Bien qu'il ait passé la plus grande partie de son enfance à étudier la musique et à en jouer, ce n'est qu'à l'âge de 18 ans que Greg Wells a attrapé le virus de l'enregistrement. “J'ai convaincu mes parents de co-emprunter avec moi et j'ai acheté un Mac Plus et un enregistreur à cassettes de 4 pistes Fostex,” se souvient-il. “J'ai acheté un Alesis Microverb, un très mauvais micro et un compresseur d'entrée de gamme, et je me suis pris de passion pour l'idée d'essayer d'enregistrer de la musique.”
Depuis ces modestes débuts, Greg Wells s’est bâti une carrière comme producteur, ingénieur mixeur, multi-instrumentiste et auteur-compositeur. Il a été nommé de nombreuses fois aux Grammy Awards, et sur son CV on trouve les noms de Katy Perry, Adele, Keith Urban, Twenty One Pilots, Timbaland, All American Rejects, Deftones, et Rufus Wainright, parmi tant d’autres.
Il a récemment travaillé avec Waves sur la gamme de plug-ins Greg Wells Signature Series, élaborés pour être à la fois efficaces et simples d’utilisation tout en incorporant le type de traitements qu’il utilise chaque jour dans son studio.
Audiofanzine a eu l’opportunité de s’entretenir avec Wells à propos de son style de production, ses plug-ins, ses techniques de mixage et bien d’autres sujets.
Sur votre site web, vous dites ne pas vouloir imposer votre son aux artistes que vous produisez, mais essayer de tirer le meilleur de leurs capacités.
Je m’intéresse vraiment aux histoires des gens. L’une des questions que j’aime poser, c’est, « en fait, c’est quoi l’histoire de votre vie ? D’où que vous veniez, qu’est-ce qui vous a amené à faire ce que vous faites maintenant ? ». Les réponses sont toutes différentes. De la même façon que chaque empreinte digitale est différente, la musique de chacun sonne différemment. On ne peut jamais vraiment sonner comme quelqu’un d’autre. Les gens avec qui j’aime le plus travailler, ce sont justement ceux qui ne sonnent vraiment comme personne d’autre. Alors s’il y a bien une chose dont je n’ai aucune envie, c’est de faire quoi que ce soit qui homogénéiserait ou normaliserait le caractère unique de l’empreinte créatrice de quelqu’un. J’aime beaucoup aider des artistes ou des groupes à jouer à leur meilleur niveau pour eux-mêmes, en faisant leur propre musique. Parce que ce sont eux qui vont devoir partir en tournée, ce sont eux qui vont investir leur vie là-dedans. Donc plus ils se sentent investis de façon unique dans la musique qu’ils font, le mieux c’est.
Est-ce qu’il arrive qu’un artiste vous demande de faire quelque chose en matière de production, du genre « est-ce que vous pouvez faire tel effet pour que ça ressemble à Untel ou Untel ? » Et est-ce que vous les poussez à ne pas chercher à copier le son d’autres artistes ?
Ouais. Il y a deux types de musique, ça m’a pris dix ans pour voir la frontière entre les deux. Il y a la musique de divertissement, et puis il y a l’art, et puis il y a toujours des graduations entre les deux. Je crois que la combinaison que je préfère, c’est l’art divertissant. C’est ce que j’aime vraiment. J’aime les gens qui font de la musique pour eux-mêmes. Il y a une très jolie citation d’Oscar Wilde qui dit quelque chose du genre « Le véritable artiste ne pense jamais à son public. » Ils font de l’art pour eux-mêmes. Et puis il y a un monde complètement différent où les gens copient les tubes qui passent à la radio, essaient de faire de l’argent : ils essaient de faire du divertissement. Il y a longtemps, j’ai pris la ferme décision que ce ne serait pas pour moi. Ce n’est pas pour ça que je me suis mis à la musique, ça n’a jamais été ma vision de ce qui était cool dans la musique, et je ne pense pas être vraiment bon pour ça. Je suis bien meilleur pour aider quelqu’un à transformer sa vision en réalité.
Donc vous ne produisez pas d’artistes qui cherchent juste à suivre une mode musicale pour faire de l’argent ?
Je ne pourrais jamais me sentir fier d’être payé pour ça. Je pense que c’est parce que j’ai trop étudié la musique, j’y ai investi trop de temps. Je voulais être pianiste concertiste. Mon premier instrument, c’était la batterie. J’ai étudié l’orgue, les percussions d’orchestre, le marimba à quatre maillets, la guitare, la basse, la composition, les arrangements pour big bands. Je suis vraiment à fond dedans. Si je devais me contenter de copier ce qu’a fait quelqu’un d’autre et qui a marché sur les radios (et il n’y a rien de plus inconstant que la mode sur les radios), je me dirais « non mais qu’est-ce que je suis en train de faire là ? » Si je ne suis là que pour l’argent, je ferais aussi bien d’arrêter la musique et de devenir un horrible avocat d’affaires ou un vendeur d’armes.
Est-ce que vous avez pu adopter cette attitude assez tôt dans votre carrière, ou est-ce que vous avez dû attendre d’avoir rencontré un certain niveau de succès ?
Ouais, tout à fait, il a fallu que j’attende.
Je pense que votre description à base de « l’art contre le divertissement » est une très bonne façon de comprendre ce qu’il se passe dans l’industrie musicale.
Je dois vraiment distinguer les deux de cette manière. Par exemple, le dernier single de Rihanna amène des commentaires du genre « Mais pourquoi chante-t-elle ça, c’est tellement nul ? », « cette chanson est mauvaise, c’est tellement dommage, elle gâche son talent » etc. Mais moi je dis « Eh, les mecs, elle fait dans le divertissement ». Elle n’est pas David Bowie. Elle ne va pas faire quoi que ce soit qui va révolutionner la musique. Elle a une voix vraiment très sympa, et elle est belle dans ses clips, elle fait du divertissement, c’est une « entertaineuse ». Comme Brittney Spears en est une. Comme Ariana Grande en est une. Il y a beaucoup d’artistes, entre guillemets, qui font dans le divertissement. Katy Perry, qui est l’une des personnes avec qui j’aime le plus travailler, sait faire les deux. J’ai fait un tube avec Keith Urban (Wasted Time), et je n’avais aucune idée de comment ça allait marcher. Tout ce qu’on a fait, c’est se réunir pour faire une musique qu’on aime. Par chance, cette chanson marche bien sur les radios country. C’est le plus grand succès radio de sa carrière.
Parlons matériel. J’ai été surpris de voir que les plug-ins Greg Wells de chez Waves sont dans l’esprit « One-Knob ».
Dans tous les plug-ins de la série, PianoCentric, VoiceCentric et MixCentric, il y a énormément d’options. Il y a plein de trucs qui se passent. L’histoire de ce projet et la raison derrière ce côté « one-knob », c’est que bien que n’ayant jamais été fan de la série One-Knob, je voulais que les plug-ins soient vraiment très, très simples d’utilisation, mais je voulais que chaque élément et que le résultat final sonnent aussi bien que les meilleurs plug-ins que l’on puisse trouver. C’est pourquoi je voulais que mes enfants soient capables de l’utiliser. Je voulais que ce soit hyper simple. Celui pour la voix a été le premier, et le projet a commencé parce qu’on me propose tout le temps de la musique sur laquelle généralement la voix ne sonne pas très bien. Les voix sont vraiment difficiles à mixer. C’est un peu mystérieux, il faut beaucoup expérimenter et ne pas avoir peur de se tromper, c’est une question d’expérience. Ça m’a pris du temps avant de comprendre comment s’y prendre. C’est quelque chose avec lequel je me bats chaque jour, en essayant d’amener la voix à sonner comme je pense qu’elle le devrait.
Du coup, que se passe-t-il à l’intérieur des plug-ins ?
Commençons avec celui pour les voix. Il y a une sorte de chaîne que j’ai mis en place au cours des années en travaillant avec énormément de supers ingés son, en les écoutant et en les regardant travailler. D’une certaine façon, ça a démarré quand j’ai acheté mon premier compresseur 1176 dans le milieu des années 90. Il venait d’une église à Saint-Louis. Il y a encore marqué « galerie centrale » au dos. A l’origine, les 1176 ne coûtaient pas cher. Ils coûtaient dans les 200 dollars, je crois. Quelqu’un a trouvé ce compresseur avec ses sonorités magiques, et je l’utilise encore, plus de 20 ans plus tard, sur chaque voix que j’enregistre. Le simple fait de me triturer l’esprit en me demandant comment utiliser ce truc et pourquoi il est tellement génial pour enregistrer a beaucoup contribué à mon apprentissage et à forger mes influences. J’aime l’utiliser tout le temps. Il sonne vraiment de façon incroyable.
Est-ce qu’une part de ce qui fait qu’il sonne si bien est liée au fait qu’il n’a pas de contrôle de seuil, mais qu’à la place il réagit au niveau d’entrée ?
Beaucoup de vieux compresseurs étaient conçus comme ça. Le niveau d’entrée sert de seuil. Donc ouais, plus on envoie fort dedans et plus il compresse. C’est vraiment basique. Et puis, vous ne croiriez pas le nombre d’ingés son qui ignorent cela mais les réglages d’attaque et de relâchement sont inversés par rapport à la majorité des compresseurs. Ce que vous prenez pour un réglage rapide est en fait lent sur le 1176. Beaucoup d’ingés son règlent mal le 1176.
Donc pour rendre l’attaque ou le relâchement plus rapides il faut tourner les boutons dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, pas dans le sens horaire ?
Je crois bien. Donc je règle un relâchement très rapide, le plus rapide que je puisse sur le 1176. Avec le temps d’attaque le plus lent, ou très légèrement en retrait par rapport au réglage le plus lent : c’est mon réglage préféré. Et puis j’ai découvert la magie qu’il y a à mettre un autre compresseur après le 1176, du genre un compresseur optique plus lent comme un LA-2A, ou un RCA BA-6A, ou un Gates Stay Level, ou un Retro Instruments 176, ou un Shadow Hills Optograph. Quelque chose de plus doux, qui se déverse, pas un truc dopé à la caféine comme le 1176, et ça donne ce résultat miraculeux, ça arrondit le tout un peu plus, et ça met la voix exactement à sa place. On doit faire avec des micros et des moniteurs, qui sont les trucs les moins naturels qui soient. Il faut encadrer ce signal pour qu’en sortant des haut-parleurs il sonne aussi naturel, aussi plein d’émotions et d’impact que si c’était en train d’être joué en live pour vous dans la pièce. Mais c’est un moyen de diffusion du son très différent. En live, on a la partie visuelle, et on sent l’énergie émise par le chanteur ou le musicien. Il y a tous ces trucs que les mots peinent à décrire qui se passent en live, et qui ne font pas partie de l’équation dans le cas d’une musique enregistrée, où tout ce qu’on a c’est le son sortant de vos haut-parleurs, ou de votre casque.
C’est vrai, c’est clairement une expérience différente.
Donc, encadrer tout ça, c’est le rôle de la compression et de l’égalisation, et il y a encore plus bizarre. On commence à ajouter de la distorsion et de la saturation à l’ensemble du mix ou à une voix, ou une batterie, ou une basse ou un violon, ou n’importe quoi, et souvent ça va mieux sonner via les haut-parleurs. Je ne saurais pas vraiment vous expliquer pourquoi. Par contre, je sais que quand on trouve le bon réglage sur ce genre de trucs et qu’ensuite on l’enlève, tout le monde dans la pièce fait une drôle de tête, genre « Que se passe-t-il ? » Il y a différents types de distorsion, beaucoup sonnent horriblement mal. Mais les distorsions des lampes, du fait des sortes d’imperfections et des limites techniques des lampes (les tubes à vide en particulier), sonnent vraiment bien quand elles partent en distorsion, parce que le son se débarrasse de tous ces horribles harmoniques. Les tubes à vide n’amènent que le premier harmonique de la série d’harmoniques, qui est la note d’origine portée à l’octave, donc rien de dissonant n’est apporté.
Intéressant…
C’est vraiment fascinant. Et ensuite, si on fait distordre le signal via un appareil à transistors, ou un autre type de lampes qui ne soient pas des tubes à vide (mais c’est encore plus vrai quand il n’y a pas de lampe, quand c’est du « tout transistor », rien que des puces électroniques), la distorsion sonne de façon très différente, et souvent assez moche à cause de tous les harmoniques qui sont amenés. Quand on regarde tous les harmoniques d’une série (et tout le monde devrait savoir ça, chaque note contient plein d’autres notes à très faible volume) et qu’on pousse quelque chose à la distorsion, ça fait ressortir ces harmoniques supérieurs. L’octave, ça va parce que c’est la même note. La suivante c’est une quarte, une octave au-dessus de la première octave. Et puis ensuite on a une tierce majeure, puis une quarte augmentée, puis une sixte majeure. Quand vous en arrivez là, vous jouez un accord de jazz complexe sur chaque note individuelle.
Ça doit changer plein de choses sur le plan sonore.
Si vous avez un groupe qui joue des accords avec un chanteur et des chœurs, et que tout ça arrive dans le mix, ça rend la musique plus moche. Ça donne l’impression que tout est désaccordé d’une façon déplaisante. Donc il faut le bon type de distorsion, enfin je parle plus d’une saturation que d’une vraie grosse distorsion façon fuzz. C’est celle qu’on trouve sur les disques des Beatles, et c’était dû au matériel utilisé lui-même, qui était composé de beaucoup de lampes, en plus des bandes qui amènent aussi leur propre distorsion. Il y a de super plug-ins qui permettent d’obtenir ça, et du très bon matériel aussi. La raison pour laquelle j’en parle, c’est que tout ça est dans chacun de mes plug-ins. Il y a des trucs qui amènent de la distorsion harmonique, mais pas d’une façon qui va vous faire vous dire « on dirait que quelqu’un a allumé une pédale de fuzz », pas ce genre de truc. Mais ça ne se contente pas de fermer les transitoires, ça ajoute de l’épaisseur au son et ça amène ce type de sonorités qui fait que pour moi ça sonne mieux à travers les haut-parleurs. Ça rend le résultat plus direct, comme si l’instrument sortait du haut-parleur, et ça donne un son plus vivant. C’est dingue.
Donc tous les plug-ins de la série à votre nom contiennent de la distorsion ?
Ouais, c’est vraiment important pour moi. J’en utilise tout le temps. En fait, j’utilise mes plug-ins tous les jours. Je suis toujours surpris que ça surprenne les gens. Mais que je fasse de la musique ou quoi que ce soit d’autre, il faut que je me fasse plaisir. Je dois avoir la sensation que les choses sont exactement comme je veux qu’elles soient. Et là, je sais que je trouverai bien un public. Ça pourra être 500 personnes, ou ça pourra être beaucoup plus que ça. Mais si moi je ne le sens pas, ça ne trouvera jamais le moindre public.
Quels plug-ins d’autres développeurs aimez-vous utiliser ?
Je les utilise tous. J’adore les réverbes Valhalla. Ça fait des années que je suis un grand fan de la Metric Halo Channel Strip. Universal Audio fait des modélisations extraordinaires. Je suis à fond dans ces trucs-là. Il n’y a probablement que peu de plug-ins que je ne possède pas. Mais ce que j’ai toujours aimé chez Waves, et je me souviens le leur avoir dit lors de l’une des premières conversations que j’ai eues avec eux, c’est qu’ils n’ont pas peur de faire des trucs qui n’ont jamais été faits auparavant. Ils font aussi des modélisations, et leur modélisations font partie de mes plug-ins préférés. Mais ils font aussi des trucs qu’on n’a jamais entendus auparavant.
Parlons mixage. J’ai compris de certaines de vos vidéos que pour mixer vous vous focalisez d’abord sur les voix et la batterie, et qu’ensuite tous les autres éléments trouvent leur place.
Je ne coupe jamais tous les autres éléments pour n’écouter que les voix et la batterie. Certains ingénieurs font comme ça.
Mais vous vous concentrez d’abord sur le rendu de ces éléments-là ?
Tout à fait. De mon expérience, je trouve qu’une fois que les voix sonnent bien, et une fois que la batterie sonne bien avec la voix, alors le reste du mix est plus facile à construire à partir de ça. Ce sont les deux éléments dont on se sert comme fondation. Ensuite il est assez facile de faire en sorte que chaque élément trouve sa place autour d’eux. Maintenant, je suis aussi batteur, c’était mon tout premier instrument. Donc j’aime bien les batteries qui sonnent fort, et on m’a accusé de mettre la batterie trop fort dans certains mixes, mais de mon point de vue ce n’est jamais le cas. Il faut que vous le sachiez, je suis « batterie-centrique », je le suis vraiment. Ça vient sûrement de ces années passées assis derrière les fûts. Donc mes mixes mettront toujours la batterie en avant.
Un gros son de batterie donne plus d’énergie au mix.
Ouais, je suis d’accord. Je trouve que ça pousse l’ensemble, quand la batterie est bonne. Elle ne doit pas vraiment être trop fort, mais à un niveau raisonnable. En quelque sorte, c’est ça qui donne la cadre à ce que sera le reste du mix : la profondeur et les graves de la grosse caisse, ou l’énergie qu’il doit dégager. Quel genre de chanteur a-t-on ? Un chant calme ou un chant très agressif ? Fort ou non ? Voix masculine, féminine ? Tous ces trucs-là. Je veux toujours avoir l’impression de regarder un live. Je ne suis pas le genre d’ingénieur du son à mettre le tom droit à fond à droite et le tom gauche à fond à gauche ou l’inverse, quelle que soit la perspective adoptée. J’aime bien avoir la sensation de regarder la musique en train d’être jouée, là, sur scène.
Donc vous faites votre panoramisation comme ça ?
Ouais, comme je disais, avec les fûts de la batterie je ne vais jamais les panoramiser à fond d’un côté ou de l’autre parce que ce n’est pas comme ça que je les entendrais si le son venait d’une scène en face de moi. Je fais ce qui marche pour moi, en enlevant tout ce qui enlève du naturel à l’enregistrement. J’aime avoir la sensation d’avoir un groupe en face de moi. Ou quoi que ce soit d’autre. Je vais loin pour essayer d’en apporter l’énergie, pour donner l’impression d’un concert sur scène. La façon de travailler en studio a souvent quelque chose qui tue un peu cette énergie typique du live qui donne du goût à l’ensemble. Je m’oppose vigoureusement à ça.
En dehors de la panoramisation, quels sont quelques-uns des autres trucs que vous faites pour apporter cette dimension live à un mix ?
La compression, pour diverses raisons, lorsque c’est le bon type de compression, peut vraiment énergiser un mix. J’ai appris ça de façon éclatante avec Chris Lord-Alge. Ça donne une sorte d’enthousiasme à la voix, comme un sentiment d’urgence qui n’était peut-être même pas là dans l’enregistrement d’origine. Une fois que vous commencez à faire ça aux voix alors d’une certaine façon ça influence aussi votre approche de tout le reste. Parfois trop de basses fréquences peuvent nuire à une piste en termes d’énergie.
Vous utilisez l’égalisation pour apporter de l’énergie ? Un peu de boost dans les hauts médiums peut-être ?
Ouais. Encore une fois, avec l’égalisation on fait appel à des centres d’énergies différents dans la musique. L’égalisation signifie juste que vous manipulez les harmoniques des notes. Il y a tellement d’informations dans une voix, sur le plan sonore. Tellement de choses qui s’y passent, spécifiquement au moment où elle arrive au micro et traverse tout un tas de matos. Parfois on peut vraiment faire sonner une voix beaucoup plus gros en lui enlevant beaucoup de fréquences. On ne sait jamais où ça peut nous mener. Les chanteurs, bons, mauvais, extraordinaires ou manquant complètement d’expérience, sonnent tous différemment face au micro, même avec le même micro. Il réagira de façons complètement différentes selon les voix des gens. Impossible de dire ce qui va se passer avant qu’ils aient effectivement utilisé le micro, parce qu’on ne peut tirer aucune conclusion en les ayant seulement entendu chanter dans une pièce. Tout comme certaines personnes sont très photogéniques et sont superbes devant un appareil photo, certains chanteurs sont comme ça : le micro adore leur voix, et les deux vont vraiment bien ensemble.
C’est une analogie intéressante.
Et puis il y a plein de très, très bons chanteurs, des chanteurs incroyables, de grands artistes, qui ne sonnent pas si bien à travers le micro. La voix peut sonner dure dans les hauts médiums. Certains chanteurs produisent des « s » qui vont décapiter tout le monde dans la pièce. Ça dépend de la façon dont ça arrive au micro, parce que les micros sont bizarres. Ils ne sont pas naturels, et ils ne savent pas vraiment comment gérer les « s », et beaucoup d’autres consonnes non plus, mais les « s » en particulier. Le choix du micro lui-même est prépondérant, de même que le positionnement du chanteur face à lui.
Donc vous n’allez pas forcément dire au chanteur de se mettre au plus près pour avoir l’effet de proximité ?
En général, je les encourage à se mettre à environ 3 ou 5 cm du micro que j’utilise, parce qu’en général pour la musique que je fais c’est comme ça que ça sonne le mieux. Mais j’y prête une attention constante. Je leur demande par exemple « et là, à quelle distance du micro es-tu ? » Parfois, s’éloigner de quelques centimètres peut résoudre bien des problèmes. Ça peut enlever un excès de résonance des graves et ajouter quelque chose de naturel qu’on n’obtiendrait pas autrement. Mais parfois, les chanteurs sonnent mieux quand ils sont collés dessus, presque à en avaler le micro, et parfois ils sonnent mieux quand ils sont à trente centimètres du micro. C’est différent à chaque fois.
Donc, il faut expérimenter ?
Constamment.