Une pédale belge qui affirme cloner avec succès une des plus grandes marques d'amplificateurs mérite forcément qu'on y jette une oreille, voire les deux.
Les unités d’effets qui prétendent imiter à la perfection des amplis célèbres sont maintenant légion. Que l’on parle de l’ancêtre SansAmp de Tech 21 ou du premier POD en forme de haricot rouge, cloner un son caractéristique est devenu un passage presque obligé pour toute marque d’effets. La pédale qui nous intéresse ici ne trompe personne sous ses atours dorés et noirs aux allures britanniques.
La légende qui entoure les amplis Marshall a survécu à leur créateur, Jim Marshall, décédé en 2012. Plusieurs d’entre eux sont entrés au Panthéon du son, tels que le JTM45, le fameux Plexi ou encore le JCM800. C’est tout cet univers qui nous est offert avec l’Epitome.
Epitome de Savoie ? Non, de Belgique.
La toute jeune marque belge Weber emmenée par Sacha Weber propose plusieurs types « d’amp in a box ». La Plexi CM V3 et l’Epitome sont chargées de représenter les clones Marshall dans une gamme qui ne demande qu’à s’étendre avec entre autres des projets de Dumble et de Hiwatt. Le postulat de départ est clair : réaliser des pédales de la plus haute qualité possible sans aucun compromis ni sur les composants, ni sur la fabrication qui reste 100% manuelle à l’unité.
La Plexi CM V3 a fortement évolué depuis les premiers prototypes, l’Epitome est en quelque sorte une itération définitive de cette pédale dans la mesure où elle propose deux canaux avec une égalisation 4 bandes (graves, médiums, aigus et présence) pour chaque canal. Deux potentiomètres de volume et de gain viennent compléter les réglages pour au final proposer les mêmes possibilités qu’une grosse tête d’ampli et même plus si on les compare par exemple au JCM800. Terminons la présentation de cet artisan en évoquant sa disponibilité pour dialoguer et élaborer avec le client les projets customs les plus fous.
Chaque pédale est livrée dans un emballage soigné qui traduit bien le soin du détail apporté à la production Weber. Une enveloppe noire renferme un carton signé des mains de l’artisan et affichant le numéro de série qui se trouve aussi sur le PCB interne. Un médiator spécial offert avec la pédale présente une forme plus petite qu’un Dunlop Jazz 3 mais aussi dur. Autrement dit, on ne plaisante pas avec la présentation au pays de la frite.
En ce qui concerne les composants et la fabrication en elle-même, Sacha s’est procuré les meilleurs disponibles sur le marché : résistances à couches métalliques, condensateurs Wima MKP2, condensateurs Kemet, transistors J201, puces LT1054, potentiomètres Alpha, PCB réalisé spécialement pour l’Epitome avec le logo Weber et arborant une phrase rigolote en anglais « don’t be afraid, it will kill you but you won’t feel a thing » (« n’ayez pas peur, ça va vous tuer mais vous ne sentirez rien »). Le boîtier métallique noir teinté est un Hammond 1590D, garantie d’une solidité à toute épreuve. Tout comme certaines autres marques comme Anasounds, la pédale offre des réglages internes sous forme de trim pots. Les deux trim pots de gauche sont l’exacte copie du potard Tone de la Plexi CM qui permet d’adapter la pédale à tous les amplis, quels qu’ils soient. On peut donc régler chaque canal avec un contrôle interne et ensuite égaliser avec les réglages en façade. Les autres trim pots sont inactifs, Sacha les ayant écartés après une période de test intensive. Ils ne figureront plus sur les futurs PCB.
Une pédale qui Marsh
Ce test est réalisé avec la pédale simplement branchée seule dans un combo Blackstar HT Studio 20 sans aucun autre effet hormis une légère réverbe à l’ampli. Le choix de cet ampli n’est pas anodin car son canal clair reste très droit avec un unique réglage de tonalité général, ce qui constitue une plateforme à effets idéale. Le son est repiqué avec un Shure SM57 dans une carte son Scarlett Focusrite 18i8 et n’a subi aucun traitement postérieur. Les guitares utilisées sont deux Carvin ST300, l’une avec un kit SSS et l’autre avec deux humbuckers. Tous les micros sont aussi de marque Carvin.
- SSSsoncleandebase00:18
- HHsoncleandebase00:23
Enclenchons tout d’abord le switch de droite qui correspond au premier canal dont les réglages sont situés en haut de la façade. C’est tout l’univers crunch Marshall qui s’offre à nous avec toutes les sublimes nuances que cela implique. Avec les micros à simple bobinage, ces nuances sont assez évidentes et ne demandent qu’à être domptées avec le potard de volume de la guitare. Les positions intermédiaires sont extrêmement convaincantes avec un respect absolu du signal entrant.
Tout s’entend, que ce soit la position du sélecteur de micros ou de la dynamique d’attaque, c’est un vrai régal. L’obédience Marshall est spectaculaire, jamais une pédale n’a à ce point approché le matériau de base avec un tel réalisme. Une Stratocaster sera magnifiée par un tel son, rendant hommage à Rory ou Jimi.
- SSScanal1testmicros01:36
- SSScanal1gainmax02:10
- SSScanal1jeuvolume01:16
- SSScanal1testeq02:37
Le canal 2 est beaucoup plus charnu mais conserve l’intégrité du son des micros avec une parfaite restitution des positions du sélecteur. Le grain est plus épais et nous renvoie à un énorme JCM800 sous stéroïdes qui aurait été modifié par Merlin l’Enchanteur. L’égalisation montre une belle efficacité mis à part le potard de présence presque inutile tant il reproduit parfaitement un véritable potard de présence Marshall, lui aussi inutile sur les amplis originaux. Les basses semblent un poil chargées avec le réglage à midi, il conviendra de doser ce paramètre avec soin. Les médiums sont fondamentaux pour atteindre le nirvana britannique, à vous de les creuser délicieusement pour ainsi émuler ce fameux « contour », légendaire s’il en est. Le réglage d’aigus se révèle par contre assez décevant dans la mesure où une grosse bosse de volume se fait entendre dans le premier tiers de sa course avec un son qui enfle trop les bas médiums. Malins que nous sommes, nous les laisserons vers 13h pour un résultat idéal.
- SSScanal2testmicros01:46
- SSScanal2gainmax01:59
- SSScanal2jeuvolume01:14
- SSScanal2testeq01:35
Avec la Carvin équipée en HH, nous retrouvons les mêmes caractéristiques observées jusqu’à présent mais avec plus de corps et de niveau de gain en regard des micros beaucoup plus puissants. Le canal 1 devient un terrain de jeu idéal pour jouer AC/DC ou Krokus, l’ouverture sonore étant parfaite pour un jeu en accords ouverts munis de cordes à vide. Le second canal nous rappelle les plus belles heures d’Eddie Van Halen en nous poussant subliminalement à monter la réverbe presque à fond. Ain’t Talkin’ About Love sonne comme jamais, même plaisir auditif pour Hot for Teacher. Les mêmes réserves subsistent vis à vis de l’égalisation avec des micros à double bobinage. Un peu trop de basses, aigus à ne pas baisser sous les 50% et présence inutile sans toutefois noircir le tableau.
Parlons un instant de la dynamique de la pédale et de sa réactivité au potard de volume de la guitare. La fidélité est identique à celle observée lors du test des micros. L’effet suit scrupuleusement les moindres variations de volume, que ce soit dans l’attaque ou à travers le potentiomètre. Comme tout bon Marshall, le son devient un peu cartonneux et rond quand on baisse le volume. Très organique, il sera pertinent pour jouer quelques passages en arpèges avant le solo de Powerslave ou Children of the Damned. Le jeu au doigt ou en chicken picking sera plus que jamais mis en valeur par cette belle dynamique.
- HHcanal1testmicros01:22
- HHcanal1gainmax00:58
- HHcanal1jeuvolume01:27
- HHcanal1testeq01:35
- HHcanal2testmicros00:58
- HHcanal2gainmax01:05
- HHcanal2jeuvolume01:01
- HHcanal2testeq01:01
Mettons maintenant en service les 2 canaux simultanément. Cet « empilement » booste le canal 2 grâce au canal 1, ce qui oblige à régler le canal 1 de façon différente car en boost on préférera augmenter le volume et baisser le gain pour garder le caractère du second canal. Un réglage efficace a été trouvé pour le canal 1 en mode boost avec le volume à 80%, les basses au minimum, les mids au maximum, les aigus et la présence à 15% et le gain à 30%. Que ce soit avec les simples bobinages ou les humbuckers, vous pouvez clairement vous passer de l’achat d’une pédale de boost séparée. Vous avez sous les pieds un Marshall furieux, qui délivre une quantité de gain astronomique sans pour autant perdre son grain et son caractère au passage. Vous ne passerez par contre pas au travers d’un noise gate, le souffle étant assez important, ce qui est normal au vu de la quantité de saturation.
- SSS2canaux01:01
- HH2canaux01:09
En situation d’enregistrement avec un mixage et un mastering professionnels la pédale s’en tire magnifiquement bien. Il est presque impossible de distinguer l’Epitome d’un gros stack Marshall, une réussite totale.
JCM beaucoup
Ce qui frappe d’une façon générale avec cette pédale, c’est cette sensation d’utiliser un vrai ampli. Soyons francs, les pédales de saturation sonnent généralement de manière plus serrée qu’un vrai canal saturé, exception faite de la Friedman BE-OD (sublime pédale au demeurant). Ici, point question de petit son rikiki, l’amplitude est réelle et à fort volume il est très difficile de départager l’Epitome d’un Marshall pur jus. Affichée à un tarif de 269 euros, la proposition est vraiment intéressante et s’adresse aussi bien aux amoureux du son anglais traditionnel et légendaire qu’aux guitaristes désireux d’acquérir une pédale de disto polyvalente, sérieuse, qui sonne d’enfer et apte à transformer le petit ampli à transistors du grand frère en Spitfire. La liste d’attente pour posséder cette petite merveille est en moyenne de deux mois, attente méritée compte tenu des prestations inégalées de cette solide boîte. Les références de qualité dans cette gamme de produits sont légion : Plexitone, Model M, Plexi-Drive, SL Drive et consorts. L’Epitome les enterre sans procès.