Comme chaque année à l’approche des fêtes, Steinberg nous gratifie d’une mise à jour de son séquenceur phare, alternant nouveau millésime et version intermédiaire. Or, contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, les versions intermédiaires ne sont pas des évolutions mineures, comme nous allons le voir avec la version 9.5 qui vient d’arriver et qui propose des nouveautés qui n’ont rien d’accessoires en terme de productivité.
Le test vous est proposé en vidéo, mais ceux qui préfère lire sont invité à poursuivre avec le texte juste en dessous.
Cliquade et glissade
Cela commence par une belle refonte du panneau droit du logiciel qui permet désormais d’afficher un large vu-mètre (affichant entre autres le niveau LUFS de la piste avec de nombreuses possibilités de configuration) ou encore d’accéder à la Control Room en un clic, ce qui s’avère bien pratique à l’usage.
Mais on est surtout ravi de voir les progrès effectués sur la Media Bay qui permet dorénavant de naviguer dans l’arborescence des disques durs et gère beaucoup plus de chose en cliquer-glisser : n’importe quel fichier audio sera susceptible d’être glissé dans la fenêtre d’arrangement (ce qui créera une piste audio) ou dans une sampler track tandis que le glissé d’un instrument VST dans la même fenêtre d’arrangement créera automatiquement une piste Instrument. Enfin, sachez que la partie MIDI que vous programmerez sur cette dernière pourra être glissées dans la Sampler Track, ce qui aura pour effet d’en faire automatiquement un rendu audio. Voilà bien des manipulations qui rendront Cubase plus intuitif au quotidien, même si tout cela n’est pas sans défaut. Il n’est pas possible par exemple d’utiliser le cliquer glisser pour remplacer un instrument par un autre dans la fenêtre d’arrangement, tout comme on ne peut pas glisser un conteneur MIDI sur une piste audio pour effectuer un rendu. On sent aussi que le moteur audio de Cubase accuse son âge lorsqu’à l’ajout d’un nouveau VSTi par cliquer-glisser la lecture en cours s’interrompt. Bref, il y a du mieux mais des progrès restent à faire pour que Cubase se porte au niveau ergonomique des petits jeunes dont il s’est inspiré pour ces évolutions (pour ne pas les citer, Studio One, Reaper, Live entre autres).
Et d’ailleurs, au nombre de ces emprunts à la concurrence, on citera aussi la possibilité d’avoir une grille s’adaptant au facteur de Zoom : plus vous zoomez dans la fenêtre d’arrangement ou dans le piano roll, et plus la grille devient précise. Un excellent ajout qui simplifie réellement les tâches d’édition et de saisie faites à la souris, même s’il existe depuis des lustres chez d’autres.
Puisqu’on parle de la fenêtre d’arrangement, il est temps d’ailleurs de mentionner un autre gros ajout de cette version réclamé depuis longtemps par les utilisateurs.
Tendre Bézier
Inventées en 1962, les courbes de Bézier font enfin leur apparition dans Cubase pour dessiner et éditer les courbes d’automation, ce qui apporte beaucoup de confort et de précision lorsqu’on n’a pas la chance de disposer d’une surface de contrôle pour réaliser ces dernières et qu’il faut de ce fait travailler avec sa seule souris. La façon dont Steinberg a réalisé la chose ne souffre apparemment aucune critique, l’éditeur ayant même pris soin de gérer intelligemment la mise en l’échelle de la courbe lorsque la piste dépend d’un fader VCA. Hélas, comme trop souvent avec Steinberg, les développeurs ne sont pas allés jusqu’au bout de leur démarche et, sans qu’on comprenne pourquoi, on ne dispose pas de ces courbes sur la piste Tempo ou pour éditer le pitch bend, la modulation ou n’importe quel contrôleur continu au niveau du piano roll. En v10 peut-être ?
Ne boudons pas notre plaisir toutefois : même incomplet, l’ajout de ces courbes est un vrai plus, d’autant que nous attend l’une des plus intéressantes fonctions qu’on ait vu dans Cubase depuis longtemps : les objets.
Complément d’objet
Avec cette version 9.5 nous arrive en effet une fonction répondant au doux nom de ‘Traitement hors ligne direct’, à laquelle on accède en pressant la touche F7 dans le contexte de n’importe quel conteneur audio. De quoi s’agit-il ? D’un système permettant d’appliquer n’importe quel traitement ou effet à n’importe quel segment audio, et ce de façon non destructive.
Ca n’a l’air de rien dit comme ça mais c’est peut-être l’une des nouveautés les plus intéressantes de cette v9.5 car il s’agit ni plus ni moins d’un système proche des fameux objets audio qui font la force de Samplitude depuis des lustres (et qu’on retrouve en partie chez beaucoup de concurrents : Tracktion, Studio One, Reaper, Pro Tools). Si vous n’en voyez pas immédiatement l’intérêt, pensez à toute ces fois où, pour un simple effet spécial sur une unique mesure, vous avez dû soit créer une nouvelle piste, soit insérer un plug-in que vous pilotiez avec des automations. Désormais, chaque conteneur peut disposer de sa propre chaîne audio, ce qui permet dans bien des cas un gros gain de temps tout en évitant de multiplier les pistes, les effets en inserts et les automations. C’est un vrai plus en termes de consommation CPU comme en termes de gain de temps ou d’organisation.
Si l’outil est plutôt bien réalisé, avec la possibilité de voir se modifier en temps réel la forme d’onde du conteneur ainsi traité, on est tout de de même encore loin de l’excellence d’un Samplitude sur ce point vu que ni les bus d’effet ni les automations ne sont gérées au niveau de l’objet. On regrettera aussi de ne pas pouvoir sauvegarder des chaines de traitements comme presets. Mais pour un début, ce n’est déjà pas si mal et ceux qui utilisent Cubase pour faire de la post-prod apprécieront forcément cette évolution.
Et sous la capot…
Puisqu’on parle de Post-prod, profitons en pour signaler que Steinberg a abandonné Quicktime au profit d’un moteur vidéo maison. Si les utilisateurs sous Mac n’y verront pas trop l’intérêt, les utilisateurs sous PC se réjouiront sans doute de l’abandon du logiciel d’Apple qui, tout comme son cousin iTunes, n’a jamais été correctement porté sous PC, multipliant les résidents et s’avérant assez lourd à l’usage. Je le précise toutefois : sur les quelques vidéos que j’ai essayé d’importer, je n’ai pas rencontré de problèmes sur plusieurs rips de Youtube mais ne suis pas parvenu en revanche à ouvrir certains longs métrages au format DivX. Affaire à suivre donc.
En vis-à-vis de la vidéo, le moteur audio a lui aussi fait l’objet d’une mise à jour, Steinberg assurant désormais que les calculs internes sont fait en 64 bits au lieu de 32 bits précédemment. Comprenez par là que les calculs liés aux différents traitements audio jouissent d’une plus grande précision, de sorte qui si le volume ou le panoramique d’une piste pouvaient jusqu’à présent prendre 4 294 967 295 valeurs possibles, ils peuvent désormais en prendre 18 446 744 073 709 551 615. Qu’est ce que ça change ? A priori plus de précision dans les tâches de mixage, de sommation et d’application d’effets. Est-ce que ça a une réelle incidence ? Oui. Il suffit de faire un rendu d’un même projet en 32 bits puis 64 bits et de mettre les deux en opposition de phase pour se rendre compte qu’on a un résidu qui est très très loin du silence, ce que confirment les différents analyseurs que nous avons pu essayer, qu’il s’agisse d’un analyseur de spectre, d’un oscilloscope ou encore d’un stéréoscope. Vu que la plupart des plug-ins travaillent en interne en 64 bits, on appréciera que le moteur audio suive. Quant à savoir si cela change la face du monde, disons que le moteur 32 bits n’a jamais empêché les anciennes versions de Cubase de servir à la réalisation d’excellents morceaux. Il s’agit donc d’apprécier ce progrès comme il se doit sans surestimer son impact sur la qualité de vos productions.
Halion Sonic passe à table
Au cas où vous ne seriez pas au courant, on est en pleine mode du synthé à tables d’ondes. Depuis que l’excellent Serum de xFer nous a rappelé tout le potentiel de cette méthode de synthèse, il semble que tout le monde s’y mette et après Reason et Ableton Live, c’est au tour de Cubase de se doter d’un synthé à table d’ondes par le biais d’un nouveau module disponible dans Halionsonic SE, évidemment accompagné d’un paquet de nouveaux presets.
Baptisé Flux, ce nouveau synthé est relativement simple à prendre en main et propose un univers sonore qui n’a rien d’inintéressant même s’il m’a semblé nettement moins abouti fonctionnellement (2 générateurs au lieu de 3, une matrice de modulation moins puissante, pas de générateur d’harmoniques ni d’unisson, et une section d’effets inexistante car se reposant sur celle d’Haliosonic) de sorte que les sons qui en sortent ne sont pas aussi inspirant que ceux d’Europa. Disons donc que cet un ajout bon à prendre, mais qui n’est clairement pas un synthé que Steinberg pourrait vendre à part comme il le fait avec Padshop par exemple.
Tant qu’on est au rayon plug-ins, précisons que Magneto, Tube Compressor et Vintage Compressor ont subi un gros lifting graphique qui les rend plus pratiques et agréables à utiliser que par le passé. On espère que le reste suivra, sachant que de nombreuses interfaces de plug-ins gagnerait vraiment à être refaites, à commencer par les delays…
En vis-à-vis de ces aspects purement cosmétiques, la principale nouveautés concernant les plug-ins d’effets demeure le passage de 8 à 16 slots d’inserts par tranche en sachant que la séparation pré/post fader peut être librement placée pour chaque tranche. Rien à dire là-dessus : on prend, même s’il faut bien avouer que ce n’est pas tous les jours qu’on utilise 16 plugins sur une même piste…
Mentionnons enfin, pour en finir avec les plug-ins, que Cubase supporte désormais Console 1, à moins que ce ne soit l’inverse : la surface de contrôle de Softube peut ainsi être utilisée pour piloter les principales commandes de tranches en plus des plug-ins maisons bien entendu.
Et c’est tout ? Non, car j’ai presque gardé, sinon le meilleur, du moins le plus surprenant pour la fin.
One more thing..
Même si l’éditeur a ses défauts, l’une des grandes qualités de Steinberg a toujours été de proposer des fonctions innovantes et c’est encore le cas sur cette nouvelle version de Cubase où le métronome est devenu une sorte de mini-séquenceur à lui tout seul. Là où quantité de logiciels se contentent de nous balancer un bip avec au mieux un accent sur le premier temps de chaque mesure, ce qui n’a rien de très engageant pour faire des prises, Cubase propose ainsi de pouvoir séquencer soit même la pulsation du métronome au moyen d’un petit Drum Edit sommaire offrant trois niveaux d’accentuation pour pour marquer les temps forts ou faibles et aider le musicien à prendre ses marques dans le groove.
Ça ne changera évidemment pas la vie de ceux qui font de la Hard Tech au grid mais améliorera très probablement le confort et donc les performances de ceux qui doivent jouer sur des signatures rythmiques un peu plus exotiques, comme on en trouve dans le jazz, le rock progressif ou encore quantité de musiques du monde. Évidemment, on peut choisir différents types de son pour le métronome et sauvegarder ses patterns pour les réutiliser ensuite : si vous voulez faire un beat Christique au tambourrin sur 33 temps en marquant tous les temps multiples de 3 ou 7, aucun problème. Seule petite déconvenue : la fenêtre d’édition est relativement petite et s’il est possible de gérer jusqu’à 64 temps dans la mesure, inutile de dire qu’à ce niveau, l’édition devient compliquée. On aimerait donc soit pouvoir agrandir la fenêtre d’édition, soit pouvoir séquencer tranquillement un beat depuis une piste MIDI pour envoyer ensuite le conteneur vers le métronome. Mais avouons que Steinberg a très bien réussi son coup, réalisant un outil dont, on l’espère, la concurrence va s’inspirer.
Conclusion
En dehors du surprenant mais non moins excellent métronome et d’un synthé à table d’ondes qui n’a rien de transcendant, il faut bien admettre que cette version 9.5 est plus une mise à niveau où Cubase refait une partie de son retard sur la concurrence qu’un concentré d’innovation. Et pourtant, les évolutions qu’elle apporte ont un tel impact sur la productivité au quotidien qu’on voit mal comment ne pas recommander aux Cubasiens de faire le mise à jour. Du moteur 64 bits aux objets audio en passant par les courbes de Bézier, le zoom adaptif ou la bonne évolution de la Media Bay, cette 9.5 promet de vous simplifier la MAO au quotidien et, même si l’éditeur en a profité pour augmenter ses prix de 20%, cela vaut indubitablement les 60 balles réclamés depuis la v9.
Évidemment, même si l’addition grimpe en fonction de la version dont on part, on recommandera aussi la mise à jour depuis les versions précédentes, le logiciel ayant fait des progrès manifestes en termes d’ergonomie ou d’interfaces depuis quelques années.
Quant à ceux qui lorgnent sur la version complète de Cubase en venant d’un autre séquenceur ou comme premier achat, disons qu’il propose un environnement complet et de qualité pour produire de la musique, ainsi que quelques outils qui n’ont pas leur pareil ailleurs, ce qui en fait un très bon choix. A 579 euros, c’est toutefois l’une STAN les plus chères sans que cela ne soit en rien justifié : Oui, Cubase propose des choses que les autres n’ont pas, mais l’inverse est vrai aussi, et il est loin d’être irréprochable sur quantité de domaines. N’hésitez donc pas à tester sa version d’évaluation lorsqu’elle sera disponible et à la confronter aux logiciels concurrents à l’aune de vos exigences . Le rendez-vous est en tout cas pris pour l’année prochaine, sachant que nous aurons doit à une dixième version du logiciel qu’on espère à la hauteur du symbole que représente le chiffre 10.