Suite logique du synthé monodique Pendulate (gratuit) dévoilé quelques semaines plus tôt, Generate est un synthé polyphonique de 8 voix maximum, fruit d’une collaboration entre Newfangled Audio et Eventide.
Ancien ingénieur du traitement du signal pour Eventide, Dan Gillespie fonde Newfangled Audio en 2015 et c’est déjà en collaboration avec Eventide qu’il dévoile une belle suite de plug-ins orientée mastering. Quand on parle traitement du signal, le label Eventide est à l’origine de certains des effets qui ont le plus marqué la musique des 20 dernières années, mais il aura fallu plus de 40 ans à la marque américaine pour dévoiler un synthé ! C’est donc chose faite et ils ne se contentent pas ici d’un simple synthé soustractif avec ses formes d’ondes basiques. Loin de là.
Le chaos dans la machine
La technologie mise en avant ici est un oscillateur censé reproduire des objets physiques instables et chaotiques. Il n’y a qu’un oscillateur et vous avez le choix parmi cinq phénomènes. D’abord on a le générateur intitulé Double Pendulum. En physique, un double pendule est un pendule au bout duquel on en attacherait un autre. Sans aller trop dans les détails, la trajectoire d’un double pendule est prédictible, mais plus on introduit de variables (Chaos Amount dans ce cas-là) plus sa trajectoire est complexe. Je ne me risquerai surtout pas d’essayer ici d’expliquer des phénomènes comme le Vortex, le Pulsar, le fonctionnement d’une Turbine ou les tenants et les aboutissants d’une décharge (Discharge) électrique, mais voici les options qui sont à votre disposition. L’oscillateur de Generate est donc composé de générateurs de chaos qui vont ajouter des harmoniques et de l’instabilité à votre son de base. En bref, vous passez d’un son simple à un son plein d’harmoniques qui évolue dans le temps sans pour autant être inutilisable. On a en fait affaire ici à une sorte de potion magique entre synthèse additive et FM le tout reposant sur la génération d’oscillations complexes. Je dois dire qu’en passant en revue certains des 658 presets, le résultat est là : les sonorités sont modernes, novatrices, riches et animées. L’oscillateur dispose également de 2 sous-oscillateurs synchronisables à une gamme donnée. De quoi rajouter du corps à votre son.
West-coast
L’étape qui suit l’oscillateur est basée sur un module issu du fameux synthé « west-coast » Buchla. On parle ici de wave-folding (pliage d’onde en français). L’idée est de pousser le gain de l’étage d’amplification pour générer des harmoniques et venir grossir le son. Ce module est vraiment bien venu car, avec ses trois variantes, il apporte un gros impact, notamment sur les basses. L’algorithme « animate » permet même de le faire évoluer dans le temps. Rien qu’entre ces deux modules, on obtient rapidement un son riche et évolutif. Le signal passe ensuite dans un Low Pass Gate à plusieurs pôles. Le Low Pass Gate est un mélange entre un filtre passe-bas et un VCA contrôlé par une enveloppe ADSR. C’est donc avec ces trois modules, l’oscillateur pendulaire, le wave-folder et le low pass gate que vous construisez la base de votre son. Ces trois étapes sont d’ailleurs habilement représentées grâce à des animations en arrière-plan des modules ce qui donne une bonne idée des traitements appliqués lorsque vous modifiez leurs paramètres respectifs.
Ça module dans le vortex
Tous les paramètres des trois éléments principaux sont modulables grâce à deux enveloppes qui peuvent être au choix, ADSR, ADR ou ASR ainsi que 2 LFO aux formes d’ondes classiques, un sample & hold, un séquenceur à 8 pas et au MPE. Le séquenceur, bien qu’assez basique, vous permettra d’ajouter une dimension rythmique à vos sons. Il est synchronisable au tempo et dispose de trois modes d’opération. En revanche, je n’ai pas bien compris pourquoi la vitesse du séquenceur ne va pas au-delà de 1/16 de pulsations par minute lorsqu’il est synchronisé au tempo. Le MPE ou MIDI Polyphonic Expression est le protocole utilisé dans des machines aux contrôles multidimensionnels telles que le Roli Seaboard ou encore l’Osmose de chez Expressive E. À mon grand regret, je n’ai pas eu accès à un contrôleur MPE pour ce test et c’est dommage car certains sons très « organiques » donnent vraiment envie de tirer parti de ce genre de technologie. Pour créer les connexions entre ces modules de modulations et les trois modules de base, les concepteurs se sont inspirés du monde des synthés modulaires. Par exemple en cliquant sur la forme triangle du LFO, on voit apparaître un petit carré à côté de chaque destination qu’il peut contrôler. Ce carré vous permet de contrôler la profondeur de la modulation en positif ou en négatif. Lorsque l’on passe la souris sur le paramètre, on voit apparaître une connexion entre ces deux modules. Lorsque la connexion et faite, le câble virtuel disparaît (option désactivable) afin de ne pas encombrer l’interface. Vous visualisez à présent le paramètre qui est modifié par son clignotement en rythme avec le modulateur. Simple et efficace ! Chaque modulateur peut évidemment contrôler plusieurs paramètres à la fois (jusqu’à 493 connexions selon Eventide) ce qui donne rapidement des résultats intéressants avec des textures qui bougent et qui grondent fort.
L’expertise dans les effets
Lorsque votre son est bien chaud, il passe ensuite dans une section d’effets qui, contrairement à d’autres synthés sont vraiment de bonne qualité. En même temps on n’en attendait pas moins de la part d’une entreprise qui a fait sa renommée grâce à des algorithmes d’effets ! Le signal passe donc d’abord par un EQ suivi d’un chorus, d’un delay et enfin d’une reverb. Même si ces effets sont de très bonne facture, on regrette ici l’impossibilité de les moduler grâce aux nombreuses sources de modulations. Ceci dit, ces effets ne sont pas du tout là pour faire joli et ils apporteront une réelle profondeur à vos patchs. Enfin, les concepteurs ont eu la bonne idée d’ajouter un limiteur paramétrable en bout de chaîne afin de contrôler tout ce chaos.
Une interface bien ficelée
Au premier abord, l’interface peut sembler intimidante, mais elle est en réalité assez claire. Chaque paramètre est à sa place et seule la section située en bas évolue en fonction du paramètre de modulation ou d’effet sur lequel vous cliquez. Vous avez même le choix parmi trois couleurs d’interfaces ; pratique pour s’y retrouver lorsque vous avez plusieurs instances du synthé ouvertes en même temps. Une belle interface avec des ondes qui bougent ça a toujours un prix. Ce prix c’est votre ordinateur qui le paie lorsque vous empilez plusieurs instances de Generate avec des automations et beaucoup de modulations dans votre DAW. Heureusement, vous pouvez désactiver la visualisation des formes d’onde ainsi que toute l’interface ce qui fera du bien à votre processeur ainsi qu’à votre RAM. Tout en haut se trouve la section de presets classés d’abord par type pour les réglages d’usine et par artistes pour les réglages additionnels programmés par des sound designers de renoms tels que la légendaire Laurie Spiegel pour ne citer qu’elle. On regrette toutefois que tous les presets ne soient pas classés par type, quitte à mentionner le sound designer à côté. On note aussi la présence bienvenue d’un bouton intitulé RND pour random, qui vous permet en un seul clic de programmer tous les paramètres de manière aléatoire. Tu voulais du chaos ? Reprends-en donc une petite louche !
Ça génère des envies !
Generate est un synthé polyphonique vraiment innovant qui saura ravir ceux qui sont à la recherche de textures nouvelles. Des sonorités types FM avec des cloches féériques aux basses sous stéroïdes capables de faire trembler votre studio en passant par des pads évolutifs, Generate réussit le pari d’allier richesse et diversité des sonorités avec une interface simple et facile à prendre en main. Ajoutez à ça le contrôle MPE et vous avez une machine complète, pas trop gourmande en CPU qui saura vraiment vous surprendre sans jamais vraiment vous perdre. Mis à part l’impossibilité de moduler les paramètres des effets, Generate réalise la prouesse, et je pèse mes mots, d’apporter quelque chose de nouveau et de rafraîchissant dans le monde des synthés virtuels n’étant pas basés sur des samples.