Tirant parti des recherches effectuées sur les synthétiseurs, les échantillonneurs et les processeurs d’effets, l’ASR-X est un concentré Ensoniq dans un format de boîte à rythme. Voyons si les bons dosages ont été respectés...
Jusqu’à présent, la technologie Ensoniq s’est essentiellement déclinée en trois lignes de produits : les échantillonneurs, les workstations et les processeurs d’effets (pour être complet, citons également quelques expandeurs, pianos numériques et le très récent système DtD PARIS). Autour de chacun de ses produits, la firme a su fédérer des utilisateurs fidèles qui ne renonceraient pour rien au monde à leur machine, se distinguant par un gros son américain et une profondeur de programmation fort confortable. Avant sa récente reprise par Creative Labs (par ailleurs propriétaire d’E-mu), la société de Malvern a produit l’ASR-X, un synthé-sampler-workstation polyphonique 32 voix et multitimbral 16 canaux doté de sons en ROM et d’un excellent processeur d’effets, destiné aux musiciens de dance ou de hip-hop. La sortie de la version 2 du système d’exploitation est l’occasion d’examiner en détail cette cuisine américaine.
Panoramix
Le format boîte à rythme de l’ASR-X est une première chez Ensoniq qui n’est pas sans rappeler un Akaï MPC2000 ou un E-mu SP1200, dont il est le concurrent direct. Le panneau avant se compose d’abord d’une section de contrôle bâtie autour d’un trop petit LCD rétro-éclairé 2 × 40 caractères, de 2 potentiomètres rotatifs pour l’appel des sons ou des pages, de 2 touches de sélection et de 3 touches de commandes des 16 pistes. Sur la partie gauche, les touches relatives aux modes disque/global, effets et pads jouxtent 2 LED témoin (présence de signal et crête) et le potentiomètre rotatif de volume. Sur la partie droite, on trouve, sous les touches enter/exit, les commandes et le transport du séquenceur. Enfin, la partie basse est dédiée à l’échantillonnage et aux 13 pads de déclenchement des sons. Le panneau arrière, plus dépouillé, comporte le commutateur marche/arrêt, la prise secteur avec détection automatique de tension, le trio Midi, une prise pédale double, les entrées stéréo d’échantillonnage, un potentiomètre de réglage de gain en conjonction avec un sélecteur d’impédance micro ou ligne (pourquoi donc sur le panneau arrière ?) et les sorties (paire stéréo et casque). De plus, des emplacements sont prévus pour deux options, à savoir 4 paires de sorties stéréo et une prise SCSI-2. Enfin, un lecteur de disquettes MSDOS 3,5 pouces HD situé sur la face avant complète l’agréable panorama.
Obélix
Disons-le tout de suite, l’ASRX est un compromis, à l’image du sympathique héros gaulois, à la fois gros et fort mais aussi simple et limité. Il est doté en base d’une ROM de 2 Mo, composée de 111 formes d’ondes de batterie (16 basses, 25 caisses, 23 cymbales, 36 percussions et 10 effets spéciaux), 8 basses, 10 cordes, cuivres et vents et 15 ondes synthétiques dont une transwave. Ces ondes sont utilisées par 140 programmes et 7 kits de batterie en ROM. Globalement, les sons sont très bons, dans la plus pure tradition Ensoniq. Cependant, ils sont assez orientés pop/rock plutôt que dance/hiphop, ce qui est étonnant vue la cible de la machine. De plus, 2 Mo de ROM, c’est bien peu. La solution aux deux problèmes est d’investir dans la carte ROM Urban Dance Project 24 Mo qui s’installe sur un slot interne.
Pour sa part, la conception de l’ASRX fait que l’on se trouve toujours sur l’une des 16 pistes du séquenceur. Chacune se voit alors attribuer un son à l’aide des 2 potentiomètres situés sous le LCD, le premier faisant défiler les catégories de sons (programmables) tandis que le second sélectionne les sons dans la catégorie (très pratique). Les sons en ROM peuvent contenir jusqu’à 16 couches (sons simples) ou 64 sons de batterie (sons en kit). En appuyant sur Track Edit, on dispose de 44 paramètres éditables en bloc pour toutes les couches, en mode relatif ou absolu. Parmi les paramètres accessibles, citons le volume, la panoramique, le choix du bus d’effets, la plage de pitch-bend, la hauteur de tonalité, le portamento (polyphonique), la synchronisation au tempo de l’unique LFO, les enveloppes ADSR de filtre et d’amplitude, la fréquence de coupure du filtre et la résonance (enfin !), la plage de dynamique et les modulations Midi reçues (programme, banque, volume, panoramique, pédales, molettes, ainsi que des 4 contrôleurs personnalisés). Les potentiomètres permettent alors de naviguer dans les pages et d’entrer les valeurs (c’est hélas l’unique moyen de le faire). Enfin, pour les sons dits simples, il est possible d’activer ou désactiver les couches à l’aide des 2 touches Patch Select ; intéressant. Hélas, cette opération s’effectue en bloc et se limite aux sons en ROM. Ce mode d’édition de piste est l’unique façon de modifier les sons en ROM. De plus, il permet de prendre le dessus, si nécessaire, sur l’édition des échantillons en RAM effectuée depuis les pads.
Padepanix
Les 13 pads de l’ASRX sont organisés en clavier d’une octave. Leur toucher fait un peu cheap (et ploc !), mais ils se révèlent d’une excellente sensibilité à la vélocité. Ils peuvent déclencher des sons simples répartis sur chaque pad à une tonalité déterminée par le tempérament (46 tables) ou des sons en kit constitués de formes d’ondes différentes affectées à chaque pad (de B1 à D7) et leur plage d’action est modifiable grâce aux touches d’octave (on transpose les pads, pas les sons). Là où l’ASR-X montre toute sa puissance, c’est que chaque pad peut avoir ses propres réglages de synthèse. Pour ce faire, un simple appui sur la touche Pad Edit bascule la machine en mode de programmation. Si le son du pad sélectionné fait appel à une onde en ROM, seulement 4 malheureux paramètres sont accessibles : volume, panoramique, bus d’effets et tonalité. Il ne restera plus que le mode d’édition de piste ou le ré-échantillonnage pour triturer un peu plus les sons.
Par contre, si le son fait appel à une onde en RAM, nous avons accès à une liste de paramètres dignes d’un synthétiseur, à savoir mode de lecture (avant, arrière, bouclage avant ou va-et-vient), points de lecture (départ, fin, index, bouclage : un vrai plaisir sans édition graphique ni pavé numérique !), tonalité (hauteur, tempérament, modulations, portamento, enveloppe et LFO, modes mono ou poly), 2 filtres multimodes en série (3 pôles BP / 1 pôle BP, 2 pôles résonants PB / 2 pôles PB, 2 pôles résonants BP / 2 pôles BP ou Bypass), 3 enveloppes 5 segments (avec bouclage, action de la vélocité initiale et de relâchement, tracking et modulation des niveaux et temps), 1 seul LFO synchronisable et l’étage d’amplification (volume, pan, départ réverbération).
Pour en revenir au paramètre « index » de la forme d’onde, ce dernier permet de définir un point de départ hors boucle, pour par exemple démarrer un riff de batterie avec une sorte de fill-in et d’enchaîner la partie bouclée. Pour leur part, les 2 filtres sont très efficaces et la résonance apporte un grain analogique indéniable. Dommage que la modification de la résonance ne se fasse pas en temps réel comme la fréquence de coupure, il faudra redéclencher la note pour entendre le résultat. Enfin, les paramètres du deuxième filtre, commutable en passe-haut, peuvent être calqués sur ceux du premier (mode Link).
Comme sur toutes les machines Ensoniq, l’utilisateur dispose d’une modulation matricielle très souple : chaque destination (hauteur, cutoff, panoramique, volume, segments d’enveloppes, LFO, paramètres effets) est contrôlée par une source à choisir parmi une liste de 24 contrôleurs (dont LFO, enveloppes, vélocité, aftertouch, molettes, pédales, patch select…), avec réglage de la profondeur de modulation. Au stade de la forme d’onde, une pression sur la touche Pad Process autorise des traitements numériques destructifs, tandis que la forme d’onde à éditer est copiée et l’originale est conservée dans le Scratchpad pour comparaison. On dispose de la normalisation (optimisation du volume avec arrêt avant ou après saturation), la réduction de bit et la troncature (pour supprimer des portions indésirables et ainsi récupérer de la RAM). Hélas, on peut déplorer l’absence de time-stretch, de pitch-shift ou de crossfade looping, ce qui est assez décevant (peut-être dans la version 3 ?).
Idéfix
La section effets de l’ASRX fait appel à un processeur 24 bit produisant une réverbération globale et un effet d’insertion. Leur accès direct s’effectue à l’aide des touches Select et Edit. Pour sa part, l’effet d’insertion comporte 40 algorithmes très complets dont la description occupe 40 pages du manuel de référence (en Français et très concis). Dans la liste, outre les réverbérations, délais, chorus 8 voix et autres EQ, il existe des effets composés (distorsion- VCF-délai, EQ-compresseur-gate) et des effets plus originaux : par exemple, Chatter Box intègre un quadruple filtre à formants pour faire parler le son (voyelles et consonnes) flanqué d’un autopan, de 2 LFO et d’un double délai. Tout aussi intéressant, Tunable Speaker est un simulateur de haut-parleur comprenant un pré-filtre passe-haut, un triple EQ paramétrique et deux filtres LP et HP à fréquences de coupure séparées. Chaque effet comporte entre 20 et 30 paramètres et pour simplifier la vie de l’utilisateur, Ensoniq a eu l’excellente idée d’y ajouter des présets. Mieux encore, un paramètre au choix peut être modulé en temps réel (type, source de modulation interne ou NRPN Midi, valeurs mini et maxi). Enfin, l’effet peut être envoyé dans la réverbération.
Plus simple dans sa conception, cette dernière comporte 8 algorithmes dont Plate, Hall et Room. En sortie, elle est connectée à un triple bus correspondant à 3 niveaux d’envoi dans lesquels chaque piste peut être adressée. Si une piste utilise un kit de batterie, le réglage Prog permettra de conserver l’assignation de chaque pad aux différents bus. Il va sans dire que des machines concurrentes japonaises permettent un réglage millimétré des pistes sur plusieurs bus en parallèle, mais les effets de l’ASR-X sont tous de qualité professionnelle avec le gros son américain et sont intégrés au modèle de base.
Analogtounumérix
L’ASR-X est un « ré-échantilonneur » 16 bits (au format AIFF) capable d’enregistrer sa propre sortie stéréo ou des sonorités externes au travers des effets internes. Ceci a 3 intérêts : compenser la limite d’un seul effet d’insertion ou de réverbération, contourner l’impossibilité d’éditer en profondeur les sons en ROM et économiser la polyphonie. De base, la machine est doté de 2 Mo de RAM qu’il est heureusement possible d’étendre à 6, 10, 18 ou 34 Mo à l’aide d’une barrette SIMM 72 broches 4, 8, 16 ou 32 Mo. Au prix où sont les barrettes, il ne faut pas hésiter à pousser à 34 Mo, d’autant qu’il n’y a qu’un seul slot d’extension. Il n’y a également qu’une seule fréquence d’échantillonnage, et même si c’est 44,16 KHz, c’est tout de même insuffisant, certains sons constitués de basses fréquences pouvant fort bien s’accommoder de 24 ou 32 KHz, d’autant plus que la machine ne permet pas de conversion de fréquence.
Pour (ré)échantillonner, il convient d’appuyer sur la touche Setup afin de déterminer la source sonore (interne, externe, bus d’effets), le mode d’enregistrement (mono ou stéréo), la normalisation automatique (très bien vu !) et la durée et le déclenchement. Celui-ci permet de débuter l’enregistrement à la main, avant franchissement d’un certain seuil ou à la réception d’une note Midi (Note Event). Pour nous faciliter la tâche, un vu-mêtre permet de calibrer le seuil de déclenchement. Ensuite, pour écouter le son capturé, de simples pressions sur le Scratch Pad suffisent.
Sans plus tarder, il conviendra d’affecter le son à un ou plusieurs pads, car tout nouvel échantillonnage écrasera le son momentanément stocké dans le Sratchpad. Pour ce faire, on appuie sur la touche Send To Pads puis sur le(s) pad(s) au(x)quel(s) on souhaite attribuer le son. A ce stade, le LCD donne une information graphique utile de l’état d’affectation des pads. Seule ombre au tableau, les échantillons (ainsi que les programmes en RAM) ne sont pas sauvegardés à l’extinction des feux, et le lecteur de disquettes 3,5 pouces bien trop lent s’affranchira péniblement de l’archivage de plusieurs Mo de sons. Dommage que l’interface SCSI soit en option. Pour être complet, notons enfin la possibilité de relire les échantillons Akaï et Roland en plus des EPS et ASR via SCSI. Cette faculté est apportée par la version 2, qui autorise de plus une gestion améliorée des périphériques SCSI, parmi lesquels les amovibles de type Zip Iomega.
Cétautomatix
L’ASRX dispose d’un séquenceur 16 pistes d’une résolution de 384 ppqn et un maximum de 128 séquences au format SMF peuvent résider en mémoire interne volatile (encore !) partagée avec les échantillons utilisateur. Tant qu’on est au rayon regrets, les 3 touches de transport du séquenceur sont insuffisantes et leur action varie selon qu’elles sont actionnées seules, en conjonction avec une autre touche ou par un double clic. Il est possible d’effectuer des punch-in manuels, de se localiser à un emplacement précis, de supprimer la même note au sein d’une piste. En édition, on accède au réglage du tempo (manuel ou tap).
Vient ensuite le mode d’enregistrement (remplacement, ajout, pas à pas, mixage de piste ou mixage final). Pour sa part, le mixage de piste permet d’enregistrer en temps réel l’évolution des paramètres sonores des pistes (volume, panoramique, fréquence de coupure, résonance, LFO…), soit en interne au moyen des 2 potentiomètres de l’ASRX, soit par l’envoi d’un contrôleur MIDI externe. Quant au mixage final, il s’agit d’une piste de contrôle global du volume et du tempo. Les pages suivantes de l’éditeur permettent d’activer la lecture en boucle, la signature, le métronome et le paramètre région. Ce dernier autorise le réglage des points d’entrée et de sortie de la séquence, soit pour les punch-in/out, soit pour sélectionner une plage de données à modifier.
Un fois un enregistrement effectué, une pression sur la touche Process permet de rentrer dans le détail de l’édition. Nous trouvons alors dans ce mode les fonctions undo, quantisation, copie d’événements d’une piste à l’autre et d’une séquence à l’autre, effacement de paramètres, collage bout à bout de 2 séquences, copie et effacement d’une séquence entière, de la région sélectionnée ou de toutes les séquences. Mais voilà, l’énorme lacune du séquenceur, c’est qu’il est impossible d’éditer une liste d’événements en mode microscope, et il nous est arrivé de devoir supprimer une mesure complète pour deux malencontreuses fausses notes : creative thinking, comme disent les américains !
Pour revenir du côté positif, passons au mode quantisation, dans lequel on dispose de deux méthodes : normal, recalant les notes sur le temps choisi et delta, calquant le calage sur un écart constant entre plusieurs notes, sans tenir compte des divisions rythmiques. Dans la suite des paramètres, on accède à la division rythmique, la précision, le swing, les fluctuations aléatoires, le décalage dans la mesure, la zone à quantiser et même la quantisation des notes off. Comme base de départ, il y a 23 templates en ROM et 4 emplacements utilisateurs en RAM, histoire de ne pas se sentir dépourvu.
Astérix
L’ASR-X est une machine très astucieuse. Ses faibles mémoires ROM et RAM sont extensibles à 26 Mo et 34 Mo et le fait qu’il n’y ait qu’une réverbération et un effet d’insertion est compensé par les possibilités de ré-échantillonnage à travers les effets. A ce stade, l’ASR-X est imbattable pour qui veut se constituer rapidement des échantillons originaux et les affecter aux pads en un tournemain (2 CD Audio de bonne qualité sont d’ailleurs fournis avec la machine), sans passer par une table de mixage, un séquenceur dédié et des processeurs d’effets externes. Enfin, son excellente implémentation MIDI et ses modèles de quantisation rendent les séquences vraiment vivantes et expressives. Cependant, avec sa panoplie sonore de base plutôt orientée pop/rock, une organisation sous forme de séquences linéaires sans patterns et l’absence de fonctions time stretch et de calculateur de tempo, l’ASR-X manque un peu sa cible dance/hip hop. Comme nous l’avons signalé, la machine est un compromis dans lequel de nombreux raccourcis techniques ont été pris par le constructeur. En fait, seule la version dopée à la potion magique (ROM + RAM + SCSI) donnera toute sa mesure, c’est là le prix à payer pour l’irréductibilité.
Jemexplix
Transwave : forme d’onde dans laquelle des composantes harmoniques évoluent subtilement au cours du temps, pouvant être balayée par un LFO, idéale pour se fabriquer des nappes planantes
Scratchpad : pad isolé, auquel tout échantillon venant d’être enregistré est affecté immédiatement. Il permet entre autres choses de comparer une édition en cours à la forme d’onde originale
Time-stretch : compression / expansion temporelle se traduisant par la modification de la vitesse initiale d’un échantillon sans en changer la hauteur (indispensable pour synchroniser des boucles de vitesses différentes)