb00:12
- 12_Gtr_Platy00:12
- 13_Gtr_Platy-Auto00:15
Comme d’habitude, le premier sample représente le signal source. Pour le deuxième, une instance en mode « Delay » vient ajouter une touche de « slap » bien roots. Le rendu sonne très bien, mais sachez tout de même que les possibilités restent limitées, car il s’agit vraiment d’un délai à l’ancienne sans option de synchronisation au tempo ou toute autre fonction que l’on peut croiser sur les délais plus « modernes ». Il en va de même avec l’algorithme « Echo » utilisé sur l’extrait suivant.
Avec le prochain exemple, nous arrivons à ce que l’EMT 250 sait faire de mieux à mon humble avis : la création d’une sensation d’espace subtile grâce à l’algorithme de réverbe avec un temps très court. Que c’est beau !
Pour l’extrait suivant, un decay sensiblement plus long trafiqué avec la section « Vintage » permet d’obtenir une réverbération proche du grain d’une « Plate ». Enfin, sur le dernier exemple, je me suis amusé à automatiser en un clin d’oeil le temps de réverbe à l’aide du contrôleur sur la fin du riff. Intéressant, n’est-ce pas ?
Voyons ce que donne la bête sur une batterie issue de la programmation d’un instrument virtuel :
- 14_DrumsR_dry00:10
- 15_DrumsR_Tom00:10
- 16_DrumsR_Snare00:10
- 17_DrumsR_Buss00:10
- 18_DrumsR_Dub00:10
Le son source est tristement sec, en particulier le roulement de tom du début. Qu’à cela ne tienne, une petite touche de réverbe saura réparer cela avec brio. Puisque nous y sommes, une instance du DVR250-DT dédiée à la caisse claire arrangera également bien la sauce. Ajoutons à cela une instance pour le bus afin d’obtenir une ambiance plus « live » ainsi qu’une autre instance en mode « Echo » pour donner un léger effet Dub bien roots à la caisse claire et nous obtenons une batterie virtuelle autrement plus attrayante, non ?
Que diriez-vous d’entendre ce joujou sur des voix réalisées par nul autre que le rédacteur en chef d’Audiofanzine, j’ai nommé Red Led ?
- 19_So Pretty_Lead-dry00:20
- 20_So Pretty_Lead-wet00:20
- 21_So Pretty_Choeur-dry00:20
- 22_So Pretty_Choeur-wet00:20
- 23_So Pretty_dry00:20
- 24_So Pretty_wet00:20
- 25_So Pretty_Sketchy00:20
Sur la voix principale, une instance de réverbération replace le chant dans un espace de façon à lui donner un peu plus de relief. Pour les choeurs, un chorus allié à une réverbération permettent d’homogénéiser le rendu tout en décollant le son des enceintes. En mélangeant le tout, le résultat est plus équilibré avec en sus une sensation tridimensionnelle du plus bel effet. Sur le dernier extrait, j’ai utilisé exactement les mêmes instances avec des réglages sensiblement différents pour un rendu bien distinct du précédent, mais tout aussi intéressant. Comme quoi, il est possible d’en faire des choses même avec un seul algorithme de réverbe !
Pour finir, voyons ce qu’il est possible de faire sur un mix complet :
- 26_Nonetheless_Instru-dry00:27
- 27_Nonetheless_Drums00:27
- 28_Nonetheless_Instru-wet00:27
- 29_Nonetheless_dry00:27
- 30_Nonetheless_Vox-dry00:27
- 31_Nonetheless_wet00:27
Je ne vais pas vous décrire l’ensemble du processus, sachez juste que je souhaitais taper dans une esthétique très années 80. J’ai commençais par traiter la batterie, puis je me suis efforcé de donner une certaine cohésion spatiale à l’ensemble de l’instrumentation. Enfin, j’ai intégré le chant en ajustant le tout de façon à obtenir cette ambiance « dreamy » à souhait. Notez que l’utilisation du contrôleur m’a permis de réaliser cela en deux coups de cuiller à pot. Intéressant, n’est-ce pas ?
Your way ?
Comment conclure ce banc d’essai ? Je dois bien avouer que la question m’a turlupiné un bon moment. D’un côté, l’aspect contrôleur / dongle réquisitionnant un port USB pour un seul plug-in me semble être un énorme point noir ; mais de l’autre, le savoir-faire de TC Electronic en matière de réverbération a encore frappé et l’utilisation du contrôleur dédié est tout bonnement un régal. Alors, à qui s’adresse ce beau joujou ? L’apprenti ingé-son à la recherche d’une première réverbe à tout faire et le producteur nomade n’y trouveront clairement pas leur compte. En revanche, pour l’ingé confirmé à la recherche de ce son typique, le mixeur en quête de productivité ou bien encore pour le musicien ne souhaitant pas se faire des noeuds au cerveau lorsqu’il s’agit de passer l’étape délicate de la gestion de l’espace de ses titres, le DVR250-DT est clairement un candidat de premier choix malgré ses défauts. Bref, selon votre profil, cet engin diabolique sera un « must have » ou un « no go ».