Overloud, auteur des SpringAge et BReverb 1 et 2, poursuit sa ligne de plugs de réverbération avec REmatrix, associant plusieurs moteurs de convolution et chaîne d’effets. Simple multiplication des possibilités d’une technique éprouvée, ou nouvelle approche de la création d’espaces ?
La vie de « reviewer MAO », qu’on l’effectue de manière épisodique ou de façon soutenue, si elle peut être riche de bonnes (et mauvaises) surprises, est la plupart du temps assez régulière en ce sens que l’on ne rencontre pas souvent de produits qui sortent totalement de l’ordinaire. On peut être étonné par la qualité, le son d’une banque de sons, l’astuce ou les possibilités offertes par tel ou tel script, l’ergonomie ou les fonctionnalités d’un instrument, d’un plug-in d’effet. Mais tomber sur un produit innovant totalement, un instrument ou un effet qui révolutionne son « segment de marché » (quels horribles mots…) est plutôt rare.
Ce qui est, après tout, tout à fait normal ; on ne peut attendre des éditeurs de réinventer la roue à chaque sortie de produit, de même que l’on n’attend pas des utilisateurs de leurs produits de révolutionner la musique à chaque enchaînement d’accords. Mais il est vrai que lorsque l’on se retrouve face à un Melodyne polyphonique, un PitchMap, correcteur de pitch en temps réel ou autres merveilles de la recherche musico-sonoro-informatique, les réactions sont tout autre que celles éprouvées devant l’antépénultième version d’un compresseur ou d’un filtre, de la nouvelle banque de cordes ou de pianos acoustiques, tout aussi réussis et impressionnants soient-ils.
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Alors, quand on fait une veille sur les nouveaux produits, certains allument plus particulièrement les feux de la curiosité que d’autres, et l’on se plaît à espérer monts et merveilles, quitte à être ramené à la simple réalité, voire plongé dans un abîme de déception (dit plus simplement : caramba, encore raté…).
L’annonce de la sortie de REmatrix et la lecture de ses spécifications ont plus que suscité cet intérêt. Qu’en est-il après tests et pratique ? Réponses.
Introducing Overloud REmatrix
Le logiciel est le résultat de la collaboration entre l’éditeur Overloud, déjà responsable des VKFX, BReverb 2, TH2, Mark Studio 2, et Spring Age, et qui a donc déjà œuvré dans le domaine de la réverbe, et de MoReVox, éditeur spécialisé dans la production d’échantillons, de boucles et de réponses impulsionnelles, cette dernière compétence étant ici particulièrement sollicitée, puisque la réverbe est principalement basée sur la convolution (les curieux ou lecteurs non familiers avec la convolution liront avec profit l’article signé Wolfen, spécialiste du sujet).
REmatrix se présente sous la forme d’un plug-in aux formats AU, RTAS, VST et AAX (en versions 32 et 64 bits), et l’on dispose aussi d’une application autonome. Le logiciel est vendu 247 euros pendant une période dite d‘introduction, puis il passera à 299 euros, ce qui le place, a priori, dans une certaine catégorie d’outils, même si un prix élevé n’implique pas nécessairement une qualité en rapport (et vice versa). Il faut aussi prendre en compte que REmatrix peut être autorisé sur trois ordinateurs simultanément (via un numéro de série), ainsi que sur une clé USB, permettant ainsi de se trimballer avec sa réverbe partout (en prenant soin d’emmener les installeurs, bien entendu…). À l’heure où pour le même tarif (quand ce n’est pas plus), certains éditeurs n’offrent toujours qu’une seule autorisation sur une clé, le choix d’Overloud ne peut qu’être salué.
Du neuf par cinq
La principale originalité de la réverbe tient dans sa conception, puisqu’elle n’est pas constituée d’un seul moteur comme la plupart de ses consœurs à convolution, mais de cinq, chacun ayant une spécialisation. D’autre part, le chemin emprunté par l’audio, après le traitement via l’une, l’autre, n’importe quelle combinaison ou la totalité des cinq réponses impulsionnelles successives, passera par une suite de modifications supplémentaires sur lesquelles on reviendra.
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Détaillons : les moteurs de convolution sont respectivement et dans l’ordre dédiés à la reproduction de Hall, Room, Plate, Early et Special. On chargera l’une des réponses impulsionnelles (R.I. ou I.R. en grand-briton) dans la partie basse du logiciel qui offre les cinq curseurs de volumes des moteurs plus les deux de Dry et Wet. Chacune des sous-réverbes dispose d’indicateurs de niveaux avec témoin d’écrêtage, de boutons Mute et Solo, les Dry et Wet, de Mute et pour chacun de deux rotatifs L et R permettant d’ajuster précisément le placement stéréo et sa largeur (un véritable réglage de panorama, donc, et non pas de balance).
L’écran placé au-dessus des volumes permet de visualiser les formes d’ondes des I.R., une par une suivant que l’on les sélectionne via un bouton dédié, ou le résultat de toutes si l’on clique sur Mix. L’afficheur montre aussi le volume respectif par rapport à celui d’origine, et permet de jouer sur le Rev Time en temps réel, sans décrochage de l’audio : on peut donc modifier la durée des I.R. à la volée, c’est assez impressionnant ; en effet, la quasi-totalité des processeurs à convolution coupe le signal pendant le temps nécessaire pour effectuer les calculs, là non, le signal passe, pendant que le logiciel prend en compte les changements. C’est de plus très rapide (une petite roue de progression façon Apple nous informe des calculs en cours). Soulignons dès à présent la consommation CPU étonnamment basse pour un plug aussi fourni en paramètres (voir encadré).
I.R., c’est le futur
Les deux éditeurs ont doté chacun des moteurs d’I.R. correspondant aux noms utilisés, pour un total de 250 réponses impulsionnelles et 400 présets classés dans le navigateur placé sur la gauche du logiciel : dans la partie haute, les Banks, par instrument ou genre (21 familles), dans la partie basse, les présets (entre 20 et 35 par famille, une seule n’en proposant que 10).
Quand on clique sur la petite icône sous le curseur de volume de chaque moteur de convolution, le navigateur cède la place à l’accès aux réponses impulsionnelles dans la partie haute, avec durée affichée à la droite du nom (bien pratique, merci), tandis que le bas affiche deux EQ paramétriques, les réglages de Pan, Stereo, Length et Delay (ceci, par moteur bien entendu). On dispose des I.R. d’usine (Factory), et d’un menu pour ses propres réponses (My IRs, que l’on importera très simplement via le bouton… Import).
Tout cela représente déjà une sacrée masse de possibilités quant aux designs sonores possibles. En effet, si l’on a en tête un espace précis, qu’il soit réaliste, ou au contraire irréel, on peut très rapidement le « construire », avec une action précise sur les durées, les placements, les localisations des sources, etc.
Mais ce n’est pas fini.
Effets l’affaire
En effet, une fois les réverbes calées, on clique sur le bouton Master dans l’écran de visualisation qui affiche alors un synoptique révélant les richesses supplémentaires de l’outil. En effet, le signal compilé des cinq moteurs passera par une série de modules, tous activables à volonté, mais sans que l’on puisse en changer l’ordre, immuablement fixé par Overloud. La première destination en sortie de mix est un module de modulation (trois paramètres, largeur, mouvement et intensité) qui peut s’apparenter à un chorus. De là, le signal se dirige vers un Sub-Mixer matérialisé par le symbole « + » (aucun paramètre), tout en étant dérivé vers un module de réverbe algorithmique (dont les paramètres rappellent fortement ceux de la BReverb, étant moins fournis, bien entendu : durée jusqu’à 20 secondes, diffusion, niveau et deux rotatifs de filtrage), un autre de délai (avec réglages de durée, en ms ou en valeur rythmique, réinjection, filtrage, stéréo pour le ping-pong et niveau), les deux repartant dans le Sub-Mixer.
Ce dernier dirige ensuite le signal ainsi fabriqué vers une chaîne composée de Drive (module de saturation, taux et « couleur »), Comp (compresseur avec réglages d’attaque et de release, de gain de sortie, et d’un Sustain remplaçant les ratio et threshold, à l’ancienne) et finalement d’un double EQ paramétrique pouvant aussi fonctionner en plateau haut et bas.
REmatrix, en situation
Il sera compliqué de faire entendre tous les présets, I.R. et familles de REmatrix. On pourra à cet effet effectuer chez soi ses propres tests grâce à la démo disponible chez l’éditeur.
Plutôt que de donner pléthore d’exemples, le choix s’est porté sur un préset faisant appel à de nombreuses ressources de REmatrix, ce qui permettra l’écoute de l’ensemble, puis de chaque élément composant le préset de réverbération. Et l’on trouvera de nombreux autres exemples audio chez l’éditeur, sur cette page.
Commençons par un morceau à base de voix, avec le préset Voices/The Vocal Hall.
Tous les modules à l’exception du délai et de Drive sont actifs, et le programme utilise cinq I.R. Désactivons d’abord Mod, Rev, Comp et EQ.
Puis dans l’ordre, les I.R. de Hall, Room, Plate, Early et Special, et pour terminer par toutes les réverbes réactivées, puis toutes les réverbes plus modules.
Pour finir, ce qui fait aussi tout l’intérêt d’un moteur à convolution et a fortiori de cinq : il s’agit bien entendu de la possibilité d’y importer des réponses impulsionnelles autres que celles correspondant à des espaces ou matériels reproduisant des espaces. En clair, n’importe quel fichier audio.
Voici donc deux exemples de sonorités obtenues en important différentes sources sonores et en les mélangeant des I.R. de réverbes du logiciel, afin de traiter des sons a priori anodins.
Le premier exemple :
Ce type de son peut immédiatement être importé dans un échantillonneur, avec une simple activation d’un LPF pour en faire une nappe personnalisée (ici dans l’exs24, LPF 24 dB/oct.)…
La source de départ (celle envoyée dans la REmatrix) étant ceci :
Ou encore faire ceci (la dernière note ne subissant aucun trafic, elle est simplement maintenue, et il s’agit de sa lecture normale jusqu’à la fin du fichier résultant du traitement via REmatrix et ayant servi à construire l’instrument) :
Source envoyée dans la REmatrix :
Bilan
Pour reprendre une artiste rare actuellement en concert à Londres : Wow ! Faisons court : d’un point de vue sonore, REmatrix est à la hauteur des réverbes logicielles haut de gamme actuellement disponibles. D’un point de vue possibilités, on est au-dessus de la majorité de ce qui se pratique actuellement, en réussissant à « casser » le côté statique de la convolution. D’un point de vue réalisation, c’est presque un sans-faute : d’abord la consommation CPU, étonnante par sa discrétion vu le nombre de traitements. Ensuite, l’ergonomie, l’affichage facilitant la compréhension (très pédagogique), les petites astuces (un clic+Maj pour bouger tous les faders simultanément, etc.) sont idéales. Le fait de n’avoir aucune coupure audio pendant les modifications est aussi un véritable plus, aucune distraction pendant le travail…
Quelques reproches quand même (chouette, des updates possibles…) : devant le nombre de paramètres, on regrette de ne pas disposer de LFO ou d’enveloppes de modulation (même si tout peut être automatisé via l’hôte). Et l’on aurait aimé pouvoir insérer les modules à sa guise, après l’une ou l’autre I.R., bref disposer de plus de modularité. Mais il ne faut pas bouder son plaisir, l’outil, par son concept, apporte un bain de fraîcheur dans le monde de la réverbe, et par sa réalisation et sa qualité de son, une solution à sérieusement envisager si l’on compte investir dans un processeur de réverbération. Son prix ne devrait pas arrêter si l’on prend en compte d’abord la qualité du logiciel (critère fondamental), et ensuite les quatre autorisations possibles. REmatrix mérite pleinement son Award Valeur Sûre.
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