Fort de l’expérience acquise sur ses deux premiers synthétiseurs, Clavia lance une nouvelle machine pour pousser plus loin la modélisation analogique. Bourrée de commandes facilement accessibles et intelligemment conçu, le Nord Lead 3 devrait vite gagner la faveur des amoureux de la synthèse et de la performance en temps réel.
Avec le Nord Lead 1, Clavia a été dès 1995 le pionnier de la modélisation analogique. Une nouvelle concurrence notamment européenne (Access Virus, Novation Supernova, Waldorf Q) lui ayant vite emboîté le pas, le constructeur suédois a dû réagir avec le Nord Lead 2. La course à l’armement était ainsi lancée à grands coups de polyphonie, de commandes, d’effets, de modulations, de mémoires et d’évolutions d’OS. Mais si le Nord 2 est une version améliorée du Nord 1, le Nord Lead 3 se démarque très nettement des précédentes productions de la firme nordique. En effet, l’accent a été mis sur la qualité du panneau de commandes, la diversité des sons produits, le nombre de mémoires et l’évolutivité de l’OS. Impressionnant…
Édition lumineuse
Carrossé dans un solide châssis métallique rouge vif, le Nord Lead 3 ne renie pas sa famille. Le clavier 4 octaves sensible à la vélocité prend cette fois en compte la pression, mais on aurait souhaité une octave supplémentaire en regard des 24 voix de polyphonie : le Nord Lead 3 n’est plus un « Lead » !
Mais l’air de famille s’arrête là : le panneau de commandes est bien plus développé : ce n’est pas tant le LCD 2 × 16 caractères qui affiche la valeur des paramètres dans leur véritable unité (Hertz, secondes… merci !) mais surtout les 26 encodeurs rotatifs cerclés de 15 diodes électroluminescentes qui indiquent (à la résolution près) la valeur de chaque paramètre : les valeurs zéro sont éclairées en vert, les autres en rouge, du grand art ! Les commandes sont en prise directe donc il n’y a pas de saut : c’est à notre sens LA solution, LE remède aux prises de tête du musicien live. Mieux, on peut visualiser, lors d’une édition, la valeur provisoire en même temps que la valeur stockée. On applaudit de toutes nos mains une telle ergonomie, la première du genre sur un synthétiseur du marché.
La face arrière est plus classique : 4 sorties audio séparées (2 paires stéréo), une prise casque, deux entrées pour pédales (tenue et contrôleur continu), un trio Midi et une borne pour cordon secteur 230V détachable. Flûte, il manque des entrées audio pour traiter des signaux externes !
Sonorités bigarrées
Le Nord Lead 3 est équipé d’une mémoire interne très confortable : 1024 programmes et 256 Performances, de quoi palier l’absence d’interface pour carte mémoire. Les Performances sont des regroupements de quatre programmes, en split ou en couche. Hélas, il n’y a qu’un seul point de split et pas la moindre fenêtre de tessiture ou de vélocité. Chaque programme peut se voir affecter un canal Midi, un réglage hélas global par Slot. Toujours au rayon regrets, l’actuelle version de l’OS (1.06) ne permet pas la création de kits de percussions, comme cela était le cas sur les machines précédentes. Peut-être dans un futur OS…
Les sons produits par le NordLead 3 sont bien plus variés et dépassent de loin la simple émulation de machines analogiques. Cela est essentiellement dû à plusieurs composants dont nous reparlerons en détail : la section oscillateurs avec son mode FM et ses possibilités d’intermodulation, les filtres résonants, les modulations matricielles et le morphing. La machine est capable de produire des nappes hyper grasses, des synchros monstrueuses, des pianos électriques très fins à la DX7, des effets spéciaux délirants et des basses bien rondes. Il est rare sur un instrument de ce type d’obtenir une telle variété sonore, à par sur le Supernova II, doté de sa nouvelle section FM, ses filtres doubles et ses matrices de modulation. Par rapport aux Nord 1 et 2, le Nord 3 a gagné en variété, en chaleur, sans perdre le punch qui avait fait la réputation de la série. Le mélange analogique + FM au sein d’une même machine est un véritable régal.
Synthèse hybride
La génération sonore du Nord Lead 3 repose sur la modélisation analogique et la FM. Il y a 2 groupes d’oscillateurs capables de produire 6 formes d’onde (dent de scie, impulsion, triangle, sinus, bruit et double sinus). On peut directement agir sur leur contenu harmonique : largeur de l’impulsion, morphing d’une onde triangulaire à une onde trapézoïdale, couleur du bruit… il est même possible de créer des formants.
Chaque oscillateur possède un esclave pour les synchros et la FM, ce qui dans le premier cas permet 2 synchros par voix et dans le second 4 opérateurs FM. Pour corser le tout, les deux groupes d’oscillateurs peuvent s’intermoduler : modulation d’amplitude ou en anneau, distorsion, FM simple ou différentielle (celle des DX) et filtre FM. L’intermodulation est une destination de modulation, génial !
En mode FM, il est possible de doser séparément l’envoi de chaque modulateur dans le porteur à la fois à l’intérieur d’un groupe d’oscillations et entre les deux groupes, d’où une infinité d’algorithmes FM. Comme le dosage est une destination de modulation, on peut donc faire du morphing entre algorithmes, en modifiant en temps réel la quantité de signal injecté vers un groupe d’oscillateurs et le signal direct. Grandiose ! Un afficheur à trois diodes permet de visualiser les réglages des fréquences des opérateurs. Il est même possible de créer des partiels, subdivisions harmoniques de la fondamentale. Bien vu !
Filtres impitoyables
Cette batterie incroyable de modulations est digne du constructeur des Nord Modular. Et la suite ne va pas nous décevoir… La section filtre est double : en mode simple, on choisit le type et la pente du filtre : passe-bas / passe-haut / passe-bande / réjection et 1 / 2 / 4 pôles. Il y a même des filtres avec distorsion. En mode multiple, on y associe plusieurs filtres prédéfinis : série, parallèle, triples bandes, triples réjections… Apparaît alors une seconde fréquence de coupure, la résonance étant commune. Cette dernière dispose d’un mode de compression sur la fréquence fondamentale, ce qui lui permet de se rapprocher des filtres du Minimoog, sans pour autant auto-osciller. Le signal poursuit ensuite son chemin vers l’une des sorties ou paires de sorties audio, hélas programmées globalement pour chaque Slot. De même, pas la moindre section effets type réverbération ou chorus, dommage… Une petite astuce pour comparer le programme édité au programme original, étant donné l’absence de touche « compare » : il suffit de charger ce dernier dans un ou plusieurs des quatre Slots ABCD et de passer de l’un à l’autre. On peut ainsi travailler avec quatre versions du même programme, vu que chaque Slot comporte son buffer d’édition. Bien vu !
Modulations versatiles
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Le Nord Lead 3 offre 2 LFO à 6 formes d’onde (dont 2 aléatoires) synchronisables via Midi et un vibrato. Les LFO peuvent fonctionner en cycle unique comme des générateurs d’enveloppe. Ils possèdent les modes synchro et redéclenchement. Ils peuvent moduler 12 destinations avec des intensités indépendantes. Côté enveloppes, on en trouve trois exemplaires : une de modulation (AD ou AR), une réservée au filtre (ADSR) et une à l’amplitude (ADSR). L’enveloppe de modulation peut être utilisée en boucle comme un LFO ! Elle peut moduler indépendamment 12 destinations. L’enveloppe de filtre dispose d’une modulation bipolaire et d’une modulation directe par la vélocité. A ces possibilités de modulation s’ajoutent le morphing (voir encadré) et un petit arpégiateur synchronisable à l’horloge Midi, multitimbral 4 canaux en mode Performance. Très dépouillé, il n’offre que quatre motifs élémentaires. Rien à voir avec l’arpégiateur du Supernova ou du Q.
Good Goodies
Le Nord Lead 3 possède plusieurs modes fort sympathiques. L’Unison est capable de produire 5 voix stéréo (2 à gauche, 1 au centre 2 à droite) sans consommer de polyphonie. Ah, ces pads ! Pour les basses mono, rien de tel que le Stack, qui permet de déclencher 24 × 5 voix (soit 480 oscillateurs) avec une seule touche. Cent pour cent de matière grasse !
Pour sa part, le legato polyphonique permet de jouer des accords sans redéclencher les enveloppes. Quant au portamento polyphonique, il a pour objet de faire glisser des accords en parallèle. D’autres fonctions telles que Hold et Chord Memory permettent respectivement de maintenir les notes après relâchement et de jouer des accords constants avec un doigt : à expérimenter avec les arpégiateurs, le legato et le portamento.
Pour terminer ce petit tour, signalons que tous les boutons et encodeurs émettent et reçoivent des messages de contrôleurs Midi, que des dumps sont permis et que l’OS, stocké sur une mémoire flash, peut être mis à jour gratuitement. Après quelques mois, le Nord Lead 3 est d’ailleurs ainsi passé de 18 à 24 voix de polyphonie. Merci !
Plaisir assuré
Difficile de ne pas succomber au Nord Lead 3. L’ergonomie est parfaite, la section oscillateurs de très haut niveau, les filtres très efficaces, la modulation quasi-matricielle et la mémoire conséquente. Seuls regrets, le clavier limité, le mode Performance sous-dimensionné, l’absence de section effets et d’entrée audio. La version rack 5U est annoncée d’ici quelques semaines. Mais d’ici là, voilà une machine de très bonne facture qui fera le bonheur des musiciens et des sound designers. Une grande réussite !