Quatre ans après nous avoir proposé ses Symphony Strings, Native Instruments arrive enfin avec des cordes virtuelles solo, samplées à partir d'instruments d'exception, non par Audiobro, mais par e-Instruments cette fois...
Cremona Quartet est un ensemble de quatre nouvelles banques de sons proposé par l’incontournable Native Instruments en partenariat avec E-Instruments. Crémone est une ville italienne célèbre pour son patrimoine de lutherie. Antonio Stradivari, Guarneri del Gesù et Gerolamo Amati sont les trois luthiers vedettes qui ont donné des idées à l’incontournable éditeur allemand. Voyons ensemble si celui-ci est parvenu à faire honneur à ces quatre instruments, parmi les plus précieux au monde.
Mio prezioso
Ce quartet qu’on pourra aisément plutôt qualifier de quatuor au vu de sa dimension classique, se présente non pas sous une seule banque de sons, mais quatre banques indépendantes. À l’achat cependant, il sera possible, au choix, d’acquérir uniquement le premier violon de la collection ou le quatuor au complet. On regrette de ne pas pouvoir acquérir les trois autres instruments indépendamment, surtout qu’ils sont techniquement autonomes.
Ainsi, ce Cremona Quartet se compose du violon « Vesuvius », fabriqué par le célébrissime Antonio Stradivari en 1727, d’un second violon au doux nom de « Prince Doria » fabriqué en 1734 par Guarneri del Gesù, de l’alto « Stauffer » datant de 1614 et taillé par Gerolamo Amati, et enfin le violoncelle « Stauffer » de 1700, fabriqué, encore une fois, par le maître Stradivari. La capture sonore a été réalisée à l’Auditorium Giovanni Arvedi avec des dizaines de micros, le tout sous haute surveillance, tellement ces objets sont uniques. Avouons-le, le synopsis fait saliver !
Pour ce qui est de la partie informatique, il faudra compter un peu plus de 20 Go d’espace disque par instrument et vous pourrez vous satisfaire de Kontakt Player qui est entièrement gratuit pour faire tourner le tout. L’utilisation de la version Player est comme toujours une excellente chose. Enfin, il est plus que recommandé d’utiliser un SSD pour gagner en confort d’utilisation, mais ceci est devenu la norme sur la majorité des machines actuelles.
Les quatre opus se présentent exactement de la même manière avec deux patchs distincts. Le patch noté « Multi Mic » se distingue du patch principal uniquement par le fait de proposer une mixette permettant d’agir sur les micros qui ont servi à capturer le son des instruments. On a à notre disposition trois faders : Close, Mid et Far accompagnés d’un réglage de « Room Noise » qui permettra de combler les silences trop « propres » entre les notes avec un bruit d’ambiance de l’Auditorium Giovanni Arvedi (vidéo à 7:34).
Le patch principal est déjà premixé et ne permet aucun réglage des micros. Honnêtement, c’est très équilibré et efficace pour commencer à travailler immédiatement. Ça sonne « out of the box ».
Virtuoso, vibrato, portamento…
L’interface est belle, agréable à utiliser, facile à comprendre et identique aux quatre instruments. Celle-ci nous donne accès au choix des articulations, qui sont pour certaines déjà préconfigurées, mais que l’on peut librement personnaliser. De cette manière il sera possible de créer des presets avec uniquement les articulations que l’on estime nécessaires.
De plus, pouvoir charger ou décharger des articulations, permet de gérer au mieux la consommation en mémoire vive. Sur des gros projets ou des machines modestes, c’est indispensable. Ces mêmes articulations sont nombreuses et, pour certaines, plutôt exclusives car probablement impossibles à reproduire autrement. Ainsi, on appréciera d’avoir à notre disposition des sonorités telles que les « Sautillé Single », « Sautillé » ou encore le « Ricochet » (vidéo à 4:20).
On remarque également immédiatement l’articulation, au nom très flatteur, de « Virtuoso » qui est ni plus ni moins qu’un patch de legato tout en un. Celui-ci a pour particularité d’être « intelligent » et d’adapter le type de legato en fonction de votre jeu, vos réglages et la vélocité avec laquelle vous attaquez les notes. Il vous permettra d’écrire de belles envolées lyriques sans trop de difficulté. En bonus, s’offre à nous la possibilité de choisir entre deux styles de jeu modifiant l’utilisation de l’effet de « portamento » (voir la vidéo dès son début). Sur un instrument solo c’est une option bienvenue car vous pourrez donner davantage de subtilité et de réalisme à vos phrases. Cependant, il est tout à fait possible d’utiliser les différentes techniques de legato indépendamment et de gérer par nous-mêmes le passage de l’une à l’autre grâce aux keyswitches et autres « expression maps » (vidéo à 2:05). Au-delà de l’aspect purement technique, la jouabilité est tout simplement excellente, et ce, dès les premières notes et quelques coups de molette de modulation.
La prise son des instruments est particulièrement propre. La réverbération du lieu est discrète et maitrisée, en tout cas bien suffisamment pour laisser la possibilité d’appliquer celle de son choix pendant la composition et le mixage. Il est à noter également que les prises sons semblent totalement centrées. Il faudra donc au mixage gérer le panoramique soi-même. Ce n’est pas nécessairement un défaut sur un ensemble aussi épuré. C’est souvent plus embêtant et moins naturel sur des ensembles de chambre ou des orchestres entiers (vidéo à 8:01).
Good vibratos
Il y a cependant un aspect indispensable lorsque l’on parle d’instruments à cordes, et encore plus, d’instruments solos, qui est la gestion du vibrato. C’est souvent un point délicat, qui n’est pas toujours très bien géré chez les différents éditeurs ayant proposé des violons ou violoncelles solos. Un vibrato grossier ou impossible à varier en amplitude et en intensité donne rapidement un côté plastique au jeu, et ce, quand bien même l’instrument soit parfaitement bien enregistré. C’est pourquoi nous pouvons nous réjouir, car Native Instruments a manifestement dans son cahier des charges pris cet élément très au sérieux. En effet, pour chaque instrument, on nous propose six types de vibrato différents (passionate, intense, wide, evolving, narrow et immediate) avec deux paramètres de variation supplémentaires. Un premier noté « Ratio » qui permet d’agir sur la quantité d’oscillations du vibrato et un second qui permet de doser l’intensité de celui-ci. Il est naturellement possible, à l’aide du clavier maître, de contrôler à la fois la dynamique et le vibrato de chaque instrument (vidéo à 4:30). De plus, attribuer un fader de votre contrôleur à un paramètre est simplissime et se limite à un simple clic droit.
Cependant, notre contrôle sur ces pièces précieuses ne s’arrête pas là. L’éditeur a mis en place la possibilité d’influencer le choix des cordes sur le manche. Concrètement, on peut choisir de jouer en priorité sur les cordes graves, sur les cordes aiguës ou alors de laisser l’algorithme décider par lui-même de ce qui est le plus probable dans un jeu naturel de violoniste, d’altiste ou de violoncelliste. En choisissant par exemple de jouer en priorité sur les cordes graves de notre instrument, on obtient naturellement un son plus rond et plus épais. Les cordes aiguës permettent d’offrir un jeu plus mordant, parfois plus criard, comme sur les deux violons. On rentre bien entendu là dans des choix d’écriture assez pointus, mais on pourra trouver mille et une situations où cette option donnera un coup de pouce à la musicalité d’un passage (vidéo à 6:24).
Dans la même veine, il est également possible, moyennant l’activation d’un keyswitch, de privilégier l’utilisation des cordes à vide. L’intérêt se trouve sans aucun doute dans la différence de résonnance de ces notes et le fait de ne plus avoir de vibrato, exactement de la même manière que sur une guitare ou une basse. Encore une fois, cette option permettra de s’attarder sur des choix d’écriture plus minutieux. Ceci vient aussi confirmer l’approche « haut de gamme » du produit proposé par Native Instruments.
Quoiqu’il en soit, il est en somme possible de contrôler l’interprétation des quatre instruments dans leurs moindres détails. Ceci permet aussi d’envisager l’utilisation du quatuor dans son ensemble, ou non, dans des styles très variés allant de la pop, en passant par le rock et en terminant sur quelques pièces classiques aux sonorités virtuoses. Cette jouabilité et ces options aux résultats immédiats offrent également la possibilité de programmer des lignes complexes en tout simplicité. On peut ainsi se concentrer davantage sur la musique et un peu moins sur la programmation.
Conclusion
Pour conclure ce test, et même si tous les goûts sont dans la nature, il est facile de reconnaître le coup de maître de Native Instruments et d’E-Instruments dans la réalisation de ce quatuor « Cremona Quartet ». C’est sans aucun doute une totale réussite tellement tous les aspects de ces quatre instruments, à l’aura légendaire, sont correctement maîtrisés. La qualité sonore est superbe, organique et vivante. La sensation physique des doigts et de l’archet se retrouve sous nos touches de clavier. L’interface graphique est irréprochable, comme souvent chez Native Instruments. À la fois complète, soignée, lisible, elle nous offre une prise en main immédiate, et ce, même pour faire des choses normalement complexes. La concurrence est comme toujours assez rude sur le créneau des instruments virtuels à orientation orchestrale et il faut pouvoir se démarquer pas uniquement sur les qualités sonores. La facilité de programmation est un critère important et permet de toucher un public de passionnés plus large.
D’un point de vue tarifaire, on nous en demande 399 euros. Soit une centaine d’euros toutes les quatre cordes. C’est une somme, mais au vu de la qualité de la réalisation et des prix pratiqués par la concurrence dans ce vaste milieu des banques de sons orchestrales, c’est cohérent. C’est donc sans surprise que nos quatre sculptures de bois, à la valeur inestimable, repartent avec cinq étoiles bien méritées.