Quelques mois après la sortie de la version 2 du filtre Volcano, Twin, le synthétiseur de l’éditeur Fabfilter bénéficie lui aussi d’une importante mise à jour. Revue de détail.
Twin 2 se présente sous forme de plug-in RTAS, VST (et VST3, bravo) pour Mac (Intel et PPC) et PC, plus une version AU pour Mac. À l’ouverture, le plug affiche sa superbe nouvelle interface, dans la continuité de celles du Pro-C et de Volcano 2 et assez éloignée de celle du premier modèle (voir comparaison). Pas à dire, l’éditeur réalise certainement les plus belles interfaces du monde du plug-in, sans souci d’imiter ou de reprendre un quelconque look vintage. Et non content d’être une réussite au niveau graphique, la présentation cache aussi une ergonomie et une simplicité d’utilisation sans rivales, et l’on verra au fur et à mesure pourquoi.
Passons à la structure, classique à première vue : des oscillateurs (trois) passant dans des filtres (deux), puis dans des délais eux-mêmes dotés de filtres, pour finir via un classique amplificateur. Le tout avec modulations à volonté, à tous les étages de création sonore, de l’oscillo aux effets, avec multiples configurations de routage (parallèle, série ou par module), Midi Learn, sidechain, aide interactive, etc. Que du prometteur.
Interactivité et ergonomie
Avant de détailler les oscillos, on va s’attarder sur le graphisme du plug et l’ergonomie qui en découle. Deux principes : d’un côté les éléments actifs/modules du synthé (oscillos, filtres, etc.) qui sont présentés sous la forme de fenêtres carrées (les Component Buttons), de l’autre, les paramètres de ces carrés, sous forme de potards (parfois doubles), switches, etc. On commence par une première approche ergonomique, avec des bulles d’aide bien conçues, résumant l’action du potard ou du réglage sur lesquels s’attarde la souris. Petit plus, à chaque fois que c’est possible ou nécessaire, un Tip (conseil) est donné, sur l’utilisation ou sur une routine moins habituelle. Ces bulles d’aide peuvent bien entendues être désactivées.
Autre fonction d’aide, très bien implémentée et qui est pour beaucoup dans le côté plaisant et rapide du travail avec le synthé, la fonction Show Component Displays, qui fait s’afficher les différents paramètres d’un réglage dans des petits écrans, ce qui évite d’encombrer l’interface du plug avec des sérigraphies parfois peu lisibles. Ainsi, sur un filtre, on voit apparaître Filter Peak et Filter Freq pour les réglages de résonance et de cut-off. Si l’on regarde bien, un deuxième jeu de réglages est parfois disponible, et est alors indiqué par une typo grisée, ainsi que le raccourci clavier qui permet d’y accéder : là, l’appui sur Cmd permet d’accéder à la Response (type de filtre) et au Pan. Dans le coin supérieur gauche, un bouton permet d’activer ou non le module en question. Très bien vu, très rapide et très pratique (oui, cela fait beaucoup de très, mais c’est mérité. Très mérité…).
Ce principe d’indications est d’autant mieux conçu qu’il est associé à un paramétrage principalement graphique du synthé : en effet, les carrés affichant formes d’ondes, courbes de filtrage, délais et autres fonctions ne sont pas seulement de simples monitoring des réglages mais bien des interfaces de programmation ; il suffit de cliquer-déplacer la souris dans ces carrés pour modifier les différents réglages, et on visualise l’effet (ou non) en termes d’indications précises grâce aux Component Displays… On modifie ainsi ses formes d’ondes, ses pentes de filtres et résonance, ses enveloppes. De plus, un clic sur le carré ouvre une fenêtre intégrée qui offre l’ensemble des paramètres accessibles graphiquement, plus un bon nombre de réglages supplémentaires, avec menus déroulants, potards et rotatifs classiques. Les enveloppes se dessinent aussi, et la taille du pavé change suivant la longueur des segments, ce qui permet une visualisation immédiate de l’action.
Ensuite et toujours pour gagner en clarté et en lisibilité, les modulateurs reprennent le système mis en place avec succès sur Volcano 2 : on ajoute au fur et à mesure les éléments dont on a besoin, plutôt que d’avoir tout en place depuis le départ. On se déplace très rapidement grâce à la barre coulissante placée sur le nom des modulateurs. Souci du détail : un M apparaît sur le coin supérieur droit du Display dès qu’une modulation est affectée au paramètre. Et un clic sur le M met en valeur (un filet jaune) tous les éléments de la modulation en question.
On imagine la taille de l’interface s’il avait fallu afficher tout ça, plus les trois générateurs, les deux filtres, les deux délais, les options de routing, etc.
Bref, c’est beau, simple, rapide, efficace, ergonomique, une véritable réussite.
Oscillateurs multiples
Côté génération sonore, les trois oscillos délivrent au choix les classiques formes d’onde, Triangle, Sawtooth, Square, Sine plus un bruit blanc et un bruit rose. On peut modifier graphiquement l’accord fin (Detune) et la hauteur (Scale, en octaves), paramètres que l’on retrouve en cliquant sur le Component Button, accompagnés d’un bouton Phase Sync (une icône Midi) qui permet de redémarrer en début de phase à chaque note jouée, d’un rotatif de largeur d’impulsion (PW) et d’un rotatif Sync, qui résulte en une forme de hard sync, mais en n’utilisant qu’un seul oscillo. Particularité propre au monde du virtuel, puisque nécessitant deux oscillateurs dans le monde du hardware. Ici, la fréquence de l’oscillateur est multipliée par le bouton Sync, tout en gardant la fréquence de départ, l’écran permet de vérifier son action. On a donc la possibilité de disposer de trois hard sync différentes sur chacun des oscillos. Et ça sonne.
Chaque oscillateur dispose de son volume et, fonction plutôt rarement rencontrée, de son réglage de Pan. Le tout est complété par un Master Tune et un Portamento, qui fonctionne extrêmement bien, d’autant qu’il est aussi polyphonique. À nous les beaux glissés d’accords irréels…
Avant de passer aux filtres, un petit coup d’œil sur le symbole en forme de disquette : il permet de stocker des presets de configurations de section, ce qui est très bien vu, et peut faire gagner beaucoup de temps lors du sound design. Plutôt que d’avoir à régler chaque élément, on a plus vite fait de charger un preset avec formes d’ondes, accord, volume et pan prédéfinis, que l’on aura plus qu’à adapter. Temps d’autant plus gagné que cette sauvegarde de preset se retrouve dans presque toutes les sections et modules du synthé : la section oscillo, celles des filtres (y compris le routing), celle des délais (avec routing et filtres dédiés), les XLFO, générateurs et suiveurs d’enveloppe et les sources Midi. Excellent.
Filtres connus
Avec un nom pareil, Fabfilter a mis la barre haut. Et a prouvé qu’il n’avait pas tort. Je vous renvoie au test du Volcano 2 que vous trouverez ici, qui détaille et fait entendre les différents filtres mis au point par l’éditeur. Filtres que l’on retrouve en intégralité dans Twin 2, soit 12 types différents, que l’on affectera en série (Serial), parallèle (Parallel) ou par oscillateur (Per Osc), même si cette appellation est inexacte, puisque le routing alors effectué place bien l’Osc1 dans le filtre 1, l’Osc2 dans le filtre 2, tandis que l’Osc3 est envoyé à parts égales dans les filtres 1 et 2. On aurait apprécié la possibilité de disposer d’un routing propre à ce dernier oscillateur, pour l’envoyer dans l’un ou l’autre des filtres, voire dans aucun. Mais on peut activer ou désactiver les filtres de façon indépendante, ça compense un peu. Précision : là où Volcano propose jusqu’à quatre filtres simultanés, Twin 2 n’en offre que deux.
Donc 12 types de filtre, à configurer en 12, 24 ou 48 dB/oct., et HP, LP ou BP (passe-haut, bas ou bande), avec réglages de la fréquence de coupure, de pan et de résonance.
Une fois filtré, le signal est routé à la fois vers une sortie directe (avec réglages de niveau et pan) et vers un effet de retard, disposant de deux délais indépendants par voie (L et R), pouvant être chaînés (les réglages de la voie gauche prennent le pas). Ces deux délais passent ensuite dans deux filtres (exactement les mêmes que ceux de la section principale), pouvant être routés en série, en parallèle ou par voie. Attention, ces filtres à la différence des principaux peuvent entrer en auto-oscillation. On retrouve le savoir-faire déjà à l’œuvre dans Timeless, autre plug de l’éditeur.
Les réglages des délais sont Delay Time en ms (mode Free, de 10 ms à 5 secondes) ou en valeur de note (jusqu’à la double croche), le Delay Time se muant alors en offset permettant de plus ou moins décaler la valeur rythmique. À noter qu’en réglage Free, un mode Tap est disponible, permettant en cliquant sur le champ “ms” de synchroniser les délais à la volée. Un monde Ultra Short règle le délai en équivalent d’un Slapback, de 10 à 50 ms (le Feedback est alors désactivé).
Le signal traité est alors dirigé vers une sortie dotée de son volume et de son pan, et d’une activation avec mode verrouillé (idéal pour faire défiler des presets sans les effets), sortie qui est mixée avec la sortie principale.
N’oublions pas les discrets réglages situés en bas de l’interface, discrets mais tout aussi indispensables : le Midi Learn, qui permet d’assigner en un clic un contrôleur à un paramètre, la sélection Mono ou Poly, le nombre de voix de polyphonie (de 1 à 32), l’Unison assez impressionnant (de 1 à 32 aussi), un réglage Spread qui permet de désaccorder les voix de l’Unison, un Output qui permet de sélectionner le signal monitoré, celui de la sortie ou le signal en entrée quand Twin2 est utilisé en side-chain (je ne vous avais pas dit qu’il est doté d’une fonction side-chain ? Bon, c’est fait). On finit par un réglage stéréo qui permet de gérer l’image afin d’éviter tout problème de phase, et Out un niveau de sortie final doté lui aussi d’un Pan. Spread, Out et son pan sont modulables.
Justement, on pensait avoir fait le tour, mais non, il reste toute la partie modulation, énorme.
Modulations à tout va
Depuis ses premiers logiciels, l’éditeur a pris soin d’intégrer des possibilités de modulations très puissantes. Après le bandeau central des débuts, la deuxième version de Volcano s’est vue dotée d’un système bien plus puissant (se référer au test). On se demandait s’il pouvait être amélioré. La réponse est : oui.
On peut ainsi utiliser jusqu’à six enveloppes, quatre contrôleurs XY, six XLFO, quatre Envelope Follower (suiveurs d’enveloppe) et 10 Midi Sources ! La grande nouveauté est que ces sources de modulation peuvent maintenant être agrémentées de slots, qui sont des intermédiaires entre la source et sa destination, qui permettent de moduler encore plus finement les changements (limiter une plage d’action, inverser la polarité de la modulation, etc.) et surtout ces slots peuvent aussi être une destination pour les sources. Ce qui complexifie sérieusement les capacités du synthé, sans pour autant les rendre plus compliquées. En effet, le processus de mise en fonctionnement est toujours aussi simple.
On active un modulateur, disons un XLFO, on le relie par exemple au Pan du volume Dry, en procédant comme d’habitude (on clique sur la cible du modulateur et on tire jusqu’à la destination). Surprise, un Slot s’ajoute automatiquement (on peut aussi en rajouter des vierges de toute destination en cliquant sur le symbole + au-dessus du modulateur). Les symboles + et – permettent de choisir entre modulation positive ou inversée et si l’on souhaite modifier la destination, il suffit de cliquer à droite pour ouvrir un menu déroulant qui affiche tous les paramètres modulables du synthé. Ce Slot dispose d’un curseur qui sera le taux de modulation de la cible. Ce Slot peut donc être aussi modulé par une autre source. Dans ce cas, on assignera par exemple la ModWheel (ouvrir un élément Midi Source) et on peut encore régler ici le taux de modulation grâce au slider sur le Slot. Bref des possibilités infinies, puisque chaque modulateur peut moduler tous les paramètres, et même plusieurs à la fois, sachant que les Slots permettront d’affiner les réglages indépendamment pour chaque. Une bonne surface de contrôle ou un clavier maître bien pourvu en contrôleurs et on peut facilement ne plus rien faire à la souris que le strict minimum, ce qui produire des sensations très proches du travail sur un vrai synthé matériel.
Tous les modules ont été améliorés. Prenons le cas du XLFO : grâce au nouveau bouton Grid (un mini clavier s’affiche quand on active la fonction), on peut assigner les pas du LFO à des notes précises et si la modulation est dirigée vers un Oscillo, le Master Tune ou toute autre cible déterminant la hauteur on dispose alors d’un arpégiateur puissant : tous les pas peuvent avoir indépendamment leur propre valeur, hauteur, forme d’onde avec réglage de la pente, fonction aléatoire, etc. Apprécions aussi l’ajout d’un Phase Offset, qui permet de choisir où se trouve le point de départ de la modulation dans une courbe existante.
Merci aussi aux modules XY, qui permettent en utilisant le nombre de Slots nécessaire de se rapprocher d’effets de morphing.
Si l’on dit que cette partie est la grande force de Twin 2, on a raison. Et on a tort, puisque tout le reste est aussi réussi.
Quelques sons
Voici quelques exemples sonores illustrant ce qui a déjà été évoqué. Mais je vous invite fortement à aller sur le site de l’éditeur pour télécharger la version de démo qui est utilisable et pleinement fonctionnelle pendant 30 jours (oui, 30 jours !), afin que vous puissiez constater par vous-même l’incroyable potentiel du synthé.
Commençons par un exemple tout bête : une onde carrée, au son déjà bien particulier (aucun filtrage, ni effet), puis un réglage du Sync selon ce que l’on recherche. Multiplié par trois, avec un peu de modulation sur les paramètres Sync et un délai, et on a tout de suite un lead qui sonne. Ajoutons-y un filtrage ad hoc, et c’est encore mieux (il y a un limiteur sur le master, la résonance du filtre Clean étant incroyablement puissante). En tout cas, c’est comme ça que cela me convient…
Continuons avec un étonnant piano acoustique pour un VA trois oscillos. Et ce piano électrique, qui sonne encore mieux avec quelques effets. Cet exemple associant un beat et une basse (un seul Twin2 en activité, naturellement), montre bien les possibilités offertes par les XLFO. Voilà ensuite un pad tout simple, un motif façon années 70–80, un clavier façon wavetable, une basse, une autre plus acide, un fall rappelant les beaux jours des modulaires. On pourrait continuer, mais la démo utilisable…
Il me paraît important de rappeler que, en dehors des delays, Twin2 n’utilise aucun effet. On sait l’importance que ces derniers prennent dans le côté bluffant de certains synthés, qui se montrent plus quelconques une fois ces effets coupés, voire parfois très durs à mixer, le son se répartissant sur toute la plage de fréquences et l’image stéréo étant plus qu’exagérée (avec les problèmes de hors phase qui vont de pair). Ici, ce n’est que du brut…
Conclusion
Voilà, l’éditeur a encore une fois réussi son coup. De l’ergonomie inégalée au son très typé des filtres et oscillos, des possibilités de modulation au graphisme, pas une faute, pas un ratage. Un seul regret, que l’oscillateur 3 ne puisse être routé librement vers l’un ou l’autre filtre, voire dans aucun. Même le prix, 129 €, reste abordable, sachant que l’on a là un synthé qui sonne vraiment et qui est un instrument à part entière : associé à une surface de contrôle ou un clavier maître plein de potards, sachant que le Midi Learn est d’une simplicité qui devrait en inspirer certains, c’est un vrai régal de balancer des effets de filtre qui étonnent par leur puissance, ou jouer avec les sauts d’octave à l’ancienne.
Encore une occasion de faire du ménage dans la bibliothèque de plugs, nombre de concurrents en configuration à trois oscillos (voire plus) perdant alors de l’intérêt, tant au niveau du son que des fonctions…