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Une bande de jeune, à moi tout seul - Histoire de l'enregistrement sur bande magnétique

Cette semaine, on va tenter d'aborder les fondamentaux de la bande magnétique comme support audio. La bande magnétique, c'est une invention majeure du XXe siècle en ce qui concerne l'enregistrement et le traitement du son, car c'est elle qui a permis pour la première fois d'atteindre la fidélité.

Histoire de l'enregistrement sur bande magnétique : Une bande de jeune, à moi tout seul

La fidé­lité cela signi­fie que la bande magné­tique est le premier support qui a permis de réali­ser des enre­gis­tre­ments sur l’in­té­gra­lité du spectre sonore (20 Hz-20 kHz). Elle a permis égale­ment, à travers ses déve­lop­pe­ments progres­sifs, d’aug­men­ter de façon signi­fi­ca­tive le rapport signal/bruit, tout en limi­tant la distor­sion harmo­nique. Pour finir, par sa capa­cité à être mani­pu­lée et coupée, la bande intro­duit la notion de montage dans le domaine de l’au­dio, et la possi­bi­lité de réali­ser des secondes prises, des correc­tions, et donc d’aug­men­ter la qualité finale des enre­gis­tre­ments.

Cette dernière parti­cu­la­rité ouvre égale­ment la voie, non pas seule­ment aux correc­tions, mais à une certaine inven­ti­vité tech­nique, dont l’ex­pres­sion la plus totale est proba­ble­ment la musique concrète et la musique élec­troa­cous­tique : des mouve­ments musi­caux qui ne se conten­tèrent pas d’uti­li­ser le magné­to­phone à bande magné­tique comme support pour déve­lop­per des enre­gis­tre­ments, mais comme instru­ment de la compo­si­tion. 

Dans ce dossier, nous allons faire un tour d’ho­ri­zon rapide du magné­to­phone à bande, en nous inté­res­sant :

  • dans un premier temps à son déve­lop­pe­ment histo­rique
  • dans un second temps à sa tech­no­lo­gie

C’est parti !

Histo­rique

L’in­ven­tion :

La bande magné­tique fut large­ment déve­lop­pée durant la Seconde Guerre Mondiale, en Alle­magne. Son inven­tion, ou en tout cas l’in­ven­tion de quelque chose qui ressemble au produit fini, date de 1927. Fritz Pfleu­mer mit au point un appa­reil permet­tant d’en­re­gis­trer et de lire les infor­ma­tions magné­tiques emma­ga­si­nées sur une bande de papier recou­verte d’une poudre d’oxyde de fer. Les résul­tats étaient assez peu convain­cants, l’oxyde de fer ayant tendance à se déta­cher de la bande lors de la lecture et de l’en­re­gis­tre­ment. Malgré ses défauts, en 1930, Pfleu­mer réus­sit à obte­nir un brevet et la propriété intel­lec­tuelle pour son inven­tion. Il commence alors une tour­née des grandes entre­prises alle­mandes, espé­rant trou­ver un ache­teur qui saura déve­lop­per son projet. De par les mauvaises perfor­mances de sa machine, il lui fallut 2 ans pour trou­ver une entre­prise inté­res­sée…

Le déve­lop­pe­ment en Alle­magne :

En 1932, la manu­fac­ture d’ap­pa­reils élec­tro­niques AEG (Allge­meine Elek­tri­citäts-Gesell­schaft) racheta son brevet et commença à déve­lop­per, à partir de l’in­ven­tion de Pfleu­mer, ce qui devien­dra le premier lecteur de bande magné­tique. Ce travail de plusieurs années fut réalisé en colla­bo­ra­tion avec l’usine IG Farben (future usine BASF) qui se char­gea de déve­lop­per la première bande magné­tique, telle qu’on la connaît aujour­d’hui. Le résul­tat sera le Magne­to­phon K1, le premier véri­table magné­to­phone à bande (présenté en 1935 à l’ex­po­si­tion radio­pho­nique de Berlin). Ce modèle de magné­to­phone donna rapi­de­ment lieu à diverses versions (K2, K3…) dont une porta­tive, qui trou­vèrent leur usage prin­ci­pa­le­ment dans trois branches distinctes : la radio­pho­nie, l’ar­mée et la police (pour l’en­re­gis­tre­ment de dépo­si­tion et des inter­ro­ga­toires). Pour la radio et l’ar­mée alle­mande, dans la guerre qui menaçait alors d’écla­ter, le magné­to­phone fut un avan­tage indé­niable : il permet­tait des trans­mis­sions 24 heures sur 24, là où les alliés, qui diffu­saient encore prin­ci­pa­le­ment en direct sur les ondes radio­pho­niques (et avec l’aide de quelques disques acétates, qui permet­tait de préen­re­gis­trer des programmes rela­ti­ve­ment courts) étaient amenés à faire d’im­por­tantes pauses entre les programmes. Notez bien, la qualité du Magne­to­phon d’AEG peut-être aujour­d’hui encore enten­due, puisque nous avons accès à des enre­gis­tre­ments réali­sés grâce à lui : par exemple cette sympho­nie n° 3 « Eroica » de Beetho­ven, diri­gée par Furtwän­gler, et enre­gis­trée (en mono bien sûr) en 1944. Vous pouvez juger de la qualité remarquable de l’en­re­gis­tre­ment pour l’époque.

Ailleurs dans le monde : 

La recherche dans le domaine de l’en­re­gis­tre­ment magné­tique n’était pas le simple fait de l’Al­le­magne. Aux USA, les labo­ra­toires Bell avaient déjà fait des avan­cées impor­tantes dans les années 1920, de même au Japon, et en Angle­terre à travers la firme Marconi. Cepen­dant, dans tous ces pays, la recherche se concen­trait sur l’amé­lio­ra­tion des enre­gis­treurs magné­tiques qui exis­taient alors : les enre­gis­treurs sur fil d’acier. En Angle­terre, Marconi-Stille avait déve­loppé pour la BBC un enre­gis­treur sur ruban d’acier qui permet­tait d’en­re­gis­trer à peu près 30 minutes conti­nues (la machine pesait près d’une tonne, voir ci-contre). Cepen­dant ces tech­no­lo­gies d’en­re­gis­tre­ment sur support d’acier magné­tisé présen­taient de nombreux problèmes (poids, rupture du fil d’acier, dange­ro­sité du ruban d’acier très coupant…), et une bande passante qui limi­tait leur usage à l’en­re­gis­tre­ment des voix. Signe de cette dispa­rité des recherches, entre 1921 et 1941, sept brevets ont été dépo­sés, entre l’Al­le­magne, le Japon et les États-Unis, chacun concer­nant la même avan­cée (la préma­gne­ti­sa­tion à courant alter­na­tif), chaque cher­cheur igno­rant les recherches des autres.

Après la guerre aux USA, en Europe et au Japon : 

La tech­no­lo­gie des bandes magné­tiques, et les appa­reils d’en­re­gis­tre­ment et de lecture qui allaient avec, restèrent le secret gardé de l’Al­le­magne jusqu’en 1945, où John Mullin, de la divi­sion armée des trans­mis­sions, décou­vrit ce mode d’en­re­gis­tre­ment dans les studios d’une radio près de Franc­fort. Il ramena plusieurs magné­to­phones aux États-Unis, et une douzaine de bande : il les étudia, les améliora, et en 1946 il exposa ses résul­tats lors d’une rencontre de l’Ins­ti­tut des ingé­nieurs élec­tri­ciens et élec­tro­ni­ciens (IEEE) à San Fran­cisco, où il attira l’at­ten­tion d’une toute jeune entre­prise : Ampex.

En 1948, Ampex fut en mesure de présen­ter son premier modèle, déve­loppé avec l’aide de Mullin, l’Ampex 200. La machine connut un succès reten­tis­sant, prin­ci­pa­le­ment dû au déve­lop­pe­ment de la diffu­sion radio­pho­nique préen­re­gis­trée, jusqu’alors seule­ment possible grâce aux disques acétates. Bien­tôt, Ampex fut contacté par une entre­prise spécia­li­sée dans la pétro­chi­mie, 3M, qui déve­loppa pour ses magné­to­phones la première bande magné­tique améri­caine de grande qualité, la « Scotch Magne­tic Tape », en parti­cu­lier la Scotch 111, une bande qui devien­dra rapi­de­ment un stan­dard dans le monde entier.

Entre 1947 et 1950, la multi­pli­ca­tion aux USA des fabri­cants de magné­to­phones et de bandes généra une dispa­rité criante entre les appa­reils commer­cia­li­sés, tous incom­pa­tibles entre eux. La Natio­nal Asso­cia­tion of Broad­cas­ters (NAB), qui avait déjà édicté les normes concer­nant le gravage des disques, mis au point en 1949 la première charte pour régle­men­ter et lisser la produc­tion des bandes magné­tiques et des magné­to­phones. Nous en repar­lons dans l’en­ca­dré ci-contre…

En Europe, après-guerre, la produc­tion de bande se déve­loppa prin­ci­pa­le­ment à travers les usines BASF et Agfa. En même temps, Tele­fun­ken, filiale d’AEG, commer­cia­lisa le premier magné­to­phone euro­péen au format « domes­tique », le Magne­to­phon M5. Toute­fois, la conti­nua­tion des progrès dans le domaine de l’en­re­gis­tre­ment magné­tique fut alors surtout porté par une petite entre­prise suisse, portant le nom de son fonda­teur : Studer. En 1949, Studer déve­loppe le Dyna­vox, un magnéto pour usage semi-pro qui connut un succès assez impor­tant pour que la marque commence à déve­lop­per d’autres modèles. En parti­cu­lier, après 1950, à travers sa filiale ReVox, le construc­teur suisse déve­loppa en premier lieu la série 36 (à partir de 1955) et surtout, le magné­to­phone tran­sis­to­risé parmi les plus vendus du monde, le modèle A77 (première version sortie en 1967), dont les quali­tés méca­niques et sonores, dans une taille réduite, en firent un étalon pour la produc­tion de magné­tos domes­tiques ou semi-pros. ReVox ouvrit la voie, dans son propre pays d’abord, pour les produc­tions de Stefan Kudelski (Nagra) et de Stel­la­vox, mais aussi partout en Europe pour le déve­lop­pe­ment de magné­to­phones domes­tiques ou d’usage éduca­tif (par Grun­dig, Uher, Tand­berg…).

Au Japon, le déve­lop­pe­ment de l’en­re­gis­tre­ment magné­tique fut porté par deux entre­prises pion­nières : Tokyo Tsushin Kogyo (abrégé Totsuko, future firme Sony) et Nippon Denki Onkyo (future Denon). En s’ap­puyant sur un magné­to­phone améri­cain (le Magne­cor­der PT-6), les deux marques se lancèrent dans le déve­lop­pe­ment des deux premiers magné­tos japo­nais : le PT-11 de Totsuko et le PT-12 de Denon. Ces deux appa­reils, comman­dés par la radio natio­nale japo­naise, la NHK, ouvrirent la voie au déve­lop­pe­ment des magné­to­phones grand public de la marque Akai (dès les années 1950) puis TEAC et Pioneer, qui produi­sirent d’ex­cel­lents appa­reils pour un public d’ama­teurs. On notera aussi Tascam (branche semi-pro de TEAC) et Otari, fabri­cant de magné­to­phones de studio utili­sés dans le monde entier.


Comment ça marche ?

La bande

La bande magné­tique est formée d’un support plas­tique fin sur lequel est déposé un mélange d’un liant de fixa­tion dans lequel flottent de micro­sco­piques parti­cules d’oxydes ferro­ma­gné­tiques (pour les bandes magné­tiques pour magné­to­phone, il s’agit d’oxyde de fer). Ce liant contient aussi un lubri­fiant sec, pour proté­ger les têtes lors du passage de la bande. Avant que le liant ne sèche, la bande passe dans un champ magné­tique d’orien­ta­tion qui oriente toutes les parti­cules dans le même sens. La bande est ensuite chauf­fée de façon à faire s’éva­po­rer les solvants du liant. La bande est ensuite décou­pée aux tailles et formes stan­dards. Ainsi la bande consti­tue un support pouvant rece­voir et emma­ga­si­ner un flux magné­tique, qui pourra être lu par la suite.

Les têtes lecture et/ou enre­gis­tre­ment

Il y a des diffé­rences notables entre tête d’en­re­gis­tre­ment, de lecture et d’ef­fa­ce­ment. De même, il y a des diffé­rences impor­tantes entre tête en métal ou en ferrite. Ces diffé­rences sont trop poin­tilleuses pour être trai­tées ici. Fonda­men­ta­le­ment, il faut comprendre qu’une tête de magné­to­phone fonc­tionne sur le prin­cipe de l’in­duc­tion : lorsqu’un courant élec­trique la traverse, elle émet un champ magné­tique ; inver­se­ment, un champ magné­tique passe à proxi­mité et elle génère alors un courant magné­tique. Une tête est donc basée sur un bobi­nage de fil de cuivre (une bobine par voies) entouré sur un noyau fermé sur lui-même (comme un cercle de métal si l’on veut) à l’ex­cep­tion d’une fine ouver­ture qui fait face à la bande. On l’ap­pelle l’en­tre­fer, et c’est lui qui permet la concen­tra­tion du champ magné­tique en un point (il agit comme une « sortie », si l’on veut). Dans la tête d’en­re­gis­tre­ment, le signal audio (sous la forme d’un courant variable) occa­sionne l’émis­sion d’un champ magné­tique qui vient magné­ti­ser la bande. Lorsque cette même bande passe sur la tête de lecture, le phéno­mène inverse se produit :  sa magné­ti­sa­tion va géné­rer un courant variable à la sortie de la tête.

L’ali­gne­ment et la cali­bra­tion

Il s’agit de deux procé­dures distinctes qui ont pour but d’ob­te­nir les résul­tats opti­mums du support.

L’ali­gne­ment concerne les perfor­mances méca­niques de l’ap­pa­reil. Il consiste au contrôle et, si besoin, au réglage de l’or­tho­go­na­lité parfaite du chemin de bande : il s’agit donc de s’as­su­rer que la bande passe à la bonne hauteur sur les têtes, parfai­te­ment alignée avec leurs pistes, et à un angle de 90° parfait par rapport à l’axe verti­cal de chaque tête : ce dernier aspect se nomme l’azi­mut et il permet de s’as­su­rer que toutes les pistes, en enre­gis­tre­ment et en lecture d’un même signal mono, sont en phases les unes avec les autres.

La cali­bra­tion concerne les perfor­mances élec­tro­niques de l’ap­pa­reil. Il consiste à l’ho­mo­gé­néi­sa­tion du rapport entre les niveaux de signal en entrée, sur la bande, et à la sortie. Je résume certains aspects de la cali­bra­tion : il s’agit, pour une part, du réglage du niveau de réfé­rence, c’est-à-dire du niveau corres­pon­dant au 0 VU (sur le Vumètre de l’ap­pa­reil). Ce niveau peut se régler comme chacun le souhaite, mais suit géné­ra­le­ment des normes : sur les appa­reils HiFi, on se calera sur la norme de 0,775 V (0 dBu), tandis que sur certains appa­reils profes­sion­nels, on règlera plutôt l’ap­pa­reil à 1,23 V (+4 dBu). Pour une autre part, la cali­bra­tion vise à régler la réponse en fréquence en lecture et en enre­gis­tre­ment. Un dernier aspect de la cali­bra­tion, et pas des moindres, est le réglage du bias d’en­re­gis­tre­ment, qui a pour but de mini­mi­ser la non-linéa­rité en fréquence de la bande. Le bias permet donc une réponse en fréquence plus égale, et une dimi­nu­tion de la satu­ra­tion (donc une meilleure réponse dyna­mique).


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