Voici un petit guide pas banalisé pour aborder sereinement quelques aspects techniques de l'enregistrement sur bande magnétique. Après le tour historique du dernier article, on se penche cette fois-ci sur les éléments pratiques.
Cette semaine, on se penche donc sur les aspects techniques qui entoure l’enregistrement sur bande magnétique. On va se concentrer particulièrement sur les aspects qu’il est nécessaire de connaître en tant qu’utilisateur. Donc, certes, je ne vais pas vous apprendre à calibrer un magnéto de A à Z, en revanche nous allons ensemble faire le tour des formats de bande que vous trouverez communément, des tailles de bobine, des vitesses d’enregistrement… De plus, nous allons aborder le bon entretien de votre appareil à bande, et essayer de réfléchir à son usage à l’époque du tout-numérique.
Hey Ho ! Let’s go…
Normes et formats
Il existe diverses normes et formats concernant la bande et les magnétophones. Nous allons ici présenter celles qui concernent en premier lieu l’utilisateur :
Les vitesses
On dénote les vitesses d’enregistrement/lecture en pouce par seconde (inch per second, abrégé en IPS). On peut trouver des magnétophones où les vitesses sont notées selon le Système international, c’est-à-dire en centimètres par seconde, mais on obtient moins de nombres entiers.
Les vitesses principales sont :
- Pour les appareils du commerce – 3,75 IPS et 7,5 IPS
- Pour certains appareils du commerce, et certains magnétophones pros ou semi-pro – 7,5 IPS et 15 IPS
- Pour les appareils pros – 15 IPS et 30 IPS
Plus la vitesse est élevée, plus le magnétophone gagne en précision, en fidélité et en réponse dynamique, pour une raison matérielle simple : en une seconde, le même signal (la même densité de flux magnétique) sera enregistré sur une plus grande surface de bande.
Certains magnétophones bénéficient en plus de l’ajout d’une fonction varispeed (vitesse variable), qui permet de faire varier la vitesse de défilement. Cela a plusieurs intérêts : le premier est de pouvoir adapter la lecture d’une bande d’un magnéto à l’autre, en cas de léger déréglage de la vitesse sur un des deux appareils. Le varispeed permet aussi d’adapter légèrement la vitesse de défilement de la bande disponible selon la longueur du morceau enregistré. Enfin, il peut servir à créer des effets sonores intéressants sur les pistes enregistrées.
Les largeurs de bande
La largeur de la bande, elle aussi, s’exprime principalement en pouces. Elle détermine le nombre de pistes que l’on peut enregistrer au maximum sur le support.
- ¼ de pouce : norme pro – 1 piste mono (pleine bande) ou 2 pistes stéréo (master) ; norme domestique et semi-pro – 4 pistes. C’est la taille de bande la plus répandue.
- ½ pouce : norme pro – 2 ou 4 pistes ; norme semi-pro – jusqu’à 8 pistes.
- 1 pouce : norme pro – 8 ou 16 pistes.
- 2 pouces : norme pro – 16 ou 24 pistes.
Les tailles et types de bobines
Il existe deux formats principaux pour l’audio : la grande bobine de 10 pouces et demi (environ 26 cm), et la plus petite de 7 pouces (environ 18 cm). Une taille plus petite existe (13 cm) mais elle est moins pratique, tout simplement à cause du peu de longueur de bande qu’elle peut accueillir.
Les bobines accueille deux types d’axe différents : NAB ou trident. Toutes les bobines 7 pouces sont au format trident, les 10 pouces peuvent avoir l’un ou l’autre.
À gauche des bobines à axe trident, à droite et au centre, des axes NAB. À gauche, on voit bien les trois tailles principales de bobines.
Il existe aussi un format AEG, plus rare, que l’on trouve encore sur de vieilles bandes Agfa et BASF. Dans un genre similaire, on peut également acheter la bande sous forme de pancakes, c’est-à-dire une bande enroulée autour d’un moyeu sur lequel peut venir se visser deux flasques (c’est le terme précis) de façon à former une bobine NAB classique.
Entretenir son appareil
L’entretien d’un appareil à bande passe par quatre procédures, qui correspondent à quatre niveaux d’exigence. Je vous les expose dans l’ordre du plus quotidien au plus occasionnel, du plus nécessaire, au plus optionnel :
- Entretien régulier : il concerne la propreté générale de votre équipement. Vous ne cuisineriez pas avec les couteaux recouverts de crasse, vous n’auriez pas envie de conduire une voiture remplie de saletés, pourquoi donc travailler la musique avec des appareils couverts de poussière ? Il s’agit donc d’une étape qui n’a rien de spécifique aux appareils à bande mais qu’il est toujours important de rappeler. Il est crucial de procéder régulièrement (je dirais à peu près au moins une fois par semaine, comme le ménage que l’on fait chez soi) au dépoussiérage de l’appareil, de sa face avant jusqu’aux câbles qui se trouvent à l’arrière.
- Entretien de la propreté des parties en contact, et entretien de la bande : le passage de la bande sur les têtes de lecture, et les différents guides qui servent à maintenir son chemin rectiligne, va générer le dépôt léger (si l’appareil est en bon état) d’une couche d’oxyde ayant tendance à se détacher de la bande. Quelques passages de bande n’auront pas beaucoup d’impact, mais un usage régulier de l’appareil va amener tout ce que l’on nomme le « chemin de bande » à se salir. Il est donc nécessaire régulièrement de nettoyer ce chemin de bande à l’aide d’alcool (le plus pur possible, on conseille souvent d’utiliser de l’alcool isopropyl) sur des cotons-tiges. Pour procéder à ce nettoyage, il va être nécessaire de retirer la bande de l’appareil. En vérité, entre chaque utilisation une bande devrait toujours être rembobinée, retirée de l’appareil, et rangée dans sa boîte, à la verticale. On conseille de conserver les bandes dans un lieu à la température ambiante stable et à l’humidité faible (pas à la cave…).
- Démagnétisation : la démagnétisation du chemin de bande est un sujet controversé dans le monde des utilisateurs de magnétophones et de lecteurs cassette. L’idée étant que le passage de la bande, surtout à vitesse rapide, peut occasionner une magnétisation des pièces en métal (à voir selon le métal, bien entendu) contre lequel passe la bande. Cela aurait, en retour, des conséquences négatives sur la lecture et l’enregistrement des signaux audio. Le consensus le plus raisonnable reste de dire que : sur les appareils non professionnels, la démagnétisation n’est pas nécessaire ; sur les appareils professionnels une démagnétisation occasionnelle ne peut pas faire de mal, et elle est pratiquée par la plupart des personnes utilisant des magnétophones pour des usages où la précision est absolument nécessaire (par exemple, dans l’archivage de master historique) ; avant la première utilisation ou la calibration d’un appareil une démagnétisation « de sécurité » est hautement recommandée.
À ce sujet, la plupart des manuels de maintenance de magnétophones recommandent de procéder à une démagnétisation avant toute autre procédure d’alignement ou de calibration. Mais gardez bien en tête que le travail du technicien va consister à prendre des mesures. Il s’agit donc clairement d’un geste nécessaire pour s’assurer de la validité de ces mesures (et pour prolonger la durée de vie de bandes-tests qui coûtent cher).
Un démagnétiseur TEAC
- Vérification occasionnelle du bon alignement de l’appareil : dans les studios professionnels pratiquant encore régulièrement l’enregistrement sur bande (et non pas les simples « passages » sur bande des masters numériques), il est courant de garder toujours branché au magnétophone assez de matériel pour pouvoir, à l’aide d’une bande-test, vérifier la bonne mise en phase des différentes pistes avant chaque enregistrement, et leurs niveaux de sortie (au moins un oscilloscope et un millivolmètre AC). On rentre donc ici dans un niveau d’entretien particulièrement exigeant, et qui ne concerne pas l’utilisation occasionnelle (pour quelques raisons que ce soit) d’un magnétophone, si celui-ci a déjà été aligné et calibré par un professionnel.
Pourquoi utiliser de la bande aujourd’hui ?
Souvent, le seul avantage sur le numérique qui demeure aujourd’hui pour la bande, ce sont ses « défauts » : c’est-à-dire cela en quoi elle n’est pas aussi précise que le numérique, et qui procure une coloration particulière. Bien sûr, on peut reproduire ces effets avec des plug-ins (on peut tout faire in the box aujourd’hui, de toute façon). Mais la bande reste le moyen favori de nombreux producteurs pour obtenir un « grain » spécifique. Ce grain peut provenir principalement de trois spécificités de la bande.
En premier lieu, sa façon de saturer : si l’on rentre très fort dans la bande lors de l’enregistrement (et en considérant que les préamplis d’entrée et de sortie du magnéto ont une capacité dynamique suffisante pour ne pas saturer), alors on peut atteindre un niveau de saturation de la bande elle-même, saturation qui a un caractère très particulier. Ce caractère est dû à la non-linéarité de la bande, et au fait qu’elle écrête le signal de manière progressive (soft clipping), ce qui occasionne peu d’harmoniques impaires, et offre une distorsion plutôt douce.
La seconde, c’est le souffle et généralement le bruit qui, certes, est presque indétectable sur un enregistreur professionnel correctement calibré, mais qui est présent sur de nombreux enregistreurs domestiques, surtout si ceux-ci n’ont pas fait l’objet d’une révision. On peut les utilisés pour « salir » le son.
Le troisième, c’est le pleurage et le scintillement, c’est-à-dire les oscillations de la vitesse, qui créent un effet pouvant rappeler une sorte de chorus. Cet effet est surtout remarquable sur les sons haut-médiums et aigus. Certains plug-ins reproduisent aujourd’hui ce défaut, preuve de son utilisation possible comme effet recherché. Pour information, le pleurage signifie une oscillation lente, le scintillement, une oscillation rapide.