En janvier dernier, à l’occasion du Winter NAMM 2015, Waves présentait le denier né dans sa gamme de plug-ins Hybrid Line, j’ai nommé la H-Reverb. Cinq mois plus tard, nous avons pu chevaucher la bête le temps de quelques tours de pistes. Voici donc le compte-rendu de ce singulier rodéo…
Il était une fois… le Bronx
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le début de notre épopée hippique n’a pas été de tout repos. Pour commencer, l’installation fut un véritable calvaire. Il se trouve que le logiciel « Waves License Center » censé simplifier la tâche ne fonctionne pas correctement avec Mac OS X (Maverick et Yosemite). Étant équipés d’un Mac Pro tournant sous la dernière version de l’OS d’Apple, nous avons donc été obligés de télécharger l’intégralité du catalogue de plug-ins signés Waves (1,2 Go tout de même) afin de pouvoir installer un seul et unique plug-in… De plus, la procédure à suivre n’étant pas très clairement décrite sur le site de l’éditeur, il nous a fallu nous y reprendre à deux fois pour enfin pouvoir installer et activer notre H-Reverb…
Bref, une fois la manœuvre effectuée, nous lançons notre séquenceur, à savoir la dernière version de Reaper en date, et nous ouvrons une instance du plug-in au format VST. Et là, c’est le drame ! La plupart des contrôles de répondent pas et nous nous retrouvons même face à un horrible bug graphique, comme le montre la capture d’écran suivante :
Ne perdant pas courage, nous essayons dans la foulée d’utiliser une version au format Audio Units. Cette fois-ci, les différents paramètres semblent obéir correctement à la souris, mais un clic sur le bouton Expand provoque toujours un bug graphique que l’on peut heureusement éradiquer via une fermeture et réouverture de la fenêtre du plug-in.
Face à cet enchaînement phénoménal de fiascos, nous avons bien entendu contacté le support utilisateur de Waves. Saluons d’ailleurs au passage leur réactivité, car moins d’une heure plus tard nous avions une explication sur le pourquoi du comment de nos mésaventures. Contrairement à ce que nous pouvions croire, les plug-ins de la marque ne sont pas compatibles avec les formats VST, AU ou autres au sens strict du terme. En effet, lorsque l’on y fait réellement attention, l’éditeur précise bien sur son site internet que leurs produits sont compatibles avec certains logiciels hôtes plutôt qu’avec un format de plug-in en particulier. Reaper ne faisant pas partie de cette liste, le support utilisateur ne s’est pas alarmé outre mesure de nos déboires et nous a conseillé d’effectuer nos tests via un séquenceur officiellement supporté. La chose nous a tout de même semblé curieuse étant donné que nous avions pu tester le plug-in J37 Tape sous Reaper sans aucun problème fin 2013, mais soit. N’ayant pas d’autre choix, nous avons dû nous résoudre à tester l’engin sous GarageBand, seul hôte compatible que nous avions sous la main. Et effectivement, la version AU fonctionnait alors parfaitement.
Ces débuts calamiteux nous ayant légèrement échaudés, nous avons alors décidé d’interrompre momentanément le test afin de pouvoir le reprendre dès le lendemain à tête reposée.
Il était une fois… la vie
La nuit portant conseil, c’est avec un esprit clair et une objectivité relativement retrouvée que nous avons repris les choses en main dès le lendemain matin. Et il faut bien avouer que lorsque tout fonctionne comme prévu, H-Reverb est un modèle d’ergonomie à quelques détails près. Lorsque nous ouvrons l’interface de cette réverbération pour la première fois, son interface se présente sous une forme réduite qui donne accès aux principaux réglages et offre une représentation graphique de la réverbération du plus bel effet, d’autant que cette dernière est on ne peut plus fonctionnelle puisqu’elle permet de manipuler directement certains paramètres relatifs à la queue de réverbe. N’ayant pas la place de vous décrire par le menu chacun des paramètres, et le manuel utilisateur étant par ailleurs très bien fait (PDF en anglais seulement…), nous allons nous concentrer sur les quelques points qui démarquent la H-Reverb de la concurrence.
Le premier détail ayant attiré notre attention, c’est le bouton « Test » placé juste en dessous du crêtemètre affichant le niveau d’entrée. Au passage, sachez que les afficheurs de niveaux d’entrée et de sortie sont pour le moins anecdotiques et ne serviront qu’à indiquer une éventuelle surcharge, car ces derniers n’offrent aucune indication chiffrée. Bref, le bouton « Test » sert à déclencher un signal audio très bref qui excite alors la réverbération et donne ainsi une bonne indication quant à sa nature. C’est non seulement une très bonne idée sur le papier, mais également dans les faits tant la chose nous a semblé pratique à l’usage.
Le deuxième détail digne d’intérêt est le switch « Sync » situé sous le potard de pré-delay. Celui-ci permet tout simplement de forcer la synchronisation du temps de pré-delay au tempo. C’est encore une fois bien vu et l’effet obtenu est assez convaincant même si nous préférons à titre personnel faire jouer le pré-delay autour de la pulse plutôt qu’en parfaite synchronisation avec le tempo pour un rendu plus « humain » à défaut d’autre mot.
Autre singularité de la H-Reverb, le sélecteur de motif pour les réflexions primaires (ER Select). Placé juste au-dessous de l’énorme compteur du temps de réverbération, ce dernier offre le choix entre pas moins de dix schémas. La chose est pour le moins inhabituelle et reflète au final la particularité de l’architecture interne de cette réverbération. En effet, la H-Reverb utilise une technologie baptisée FIR (Finite Impulse Response) qui est censée combiner le meilleur des deux mondes — réverbes algorithmiques et à convolution. Attention cependant, il n’est ici nullement question de pouvoir charger vos propres réponses impulsionnelles au sein du plug-in dont le fonctionnement se rapproche plus d’une réverbération algorithmique. En fait, la H-Reverb propose simplement de combiner le schéma de réflexions primaires de votre choix avec un seul et unique type de queue de réverbe dont vous pouvez modeler le déclin à l’envie, comme nous le verrons plus tard. À l’usage, les dix schémas disponibles sont tous très intéressants et ont le bon goût de ne jamais sonner « métallique ».
Enfin, dernières originalités visibles depuis la version condensée de l’interface graphique, le bouton Reverse qui, comme son nom l’indique, permet de lire la queue de réverbe à l’envers — pas utile tous les jours, mais parfois, cela fait son petit effet, et les quatre boutons du bas qui servent à activer les modules Input et Output Echoes, Dynamics, et Modulation. À ce stade, impossible de savoir exactement à quoi ces modules correspondent et il faut donc cliquer sur le bouton « Expand » pour accéder aux réglages avancés et savoir de quoi il retourne. Une fois cela fait, nous nous retrouvons devant une interface ayant doublé de surface et présentant bon nombre de paramètres très intéressants.
Commençons par le centre avec la section EQ qui offre la possibilité de filtrer les premières réflexions dans le haut du spectre, mais propose également un égaliseur 4 bandes (2 filtres en cloche et 2 en plateau) pour la queue de réverbération. Rien à dire ici, c’est complet et efficace. Joli travail !
En haut à droite de cette nouvelle interface se trouve une section servant à sculpter l’enveloppe du déclin de la réverbération. Cette section est clairement l’une des plus intéressantes tant elle permet de tordre la réverbe de façon assez folle. Nous pouvons en effet modeler l’enveloppe à loisir pour un rendu allant du déclin classique à la queue de réverbe « gatée », en passant par des choses encore plus extravagantes. Et ce n’est pas un mal, car sans cela, il faut bien avouer que malgré la qualité indéniable du son produit par cette H-Reverb, si l’on se limite aux usages de réverbérations « classiques », la palette sonore offerte n’est pas franchement faramineuse… De fait, l’unique algorithme pour la queue de réverbe a tendance à donner des résultats très souvent similaires si l’on ne s’aventure pas dans la recherche sonore façon Sound Design.
Il est souvent d’usage de placer un plug-in de delay en amont d’une réverbération. Et c’est justement ce que propose le module suivant, judicieusement baptisé Input Echoes. Ce dernier n’offre pas la flexibilité d’un delay dédié, mais il a au moins le mérite d’être là et de faire le job proprement.
Vient ensuite le module Output Echoes qui se propose d’ajouter 4 répliques retardées du signal réverbéré dans son ensemble. À l’usage, cette section est d’une efficacité redoutable pour ajouter un supplément de profondeur au rendu global. Simple et efficace, nous nous sommes surpris à l’activer quasiment systématiquement lors de nos tests tant le résultat est plaisant.
Autre petite pépite de cette version étendue de l’interface, le module Dynamics. Ce dernier dispose de trois modes de fonctionnement : Duck pour baisser le volume de la réverbe lorsque le signal source est présent, puis le remonter ensuite — idéal sur les voix ; Comp qui, comme son nom l’indique, compresse le son réverbéré ; et enfin DeEss pour filtrer les sifflantes trop invasives. Ce module est une véritable réussite et contribue grandement au velouté de cette réverbe.
La section suivante est un peu particulière puisqu’elle se décompose en trois onglets. Le premier n’est autre que le classique « Damping » version luxe puisqu’il offre des réglages indépendants pour le haut et le bas du spectre. Rien à signaler ici, ça fonctionne très bien et c’est simple à mettre en œuvre.
Les deux onglets suivants, en revanche, n’ont rien d’habituel. Baptisés Envelope et LFO, ces derniers appliquent à la queue de réverbe un filtre résonant (au choix Hi-Pass ou Lo-Pass) qui sera modulé par… une enveloppe ou un LFO bien évidemment. Le rendu est fort sympathique et ouvre des perspectives de design sonore assez jubilatoires, le tout en seulement quelques clics. Beau boulot.
L’avant-dernière section est un module nommé Modulation. Le but ici est d’appliquer à la réverbération une modulation AM et/ou FM afin d’élargir la stéréo ou d’obtenir un effet type Flanger plus ou moins subtil. Pas de quoi fouetter un chat, mais ça fonctionne plutôt bien.
Enfin, la section Global offre un potard « Drive » pour saturer plus ou moins subtilement le signal réverbéré, un réglage de tempo pour éventuellement travailler avec un tempo différent de celui du morceau, un switch Analog ajoutant une légère dose de distorsion harmonique, et surtout un switch Digital pour réduire la profondeur de bit (12 ou 8 bit) afin de reproduire un semblant de grain caractéristique des premières réverbérations numériques. Encore une fois, rien à redire, c’est pratique et ça fait bien ce que c’est censé faire.
Avant de passer aux exemples sonores, il nous reste encore quelques points à aborder. Tout d’abord, la question des présets. H-Reverb est livrée comme il se doit avec un nombre impressionnant de présets classés par genre ou par auteurs desdits présets. La navigation au sein de ces présets est un poil fastidieuse, mais la qualité est suffisamment au rendez-vous pour que l’on s’en donne la peine. Toutefois, il est regrettable que le passage d’un préset à l’autre engendre fréquemment une saturation assez désagréable. De plus, certains présets ont de base un volume en sortie beaucoup trop agressif.
Ensuite, sachez que ce plug-in est décliné au sein de votre système en pas moins de 18 versions différentes : mono, mono vers stéréo, stéréo, plusieurs versions Surround, le tout en double, car il y a une version « courte » jusqu’à 6 secondes de réverbération et une version longue jusqu’à 12 secondes. Pourquoi ces distinctions ? Eh bien tout simplement parce que la bête est extrêmement gourmande en ressources processeur. En effet, sur notre machine de test, à savoir un Mac Pro dernière génération relativement musclé (Xeon E5 6 cœurs cadencé à 3.5 GHz), une seule instance du plug-in stéréo « 6 secondes » consomme en moyenne 12 % de notre CPU. Or, le même plug-in en version « 12 secondes » brûle environ 30 % de ressources en plus, soit presque 17 % du CPU… Cette gloutonnerie empêche de fait l’utilisation de la H-Reverb par palette de douze, et ce, même sur les configurations les plus robustes.
Voilà, il est temps maintenant de passer à une petite séance d’écoute.
Il était une fois… l’espace
Commençons par une utilisation somme toute basique, mais primordiale de la réverbération : la création d’espaces.
- 01 Drums Strings Dry 00:10
- 02 Drums Strings Wet 1 00:10
- 03 Drums Strings Wet 2 00:10
À la base, nous avons une simple boucle de batterie accompagnée d’une petite ligne de cordes, le tout sans aucune réverbe bien sûr. L’exemple « Wet 1 » utilise une instance du plug-in avec le préset « Acoustic Room » sur la batterie afin de la faire évoluer au sein d’un espace plus réaliste. L’extrait « Wet 2 » emploie en sus une réverbération sensiblement identique sur les cordes, mais en utilisant les options d’égalisation, de Damping et d’Output Echoes pour placer la ligne mélodique en fond de mix. Le rendu est volontairement outrancier pour que l’effet soit mis en évidence, mais le tout est plus que convaincant.
Passons ensuite à un piano électrique.
- 04 ePiano Dry 00:25
- 05 ePiano Wet 1 00:25
- 06 ePiano Wet 2 00:25
- 07 ePiano Wet 3 00:25
- 08 ePiano Wet 4 00:25
Le premier extrait se résume au signal source. Le deuxième utilise une réverbe courte afin de simuler une petite pièce. Pour le troisième, l’ajout d’une légère modulation recentre l’attention sur le signal source. Le quatrième illustre l’activation du module Input Echoes dont l’intérêt est un poil limité en l’absence de gestion du panoramique des répétitions. En revanche, l’exemple « Wet 4 » avec le module Output Echoes révèle une sensation de profondeur accrue.
Nous avons ensuite utilisé une réverbération plus longue afin d’illustrer la fonction de réduction de bit.
- 09 ePiano Long 00:25
- 10 ePiano Long 12 00:25
- 11 ePiano Long 8 00:25
Si la réduction à 8-bit est un peu trop violente, l’exemple 12-bit n’est en revanche pas dénué d’un certain charme.
Pour en finir avec ce piano électrique, nous nous sommes amusés avec les paramètres d’enveloppe du déclin et le module Dynamics en mode Duck.
Comme vous pouvez le constater, le résultat est assez intéressant, d’autant que la manœuvre a été effectuée en un rien de temps.
Passons maintenant à un riff de guitare électrique.
- 13 Gtr Dry 00:13
- 14 Gtr Wet 00:13
La réverbération principale utilise un préset inspiré par une plate de la fameuse 480L de Lexicon. Quant à l’effet final, il s’agit encore une fois d’un bidouillage de l’enveloppe du déclin.
Le prochain exemple illustre l’utilisation de la fonction Duck sur une voix chantée.
- 15 Singing Dry 00:13
- 16 Singing Wet 00:13
- 17 Singing Duck 00:13
Comme toujours, le premier extrait est le signal source. Le deuxième se résume au chant baigné dans un océan de réverbe. Enfin, le troisième emploie la fonction Duck pour sauver le chanteur de la noyade. Efficace, non ?
Pour conclure, nous nous sommes amusés à tripoter les réglages de la H-Reverb simplement nourrie par une frappe de caisse claire.
Avouez que cela donne des perspectives de créations assez sympathiques.
Il était une fois… la révolution ?
Étant donné la note globale tout juste moyenne, la réponse à cette question est à mon sens clairement non. Oui, vous avez bien lu, j’ai abandonné le « nous » journalistique pour écrire cette conclusion à la première personne. Pourquoi cela ? Tout simplement parce que j’ai bien conscience que mes tribulations en début de test ont certainement fait légèrement pencher la balance du mauvais côté. Alors bon, j’ai beau essayer le plus possible de conserver une certaine objectivité, je n’en reste pas moins un homme, originaire du sud de la France qui plus est, donc avec une petite tendance à partir au quart de tour.
Ceci étant, même en conservant un sang-froid ophidien, la note finale n’aurait été guère plus haute. Certes, la H-Reverb est une très bonne réverbération aux qualités sonores indéniables et à l’ergonomie exemplaire. Cependant, il n’en reste pas moins que la palette sonore proposée en termes de réverbe pure et dure n’est pas des plus vastes, malgré les quelques options innovantes présentes. D’autre part, les possibilités de Sound Design ont beau être sympathiques, il n’y a pas non plus de quoi casser trois pattes à un canard. D’autant que pour ce type d’utilisation, certaines fonctions relativement répandues sont absentes, par exemple le « freeze » ou bien encore le morphing entre présets. Si vous rajoutez à cela la consommation en ressources outrancière, le tarif situé dans la tranche haute pour cette catégorie de plug-in (199 $ au lancement, 349 $ par la suite), et bien entendu les soucis d’installation et de compatibilité, vous avouerez que la pilule est un peu difficile à avaler. Personnellement, je m’attendais vraiment à quelque chose de mieux ficelé de la part d’un éditeur de l’envergure de Waves…
Bref, je conclurai ce banc d’essai en invitant toutes les personnes intéressées par ce plug-in à télécharger la version d’évaluation afin de juger la bête sur pièce. C’est un conseil qui tient du bon sens et que je donne quasi systématiquement, mais ici c’est tout simplement primordial.
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