Bien décidé à ne pas laisser Akaï reprendre du poil de la bête avec les S5000 et S6000, E-mu présente une ultime série d’Emulator 4. Avec un nouvel hardware et un nouveau software, les E4 Ultra sont bien partis pour occuper le peloton de tête des gros échantillonneurs.
Si l’échantillonnage existe depuis près de 20 ans, les samplers professionnels d’aujourd’hui n’ont plus grand chose à voir avec leurs homologues du passé. Pas seulement au plan des spécifications techniques (résolution, mémoire, polyphonie et multitimbralité), mais aussi et surtout au niveau des possibilités de traitement post-échantillonnage. Ainsi, les sons une fois congelés peuvent subir des traitements numériques très variés bien plus sophistiqués qu’une simple troncature ou qu’un « bête » filtre passe-bas. On parle maintenant de filtres multimodes, de matrices de modulation et de processeurs multieffets. En parallèle, les écrans graphiques grand format sont devenus de précieux assistants qui affichent les points de bouclage, les courbes d’enveloppe, les modulations ou l’environnement SCSI à la manière d’un moniteur d’ordinateur. Enfin, les constructeurs ont bien compris que boucler un échantillon et créer un multisample n’est ni facile, ni excitant.
Ainsi, les machines actuelles sont de plus en plus conviviales, utilisant à merveille la puissance de leurs DSP et le génie de leur créateur pour mettre à la portée de l’utilisateur un certain nombre d’outils facilitant le travail : détection de la tonalité, placement des échantillons, bouclage entièrement automatiques. La série E4 Ultra fait partie de cette trempe de machines sans compromis qui s’effacent devant l’utilisateur pour se mettre au service de la créativité, avec en bonus le son légendaire E-mu. Sur le plan des spécifications, le constructeur américain n’a pas oublié les standards d’aujourd’hui : les Ultra peuvent en effet être poussés à 128 Mo de Ram, 64 Mo de Rom, 128 voix de polyphonie, 32 canaux Midi et disposent de possibilités d’évolution hallucinantes.
Ultra brite
La famille E4 Ultra comprend trois modèles dont nous avons testé la version haut de gamme, l’E4XT Ultra (voir encadré). Lorsque nous ferons référence à l’E4, nous parlerons de l’E4XT Ultra. Or donc, l’E4 reprend le même habitacle que ses ancêtres E4 (là, nous parlons des anciens E4, ça commence mal !). Il s’agit d’un rack 3U dont la façade avant est illuminée en son centre par un LCD 240 × 64 pixels. Sur la gauche, l’interrupteur marche / arrêt domine un potentiomètre de volume et une prise casque au format jack 6,35. Toute la partie inférieure de la machine est réservée à un panneau de commandes oblique, hélas pas détachable comme sur le S6000 Akaï.
A gauche, on trouve la section de modes de jeux et d’édition (global, disque, programmes et échantillons). Vient ensuite une touche d’audition directe des échantillons depuis le disque, surplombant deux diodes bien pratiques d’activité Midi et SCSI. A leur droite, 3 touches permettent de passer en mode séquenceur, effets ou Soundsprint et d’assigner 3 autres fonctions au choix, en conjonction avec la touche Shift. Sous le LCD, 6 touches logicielles permettent de choisir directement une fonction suivant la page menu, en conjonction avec 4 commandes Exit / page précédente / page suivante / Enter et 4 flèches de navigation. A noter qu’un mode permet de reboucler la navigation entre les pages en début ou fin de parcours comme sur un Kurzweil, bien vu. Enfin, un pavé numérique partage la partie droite des commandes juste en-dessous d’un alphadial de bonne dimension assisté de deux touches incrément / décrément. Terminons par le lecteur de disquettes dont le rôle est surtout réservé à la mise à jour logicielle ou à la sauvegarde de séquences.
Passons maintenant à la face arrière, fort bien garnie : deux trio Midi pour permettre l’exploitation optimale de 32 canaux, une interface SCSI 50 broches, 8 sorties audio analogiques (Main stéréo + 3 Sub stéréo en jack 6,35 symétriques, merci !), deux entrées sampling (jack 6,35 symétriques), une interface AES/EBU (entrée / sortie XLR, bravo !), une prise pour clavier ASCII et une interface Word Clock (entrée / sortie). L’alimentation est évidemment interne et du type à détection de tension et de fréquence automatiques et un ventilateur se charge d’expulser l’air chaud dans le nez de celui qui a monté sa machine à l’envers. Enfin, trois slots permettent l’installation de cartes d’extension (voir « Ultra Family » ci-dessous). Seul reproche, il manque à notre sens un SCSI Thru pour connecter la machine au milieu d’une chaîne, E-mu n’ayant pas repris le design du tout premier E4, mais s’étant contenté de copier les suivants, E6400 et E-Synth. Tout se passe donc à l’intérieur, en hardware comme en software.
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E-Synth Ultra |
E4XT Ultra |
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Polyphonie de base Ram de base Rom de base Disque dur interne Interface Midi / canaux Interface AES / EBU Interface Word Clock Interface clavier ASCII |
64 voix 16 Mo option option In Out Thru / 16
option option option |
64 voix 16 Mo 16 Mo option 2 x In Out Thru / 32
entrée et sortie XLR entrée et sortie BNC prise 5 broches |
128 voix 64 Mo option 3 Go 2 x In Out Thru / 32
entrée et sortie XLR entrée et sortie BNC prise 5 broches |
Ultra family
La famille des E4 Ultra compte aujourd’hui trois membres complètement évolutifs (voir tableau comparatif ci-dessus), grâce notamment à 10 ports d’extensions (7 internes et 3 externes). En partant du modèle d’entrée de gamme, on peut passer progressivement au modèle haut de gamme et même aller au-delà. Ainsi, la polyphonie de l’E6400 Ultra peut passer de 64 à 128 voix par carte interne. Par ailleurs, la carte D-WAM lui donne le second trio Midi, l’interface numérique AES/EBU, la prise ASCII et le Word Clock. Rien n’empêche ensuite d’augmenter la Ram initiale (16 Mo) ou d’ajouter un disque dur interne Quantum Fireball de 3 Go. Mieux loti, l’E-Synth Ultra dispose d’origine de la carte D-WAM. De plus, il est équipé d’une Rom de 16 Mo d’échantillons permanents organisés autour de 500 programmes utilisant à fond les possibilités de synthèse des E4. Rien n’empêche d’étendre l’E4XT à son tour au moyen de cette carte Rom. Parmi les options externes disponibles pour les trois modèles, on trouve une carte 8 entrées / 16 sorties ADAT, une carte 8 sorties analogiques supplémentaires au format jack 6,35 symétrique et une interface numérique au format propriétaire E-mu (EDI) permettant l’échange de données entre machines équipées. En interne, on peut également étendre la Ram à 128 Mo (2 slots Simm 72 broches), ajouter le fameux processeur d’effets 32 canaux R-Chip (annoncé pour la rentrée), insérer des FlashRam 16 / 32 Mo ou encore des Rom 16 / 32 Mo (4 slots internes pour un total de 64 Mo maximum), telles que la Rom 16 Mo compilant les sons des modules Orbit et Phatt. A noter cependant que dès qu’une Rom est utilisée, l’E4 ne gère plus que 64 Mo de Ram. Il est cependant possible de désactiver l’utilisation de la Rom depuis l’OS, lorsque les 128 Mo sont absolument nécessaires. A quand 128 Mo de Ram utilisables simultanément avec 128 Mo de Rom ? Sur l’E2000 ? Quoi qu’il en soit, avec toutes les options installées, l’E4 n’a rien à envier au S6000. Certes, l’Akaï monte à 256 Mo de Ram, mais il est en revanche incapable d’utiliser simultanément des Ram et des Rom, faculté fort intéressante que les utilisateurs de Kurzweil connaissent bien et que les futurs acquéreurs du Triton Korg apprécieront. Là où l’E4 met tout le monde d’accord, c’est dans sa faculté de graver des échantillons sur FlashRam et de les utiliser sur un Proteus 2000 comme une vulgaire « Rom ». Bien vu !
Ultra moderne
Sous ses apparences similaires aux précédents modèles, l’E4 est une nouvelle machine à part entière. A commencer par la carte mère où trône un processeur RISC 32 bits. Résultats immédiatement perceptibles pour ceux qui ont l’habitude de manipuler des échantillonneurs, la machine va vraiment très vite. Que ce soit la rapidité de manipulation des grosses banques, la célérité des traitements DSP (notamment la compression temporelle), la réactivité aux commandes Midi (notion importante lorsqu’il s’agit de piloter 128 voix sur 32 canaux) ou encore le temps de rafraîchissement du LCD, l’E4 répond présent à la vitesse de la lumière sur tous les tableaux. Franchement, cette faculté donne à la machine un confort d’utilisation sans égal, la concurrence restant loin derrière.
L’autre grande nouveauté réside dans l’OS, baptisé EOS (pour Emulator Operating System) qui passe à sa version 4.00. Celui-ci permet, entre autres, un placement assisté des échantillons sur le clavier, des points de bouclage, la synchronisation audio des boucles et un séquenceur 48 pistes. Nous aurons l’occasion d’y revenir en détail. La bonne nouvelle pour les propriétaires des premiers E4 et descendants, c’est qu’ils peuvent sans problème passer à l’EOS 4.0 avec leur machine. Cette pérennité de la gamme est à l’image de ce que fait Kurzweil avec les K2500, garantissant à l’utilisateur de rester à la page pendant de nombreuses années. Mais là où E-mu va plus loin, c’est dans la possibilité laissée aux utilisateurs d’anciennes versions de changer leur carte mère. Ainsi, moyennant finances réduites, ils peuvent se mettre complètement à niveau. On applaudit le constructeur de toutes nos mains (jusqu’à 26 pour jouer 128 voix de polyphonie !) d’avoir permis cette faculté de mise à jour tant matérielle que logicielle.
L’utilisation de l’EOS 4.00 est d’une facilité déconcertante, contrairement à ce que laisserait présager la vue du manuel dédié de 400 pages. On voyage facilement dans les pages écran, il y a assez peu de niveaux d’arborescence (2 en moyenne) et le design des pages est très clair (affichage des pages adjacentes, courbes d’enveloppes, formes d’onde, clavier Midi pour assignation des échantillons, édition matricielle lorsque les paramètres sont nombreux). Une réussite que seuls les S5000 et S6000 Akaï peuvent contester avec leur écran géant (détachable sur le S6000) et leur édition géniale à double sens. Mais E-mu a plus d’un paramètre dans sa Ram !
Ultra sons
L’E4 est livré avec 2 Go de sons sur 9 Cdrom, bienvenue chez les pro ! 18 ans d’expérience dans la production d’échantillonneurs et de banques de sons, ça se sent. On est loin des quatre malheureuses disquettes fournies par Akaï avec ses S5000 et 6000. Les 8 premiers CD sont puisés dans la librairie légendaire de l’EIII et le 9ème est un backup du disque dur interne Quantum Fireball 3 Go (standard sur le XT). Jetons donc un petit coup d’oreille à cette énorme librairie. Les CD 1 et 2 sont une compilation des 10 premières années d’Emulator. On y retrouve des instruments acoustiques, électriques et des choeurs. Certaines banques sont des transferts numériques de l’Emulator II, avec une bande passante limitée mais un vrai grain, contrastant avec les banques 16 bits développées sur EIII. Le CD 3, dédié aux sons orchestraux, contient 46 banques d’excellente qualité couvrant l’essentiel des sonorités classiques. Certaines existent en 2, 4 et 8 Mo, ce qui illustre les soucis de capacité mémoire à l’époque de l’EIII (plus de 10 ans déjà !). Le CD 4 contient 28 banques d’effets spéciaux stéréo de très bonne facture, allant des ambiances de trafic aux vents violents, en passant par les vagues, les bruits de moteurs et de la maison (cuisine, aspirateur, rasoir…).
Les CD 5 et 6 offrent un voyage à travers le monde, avec des instruments et des percussions des quatre coins de la planète. Le CD 7 est dédié à 19 grands crus E-mu et autres célébrités, Proteus 1/ 2 / 3, Procussion et claviers Vintage (B3, Mellotron, CP-70, Chamberlain). Ce CD, né après la sortie de l’EIIIX, contient de superbes banques de 32 Mo. Le CD 8 est un opus à 12 prestigieuses marques de machines Vintage : Hammond, Fender, Wurlitzer, ARP, Moog, Prophet, Oberheim et Jupiter y côtoient des guitares Vintage et des percussions électroniques analogiques. Enfin, l’écoute de la banque E4 native (400 Mo) est très significative du passage à la quatrième génération d’Emulator : beaucoup de multiéchantillons, une stéréo large bande, de multiples niveaux de vélocité et une programmation souvent très poussée. Coup de chapeau au grand piano stéréo (30 Mo, triple vélocité). Pour terminer, nous félicitons l’absence totale d’artefact de transposition vers le bas et d’aliasing vers le haut, grâce à une puce géniale datant de l’Emax II autorisant une transposition parfaite sur une plage de –6 à +4 octaves. La qualité sonore parfaite est assurée de part en part, depuis les convertisseurs d’entrée A/N 16 bits avec suréchantillonnage DS 128 fois jusqu’aux convertisseurs de sortie N/A 20 bits, en passant par le processeur d’effets travaillant sur 2 canaux 24 bits sans la moindre conversion analogique. Du beau travail !
Ultra frais
Dans la plus pure lignée des précédentes versions, l’E4 est un échantillonneur basé sur la simplicité d’utilisation, depuis la capture du signal jusqu’aux traitements ultérieurs. La numérisation se fait sur une résolution de 16 bits linéaires suivant 2 fréquences dépendant de l’horloge numérique de la machine : 22,05 / 44,1 kHz lorsque l’horloge est réglée à 44,1 kHz et 24 / 48 kHz lorsqu’elle est sur 48 kHz. Les échantillons sont stockés dans un format propriétaire, ce qui ne va pas dans le sens de la standardisation. La Ram de base contient 64 Mo, cela est suffisant pour bien débuter dans la vie. On pourra la pousser à 128 Mo, au moyen d’une seconde barrette Simm standard 72 broches.
L’échantillonnage s’opère en appuyant sur la commande « New Sample » depuis le mode « Sample Manage ». Dans la page qui apparaît alors, on règle le seuil de déclenchement, la source audio, les niveaux d’entrée, le Dither, la longueur, la note racine, le monitoring, la fréquence d’échantillonnage (22/44 kHz ou 24/48 kHz en analogique – 32, 44 ou 48 kHz en numérique). Il est même possible de rééchantillonner les sorties en numérique. Dans ce cas, un judicieux réglage de la résolution est permis sur 16, 18 ou 20 bits, les 2 dernières valeurs étant préférables pour obtenir une réserve de dynamique supplémentaire lors du rééchantillonnage d’empilages sonores. Il ne reste plus qu’à armer l’E4.
L’échantillonnage démarre alors suivant le mode de seuil (audio, Midi, forcé). Bien évidemment, il peut être arrêté en cours de route. Mais la bonne surprise vient des fonctions automatiques mises à notre disposition une fois le son capturé. Il s’agit d’une troncature automatique (au début, à la fin ou les deux), d’une auto normalisation (absolue ou relative), d’un auto placement et d’un bouclage automatique. Dans l’avant-dernier mode, il convient de préciser au préalable la longueur de boucle, à choisir parmi les valeurs 1 (boucle entière), 1/2, 1/4 et 1/8, avec ou sans Crossfade. Les résultats obtenus sont très variables, allant de « chouette, toujours ça à ne pas faire soi-même » à « il va falloir que je me tape la boucle à la pogne », après quelques tentatives restées infructueuses. Comme quoi l’homme est encore supérieur à la machine. Dans le dernier mode, les échantillons sont placés au sein d’un multisample en fonction de la note Midi choisie comme référence et du nombre total d’échantillons contenus. L’E4 nomme même les échantillons automatiquement suivant le nom du programme et la note de référence. Mieux, on peut également choisir une étendue de tessiture à respecter. Ces fonctions permettent vraiment de gagner un temps considérable. On a presque envie de sampler soi-même (si, si !) et on se prend à rêver d’une machine regroupant les possibilités de navigation des S5000 / 6000 et les automatismes de l’E4. Enfin, les échantillons peuvent être nommés, copiés, effacés, « dumpés » et exportés aux formats EIIIX, E4 (EOS), WAVE ou AIFF. Un utilitaire permet même de défragmenter la mémoire pour recouvrer de l’efficacité.
Ultra complet
Une fois les échantillons fraîchement capturés, il ne reste plus qu’à les triturer individuellement avant de les assembler au sein de multisamples. Pour ce faire, l’E4 dispose de la section de traitements numériques la plus performante du marché. A 18 ans, l’Emulator est une machine majeure et vaccinée ! Pour toutes les fonctions qui vont suivre, on dispose des opérations de copie / coupure / collage, avec Crossfade réglable (taille et type). De plus, une fonction Undo / Redo peut être activée dès lors que l’E4 est relié à un disque dur. Il est même possible, dans la plupart des éditeurs, de « Scruber » avec la molette de Pitch pour localiser rapidement l’emplacement de l’échantillon à éditer. L’affichage graphique permet de zoomer les formes d’onde indépendamment sur les axes de temps (horizontal) et d’amplitude (vertical). Pour éditer une boucle, on peut fixer la corrélation des points (départ / longueur) ou les laisser libres (départ / fin). Ensuite, la portion bouclée peut être compressée, histoire de se débarrasser des différences d’amplitude dans le signal. Idéal pour boucler les sons à déclin de la vie courante (piano, guitare). L’échantillon peut alors être tronqué après le point de fin de boucle, histoire de récupérer de la mémoire (128 Mo, c’est si peu !). Enfin, un Crossfade permet d’atténuer les boucles récalcitrantes, soit en mode linéaire, soit en amplitude constante. Il ne manque que les modes sinus, exponentiel ou mixage pour ravir les plus difficiles que nous sommes.
Autre grand absent, le bouclage bidirectionnel souvent très utile sur les échantillons de balayages de filtre, de modulation de largeur d’impulsion ou de tables d’onde. Une fois bouclé, le son peut être accordé numériquement (avec filtre anti-aliasing, merci !), converti en fréquence, recalculé (pour effectuer un bouclage monocyclique), recentré (par filtrage de la composante de courant continu de la forme d’onde), interverti (canaux gauches et droite), inversé (sens de lecture), converti (stéréo en mono et mono en pseudo-stéréo). Mais E-mu ne s’est pas arrêté en si bon chemin.
Ultra dense
Comme si cela n’était pas assez, l’E4 permet aussi de changer le gain des échantillons (avec Crossfade), de les compresser (attaque, seuil, ratio, relâchement), de les égaliser (EQ paramétrique monobande), de les traiter avec un filtre multimode à phase linéaire (créant moins de distorsion qu’un filtre dynamique classique) et de les embellir avec un célèbre processeur d’espace acoustique. Il s’agit ni plus ni moins de l’Aural Exciter de chez Aphex, permettant de rendre un échantillon très coupant et beaucoup plus présent dans un mix surchargé.
Pour terminer, voici une dernière série d’outils toujours plus impressionnants : « Transform Multiplication » multiplie deux échantillons, accentuant les fréquences communes et diminuant les autres. Cette fonction, créée il y a 12 ans sur l’Emax SE, est une forme de synthèse à part entière et extrêmement puissante. « Doppler » crée un effet du même nom, c’est-à-dire capable de faire évoluer un son dans le spectre audio avec action sur la fréquence, comme lorsqu’une ambulance au Klaxon ravageur nous passe à côté. L’E4 y ajoute la 3D grâce à 12 algorithmes particulièrement spectaculaires.
Viennent ensuite les algorithmes de compression / expansion temporelle et son alter ego changement de tonalité, qui donnent des résultats excellents, ce que l’on fait de mieux aujourd’hui. Poursuivons avec le réducteur de bit, qui permet de salir le son par pas de 1 bit. « Last but not least » comme on dit chez E-mu, le Beat Munger (traduction française approximative interdite) permet de jouer avec des boucles rythmiques de manière inédite. La machine commence par analyser le signal, en détermine les points hauts dans la courbe d’énergie (donc les battements) et en déduit automatiquement le tempo. Ensuite, il suffit de jouer le son analysé et d’en régler les paramètres en temps réel (il faut quelques secondes avant que les résultats ne se répercutent), à savoir le tempo, la division temporelle, le swing ou encore les points de bouclage (par sauts calés sur la mesure). Superbe ! Tous ces calculs sont extrêmement rapides sur l’Ultra, grâce au processeur RISC 32 bit au cœur du système. Pas de doute, E-mu a frappé très fort sur cette section de traitement.
Ultra rapide
Les échantillons peuvent être très facilement assemblés par placement direct, copie ou import depuis d’autres multisamples. On accède alors aux réglages de volume, panoramique, accord, note originelle, note basse, Fade bas, note haute et Fade haut pour chaque échantillon, et la même chose pour le multisample global (avec réglage de transposition remplaçant celui de la note originelle). Ces réglages se font en un éclair, de façon matricielle (échantillons en ligne et paramètres en colonne). Sur le même principe, l’E4 affiche graphiquement la tessiture et les Crossfades. Là où la machine écrase la concurrence, c’est dans la manière de traiter les voix avec ses modules dynamiques, à savoir les filtres, les enveloppes, les LFO et la matrice de modulation. En fait, toute voix peut être traitée indépendamment ou groupée à plusieurs autres (jusque 32 groupes par programme). Les voix d’un même groupe sont alors éditées simultanément. Ceci rend les traitements dynamiques totalement indépendants des tessitures de voix, ce qui permet, par exemple, d’avoir un panoramique à gauche sur le Do 3, un filtre fermé sur le Do#3, un LFO rapide sur le Ré3, etc…
Pour chaque voix (seule ou groupée), le signal passe d’abord par une section « Tuning » : on y règle les paramètres de transposition, d’accordage, de chorus (doublant le nombre de voix de polyphonie utilisées), de délai, d’Offset de démarrage, de portamento, de mode solo et de groupe exclusif. Vient ensuite une page « Ampli / Filtre », dans laquelle on paramètre le volume (avec +10dB de gain), le panoramique, l’action de l’enveloppe de volume, la sortie (paire stéréo principale ou l’une des 3 paires séparées), l’enveloppe de volume (6 temps et 6 niveaux), le type de filtre, la fréquence, la résonance et l’enveloppe de filtre (6 temps et 6 niveaux). Le filtre dispose de 21 algorithmes comprenant des filtres multimodes résonants et des profils Zplane, pouvant monter jusqu’à 6 pôles. Dans le cas de filtres Zplane, le réglage de fréquence fait varier la position entre les deux profils et le réglage de résonance agit soit sur le Boost / Cut lorsqu’il s’agit d’un filtre EQ paramétrique, soit sur la profondeur de modulation sur un filtre Flanger / Chorus, soit sur la taille de la cavité buccale lorsqu’il s’agit d’un filtre à formant de voix. Superbe !
Ultra modulable
Pour casser davantage ses voix, l’E-mu 4 dispose de modulations extrêmement complètes. A commencer par la section « LFO / Aux enveloppe » permettant les réglages de 2 LFO distincts et d’une 3ème enveloppe libre identique à ses collègues. Très complets, les LFO possèdent 17 formes d’ondes ainsi que des réglages de délai, de vitesse (avec calage Midi), de variation et de synchronisation de note. On y trouve également deux atténuateurs (Lag) permettant d’adoucir des signaux abrupts entrants en calculant leur fonction intégrale (un signal constant est ainsi transformé en rampe). On peut ainsi faire apparaître progressivement un LFO à partir d’un simple interrupteur au pied.
Pour terminer, comme tout produit E-mu qui se respecte, l’E4 est équipé d’une matrice de modulation surpuissante, grâce à laquelle on peut, au moyen de 24 cordons, relier 64 sources à 60 destinations. Pour chaque cordon, la quantité de modulation est bipolaire. Parmi les 64 sources, on trouve, en plus des classiques (enveloppes, LFO, vélocité, Aftertouch), le numéro de note Midi, 8 contrôleurs Midi A à H, les processeurs de Lag, du bruit blanc ou rose ainsi que des fonctions mathématiques. Parmi les destinations, en plus des routages classiques (pitch, cutoff, ampli), on dispose de la résonance du filtre, des points de départ et de boucle des échantillons, du panoramique, des temps et niveaux des enveloppes, des vitesses des LFO et des mêmes fonctions mathématiques. Ces dernières permettent, entre autres, de mélanger deux cordons (somme, inversion, interruption…) ou de déformer le signal entrant (gain x4, diode, valeur absolue…). Tout cela, c’est pour une voix ou un groupe de voix. On comprend mieux que la mémoire programme réside sur une Flash Ram séparée de 8 Mo ! Un même programme peut contenir plusieurs multiéchantillons et l’E4 permet même de lier un nombre illimité de programmes. Dans ce mode « Links », on règle la tessiture, la fenêtre de vélocité, le volume, le panoramique et la transposition. Il est même possible de filtrer une série de 11 contrôleurs Midi pour les liens externes. Ceci remplace en partie le manque de mode de combinaison de programmes sans toutefois nous consoler entièrement.
Ultra dry
L’E4 dispose de deux processeurs d’effets 24 bits stéréo identiques à celui du Proteus 2000, mémorisés soit en mode global, soit avec chaque programme. Le premier processeur est dédié aux effets d’ambiance, avec 44 algorithmes de réverbération (Room, Hall, Plate, Gate…), de délai (Panning, Multitap) et des combinaisons délai + réverbération. Le second s’attache aux effets de modulation, avec 32 algorithmes de chorus, de délai et de distorsion (seule ou combinée). Les deux processeurs sont connectés en parallèle et on dispose en plus d’un réglage d’envoi du second dans le premier. En termes de paramètres, c’est le strict minimum, à savoir déclin et absorption des hautes fréquences pour le premier processeur, Feedback, vitesse du LFO et temps de délai pour le second. Chaque multieffets dispose en plus de 4 bus correspondant à des dosages différents de départ. Hélas, cette section échappe intégralement à la modulation dynamique. La qualité est certes au rendez-vous, mais on attend de pied ferme le R-CHIP et ses 32 canaux audio.
Ultra léger
Grâce à un sympathique séquenceur 48 pistes, l’E4 est une machine autonome sur scène. Le séquenceur partage sa mémoire (400 000 notes) avec les programmes. Ainsi, 50 séquences peuvent résider en mémoire (volatile sauf si une Flash Ram est installée). La machine autorise la quantisation jusqu’au triolet de quadruple croche, l’extraction de canaux Midi et le remixage (volume, panoramique, mix) et répond au MMC. Sur chaque piste, elle peut agir sur des portions d’enregistrements (Couper/Copier/Coller), mais ne permet ni l’édition microscopique, ni l’enregistrement en pas à pas. Voilà ce qui manque pour en faire un séquenceur digne d’une machine de cette trempe. Par railleurs, une fonction Jukebox permet d’enchaîner 7 séquences. On peut également lire et exporter des Midifiles ainsi que des Sysex. Enfin, notons la présence d’un arpégiateur très limité, à des années lumières de celui de l’Audity 2000 et très loin de celui de l’Emax de 1986. Les seuls paramètres sont le tempo, la tessiture, la direction (4 types) et la division temporelle. Pire, il n’est même pas possible d’en mémoriser les réglages avec chaque programme, diantre ! Heureusement, les notes arpégées peuvent être enregistrées en temps réel dans le séquenceur. E-mu a frôlé la correctionnelle !
Ultra plat
Une qualité requise des échantillonneurs est leur faculté de jongler avec les galettes internes et externes. En mode disque, l’E4 affiche les unités SCSI connectées, puis les banques et les fichiers sous forme d’icônes. Un disque est découpé en banques, elles-mêmes découpées en fichiers. Un fichier comprend les programmes, les échantillons et les séquences. Hélas, si l’E4 permet de charger en mémoire fichiers et échantillons groupés ou uniques, il ne sauvegarde que des banques entières. Cette tradition, de longue date chez E-mu, empêche la machine de gérer indépendamment échantillons et programmes. Impossible également de créer des hiérarchies multiples (répertoires / sous répertoires), ce qui alourdit la gestion de la librairie, en particulier lorsqu’elle atteint plusieurs Go. Heureusement que l’E4 dispose de fonctions d’audition directe sur disque et de recherche par chaîne de caractères. Par contre, nous n’avons pas réussi à exporter des échantillons WAVE et AIFF sur un disque SCSI (reconnu par la machine) formaté MS-DOS. Quel est alors l’intérêt de cette fonction ?
Autre manque de souplesse dont souffrent également les derniers Akaï, impossible de gérer plusieurs fichiers à la volée (chargement, déplacement, suppression, backup, taille mémoire). De ce côté-là, les K2K Kurzweil sont largement supérieurs. Le vingtième siècle n’ayant pas été réputé pour la standardisation des formats d’échantillonnage, on apprécie d’autant plus une machine offrant une certaine compatibilité. Les E4 sont compatibles Akai S1000 / S1100 / S3000 et Roland S-700. La gestion des paramètres de programme des échantillons stéréo Roland est peu souple, l’E4 appliquant les mêmes réglages aux canaux gauche et droit. Par contre, le dernier E-mu est à notre sens ce qui se fait de mieux pour relire les banques Akaï. En effet, non contente d’importer les échantillons, les boucles et les Keygroups, la machine retranscrit également les données de programmation mieux que le S6000 himself !
Ultra ému
Au final, la nouvelle série Ultra est une évolution marquante de la gamme E4. Non seulement l’EOS 4.00 présente d’importantes améliorations, mais le hardware est tout nouveau. Le processeur RISC 32 bit permet un pilotage Midi très précis sur les 32 canaux, un délai de réponse des 128 voix très réduit et des temps de calcul des fonctions DSP très courts. En dehors du son d’excellente qualité et des performances exceptionnelles, on apprécie surtout les fonctions de pilotage automatique, très pratiques pour rendre le travail moins pénible, ainsi que la batterie de traitements numériques mise à notre disposition. L’E4 est pro jusqu’au bout des jacks. Autre point de satisfaction, le fait que l’on puisse passer progressivement du « petit » modèle au gros et même d’aller au-delà, au fur et à mesure que l’on franchit les échelons du Top 50. Cette modularité exemplaire fait de l’E4 une machine de choix pour l’avenir. Un avenir où l’on aimerait toutefois voir certaines fonctions ajoutées : une gestion disque plus souple, un mode multitimbral à mémoires, un arpégiateur sauvegardé avec les programmes et une section effets plus musclée. Nul doute qu’E-mu est déjà en train de satisfaire, dans un coin de la Californie, ces demandes tout à fait légitimes. Mais cela doit encore rester ultra secret !
Glossaire
Horloge numérique : fréquence d’échantillonnage de la sortie numérique, prenant souvent les valeurs 44,1 et 48 kHz.
Défragmentation : opération d’optimisation consistant à réutiliser les espaces laissés vides (fragments) dans la mémoire.
Dither : ajout de bruit aux bits les moins significatifs pour améliorer le sampling de sources à résolution supérieure.