Les synthèses graphique et stochastique sont deux autres formes peu usitées et pourtant très intéressantes, voyons pourquoi.
La synthèse stochastique
La synthèse stochastique en soi n’est pas non plus une véritable forme de synthèse à proprement parler, mais une série de techniques. Le terme « stochastique » peut être envisagé comme un synonyme d’aléatoire. On parle donc d’une synthèse dont l’objectif serait de modéliser des sons sans structure périodique reconnaissable. Cela ne vous rappelle rien ? Eh oui, il s’agit des bruits, évoqués précédemment dans l’article 5 de cette série.
Et là, nous nous heurtons à l’un des problèmes fondamentaux de la modélisation informatique : elle ne permet pas de modéliser correctement des évènements aléatoires, les processus employés à cette fin étant par leur nature même déterministes. Il n’y a en effet rien d’aléatoire dans l’informatique, même si certains bugs notamment peuvent nous faire penser le contraire !
Si un système informatique produit une suite de nombres apparemment stochastiques, celle-ci sera obligatoirement répétée au bout d’un certain nombre de sorties. On ne peut qu’augmenter ce nombre, afin de retarder le moment où la suite va se reproduire. On préfère alors parler d’évènements pseudo-aléatoires. À noter que dans certains cas, on utilise des grandes tables d’ondes (voir article 18) chargées en données pseudo-aléatoires qu’il ne suffit plus alors que de « lire ». Des générateurs de bruit servent notamment à moduler des ondes périodiques en amplitude ou en fréquence (voir article 21).
L’un de ces modes de production aléatoire a été initié par Iannis Xenakis (encore lui, voir article 19). Il s’agit de la Dynamic Stochastic Synthesis, implémentée au sein du système GenDy développé au début des années 90 sur son instigation. Pour faire simple, la forme d’onde est composée de segments reliant des points, et chaque point est calculé selon des fonctions de probabilité à partir du point précédent.
La synthèse graphique
Pour terminer notre petit tour des formes de synthèse rares, voici une méthode assez inattendue : l’utilisation d’une image comme source de données transformables en son. Aussi surprenant que cela puisse paraître à la première lecture, rappelons-nous que nous vivons à l’ère de l’informatique où tout est numérisable ! Et en soi, des données binaires restent des données binaires, quelle que soit leur source. Il ne suffit donc plus que de les reconvertir en son via un CNA (convertisseur numérique analogique, pour rappel) et le tour est joué.
Notons au passage que la traduction de signes graphiques en évènements audio est antérieure à l’avènement du numérique, puisque dès 1925 fut déposé un brevet pour la notation photographique de sons musicaux, et que dans les années qui suivirent apparut un certain nombre d’instruments électroniques basés sur des générateurs de sons photo-électriques. Le chef d’orchestre Leopold Stokowski notamment fut l’un des premiers défenseurs de ces nouvelles méthodes de création sonore. Mais au moment du passage au numérique, c’est à nouveau Iannis Xenakis (décidément) que l’on retrouve en première ligne, avec le système UPIC conçu en partenariat avec le Centre d’Etudes de Mathématique et Automatique Musicale (CeMAMu) de Paris.
Ce système reconnaît des « arcs » tracés sur une tablette. Ceux-ci symbolisent simultanément des notions temporelles et fréquentielles, et peuvent être modifiés et déplacés à volonté par l’opérateur. Ce dernier a également la possibilité de travailler directement sur des échantillons sonores. Ce n’est qu’en 1991 que l’informatique permit à UPIC, initialement créé en 1977, de traiter les informations en temps réel. Parmi les outils grand public d’aujourd’hui qui utilisent les images comme source de fabrication du son, nous pouvons citer Harmor, le synthétiseur/sampleur virtuel d’Image Line, les concepteurs de FL Studio.
La suite ?
Allez, je vous avais annoncé dans l’avant-dernier article que ce dossier s’achèverait par ce rapide aperçu de certaines formes rares de synthèse. Mais je vous offre un petit bonus sous la forme de deux articles supplémentaires qui proposeront une sélection d’instruments un peu particuliers…
À la prochaine !