Deuxième effet créé par Tim Exile après The Finger, The Mouth se propose de traiter tout signal entrant de façon créative, avec un net penchant pour les sons vocaux. Est-ce alors un vocoder ? Ou plus ? Ou moins ?
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Décidément, chez Native, on ne dort plus depuis des mois à en juger par l’avalanche de nouveautés… Du coup, chez AF, on est aussi sur des charbons ardents devant ce qui nous arrive quasi hebdomadairement. The Mouth, créé par Tim Exile (voir encadré) est son deuxième produit/effet, ainsi que le deuxième produit/effet ici testé pour Reaktor. En effet, il s’inscrit dans la lignée des Spark et Prism (voir test ICI), tout comme Reflektor (voir test ICI) initie une série pour Guitar Rig. C’est-à-dire qu’il appartient à une série d’effets ou de synthétiseurs spécialement conçus pour un des nombreux moteurs signés Native, ainsi que pour leur version gratuite, Guitar Rig Player ou, pour ce qui nous concerne ici, Reaktor Player.
En quoi ce nouvel effet de traitement de voix, ce qui est le premier argument de “vente” de Tim Exile, diffère-t-il de nombreux outils l’ayant précédé dans cette fonction ? Car les vocodeurs hardware ou logiciels ne manquent pas et sont toujours d’actualité, puisqu’on en trouve encore embarqués dans des synthés récents ou sous forme de plug-ins. Sans oublier différentes expériences logicielles qui ont disparu dans les limbes de la synthèse virtuelle, comme le très intéressant Kantos d’Antarès, qui a connu une carrière inversement aussi courte qu’elle était riche de possibilités. Que nous a donc réservé Tim Exile, dont on sait que la problématique de production l’a conduit à essayer de nombreux environnements avant de se consacrer à Reaktor ?
Introducing The Mouth
The Mouth, tout comme Prism, est donc un produit complet, mais seulement utilisable au sein de Reaktor ou Reaktor Player 5.5. On connaît donc la polyvalence en termes de format (standalone, VST, AU, etc.), tout comme ses limites (pas encore de version 64 bits, ni de compatibilité avec Kore 2). Installation et autorisation ne posent aucun problème, le Service Center étant encore de la partie. On va commencer par présenter rapidement le principe de The Mouth, qui est assez simple, voire connu, avec néanmoins ses propres caractéristiques (sinon quel intérêt ?) : un signal audio entre dans le logiciel, est envoyé à la fois dans un circuit direct, dans un analyseur de hauteur où il est corrigé, et dans un suiveur d’enveloppe de volume. Tout ce petit monde ira ensuite selon un routing plus ou moins complexe (le schéma est disponible dans le mode d’emploi que l’on peut télécharger chez l’éditeur) qui dans un circuit direct, un Vocoder, un générateur d’harmonies, un synthé, un synthé basse, un module Spectral, le tout réuni dans un mixer, lui-même envoyé dans une chaîne d’effets puis vers la sortie. The Mouth est capable de recevoir pendant l’analyse du signal des notes Midi, qui forceront alors la hauteur des notes reconnues par l’analyseur pour les faire correspondre à ce qui est joué sur le clavier.
Comme le test est réalisé sur Logic, il faut recourir à la manipulation habituelle pour utiliser des effets capables d’être contrôlés via des notes Midi (et non pas de seulement recevoir des infos de contrôleurs continus Midi), ce qu’Apple nomme AU-Midi Controlled Effects. Il faut placer la version FX de Reaktor sur une piste instrument, et envoyer la “sortie” de la piste audio contenant le fichier à traiter dans The Mouth via le champ Sidechain présent sur la fenêtre du 32-bit Audio Unit Bridge (eh oui, Reaktor n’est toujours pas 64 bits). Si l’on veut traiter de l’audio en direct, c’est possible, il suffit de placer The Mouth dans un des Inserts, mais on perd alors le bénéfice de l’assignation aux notes Midi. À noter que The Mouth permet d’envoyer du Midi Out, ce qui est une excellente chose, sauf pour les utilisateurs d’Audio Units, puisque cette fonctionnalité n’est pas prévue dans le standard Audio Unit. Si les développeurs d’Apple pouvaient rapidement inclure cette fonction, de nombreux utilisateurs se réjouiraient…
Word of Mouth
L’interface est claire, très lisible, indéniablement pensée pour le live, avec ses gros boutons et faders qui, ne serait-ce le bleu du fond, pourraient faire penser à l’approche développée par Mainstage. La section Input, en haut, permet de choisir entre Pitch (détection mélodique) et Beats (détection des transitoires), détection qui s’effectuera soit de façon automatique, soit manuelle, grâce à un réglage de Threshold (seuil). Deux boutons, l’un avec l’icône Din, l’autre avec une note, permettent respectivement de forcer The Mouth à ne laisser entrer que les notes correspondant à la gamme choisie (voir plus bas) et de basculer des réglages Performance Controls à la section Harmony. Cette dernière page contient plusieurs sections, dont une commune à tous les modes Pitch, avec réglages de Detune, et plusieurs type de réactions du gate/système de détection de hauteur d’entrée : Hold et Retrig (dépendant de la sensibilité) et Repeat, qui force The Mouth sur les doubles croches spécifiées, afin de produire des effets rythmiques. En mode Beat, un Slider modifie la proportion d’harmoniques générées. Il faut savoir que les harmonies déterminées dans cette section, influenceront le comportement de toutes les parties de The Mouth, même si certaines sont coupées via le Mixer.
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Les Performance Controls sont au nombre de huit, correspondant à des macros commandant de façon globale la brillance, la résonance, l’épaisseur (en jouant sur l’unisson et la largeur stéréo), les harmonies générées, l’attaque, le sustain, le release. Le huitième nommé Nonsense porte bien son nom, le côté imprévisible de son action étant pleinement assumé. Comme spécifié, l’action de ces macros est globale, ce qui est un peu dommage dans certaines circonstances, notamment quand on cherche à mélanger le son d’origine avec les autres sources sonores, puisque ce son sera aussi affecté par les réglages d’enveloppe par exemple. Il faudra alors penser à jouer sur le mix entre la piste d’origine et celle sur laquelle se trouve The Mouth.
Mixer permet de… mixer les différentes composantes du son traité, et chaque bouton sous les faders ouvre les réglages disponibles pour la section concernée (on y reviendra). Enfin, la section Keyboard regroupe une octave sous forme de pads permettant de sélectionner la tonalité de la gamme que vous souhaitez affecter à l’audio entrant. Un système de couleurs différencie les notes entrantes, la fondamentale de la gamme, et les notes modifiées.
Chaque section du Mixer dispose donc de ses réglages, affichés après un clic sur le bouton. Dans les Inputs Controls, on choisit de forcer la correction du signal entrant avec Tune, la proportion de Gate qui lui est appliquée, le fait d’assigner une seconde voix (bouton Duet, effet Doubler quand il est désactivé, effet harmonique activé) et le volume de cette deuxième voix (Double/Hrm). La hauteur de cette voix sera déterminée dans la section Input de la page Harmony (réglage par intervalles déterminés, au-dessus ou en-dessous en fonction de la gamme déterminée ou intervalle libre). Les 16 cases (Clean, Wide Duet, Formant Dive, Warm Duet, etc.) sont des modifications pré-déterminées, que l’on peut mélanger (quatre maximum) via clic-droit/drag, les cases affichant alors différentes nuances de bleu en fonction de leur proportion dans le son final. L’exemple suivant fait entendre plusieurs sélections, avec la voix d’origine en premier, la dernière étant un mélange de quatre.
On le voit, l’algorithme de détection est plutôt performant, et en n’utilisant qu’un seul des modes de production sonore, on peut déjà varier les résultats. Sur le fichier qui suit, plutôt complexe, The Mouth s’en sort très bien, et n’a pas de problème pour modifier la hauteur des notes en fonction d’un accord joué sur le clavier.
In your mouth
La section Synth offre aussi ses 16 presets, et des réglages de Cutoff, Reso, Spread et Glide. Ces réglages sont dépendants des presets, il ne faut pas espérer pousser le filtre dans ses derniers retranchements ou le mettre en auto-oscillation directement dans cette section.
C’est grâce aux Performances Controls que l’on arrivera à produire de véritables sweeps ou des résonances extrêmes, qui seront malheureusement appliqués à toutes les sections. La section Synth de la page Harmony offre les paramètres de mode (Unison, jusqu’à huit voix, 2 Voice, 4 Voice et Poly) et de réglage d’intervalles, selon les mêmes principes que la section Input. On peut cependant se demander si l’implémentation d’un ou deux véritables oscillos avec un filtre multimode n’aurait pas été plus judicieuse, sans nécessairement remettre en cause l’architecture du logiciel…
Toujours sur le même fichier voix, voici quelques exemples n’utilisant que la section Synth.
Du côté du Vocoder, Spectral Amt permet de passer progressivement d’un vocoder de type classique à un résonateur, Sensitivity agit sur les bandes de filtrage, Noise et Resonance modifient leurs volumes respectifs. On retrouve les 16 presets. Dans la section Harmony, on dispose d’un réglage d’intervalle et d’octave, avec les trois choix habituels (Up, Down, Free).
Le fichier de départ est toujours mis à contribution, pour cette série d’exemples.
Passons à Bass, le “parent pauvre” du logiciel. Seulement quatre presses, une possibilité de seconde voix (Double), un réglage de volume des harmoniques supérieures, et Center et Range qui permettent de modifier la hauteur du son généré. On aura plutôt tendance à la considérer comme un Sub-Osc que comme un véritable synthé basse (par rapport à la section Synth de The Mouth).
Enfin la section FX regroupe un Delay avec taux, durée et un Compressor avec taux et Release et toujours 16 presets. On écoutera son action dans les exemples à venir.
Voyons maintenant comment sonne le logiciel toutes sections actives, sur des voix d’abord, dont certaines plus pièges, puisque doublées.
Puis sur des boucles rythmiques, la première à base de claquements de mains et de coups sur le torse trafiqués, la seconde utilisant un vrai groove de batterie.
Voici ce que ça donne en jouant des notes sur le clavier Midi.
Pusi en modifiant les Performance Controls en temps réel grâce au Midi Learn que l’on trouve quasi à tous les étages.
On peut aussi l’utiliser pour faire complètement autre chose.
Bilan
Sans renouveler le concept de vocoder, mais en mélangeant plusieurs principes et en répondant parfaitement à ce qu’implique sa conception, The Mouth est d’abord une très bonne surprise. Aucun problème de fonctionnement, un algorithme de détection plutôt performant, des petites astuces sympa, et un concept réussi. Les résultats sont toujours intéressants, et, pour les novices, le nombre de presets fournis est un très bon départ. On pourra les modifier à loisir, sachant que le plus réjouissant est de partir à l’aventure.
On peut regretter quelques choix effectués pour l’ergonomie et la facilité de prise en main au détriment des fonctionnalités, comme le fait de n’avoir pas un filtre ou une véritable enveloppe indépendants par section, et donc de résulter en une action commune des réglages des Performance Controls sur tous les modules.
Mais à ce prix-là (69 €), et vu la qualité sonore globale et la possibilité d’utiliser le lecteur gratuit Reaktor Player, si vous êtes intéressé par le traitement vocal ou de boucles (même s’il existe pour ces dernières des outils bien plus performants), The Mouth peut être un très bon choix. Sur le site de Native, plusieurs vidéos montrent Exile utilisant le logiciel dans un contexte IDM, un bon moyen de voir les possibilités non abordées dans ce test.