C’est toujours une expérience peu commune que de pouvoir rencontrer une «personnalité» qui a, un jour, apporté sa pierre à l’édifice d’un corps de métier en constante évolution. En marge des vidéos publiées sur AF il y a quelques mois, nous avons eu le plaisir de rencontrer George Massenburg lors de sa dernière visite parisienne et d’aborder des points de vue beaucoup plus «généraux» sur la musique avec lui. Entretien avec un personnage dont le sérieux et la précision n’ont d’égal que son ouverture et sa liberté d’esprit.
Interview
Bootz : George, avant de commencer, sur quoi travailles-tu en ce moment ?
George Massenburg : J’ai trois projets de disques sur lesquels je travaille en ce moment. Le premier n’est pas un enregistrement de disque à proprement parler, puisqu’il s’agit d’un opéra de Mozart – Don Giovanni – produit par l’Université McGill (célèbre université québécoise située à Montréal, NDA) et pour lequel je m’occupe de la réalisation et la supervision de la postproduction… Je termine donc Don Giovanni, qui a été filmé par les étudiants grâce à 8 caméras HD, à travers une nouvelle méthodologie. C’est une nouvelle façon de filmer les opéras qui, à mon sens, est bien plus efficace – du point de vue du spectacle – car cette façon de filmer expose un peu mieux l’opéra en le rendant plus « proche », plus « intime » et plus approprié à ce que veut voir la nouvelle génération sur petit écran.
Je fais ça et deux autres projets musicaux. Je travaille avec l’orchestre du McGill Jazz 1 pour le disque Stand Kitten – qui va sortir dans le commerce – et c’est super car la plupart des musiciens du Jazz 1 sont fantastiques, ce sont de grands solistes. Les chansons sont excellentes, le batteur est génial, le bassiste, les guitaristes, les pianistes sont géniaux, tout est génial. Enfin, je m’occupe d’un nouveau groupe de pop qui s’appelle Urban Creature et qui vient de Toronto ; ils écrivent et produisent eux-mêmes leurs chansons. C’est un projet personnel pour voir comment le nouvel modèle pourrait fonctionner. Je travaille complètement gratuitement, je participe à l’enregistrement du groupe et nous verrons ensuite ce que ça donne.
D’autre part, travailles-tu toujours avec GMLabs ?
En fait, j’ai 3 métiers. Et ces trois métiers sont : l’enseignement, la fabrication d’équipements électroniques et l’enregistrement. Et un peu de mixage aussi, mais je suis malheureux si je ne fais pas l’un des trois. J’ai envie d’avoir ces trois activités, car elles « s’informent » entre elles. Je dois continuer d’enregistrer (des artistes, NDA) pour rester au fait des méthodologies du studio ; j’écoute tout ce que j’ai sous la main et tout ce que je peux me mettre dans les oreilles. J’entends de nouvelles choses qui se font et je veux les essayer moi aussi, en conditions. Je suis beaucoup en studio… En ce qui concerne la fabrication d’équipements, nous avons en ce moment même deux logiciels à l’étude pour MDW et un nouveau produit hybride pour GML qui sera la nouvelle génération des contrôleurs (de dynamique) de la série 9000, mais avec une sidechain à DSP. Ceci prend beaucoup de temps à développer, car, de manière interne, cela doit fonctionner à 384 kHz, donc c’est très rapide… Mais ça n’est pas rapide à développer ! Toujours à propos des logiciels, nous sortons de nouveaux produits pour les plateformes Protools 10.2 au format AAX, pour les traitements DSP (HDX) et Natifs. C’est beaucoup de travail !
Je n’avais pas ce type de compresseur donc je l’ai fabriqué ! |
En parlant « d’équilibre » entre tous ces projets, je voudrais revenir un peu sur tes débuts dans le métier, les premiers moments de ta carrière. J’ai lu que tu avais commencé à l’âge de 15 ans, en travaillant en même temps dans un laboratoire et dans un studio…?
J’ai effectivement intégré un studio d’enregistrement à Baltimore, dans le Maryland, à cette époque. Mais je crois que tout a commencé quand j’avais 4 ans : je mouillais mes doigts, dévissais une ampoule et « AAAH », simplement pour expérimenter ! (Rires) J’aime vraiment l’enregistrement musical depuis mon plus jeune âge. J’ai eu l’extrême chance de grandir dans le même quartier que Deane Jensen, qui était un pionnier dans la fabrication de transformateurs. Il était un ami, un ami très proche; nous faisions des radios en amateur et de la photo. Un jour il a acheté un magnétophone Ampex 602 et… Wow ! Ça, des casques et un U67. Je l’ai acheté d’ailleurs, son U67, et je l’ai toujours ! Très tôt j’ai su que j’aimais l’enregistrement. C’est une chose extrêmement puissante ! Ed Cherney a dit un jour : « J’ai toujours pensé que c’était un miracle que la musique puisse passer à travers ce fil, c’est magique ! ». Et c’est put*** de magique ! (Rires) Oh pardon, je suppose que je ne peux pas dire put***?
Oh si tu peux ! Si tu dois le dire…
OK alors, c’est bon ! Enfin bref, l’idée me semblait tellement magique. C’est toujours le cas aujourd’hui…
Si je comprends bien, Deane Jensen était donc ton premier « mentor »…
Oui, il fut mon premier mentor. Mon second mentor était le Docteur Curtis Marshall ; j’ai travaillé pour lui en laboratoire pour construire un des premiers ordinateurs qui utilisait un étrange mécanisme de stockage de données appelé Image Radarcon. C’était un tube qui scannait et qui ressortait de manière destructive plusieurs numérisations… Ce tube était utilisé pour accumuler des capteurs à électrons et rendre les rapports plus lisibles, de façon à ce que le chirurgien neurologiste puisse lire les graphiques d’info plus rapidement… J’avais ce second mentor qui m’apprenait l’électronique et j’avais 15 ans. C’était déjà pas si mal !
J’aimerais revenir sur ton concept de l’EQ paramétrique que tu as présenté en 1972 pour la première fois, si je ne me trompe pas…
1971 pour être exact, et j’ai publié le papier à l’AES en 1972. C’était une combinaison d’idées que plusieurs personnes avaient eues, mais nous étions les premiers à le réaliser. Dan Flickinger avait une sorte d’égaliseur variable dans sa console, mais il n’y avait pas de réglage du facteur de qualité. Gotham vendait un égaliseur fabriqué par… EMT je crois, le EQ1000, qui avait un filtre notch mais pas variable de manière continuelle… Donc on a pris un filtre notch et un des tout premiers amplis OP discrets, car les circuits intégrés n’étaient pas très bons. Il nous fallait un ampli OP donc on l’a fabriqué et nous avons pu monter notre propre égaliseur. Ensuite il a fallu que j’explique comment il fonctionnait ! Je l’ai emmené à l’AES et les gens nous disaient : « C’est bien, mais j’ai besoin de potentiomètres crantés ! ». Non, oublie les potentiomètres crantés, car c’est bien plus puissant ! Tu peux régler ton égalisation en fonction de la résonance de la guitare ou d’une caisse claire et la contrôler. Ça m’a pris du temps… car ce fut plus simple à développer qu’à vendre ! C’était une idée complètement nouvelle et les gens ne comprenaient pas. Et particulièrement cette idée du contrôle du facteur de qualité. Pendant longtemps, les gens se sont plaints que le réglage de Q sur les EQ des consoles SSL était trop petit ; ensuite parce que Hugh Padgham s’était plaint que la bande était trop large, tout le monde s’est plaint que c’était trop large… C’était donc une bonne idée de le rendre variable, mais les gens avaient besoin d’envisager comment ça pouvait sonner. Ça voulait dire qu’ils devaient l’écouter et ça, ça a toujours été un problème ! Faire en sorte que les gens écoutent… C’est pour cela que, quand tu écoutes, que tu fais attention, tu fais bien. En général, c’est quand même difficile de faire en sorte que les gens écoutent réellement.
L’enregistrement, c’est put*** de magique ! |
Il faut écouter pour savoir comment cela sonne et comment cela fonctionne ! Tu as donc passé du temps à expliquer et « éduquer »? Peut-on dire que tu as véritablement commencé à enseigner avec ce nouveau concept d’EQ paramétrique?
En fait, cet EQ s’est vendu grâce aux disques que j’ai pu faire, pour Earth, Wind And Fire notamment, en 1974–75. C’était si clair et le son était si gros que les gens se disaient : « Mais put*** comment il fait ça ?! » Maintenant j’ai votre attention ! (Rires) Ça a donc vraiment aidé. Parler de musique c’est comme chanter à propos du football (??!). Avant de pouvoir expliquer ce que tu fais, tu dois faire beaucoup toi-même. Voilà comment ça sonne ! Ensuite, la clé est de démontrer, expliquer.
Comme tu l’as dit plus tôt, tu es rapidement devenu ingénieur du son en freelance, et tu as dû très vite équilibrer tes activités entre la conception électronique et la prise de son. Comment as-tu réussi?
Très simplement. J’avais des choses à faire en régie et je n’avais rien donc c’était du genre : « Vas-y et développe-le ! ». Notre compresseur a été développé comme ça, notre EQ 8900, pareil. Pour les périphériques que l’on utilisait sur les voix, il n’y avait… rien ! Un (Universal Audio/Urei) 1176… Le Spectra Sonics (610, compresseur qui n’est plus fabriqué, NDA) qui était épouvantable, une console API, un LA-2A et… c’était tout ! Je savais que j’aimais la façon qu’avait le LA-2A de détecter le signal. Je savais que j’aimais le contrôle de Log sur le dBx. Je savais que j’aimais la vitesse de réaction du 1176, mais cela faisait trois machines différentes et j’avais besoin de tout cela au sein d’une seule machine. Le 8900 (célèbre compresseur GML) est en fait un dBx amélioré avec une détection feed-forward et une section de détection des crêtes. Je n’en avais pas donc je l’ai fabriqué !
Les gens à Nashville sont étroits d’esprit et sourds ! Nashville est désespérante ! (Rires) |
En clair, tu as combiné ces trois unités en une seule machine?
En une seule idée, oui.
Parlons un peu de ton studio, si tu veux bien. J’ai lu – et peut-être je me trompe – que tu t’étais installé à Nashville, au sein des Blackbird Studios?
En fait, ça n’est pas mon studio. Au départ, c’était mon studio, mais il était clair que John McBride voulait tout gérer ! Je l’ai installé, l’ai loué pendant un moment, mais il était préférable pour moi de lui rendre. John m’a payé pour tout ce que j’ai acheté, installé. Il ne m’a pas payé pour le temps que j’ai passé, mais je pense que c’était un bon investissement parce que les studios prenaient une tangente dramatique… Si tu regardes ces vidéos, avec les musiciens tout autour de toi, c’est une façon très différente de faire de la musique. Tout le monde peut s’entendre, se voir et la pièce sonne super bien ! Chaque endroit de la pièce sonne de la même façon, n’importe où dans la pièce. C’était juste dommage que ça soit à Nashville, car les gens à Nashville sont étroits d’esprit et sourds ! Nashville est désespérante pour ça ! (Rires) Personne n’est prêt pour de nouvelles idées…
OK, ça c’est dit ! (Rires), Mais alors, où es-tu installé désormais ?
J’ai ma petite cabine de mixage dans mon appartement de Montréal, qui me sert de cabine d’écoute. J’ai une grande hauteur sous plafond et un peu de traitement acoustique. Ça n’est pas un studio à proprement parler, mais ça sonne plutôt bien ! C’est à mi-chemin entre la cabine de mixage et la cabine d’écoute ; j’ai installé des panneaux dans le fond, du coup je peux également filmer. On filme des interviews, on ne fait pas de musique, mais des entretiens. Et bien sûr je peux mixer, j’ai de bonnes écoutes et un bon système !
C’est une installation flexible?
Tout à fait !
J’aimerais que l’on parle un peu du matériel que tu aimes utiliser…
Eh bien, la meilleure façon d’en parler est de dire que je n’aime rien ! (Rires) Même mes propres machines ! Je ne serais pas inspiré pour les améliorer si je les aimais trop… Donc oui, j’ai des problèmes avec toutes les machines. J’ai des problèmes avec chaque microphone, avec chaque préampli, avec tout, je n’aime rien ! Mais c’est un vrai challenge pour moi d’aller écouter « au-delà » du matériel et d’essayer d’entendre quelque chose. Parce que ce que j’aime est la transparence dans l’interprétation; je veux entendre l’interprétation ! Tout ce qui vient se mettre en travers de l’interprétation, je me bats contre et essaie de l’améliorer.
J’ai des problèmes avec toutes les machines |
OK, je ne vais donc pas m’aventurer sur le terrain du débat analogique/numérique…!
En fait, j’aime répondre à ce genre de questions parce que je préfère le traitement analogique. Évidemment, on utilise des préamplis analogiques. À l’exception du Neumann Solution D, qui n’est pas mal du tout et les KM D, qui sont des microphones incroyables… J’adore le traitement analogique, j’utilise des limiteurs analogiques, des EQ analogiques, j’utilise mes machines et les machines d’autres fabricants. J’aime mixer en numérique sur une petite console. D’abord parce que c’est flexible et ensuite parce que, quand c’est nécessaire, je peux automatiser ce que je veux. Et quand ça n’est pas nécessaire, je peux mettre mes mains sur les faders, mixer avec mon coeur, avec mes tripes et ne pas dessiner des lignes sur un écran… Mais je pense qu’au final c’est plus une méthodologie analogique sur une console numérique.
En fait tu combines une façon de travailler un peu « old school », mais avec l’équipement d’aujourd’hui ?
Oui c’est tout à fait ça. Et c’est cette chose que l’on a appris à aimer avec les DAW, c’est que dans la réalisation d’un disque, si il y a une erreur qui vient altérer une prise, tu peux réparer cette erreur. Cela peut être une mauvaise prise de voix, un mot, ou une mauvaise partie de trompette… Dans le jazz j’ai pas mal de cuivres, les trompettes jouent des notes tellement aigües parfois et elles ne sont pas toutes justes. Mais on peut corriger cela, si la performance est bonne et que l’on souhaite la garder… Et puis, on peut laisser ce qu’il faut d’erreurs pour en faire une production de jazz honnête…! C‘est une des grandes forces des DAW, également au niveau du mixage. Si je mixe et que je manque une chose, j’ai le choix de corriger cette chose. Je ne dois pas nécessairement le faire, mais j’ai le choix, ou l’artiste a le choix. C’est plutôt efficace.
En clair tu utilises le numérique pour toutes les choses que tu veux améliorer ?
Si cela doit être amélioré, au moins, je peux essayer, expérimenter. Mais l’idée d’un mixage « en live » est toujours très très importante. Là où l’on est différent avec mes autres collègues de l’industrie du disque, c’est qu’on essaie de faire en sorte que les étudiants entendent un mix et le fassent instinctivement. Al Schmitt par exemple peut faire tout un mix en direct. Bill Schnee est un maître lorsqu’il s’agit de « danser » autour de la console ! Tu as envie que les gens dansent à nouveau autour de la console quand ils mixent, avec de l’énergie et de la vie. Du feeling.
C’est ce que j’ai pu constater dans ces vidéos dans lesquelles tu es avec d’autres musiciens, ou dans les vidéos précédentes d’AF pour lesquelles tu parles de tes méthodes d’enregistrement et de réalisation, tu parles beaucoup de l’énergie, la « vibe », ta relation aux artistes et le ressenti que cela te donne. Ça a l’air d’être très important pour toi.
En fait cela commence avec le musicien qui écoute non seulement ce qu’il est en train de jouer, mais aussi un mix global. Dans mes enregistrements, je fais en sorte que chaque musicien puisse tout écouter, et puisse s’entendre comme partie d’un tout. Et je veux qu’ils sachent que je les écoute eux, que j’écoute tout ce qu’ils font… Je garde un contact visuel et si j’entends quelque chose qui n’est pas très bon, c’est du genre « Hummm, tu plaisantes là ?! » (Rires) Ou alors un sourire ou quelque chose qui va avec la performance, de façon à ce que je n’attende pas la ré-écoute du playback pour leur donner un feedback visuel. Donc c’est une bonne raison pour avoir quelque chose dès l’enregistrement, dans le studio. Un feedback rapide.
J’aime la transparence dans l’interprétation, je veux entendre l’interprétation ! Tout ce qui vient se mettre en travers de l’interprétation, je me bats contre et essaie de l’améliorer. |
Tu établis donc rapidement une relation de confiance vis-à-vis de tous ?
En écoutant. « J’écoute ce que tu es en train de faire, ne fais pas d’erreur car je ne le remplacerai pas dans Pro Tools. Je vais peut-être aimer ce que tu es en train de faire, mais peut-être je n’aimerai pas. »
Continuons sur l’aspect « réalisation ». Quelles sont les choses que tu fais en premier quand tu enregistres un groupe ? Comme on l’a vu dans les vidéos, tu vas dans la cabine de prises et tu prends des notes ?
Bien avant cela, on s’assied avec le groupe et on parle du projet. On va voir le groupe jouer là où il joue. Si il joue dans un club, je vais les écouter dans un club. Nous parlons des chansons. Si les chansons ne sont pas là, on commence par parler de ce premier point. On parle de ce qu’ils aiment, quels artistes ils aiment, comment ils sonnent, comment ils se voient eux-mêmes en tant que groupe, quels sont leurs rêves dans cinq ans… Parfois on ne va pas plus loin. Parfois, on réalise que nous ne sommes pas faits pour travailler ensemble, je suis trop exigeant, je veux en savoir trop… Ils ont juste envie d’y arriver et de faire la fête et moi j’ai envie de faire un disque, un bon disque. Tout commence par ce constat : « Comment le groupe travaille-t-il ? » ou « Comment l’artiste travaille-t-il avec d’autres musiciens ? » et arriver ensuite à déterminer la façon de réaliser un disque. Et peut-être que nous ne ferons pas le disque avec un groupe entier, mais avec juste un chanteur et un guitariste ou deux, juste pour voir comment cela fonctionne. Peut-être avec un percussionniste, mais quelque chose d’intime, très proches les uns des autres, pour voir comment on peut développer une « vibe » entre l’artiste et les instruments d’accompagnement. En général, ça commence comme ça.
On a vu plein de choses à propos de tes placements de micros, ceux que tu utilises… Y a-t’il une chose que tu fais systématiquement en studio ? Et quelque chose que tu ne fais jamais ?
C’est très difficile car il y a toujours quelque chose que je fais et jamais quelque chose que je ne fais pas ! Je fais toujours quelque chose et n’évite jamais de faire une autre. Comme le dit Bruce Swedien : « La seule règle est qu’il n’y a pas de règle ! »
Est-ce que tu peux nous expliquer comment tu approches l’étape du mixage ?…
En fait je commence à mixer au fil du temps avec le premier titre. C’est un mix, c’est automatisé, c’est sauvegardé dans la DAW. Parce que l’artiste va emmener ce mix chez lui et c’est ce mix qu’ils vont écouter. Et l’expérience m’a appris que ce premier mix (qui arrive à la fin de la session d’enregistrement) est celui qu’il faut suivre et qu’on ne devrait pas trop s’en écarter. Je commence donc à mixer, à identifier les parties fortes ou à faire la balance de la voix dès l’enregistrement. Mixer et enregistrer l’automation dès l’enregistrement. Au fil de son évolution, je sauvegarde le mix, je sauvegarde tout : les pistes audio, mais aussi l’automation. Si un artiste me dit : « J’adore le mix que tu as fait juste avant d’ajouter la guitare lead », je retrouve ce mix et « Oh, j’avais fait ça différemment… ». Et je changerai sûrement mon approche du dernier mix. C’est un long chemin, mais je préfère cela à m’asseoir et commencer à mixer un titre. Nous avons mixé Toto en 4 jours. 4 put*** de jours pour mixer un seul titre ! Ça parait tellement long ! Je préfère avoir une coupure en plein milieu pour redéfinir ma perspective. Je mixerais pendant un moment, aurais de nouvelles idées, puis j’écouterais le tout. L’écouter dans la voiture ou derrière une Vespa ! (Rires)
Si je comprends bien, tu mixes au fur et à mesure de l’enregistrement. Mais si tu dois mixer a posteriori, as-tu une méthodologie particulière pour appréhender le mixage ?
J’ai à peu près 6 approches différentes pour mixer. La première c’est simplement de développer le mix et d’y aller au fur et à mesure. Si je dois vraiment partir de zéro, j’ai peut-être 3 approches différentes pour me dire quels faders lever et comment les lever… Car il y a plusieurs façons de le faire. L’une d’elles est de commencer par écouter une référence ou la maquette de la chanson. Prince Charles Alexander – qui était l’ingénieur/réalisateur de Puff Daddy – m’a montré cela à Berklee. Cela consiste à lever les faders de façon à ce que l’élément le plus fort en volume dans la démo soit l’élément le plus fort dans le mix. Tu montes donc jusqu’à –30, –25, –20 et ensuite tu affines le mix entier par rapport à la démo.
Une autre façon de faire est de monter la voix lead et les instruments d’accompagnement les plus importants, comme le piano ou la guitare acoustique ou électrique, ou n’importe quoi… Tu commences avec ça et ensuite tu « remplis les espaces » autour. Une autre méthode – et c’est la méthode que j’applique en jazz – est de commencer par la section rythmique complète, un peu d’équilibre, ensuite les saxophones, un peu de balance, ensuite les trompettes, pareil, tu équilibres et enfin sur le sub-master tu récupères tes groupes. Mais ça c’est parce que le jazz a une approche différente, tu as besoin de faire des balances à l’intérieur de tes sous-groupes et de balancer les sous-groupes entre eux. Et enfin, il y a toujours le grand classique : tu montes la batterie, tu fais en sorte qu’elle soit la plus fort possible. « OK, monte la caisse claire ! Donne-moi le 1176 n°2, fais en sorte que cette snare soit put** de fort !! » Désolé Chris (Lord-Alge, NDA) ! (Rires) Je peux le faire, mais je n’aime pas bosser comme ça ! C’est une approche extrêmement différente.
Je pense que la plupart des musiciens sont, dans un certain sens, profondément névrosés (Rires) |
Quelle est ta chaîne de traitement pour le mix ?
Pratiquement tout le temps, je vais détester tout ce que j’ai à disposition quand je commence à mixer. Je vais donc avoir mes effets, réverbes, délais, délais longs, délais courts… J’utilise la (Lexicon) PCM 96, pas mal, l’UAD EMT 250, la plate réverbe… J’utilise également Altiverb 7, toujours prête à être affectée. En général, 4, 5 voire 6 sous-groupes : batterie, basse, guitares, piano et ensuite voix lead, choeurs, peut-être orchestre également ou, dans le cas d’un big band, saxophones, trompettes, et peut-être percussions. Beaucoup de sous-groupes, de façon à les traiter indépendamment des groupes de VCA. Finalement je me retrouve avec un mix qui tient dans ma petite console 8 voies, ce qui me permet d’avoir tout sous la main et faire le mix global avec ces 8 faders.
Mais avant cela, sur le mix bus, j’effectue un prémastering dès que je peux, car si je dois correspondre à une référence ou un exemple sonore, je peux m’en approcher, même si ça a été masterisé ou limité un peu… Je vais donc avoir un de mes limiteurs et puis un second, comme le Massey 2007 par exemple, comme un limiteur de fin de chaîne. Je n’aime pas les (Waves) L3, je n’aime pas les multibandes… En général, je ne les utilise pas. Mais je ne peux pas dire « jamais » car il m’est arrivé d’utiliser le C4 à certaines occasions. Oh je sais ce que je n’utilise jamais ! Je n’utilise jamais le Waves Vocal Rider. Tu vois, il y a un « Jamais » ! (Rires) Je préfère faire les suivis moi-même. Mais, pour revenir à ce que l’on disait, j’applique un traitement de prémastering très tôt dans ma chaîne, qui me permet de lever le niveau du mix sur lequel je suis en train de travailler. De cette façon, cela me permet de rester proche, à un certain degré, de la référence ou d’un CD du commerce, d’un point de vue du timbre comme d’un point de vue dynamique. Pourquoi devrais-je me rendre fou sur des EQ individuelles alors que je peux avoir une EQ de mastering me permettant de tout relever ?! Après, c’est mon approche. C’est mon setup et je vais avoir plusieurs façons de l’aborder.
Tu cherches donc à correspondre à quelque chose que tu as en référence ?
Non ! Seulement à certaines occasions, quand on me demande de mixer une chanson pour un artiste qui a une idée de ce qu’il veut. Mais s’il n’a aucune idée, alors je fais mon mix. Et la seule chose à laquelle je dois correspondre est « l’image globale » que j’ai en tête quand je commence de zéro.
En ce qui concerne les versions, combien de versions de mix fais-tu ?
Eh bien, comme je le disais plus tôt, si j’enregistre et que je mixe tout au long de l’enregistrement, je vais avoir des versions dès le début, dès cette première version que tout le monde a aimée. Donc j’aurai cette version, et peut-être cette version où un instrument a été écarté de l’arrangement par la suite… Chacun repart de son côté et on finit par se dire : « Peut-être aurions-nous dû garder cet instrument ; on revient dessus et on le réintègre ! ». Ou alors une dynamique que tu avais et que tu as perdue… Donc ça fait beaucoup de versions ! À la fin de la session, je n’ai qu’une version, pas ce truc de « 1 dB up » ou « 1 dB down », c’est des foutaises !… Tu n’as qu’un seul disque ! Tu as plusieurs façons de l’écouter, différentes façons de l’équilibrer, différentes façons de rentrer dedans et de modifier le timbre, mais je ne fais pas de « 1/2 dB plus fort », « 1 dB plus fort », « 2dB plus fort » sur la voix, m**** ! pas plus que je ne fais de stems d’ailleurs. S’ils me demandent des stems, je suis hors jeu et ça ne me gêne pas de quitter un projet parce que je ne serai pas utile, je suis en dehors du truc.
Mais je livrerai 2 versions. Je fournirai la version que l’artiste aime, celle pour laquelle il dit : « C’est un super mix, j’aime celui-ci, garde-le ! ». Quelque chose qui a un contrôle dynamique et de l’EQ. Mais quand je tourne le mix pour le mastering, j’enlève tout mon traitement dynamique du mix bus et je laisse l’EQ. Parce que je veux que l’ingénieur de mastering puisse faire de son mieux pour régler la dynamique comme il se doit. La seule chose qu’il ou elle a à faire, c’est faire aussi bien que ce que l’artiste a entendu avec mon traitement. L’ingénieur de mastering recevra donc deux versions. La version que l’artiste aime : « OK, utilise-la ou fais mieux que ça ! » Et ils peuvent faire mieux avec le mix non traité. Voilà donc je fournis deux versions, pas 10 ou 20.
Actuellement, l’industrie du disque a cruellement besoin qu’on lui rappelle ce qu’est la musique. |
Je voudrais parler un petit peu des artistes avec lesquels tu as travaillé. De Earth, Wind and Fire à Toto, de Linda Rondstadt à Weather Report, est-ce que tu vois un dénominateur commun entre tous ces artistes ? Dans l’énergie, l’écriture des chansons, leurs personnalités artistiques…?
La seule chose que je recherche chez un artiste est sa capacité à ne pas vouloir absolument reproduire la même chose que la dernière fois. Je recherche un artiste qui veut faire quelque chose de nouveau. Je veux construire quelque chose de neuf. Je ne veux pas toujours faire la même vieille recette. À la fin de ma collaboration avec Earth, Wind and Fire, je ne pouvais plus rester assis avec eux en studio, tout simplement. Je les avais entendus sur une vingtaine d’enregistrements, je ne pouvais plus le faire ; je savais que je n’en pouvais plus ! Je me suis donc retiré et ils n’ont plus jamais fait de grand album. Et j’aime ça ! (Rires) Parce qu’ils ont arrêté de se réinventer et ont arrêté de proposer de nouvelles choses. Weather Report, ils étaient fous ! J’ai fait l’album live avec Jaco, Joe Zawinul, Alex Acuna et Dom Um Romao et… c’était génial ! lls étaient géniaux, mais fous ! (Rires)
Mais parfois il faut être un peu fou…!
C’est là où les ennuis commencent justement, parce que je pense que la plupart des musiciens sont, dans un certain sens, profondément névrosés ! (Rires) Je ne dirais pas profondément foutus mais, pour aller chercher la reconnaissance et l’adoration de la part du public, pour combler ce truc, tu vois… Il faut être quand même un peu malade ! À l’exception de James Taylor. James Taylor a traversé tout cela. James Taylor est l’une des personnes les plus cool au monde. Il peut parler à n’importe qui, il est très curieux, il écoute. Il y en a d’autres qui écoutent ; il y a quand même de très bonnes exceptions !
Comme le disait Al Schmitt, il s’agit avant tout d’écouter |
Je voudrais revenir un peu sur l’enseignement et ton rôle à l’Université McGill (Montréal). Quelle évolution peux-tu constater, aujourd’hui, d’un point de vue de l’insertion professionnelle des étudiants qui souhaitent devenir ingénieurs ?
Tout d’abord, mon groupe de collègues et moi-même avons travaillé dans cette industrie du disque, cette industrie que nous aimons. Mais actuellement l’industrie du disque a cruellement besoin qu’on lui rappelle ce qu’est la musique. Et je ne veux dire à personne comment faire de la musique, mais, tu vois, si on utilise une batterie « live » de cette façon, voici les avantages… Voici l’énergie, voici ce que ça raconte. Voilà comment tu fais fonctionner le tout par rapport à la projection que tu te fais de ta propre musique. Ça, c’est l’enseignement. Je ne vais changer les mentalités en retournant en studio et faire un autre album. Mais en enseignant auprès des étudiants – qui ont leur propre personnalité – les autres professeurs et moi-même avons un effet multiplicateur. Je suis plus à même de pouvoir « répandre la bonne parole », partager de bonnes techniques et expliquer avec lucidité les choses ce qu’on peut faire pendant un enregistrement et ce qu’on ne fait pas… Quelles sont les forces de chacune de ces activités : l’enregistrement, la réalisation artistique, aider les artistes avec des musiciens. La chose la plus importante est de ne pas réparer les erreurs d’un champ d’activité avec les outils ou les solutions d’un autre. Je ne peux pas réparer les erreurs d’une chanson simplement avec une EQ. Il faut prendre le temps d’être avec l’artiste, le groupe, faire en sorte que tout le monde joue ensemble, que tout le monde s’entende, de trouver le bon tempo et le bon phrasé… Faire en sorte que le batteur n’accélère pas trop le titre pour que le chanteur puisse poser ses paroles comme il faut… Tout ce que tu es en train d’écouter peut être très clair, mais il devient difficile de changer la moindre chose quand tu sais que c’est le moment de prendre une décision sur le tempo par exemple. Tu ne te rends pas compte du pouvoir que tu as jusqu’au moment où tu peux dire au batteur : « Joue-le plus relax ! Ça va ! ». Et c’est le bon moment de demander au batteur d’écouter. Fais-lui écouter tout ce qu’il est en train de jouer avec ses cymbales : « Attends, si tu joues ça, je n’entends plus les détails sur la lead. C’est une chanson très subtile, tu entends cela ? Tu peux le jouer plus cool… »
Du coup, avoir ce moment avec les étudiants où tu peux leur montrer comment être efficaces en studio, c’est vraiment important. Et je pense que les étudiants ne s’attendent pas à ça. La plupart des étudiants me demandent quel périphérique utiliser, quel plug-in utiliser sur ceci ou cela… Plus que jamais, comme le disait Al Schmitt, il s’agit avant tout d’écouter. On leur apprend comment écouter avec la tête, le coeur, les tripes, comment écouter les détails, comment les détails peuvent s’intégrer au tout, les choses sur lesquelles il faut travailler et comment les hiérarchiser.
En tant que réalisateur artistique, ton boulot c’est de tenir un agenda, pas de dire à quelqu’un comment chanter. Malheureusement, ça signifie également qu’il faille gérer aussi la commande des repas ! Mais c’est très important, le repas ! (Rires) Certainement la chose la plus importante. Voilà le genre de choses que tu apprenais avant quand tu rentrais comme « apprenti » dans un studio et que tu voyais comment les choses roulaient. Ce qui compte le plus, ça n’est pas ce que tu dis, mais ce que tu ne dis pas. Et c’est là qu’intervient l’enseignement. S’ils veulent en savoir plus sur l’électronique, on peut leur enseigner l’électronique – pourquoi les choses sonnent de cette façon et pas d’une autre. Ce n’est pas de la magie noire, il y a une raison pour laquelle ces machines sonnent de la manière dont elles sonnent. On peut leur enseigner ça. Désormais on enseigne aussi la vidéo : comment tenir une caméra, comment filmer, les angles des caméras, la lumière, la position sur scène, la postproduction, la préproduction, le montage, Final Cut Pro, la gestion des teintes. Maintenant on enseigne tout ça. Nous pensons que le futur tient dans la vidéo haute-qualité pour la musique jouée en haute qualité ; pas pour les clips, ou encore moins pour ces vidéos chorégraphiées… Néanmoins, certaines d’entre elles sont bonnes – Peter Gabriel a fait un très bon boulot. Plus que jamais, on a envie de voir une performance, ce qui motive cette performance, on veut voir un vrai artiste, qui joue de la vraie musique, pas du lip-sync ! On a envie de voir d’où ça vient, de voir dans la performance l’interaction entre l’artiste et les musiciens. Cette vidéo avec John Mayer est vraiment bien pour ça ; on peut voir Steve Jordan retenir le tempo… et regarder Pino Palladino répondre à son jeu. C’est génial !
À la Bernard Pivot !
Quel est ton meilleur/pire souvenir à propos de la production d’un disque ?
… Il y en a tellement que c’est difficile de n’en retenir qu’un seul. Mon meilleur souvenir reste le « frisson. » Tu sais que tu as quelque chose là que tu n’as jamais entendu auparavant et que personne n’a jamais entendu avant non plus. Tout ce que tu as à faire c’est de ne rien faire foirer. Cette sensation, je l’ai eue sur un bon nombre d’albums ; c’est arrivé avec Earth Wind and Fire un paquet de fois, c’est arrivé avec Linda Rondstadt – c’est juste énorme ! Il faut faire attention à ceci, ne pas faire cela, sinon tu peux tout faire foirer… Quant à mon pire souvenir, je n’ai pas trop envie d’en parler. Il y en a quelques-uns aussi !
L’écoute critique te dit tout ce que tu as besoin de savoir. Tout peut être résolu avec l’écoute critique. |
Avec quel artiste voudrais-tu travailler et pourquoi?
Je veux travailler avec un nouvel artiste en développement, un artiste qui a des idées et qui fonce dans un « mur technique ». Je ne sais pas qui. J’adore le dernier Bon Iver mais je ne peux pas faire ça, ils ont déjà un disque, un ingénieur… Il est incroyable, mais sincèrement, j’aurais aimé travailler sur cet album. J’adore réaliser et diriger des vidéos d’opéras, je trouve ça génial. Le fait de travailler avec ces étudiants fantastiques à l’université de McGill, toutes ces belles voix, ces grands instrumentistes… C’est un vaste champ d’ouverture. Donc oui, mon rêve à l’heure actuelle : réaliser et diriger des vidéos d’opéras. Peu commun pour un rocker !!! (Rires)
Tu es engagé pour réaliser l’album d’un artiste que tu adores, mais à la condition de n’emporter que 5 machines de ton équipement. Qu’est-ce que tu choisis et pourquoi?
C’est facile ! Je choisirais tout l’arsenal GML parce que je sais quand ils fonctionnent et quand ils cassent ! Je sais que ces machines sont fiables, je sais comment chaque potentiomètre fonctionne. Je prendrais donc mon préampli, mon EQ, mon compresseur, mes convertisseurs Prism. J’utilise Pro Tools ou Pyramix. Aujourd’hui, je préfère Prot Tools pour le rock n’roll et Pyramix plus pour le classique. J’aime bien les écoutes ATC, et les Genelec aussi. Quand j’ai besoin de petites enceintes, pour enregistrer un concert par exemple, j’aime bien les petites Sennheiser KH120, qui sonnent plutôt bien. Et j’ai tellement de micros, tu ne veux même pas savoir…! Un 57, allez je prends un 57, mais c’est tout !
Pour finir, est-ce que tu as une citation ou un leitmotiv à propos de la musique qui résume ta pensée ?
Oui. Il n’y a pas une question qui ne puisse être posée, répondue ou au moins abordée grâce à l’écoute critique. L’écoute critique te dit tout ce que tu as besoin de savoir. Tu n’as pas besoin que quelqu’un te dise quoi faire, tu n’as qu’à faire attention. Parfois ça aide d’avoir quelqu’un qui le fait pour toi, mais tout le monde doit savoir que, s’ils s’intéressent, ils peuvent le faire eux-mêmes. Ils doivent dire la vérité aux autres et se la dire à eux-mêmes. Si la vérité est : « je ne peux pas obtenir ce son avec cette m*** de micro », c’est la vérité et ils sont responsables de ça. Je n’ai pas le bon micro? OK, je change ça et je passe à autre chose ! L’écoute critique : tout peut être résolu avec l’écoute critique.
Une autre que j’aime bien est de Woody Allen : « Je ne peux pas trop écouter de Wagner, ça me donne trop envie d’envahir la Pologne ! » (Rires)