Fidèle à sa ligne de produits à prix plancher, Boss met enfin l'échantillonneur à portée de toutes les bourses. Voyons si le SP202 n'a pas trop souffert d'une concentration à l'extrême.
Les produits Boss sont déclinés de la ligne Roland, avec fonctionnalités et puissance réduites afin de conserver un prix très attractif. Jusqu’à présent, la marque japonaise proposait essentiellement des mélangeurs, processeurs d’effets et petits expandeurs. Un échantillonneur manquait à l’appel et, la courbe d’amortissement technologique coïncidant avec l’essor des DJ-musiciens dance/techno, le marché était prêt pour le SP202. Avec ses 4 voix de polyphonie et sa bande passante limitée à 15 KHz, le SP202 est surtout conçu pour capturer et faire tourner quelques phrases rythmiques, ou décoder un passage compliqué d’un morceau. Trop simplet ? Pas si sûr, car le SP202 sample en 16 bits stéréo, se paie le luxe de time stretcher en temps réel et stocke les sons sur mémoire FlashRam. De plus, étant données ses dimensions réduites et la présence d’un micro intégré, on peut l’emmener partout pour sampler sans limite. Quant aux plus casaniers, un CD Zéro-G contenant 500 sons compilés (hip-hop, techno, ethnic, fx) les fera voyager.
A portée de main
Sous la forme d’un boîtier plastique noir recouvert de pads lumineux rouges, le SP202 joue dans la catégorie poids plume. La face arrière est dédiée aux entrées / sorties stéréo Cynch, à la prise Midi In (simple réception de note sans vélocité) et à l’entrée alimentation externe (en option) couplée à un switch marche/arrêt. Sous l’appareil, une trappe accueillant les 6 piles 1,5 V fournies avec la machine (autonomie de 8 heures) renforce la notion de transportabilité.
En passant sur le devant, on découvre, à côté du sélecteur de mixage externe, une interface pour carte Smart media et une entrée micro couplée à un switch mic/line jouxtant le micro intégré. Terminons par le panneau avant, flanqué de 2 potentiomètres circulaires (volume général et paramétrage), 6 switches d’effets, un afficheur numérique 3 diodes 7 segments, les touches +/- et Tap tempo ainsi qu’une matrice à 5 fonctions pour les modes de reproduction sonore. Juste en-dessous, nous trouvons les touches d’effacement, d’enregistrement, d’édition, de banques (ABCD) et les 8 pads (non sensitifs) de déclenchement des sons assistés des pads Hold et Source. Toutes ces commandes résument à elles seules toutes les fonctionnalités du SP202. Autrement dit, nous avons affaire à une machine très abordable mais fort peu profonde.
Sample comme bonjour
L’échantillonnage sur le SP202 est d’une simplicité extrême. Après avoir appuyé sur la touche Rec, il suffit de sélectionner le pad de destination, la machine faisant clignoter le premier pad vide de la banque en cours tout en empêchant le choix d’un pad occupé (il faudra effacer son contenu à l’aide de la touche Del). Ensuite, on sélectionne la source audio (entrée stéréo, micro interne ou externe), puis on règle le niveau d’enregistrement à l’aide du potentiomètre Control et de la Led de présence de signal (nous aurions préféré une représentation graphique avec les 3 Led numériques pour mieux calibrer le signal d’entrée). Enfin, on choisit le mode de déclenchement de l’enregistrement (manuel ou seuil), la fréquence d’échantillonnage (31KHz, 15KHz, 8KHz ou 4KHz, les 2 dernières étant réservées aux effets d’outre-tombe) et le mode mono ou stéréo.
Une fois l’enregistrement commencé, une nouvelle pression sur la touche Rec stoppe celui-ci, et l’échantillon obtenu est immédiatement déclenchable depuis son pad. Pour chacun, il est possible de déterminer et mémoriser le tempo à l’aide de la touche Tap (celui-ci est alors affiché à l’écran), le sens de lecture (normal ou inversé), le mode de déclenchement (trigger ou gate) et la mise en ou hors service du bouclage. Dans sa FlashRam conservée à l’extinction des feux (bravo !), le SP202 peut stocker 2 banques de 8 pads (A et B). La capacité est de 512 Ko, ce qui représente de 16 secondes (31KHz stéréo) à 4 minutes 20 (4KHz mono). Avec une carte Smart media optionnelle, 2 autres banques de 8 pads s’ajoutent (C et D) ainsi que de 1 à 7 backups de la mémoire interne, suivant la durée des échantillons et la capacité de la carte. En backup, le contenu des banques devra être chargé en mémoire interne (A et B) pour être exploité. Bref, avec le SP202, il est extrêmement rapide de se constituer une banque de sons provenant de lieux très variés sans autre matériel ou mode d’emploi (encore en anglais, mais concis avec ses 40 pages et son petit index). Mais c’est lors de l’édition que les choses se gâtent.
Edition très limitée
Le SP202 est exclusivement orienté temps réel, ce qui lui confère une manipulation très intuitive (pas d’écran, de menus et sous-menus) en lecture comme en enregistrement. Par contre, c’est une véritable faiblesse dès qu’il s’agit d’éditer un peu les sons. Par exemple, pour le bouclage, il n’existe pas de réglage précis des points de départ et fin : il faut lancer la reproduction du son et, à la volée, entrer à l’aide de la touche Mark les deux points de montage. Si ce n’est pas satisfaisant, on recommence, et cela peut durer longtemps avant de trouver les bons points. Inutile de dire que le bouclage parfait est impossible, ce qui est affligeant sur une machine sensée reproduire des boucles rythmiques. Un retour immédiat sur l’établi est nécessaire afin de doter le SP202 d’un réglage fin à l’aide du potentiomètre Control. Au passage, il faudra en profiter pour que chaque pad ait un volume séparé, ce qui, sur un échantillonneur, fait également partie de l’équipement de base. Pour en revenir au bon côté des choses, le SP202 est doté d’une fonction de troncature afin d’éliminer les portions de signal avant et après les points de bouclage, ce qui permettra de récupérer de la précieuse mémoire. Voilà, c’est tout pour l’édition des formes d’onde (pas de mélange de plusieurs sons, de LFO ou autres ADSR) et c’est vraiment pauvre.
Effets : le meilleur et le pire
Pour travailler les boucles, le SP202 propose 6 effets dont 3 (filtres 1 & 2 et modulation en anneau) peuvent s’appliquer à une source externe. Attention à ne pas se méprendre, il ne s’agit pas de 6 effets simultanés. Le pitch agit dans une plage de –20 à +10% et il est global, ce qui en limite profondément l’utilisation. Seul point positif, il est cumulable avec les autres effets et ne consomme pas de polyphonie.
Les 2 filtres sont plus intéressants : le premier est un passe-bas avec accès au cutoff (assourdissement) et le second est résonant avec réglage du Q (effet wah-wah). Quant au délai, il se synchronise au tempo prédéterminé (à la main) de la boucle en cours avec accès à 13 subdivisions (du 64e de ronde à la ronde, y compris notes pointées). Vient ensuite le modulateur en anneau, qui permet de rendre une boucle plus métallique ou une voix plus mécanique (façon 3PO dans Starwars). Plus intéressant et inattendu, le time stretch est la bonne surprise du SP202. Agissant dans une plage entre –50% et +25%, celui-ci se fait en temps réel, presque sans broncher (si on ralentit trop le tempo, un effet d’écho indésirable apparaît) : chapeau Big Boss !
Mais l’ombre au tableau, c’est que l’utilisation des effets se traduit par une boulimie de polyphonie. C’est la seconde lacune du SP202 et l’addition est lourde : pour inverser, filtrer ou moduler en anneau un son mono, 2 voix. Pour utiliser le délai ou le time stretch, 3 voix. Ces deux effets ne peuvent donc pas être utilisés sur un son stéréo ! Pire, dès que l’on passe sur la carte, on consomme 3 voix pour un son mono et 4 pour un son stéréo et là, adieu inversion, délai et autre time stretch, il faudra se contenter des filtres ou du modulateur en anneau en mono (4 voix utilisées). Enfin, pour des effets de filtres ou de modulateur en anneau sur une source externe, 4 voix seront également requises, mais cette fois pour un son stéréo. Tout ceci est donc un mauvais compromis qui aurait du être résolu par une fonction de resampling des sorties stéréo avec les effets. Pas de chance !
Le chant de Boss
S’il existe un segment de marché entre les enregistreurs de phrases et les échantillonneurs d’entrée de gamme, Boss l’a comblé avec le SP202. Pour sampler dans des lieux inhabituels (Rave dans les Catacombes) ou difficilement accessibles (le Yeti à 8000 mètres d’altitude) sans emmener une tonne de matériel et casser sa tirelire, c’est l’outil idéal. Par contre, il faut faire d’importantes concessions sur les traitements numériques (bouclage imprécis, choix cornélien entre la polyphonie et les effets). Pour tous ceux qui peuvent se contenter de quelques boucles pas trop travaillées ou qui veulent s’adonner au time stretch temps réel, le SP202 est un bon choix. Pour les amoureux du sampling, il faudra trouver d’autres pistes.
Glossaire
FlashRam : mémoire de stockage permanente des échantillons, conservée pendant l’extinction de la machine
Time Stretch : accélération ou ralentissement de la vitesse d’une boucle tout en conservant sa hauteur tonale d’origine
Tap : touche permettant de calculer le tempo d’une boucle en cours de jeu lorsque l’on frappe dessus en mesure