Marre de Cubase ? Dégoûté de Logic ? Lassé par Sonar ? PreSonus vous reprend vos deux barils de soft contre un baril de Studio One. Reste à savoir si ça séquence plus blanc…
Sortir un nouveau séquenceur est un pari plutôt osé en 2010 où les concurrents bien établis ne manquent pas. Rien que de tête, on pourrait en citer une bonne douzaine, tout plus excellents les uns que les autres (Pro Tools, Logic, Sonar, Cubase, Nuendo, Samplitude, Digital Performer, Live, Tracktion, Reaper, Acid, Reason/Record, Fruity Loops, etc.) et couvrant à peu près tous les usages et les gammes de prix. Cependant, force est de constater que l’innovation est plus souvent venue de petits outsiders que des grandes références établies (l’édition InLine de Cubase et les Combinator de Reason doivent beaucoup au petit Tracktion, pour ne citer qu’un exemple). On est ravi, du coup, de voir le Studio One de PreSonus débarquer pour apporter de l’eau fraîche aux moulins de la séquence.
Depuis quand PreSonus fait des séquenceurs ?
Pour autant, et même si PreSonus jouit d’une solide expérience en matière de MAO hardware, on ne s’improvise pas développeur de séquenceur comme ça. Derrière Studio One, on ne s’étonnera pas de retrouver le très expérimenté Matthias Juwan, un développeur qui, après avoir bossé 6 ans chez Steinberg, part fonder sa propre société et développe le freeware Krystal Audio. La V2 du logiciel était prévue pour être payante, mais c’est finalement chez PreSonus que Matthias atterrit, et son logiciel phare de devenir Studio One. Voilà pour l’historique.
Studio One, qui es-tu ?
L’installation de Studio One comme des logiciels ou des ressources livrés avec se déroule sans aucun problème et se montre plutôt rapide. La doc papier se limite à un succinct Quick Start Guide en couleur, mais en anglais, et à un dépliant pratique listant tous les raccourcis clavier du logiciel. C’est un peu chiche mais un PDF de 189 pages en anglais nous attend dans la rubrique Aide du logiciel et PreSonus a pris la peine de livrer une poignée de tutos vidéos très bien réalisés pour prendre ses marques avec Studio One. Une délicate intention même si, comme nous allons le voir, le gros point fort de Studio One, c’est son intuitivité.
Prise en mulot
En v’là du plug en v’là
Même constat du côté des plug-ins d’effets où l’arsenal couvre à peu près tous les besoins, en termes d’effets spéciaux comme d’utilitaires. Aux côtés de flangers, phaser, disto, filtres, tremolos et autres simulateurs d’ampli guitare de relativement bonne qualité, on trouve tout ce qu’il faut pour mixer : tranche de console, compresseur, expandeur, limiteur, EQ paramétrique 5 bandes + coupe-bas/haut, Gate, mais aussi visualiseur de spectre ou de phase, accordeur guitare, élargisseur stéréo, encodeur MS et même un outil permettant de gérer un processeur matériel externe… Et tant qu’on parle de spatialisation, on en profitera pour dire le plus grand bien des deux réverbes et des trois delays fournis, et surtout de la Room Reverb, qui s’avère bien plus convaincante que nombre de plugs qu’on se voit livrer de base avec des séquenceurs beaucoup plus chers. Et comme les choses sont bien faites, on peut sauvegarder des chaînes complètes d’effets prêtes à l’emploi, lesquels peuvent contenir autant de plug-ins que vous voulez.
Alors quoi ? Tout est parfait et rien ne manque ? Non, et c’est là où l’on se rend compte tout de même qu’on est face à la version 1 du logiciel. Si l’on dispose d’un Time Stretching dynamique de très bonne qualité (avec ajustement en temps réel des fichiers audio et la possibilité de recourir à trois algos différents, selon la nature du fichier à traiter), et d’un algo de Pitch Shifting permettant de transposer plus ou moins finement une piste, aucun éditeur de pitch à formant style Melodyne n’est proposé, comme en trouve désormais dans Cubase ou Sonar. Point non plus de processeur à convolution, ni de filtre FFT ou encore de Denoiser comme on peut le voir dans un Samplitude. C’est à ces détails qu’on voit que Studio One n’est pas si généraliste que ça et qu’il s’adresse plus volontiers aux musiciens purs et durs qu’aux autres profils d’utilisateurs, même s’il est dépourvu d’éditeur de partitions. Les aficionados du son à l’image passeront ainsi leur chemin pour 2 principales raisons : le logiciel ne gère pas les fichiers vidéo et il ne gère pas le son multi-canal… Plus gênant, même pour les musiciens, le logiciel permet certes d’effectuer un bounce ou un rendu de vos pistes aux formats WAV/AIFF/FLAC/OGG/MP3, mais il ne gère pas l’export OMF si cher à Pro Tools…
C’est d’autant plus dommage qu’avec l’onglet Project, PreSonus a plutôt bien fait les choses côté Mastering. En passant dans cette partie de l’interface, le logiciel effectue automatiquement un bounce de la Song en court et vous permet de travailler ensuite sur ce dernier confortablement, la majeure partie de l’écran étant occupée par les visualiseurs de spectre ou de phase, tandis que vous pouvez encore ajouter les ultimes traitements qui conviennent via le rack d’effets Master. Après avoir défini d’éventuels fondus sur votre fichier stéréo, vous pourrez l’exporter au format numérique (avec gestion des tags), le graver directement sur CD ou encore en faire une image ISO… Rien de révolutionnaire donc, mais un moyen d’oublier un peu le mixage et l’arrangement pour se concentrer sur la finalisation du morceau, sachant que vous pouvez toujours passer d’un espace de travail à l’autre, et que tout changement dans la fenêtre Song vous proposera automatiquement de mettre à jour le Bounce de la fenêtre Project…
Zinstruments zéboucles
Côté synthé, c’est Mojito qui prend la relève : il s’agit d’un synthé soustractif monophonique à modélisation analogique. Sympathique sans plus, ce dernier vous proposera quelques sons de bassline classiques ou encore des leads tout à fait exploitables, mais relativement loin du vrai son chaud d’un analogique vintage…
Poursuivons avec Presence, un lecteur de samples capable de lire le format Soundfont, et fourni avec une banque généraliste digne de ce qu’on trouve par exemple dans le HALion One de Cubase 5. Enfin, on finira avec SampleOne, un sampler rudimentaire qui vous permet certes de vous bricoler des banques, mais se montre pour le moins fermé : pas de compatibilité avec aucun des formats majeurs du marché. Dommage.
Sans donc qu’on puisse dire qu’ils sont inintéressants, les instruments livrés avec Studio One n’ont rien de très affolant et on a vite fait de se jeter sur le EZdrummer Lite ou la version light du Kore de Native Instruments fournie avec le logiciel, proposant des textures et des programmes autrement plus attractifs. Bref, PreSonus a une belle marge de progrès de ce côté avant de rivaliser avec la richesse d’un Logic ou d’un Sonar sur ce terrain. On attend notamment un outil digne de ce nom pour bidouiller des boucles, mais aussi un vrai sampler digne de l’EXS24 par exemple. Un synthé polyphonique ne ferait pas désordre non plus…
Précisons tout de même que le logiciel est livré avec une belle collection de boucles prêtes à l’emploi, couvrant divers styles et divers instruments. Ces dernières sont assurément intéressantes et viendront compenser les petites faiblesses des instruments virtuels.
Histoire de se faire une idée et de se détendre un peu, voici d’ailleurs un court extrait basé sur 3 occurrences de Presence (Basse, Pizzicato et Pads syncopés), une du Kore Player (petit synthé dans le haut) et une boucle de batterie… Compresseur en Sidechain sur la basse, filtre séquencé et delay sur le pad, Red Led, moi-même et Jess’ au micro.
Désolé.
Conclusion
Avec Studio One, PreSonus est loin d’avoir raté son coup : on a rarement vu un séquenceur aussi intuitif et s’il est toujours dur de passer d’un Cubase à un Pro Tools, ou d’un Sonar à un Digital Performer pour des raisons ergonomiques, il ne fait aucun doute que Studio One, en compilant un tas de bonnes idées, facilite grandement une éventuelle migration. Il est un peu, comme Tracktion, le genre de petit séquenceur orienté Création musicale qu’on peut installer sur un portable, histoire de ne pas s’encombrer avec la lourdeur d’un Cubase, d’un Logic ou d’un Sonar. Bien pensé et relativement complet, le soft s’est montré très stable et semble des plus prometteurs, mais il demeure toutefois un peu trop cher en regard des offres concurrentes. Si l’on écarte sa version Artist trop limitée pour être intéressante, sa version Pro est sensiblement plus chère que le Tracktion 3 de Mackie pour se rapprocher des ténors du marché… qui le surclassent dans quasiment tous les compartiments, ergonomie mise à part. Un peu cher donc, ce qui n’enlève rien à nombre de ses qualités et nous met fatalement en attente d’un Studio Two…