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Interview / Podcast
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Interview de l'ingé son Ryan Hewitt (Red Hot, Lady Gaga) - L'enfant de la balle

Aujourd’hui, les ingénieurs et réalisateurs qui ont eu la chance de recevoir une formation en studio aux côtés de « pointures » se font de plus en plus rares, mais certains gardent l’envie de transmettre leur savoir auprès de la nouvelle génération. Ryan Hewitt est définitivement l’un d’entre eux.

À la fois plein d’hu­mour et très sérieux, il fait partie de ces gens qui parlent de musique avec passion et un véri­table respect pour son corps de métier. Grâce à son père David Hewitt – lui-même un « pion­nier » du son studio – Ryan a toujours été immergé dans cet envi­ron­ne­ment si parti­cu­lier avec une vision, une éthique et une sacrée expé­rience qu’il aime à parta­ger aujour­d’hui, au travers de son travail et des sémi­naires qu’il dirige.

Nous avons eu la chance de rencon­trer Ryan cette année alors qu’il était en France pour l’un de ces fameux sémi­naires.

Inter­view

Bootz : Salut Ryan ! Nous sommes chez Juke­box à Paris, c’est vrai­ment sympa de t’avoir avec nous ici ! Tu viens d’ani­mer deux sémi­naires en France, pendant deux semaines. C’est assez nouveau pour toi il me semble ; est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

Ryan Hewitt : Oui, en fait je m’in­té­resse depuis un moment à l’ani­ma­tion de sémi­naires, car pour moi la « rupture » dans l’ap­pren­tis­sage de l’en­re­gis­tre­ment, du mixage et de la réali­sa­tion artis­tique est très évidente aujour­d’hui, à cause du « déclin » des studios. Par consé­quent, très peu de gens béné­fi­cient de l’ex­pé­rience que j’ai pu avoir, en commençant par être stagiaires, puis assis­tants, puis ingé­nieurs, puis mixeurs, etc. avec un peu cette approche du « compa­gnon du devoir » qui apprend son métier d’ar­ti­san. Parce que c’est de l’ar­ti­sa­nat. C’est de l’art. Pour moi, ensei­gner aux jeunes comme aux moins jeunes, de tous âges, de tous talents, c’est vrai­ment passion­nant ! J’ai commencé avec cette société aux Etats-Unis, Studio Prodigy, il y a un an envi­ron et ils font exac­te­ment ça.

Ryan Hewitt

J’ai animé un sémi­naire, Ross Hogarth (Van Halen, Devil­dri­ver, Miley Cyrus, Motley Crue, Jewel…) en a donné un aussi, Al Schmitt en a animé aussi à Los Ange­les… Je sais que Mix With The Masters se débrouillent très bien et font du très bon boulot aussi, d’après ce que j’ai pu entendre. Celui auquel j’ai parti­cipé s’est fait au travers d’une struc­ture qui s’ap­pelle Audio Crea­tive Factory, c’est un centre de MAO situé à Toulouse. Yann Sera là-bas m’a appelé et m’a demandé si je voulais animer deux semaines de sémi­naires en France et, évidem­ment, j’étais très emballé ! Michael Wage­ner est venu en novembre pour faire la même chose et ça a rencon­tré un vrai succès.

On a donc fait une semaine au Studio de la Chine – qui n’est pas très loin d’ici – et une semaine à Toulouse au siège du Crea­tive Center. C’était très sympa ; des gens de tous âges et de toute la France. C’était réservé aux profes­sion­nels français qui gagnent leur vie dans l’in­dus­trie musi­cale. On avait de jeunes ingé­nieurs qui commençaient à peine, certains venaient d’ob­te­nir leur diplôme d’école ou avaient un petit studio chez eux. A côté de ça on avait des gens dans les cinquante-soixante ans, des compo­si­teurs et des ingé­nieurs qui ont travaillé dans la pub toute leur vie et qui voulaient apprendre comment faire des disques de rock, mixer, un peu tout… C’était plutôt éton­nant, il y avait un large panel de parti­ci­pants, les personnes les plus sympas au monde. J’ai été vrai­ment impres­sionné par la qualité des gens qui sont venus, combien ils étaient cool et combien ils étaient prêts à « absor­ber » toutes les infos, de nouvelles idées et toute cette connais­sance. Ce fut une expé­rience assez incroyable.

Tu as donc passé un bon moment ? Avec de la bonne cuisine et du bon vin ?

Ouais, c’était plutôt incroyable ! Oh, la cuisine et le vin… !

Avant que l’on parle de tes méthodes de travail, j’ai­me­rais reve­nir sur le début de ta carrière. J’ai lu que tu es batteur et ton père, David Hewitt, est l’un des créa­teurs du Record Plant Remote Service. Comment as-tu commencé et quelle influence ton père a-t-il eu sur ton travail ?

Eh bien… Petit, mon père avait le boulot le plus cool du monde. Personne dans mon quar­tier n’avait un père qui partait enre­gis­trer les Rolling Stones ou U2, ce genre de personnes. J’étais vrai­ment fasciné, comme n’im­porte quel enfant l’au­rait été à ma place. J’ai­mais les voitures et les camions donc d’un côté il y avait un camion, de l’autre la musique, et les voyages ; pour un gamin de 13 ans c’est le truc le plus cool de la planète ! Donc tout petit déjà, je voulais – j’étais un peu forcé en fait! – partir sur la route avec mon père, l’été pendant les vacances scolaires, prin­ci­pa­le­ment pour me sortir de la maison et des jupes de ma mère ! C’était en quelque sorte des « travaux forcés » puisque mon père n’avait pas à me payer ! (Rires) Non je plai­sante ! Je rigole ! Il m’a payé… 2 dollars de l’heu­re…!!! (Rires) Je pense que c’était le stage le plus long que l’homme ait jamais connu ! J’ai donc commencé quand j’avais 13 ans et j’ai travaillé pour mon père toutes les vacances d’été et à chaque congé scolaire. Et après l’école, dans la « boutique »v ; quand on a démé­nagé en Penn­syl­va­nie, on avait le camion dans le fond du jardin. Bon, on avait un terrain de 5 hectares et le camion était dans la grange derrière la maison à ce moment-là. Donc oui, après l’école et pendant les vacances scolaires ; c’était top.

Après, mes premiers enre­gis­tre­ments… J’avais ce petit studio-cassette portable, et un magné­to­phone deux pistes 1/4‘’ quand j’avais 10–11–12 ans mais mon premier véri­table enre­gis­tre­ment c’était sur une Neve VR et un Studer 24 pistes ! (Rires) J’étais plutôt gâté ! On avait un A827 et de super micros, des trucs comme ça avec lesquels j’en­re­gis­trais mon groupe de lycée. Mon père m’en­cou­ra­geait à travailler dans la musique et bien sûr, il a eu une influence sur moi parce qu’il me disait « C’est comme ça que j’aime mon son de kick » ou « C’est comme que j’aime avoir un son de voix » « Je fais très atten­tion à ça », « J’aime bien l’idée de faire ça… » Mais jusqu’à ce que j’aille à l’uni­ver­sité pour apprendre l’élec­tro­nique, son idée c’était que je suive une forma­tion géné­rale qui me permet­trait de « retom­ber sur mes pattes » si jamais je ne voulais plus deve­nir ingé­nieur du son. Il m’a dit : « Passe ton diplôme et quand tu auras terminé, si tu veux toujours être ingé­nieur du son, je te suivrai dans cette voie. Il y a plein de gens avec qui tu peux apprendre, pas la peine forcé­ment d’al­ler dans une école pour ça. Va plutôt suivre cette forma­tion, tu auras une autre façon de voir les choses, la musique, l’in­gé­nie­rie, d’une façon plus empi­rique. »

Parfois, les étudiants qui sortent des écoles de son peuvent avoir une vision restreinte des choses, « c’est comme ça qu’on m’a appris à faire ci, ça ou ça » plutôt de l’ap­prendre par 10 mecs diffé­rents qui ont fait des albums qui ont bien marché. Je ne veux pas être trop cari­ca­tu­ral – parce qu’il y a des personnes très brillantes qui sortent des écoles de son – mais parfois ça devient ou peut deve­nir un peu restric­tif. Je préfère avoir de l’ex­pé­rience en studio et apprendre sur le tas avec les ingé­nieurs que je veux « imiter ». Pour moi, c’était la meilleure forma­tion

Et donc, quand j’étais à l’école d’élec­tro­nique, je passais tout mon temps dehors à faire de la musique. J’ai un peu repris la « boîte de sono » du campus ; on avait cette petite société de pres­ta­tion son pour faire les concerts locaux. J’ai donc repris cette petite boîte, j’ai acheté du nouveau maté­riel. A l’époque, le truc cool à avoir c’était la Mackie 8-bus et je me deman­dais : « Comment vais-je faire pour enre­gis­trer en cachette, sans que personne le sache ??! » (Rires) Je me suis mis à ache­ter tout ce maté­riel pour la « sono­ri­sa­tion », j’avais les clefs de l’en­tre­pôt dans lequel je pouvais amener les groupes la nuit ou pendant les weekends, et enre­gis­trer leurs demos live sur DAT. Ensuite j’ai eu un DA88, l’en­re­gis­treur de chez Tascam, j’en­re­gis­trais tout sur 8 pistes et après je mixais tout ça… Je trou­vais que c’était le truc le plus cool à l’époque, de faire ces petits enre­gis­tre­ments ! J’ai dû enre­gis­trer tous les groupes du campus pour faire leurs demos. Je trou­vais ça super passion­nant, c’était vrai­ment ce que je voulais faire. Tous mes amis étaient assis à leur table, à faire des Trans­for­mées de Fourier, à écrire des formules et résoudre des problèmes de déri­vées, des trucs comme ça… Je me disais « C’est nul ! Ca craint ! » (Rires) En fait c’était cool et à l’époque je ne me rendais pas vrai­ment compte à quel point c’était cool.

Aujour­d’hui je me dis que j’ai­me­rais bien conce­voir mon propre compres­seur, des trucs comme ça. Répa­rer un truc quand c’est cassé, comprendre quel filtre fait quoi, comment fonc­tionne tel compres­seur, avoir une idée du trajet du signal… Ce sont des choses que j’ai apprises à l’école en élec­tro­nique. Au contraire, ça n’a fait que renfor­cer ma passion pour l’en­re­gis­tre­ment ! (Rires) Du style : « Je ne veux pas passer ma vie devant un ordi­na­teur ». Et je crois que c’est ce que je fais main­te­nant…! C’est plutôt amusant et ironique, non ?! (Rires)

Petit, mon père avait le boulot le plus cool du monde. Personne dans mon quar­tier n’avait un père qui partait enre­gis­trer les Rolling Stones ou U2…

On vient donc de voir ta forma­tion en élec­tro­nique mais tu as travaillé à Sony Studios. Comment as-tu fait le « pont » entre l’école et Sony Studios et qu’y as-tu appris?

En fait, je le dis tout le temps – et je le pense à chaque fois : je me sens vrai­ment chan­ceux d’avoir eu un père dans ce métier. Et pas seule­ment ça, mais aussi un père qui se soucie de mon expé­rience de vie et ce que je suis amené à faire. Dès mon plus jeune âge, j’ai commencé à aller aux salons de l’AES ; je me souviens d’ailleurs être allé à l’un de ces salons quand j’avais 15 ans et peut-être même avant ça…J’al­lais aussi aux soirées du Record Plant, où il travaillait à New York, et je rencon­trais Dave Thoe­ner, Jack Douglas et tous ces types alors que je n’étais qu’un gamin ! Au fil des années, j’ai rencon­tré toutes ces personnes et à un moment, il s’est avéré que l’an­cien mana­ger du Record Plant, Paul Slomann, était devenu mana­ger des Sony Studios. Je cher­chais un stage, mon père l’a appelé et il s’est occupé de me trou­ver ce stage. J’ai travaillé gratui­te­ment pendant deux étés à Sony Studios, je me suis vrai­ment défoncé, j’ai travaillé plus dur que tout le monde, ils m’ont demandé de reve­nir et j’ai eu le job. Je me suis battu pour ça ; tout le monde le voulait ce job mais j’étais l’un des rares stagiaires à obte­nir un job à la fin. Du coup j’ai eu ce job de runner (homme à tout faire, NDA), payé 5$ de l’heure, après des centaines de milliers de dollars dépen­sés dans un cursus en élec­tro­nique, vivre à New York sur une base de 5$ de l’heure était une vraie corvée mais, voilà, j’ai travaillé plus dur que tout le monde et rapi­de­ment, j’ai été promu assis­tant, grâce à…

En fait, pour la faire courte : j’ai accepté une session que personne ne voulait faire un weekend de 4 Juillet. Un des tech­ni­ciens avait droit à une jour­née gratuite au studio et il a demandé à chacun des assis­tants s’ils voulaient faire la séance. Tout le monde lui a répondu non ; il a alors demandé à tous les runners et j’étais en fin de liste, parce que j’étais le petit nouveau. Je lui ai dit : « Mais ouais, put***, je vais la faire moi, la séance ! » Je suis donc venu au studio un 4 Juillet – la fête natio­nale aux Etats-Unis – et on a enre­gis­tré ce truc. À un moment un, de ses amis, un ingé­nieur connu, entre dans le studio et il me dit : « Qui es-tu ? » – Oh, moi, je suis juste le runner ! Et là il me dit : « Plus main­te­nant ! La semaine prochaine, tu es mon assis­tant ! » Et d’ailleurs – ironie du sort – on a travaillé avec un groupe français qui s’ap­pe­lait Laplace cette semaine-là ! J’as­sis­tais Kirk Yano qui est un grand ingé­nieur aux Etats-Unis et qui est devenu un ami depuis, et on mixait ce groupe Laplace ! J’ai beau­coup appris à ses côtés, il m’en a fait baver mais il m’a telle­ment appris… Du coup, je suis devenu le « petit mec en bas de l’échelle » des assis­tants et j’as­sis­tais tous les ingé­nieurs rési­dents. Parce qu’ils devaient s’as­su­rer que j’étais suffi­sam­ment bon pour assis­ter les ingé­nieurs exté­rieurs… et ils ne m’ont pas lâché la grappe !

Appa­rem­ment, je faisais mon malin, du coup ils m’ont demandé d’as­sis­ter Michael Brauer ! Ce fut le plus gros défi de ma vie. J’étais assis à coté de ce mec, tu sais, ce super grand mixeur ! (l’air étonné). Tu sais, du genre : « Wow ! OK, je ne joue plus dans la même cour main­te­nant ! Faut que je passe la seconde ! » Et je me suis débar­rassé de mes habi­tudes à faire mon gros malin… Parce que j’ai un sens de l’hu­mour aiguisé, j’aime bien faire le foufou, tu vois ce que je veux dire ? Enfin, peu impor­te…! Je pensais que j’en savais suffi­sam­ment, puisque j’avais gravi les éche­lons rapi­de­ment et que les choses avançaient bien pour moi… A partir du moment où je me suis retrouvé dans la même pièce que Michael Brauer – qui lui savait VRAI­MENT ce qu’il se passait et comment arri­ver à faire en sorte que ça sonne – je me suis dit : « Oh ! Je ne suis PAS ce mec ! Mais je veux être ce type ! Je veux sa place ! Mais je ne suis pas ce mec et je vais apprendre à ses côtés comment faire tout ça ! » D’un seul coup, cette partie de moi a disparu, dès le premier jour où je me suis retrouvé avec lui dans ce studio. J’ai donc travaillé avec Michael, lui aussi il m’en a fait baver pendant deux ans ! (Rires) C’est quelqu’un de très exigeant mais toujours très juste. Quand je foirais un truc, il passait me voir et je lui disais : « OK, c’est ma faute, je ne le refe­rai plus… » Et je ne refai­sais plus la même erreur ! Quoi que ce fût, je ne le refai­sais plus jamais ! Il a un don pour sentir les choses; quand il était assis devant la console, moi j’étais derrière ses murs de racks, à bouger la jambe en rythme et il se retour­nait, me regar­dant entre les racks et me disait : « Arrête ça tout de suite. » Ou quand j’étais à l’ar­rière de la cabine et qu’après être resté au studio jusqu’à 5h du matin la nuit précé­dente, je faisais une micro-sieste, il me disait : « Tu es en train de t’en­dor­mir ? » Tu vois ce que je veux dire ? (Rires) Et moi – Euh…­non… ! Pas du tout ! « Moi je crois que si ! » (Rires) C’était comme si il avait des yeux derrière la tête ! Jusqu’à ce jour, c’est devenu un de mes amis les plus chers, et un véri­table mentor dans ma carrière. J’ai travaillé pour lui, j’ai travaillé pour Elliott Schei­ner, j’ai travaillé pour Phil Ramone, Bob Power… Quelques-uns des ingé­nieurs qui consti­tuent pour moi une vraie source d’ins­pi­ra­tion et qui m’ont appris comment faire de grands disques et – en dehors de ça – comment être une bonne personne, parce que tous les mecs que j’ai pu citer précé­dem­ment sont des personnes extra­or­di­naires, au top.

Appa­rem­ment, je faisais mon malin, du coup ils m’ont demandé d’as­sis­ter Michael Brauer ! Ce fut le plus gros défi de ma vie.

Ce métier reflète et consti­tute un équi­libre avec ta vie person­nelle.

Oui, enfin c’est un tout autre sujet que l’on pour­rait abor­der autour de pas mal de bières… (Rires) Mais tu sais, ces mecs m’ont appris à être profes­sion­nel et comment bien faire mon travail, de manières bien diffé­rentes. Bob Power mixe des albums d’une façon très diffé­rente d’El­liott Schei­ner, très diffé­rente de Michael Brauer ; mais ces gars-là sont amis et leur « facteur commun » c’est d’écou­ter et d’avoir leur person­na­lité qui ressort d’un disque. Michael a une forte person­na­lité qui se ressent sur un album. C’est le patron. Il est LE patron de CE mix. Il va botter le cul de ce mix ! Et c’est comme ça que ça sonne ! Ca sonne du genre (croi­sant les bras) « Ouais… » Pour moi c’est comme ça que sonnent ses mixes ! Un peu du genre (l’air sûr de lui) « Hmm, hmm… » Après, Elliott est très « hi-fi » dans son approche, il aime avoir le contrôle, mais d’une manière tota­le­ment diffé­rente. Bob, lui… En fait, si tu rencontres Bob, tu comprends son carac­tère et ses mixes sont comme ça : « Ah mais oui, c’est un mix de Bob Power ! ». Et pareil avec des mecs comme Manny Maroquin ou Tony (Mase­rati), leurs person­na­li­tés… Quand tu les rencontres et que tu ré-écoutes leurs albums… « Wow ! J’en­tends le mec ! Je l’en­tends ce petit Borsa­lino, dans le mix ! » Je veux dire, c’est tota­le­ment ridi­cule de dire ça mais, quand tu rencontres ces mecs et quand tu écoutes leurs mixes, tu vois très bien d’où ils viennent.

J’ai rencon­tré Michael une fois et il m’ex­pliquait qu’il deman­dait à ses assis­tants de noter la couleur des câbles de patch pour le recall, juste pour être certain que le câble de patch serait le même pour le recall du mix.

Hahaha! (Rires) Ouais, c’est son truc ça ! Il est génial !

On vient de parler des Studios Sony. Tu as ensuite démé­nagé à LA et tu es allé au Cello Studios. Comment as-tu fait la tran­si­tion entre New York et Los Angeles ? Qu’est ce qui diffère entre les deux villes ?

C’est drôle, parce que c’est encore un de ces chan­ceux concours de circons­tances dans ma carriè­re…En fait, pendant que je travaillais avec Michael Brauer, on était en parte­na­riat avec SSL, alors que la 9000 venait de sortir. Et j’étais un des premiers assis­tants à Sony à apprendre à se servir de la console, avec mon pote Dave Swope d’ailleurs. Du coup, quand Michael a décidé de passer à la 9000, j’ai pu rencon­trer tous les gars de chez SSL, Don Wershba et un paquet d’autres gens qui sont un peu tous partis main­te­nant. Don lui est toujours là! Mais bon j’ai commencé à travailler pour SSL et à montrer aux autres comment se servir de la 9000 à New York. Au même moment d’ailleurs sortait l’Axiom MT – qui est en gros la version numé­rique de cette console – et j’en­sei­gnais aux gens comme s’en servir. A peu près au moment où je commençais en avoir marre de New York, le gars qui travaillait pour eux à Los Angeles quitte la boîte. Ils m’ont dit : « Hey, est-ce que tu peux venir ? On a besoin de toi tout de suite, pour rempla­cer notre gars à LA, du moins tempo­rai­re­ment, et tu vois si ça te plaît… » – Ok, cool !

Je suis donc allé à Los Angeles et il s’est avéré qu’en fait c’était un super plan ; j’al­lais dans tous les studios de Los Angeles pour mettre à jour les SSL 9000, pratique­ment tous les jours. Pareil, j’en­sei­gnais aux gens comment l’uti­li­ser, aider les commer­ciaux à la vendre aux ingé­nieurs, aux réali­sa­teurs artis­tiques, aux studios, ce genre de choses. Ce faisant, j’ai rencon­tré tous les mana­gers de studio à LA et pas mal de super réali­sa­teurs artis­tiques et ingé­nieurs qu’au­tre­ment je n’au­rais pas pu rencon­trer. Par consé­quent, j’ai rencon­tré Candace (Stewart, mana­ger du Cello Studio) and Gary (Myer­berg, ingé­nieur « en chef » résident) à Cello quand on leur a vendu la 9000, que j’ai instal­lée et pour laquelle j’ai montré aux gens comment s’en servir, voilà… Et dans l’en­trée, je vais voir Jim Scott, comme on fait d’ha­bi­tu­de… Tu vois, tout à l’heure (en off, NDA) on parlait de la « magie » des studios qui possèdent plusieurs cabi­nes… Là, il me fait : « Hey mais qu’est ce que tu fais ici ? Tu bosses sur quoi ? » Je vais vers Jim que j’avais briè­ve­ment rencon­tré à New York et lui, tout de suite : « Qu’est ce que tu fais ici ?! » Je lui réponds que je travaille pour SSL, que j’ins­talle la conso­le… « Mais pourquoi tu fais ça ?! » (Rires) Je lui raconte l’his­toire, il me dit : « Ah OK, je comprends, mais tu devrais bosser ici ! » Et moi : – Ouais, ça serait cool ! Ça serait super cool…

Mais bon, une semaine passe et je le revois. Parce que, oui, en fait quand je n’avais rien à faire au bureau j’al­lais chez Cello – parce que c’était cool d’être avec tous ces gens. Il y avait toujours un truc qui se passait, toujours quelqu’un qui faisait un bon disque. A l’époque Bill Bottrell était là-bas, c’était un peu une « époque bénie » pour ce studio. Jerry Finn était là-bas aussi, Jerry Harris­son des Talking Heads était là-bas, Rich Costey, enfin, tu vois… Dave Schiff­mann enre­gis­trait un album dans cette cabine, Andrew Scheps était dans l’autre, Rick Rubin était dans telle cabine, Jim Scott bien sûr… Il y avait cette concen­tra­tion d’éner­gies dans ce studio à ce moment-là et je voulais en être dès que je pouvais. Je vais voir Jim dans le hall d’en­trée et il me dit : « Hey, mon assis­tant vient juste de partir, comme ça sans préve­nir. Il vient de passer 3 ans à travailler pour moi et là il se barre. Il en a marre de ce métier, il veut travailler dans la ferme de ses parents ! Tu veux bosser pour moi ? » – Bien sûr !!! (Rires) Je suis retourné chez SSL et j’ai quitté la boîte ! (Rires) Et ça c’était le 10 septembre. Le lende­main, c’est le 11 septembre et d’un seul coup, je me dis : « Merde ! Je n’ai plus de boulot !… » Parce qu’à ce moment-là, toutes les produc­tions étaient repor­tées, tout était un peu en suspens à l’époque aux Etats-Unis, c’était complè­te­ment dingue. Bien évidem­ment, les choses sont rentrées dans l’ordre petit à petit et j’ai pu par la suite travailler avec Tom Petty, les Red Hot Chili Peppers, tous ces super disques les uns à la suite des autres, avec Jim Scott.

Et oui, travailler à New York est très diffé­rent de travailler à Los Angeles . c’est une atmo­sphère diffé­rente. À LA c’est du genre : « Ouais mec, c’est cool… » Tu dois rester profes­sion­nel bien sûr mais ils ont un peu ce culte – enfin non, ce n’est pas un vrai­ment un « culte » parce que ça n’est pas arti­fi­ciel – mais il y a cette ambiance un peu cool que tu vois partout en Cali­for­nie, quelque chose de plus relax… Les choses doivent être bien faites, comme à New York, mais de façon plus relax.

Ryan Hewitt

Jim est très diffé­rent de Michael aussi. Michael est super précis, beau­coup de péri­phé­riques, tous ces trucs. Jim lui, c’est : une grosse Neve, un gros Fair­child, un gros Gates, c’est parti ! « Lecture, stop, je peux mixer n’im­porte quoi ! » (Rires) Tu vois ce que je veux dire ? C’était un peu son atti­tude en studio, carré­ment l’in­verse de ce que j’avais connu, très peu de péri­phé­riques externes et des mixes en 3 heures. « Boom, voilà, ça c’est fait, ça c’est mon son ! » On a fait beau­coup d’en­re­gis­tre­ments, pas mal de mixages ; j’ai beau­coup appris avec lui. Et pareil, il devenu un super ami et un véri­table mentor pour moi. Et c’est comme ça que j’ai eu mes premières séances, grâce à Jim. Pareil, comme on le disait tout à l’heure, un jour, Jim ne peut pas prendre cette session parce que ses clients débordent sur le temps et il vient vers moi en me disant : « Hey, TU vas faire la séance dans cette cabine ! » OK, cool ! Et main­te­nant je travaille avec John Frus­ciante ! (Rires) Qu’est ce que ça veut dire ? Comment je me retrouve à faire ça, moi ??! (Rires) Après, c’est toujours pareil, j’ai conservé la même éthique de travail et j’ai bossé plus dur que n’im­porte qui, plus dur que le mec dont tu veux la place. Quand je bossais avec Jim, je me disais : « Fran­che­ment, c’est incroyable, ce mec met en place une vraie « vibe » dans le studio… » Il met toutes ces tapis­se­ries au mur, et toutes ces lumières de Noël, avec tout ce maté­riel super cool, et tous ces micro­phones, tout est installé pour aller dans une direc­tion bien préci­se… C’est ce que je veux faire ! Je veux sa place ! Je veux être Jim Scott ! Je veux faire ce qu’il fait !

Je l’ai donc observé et j’ai toujours essayé d’avoir un temps d’avance sur lui. J’ai dû bien faire mon travail puisqu’après il m’a refilé toutes ces séances ! C’est comme ça que les choses se sont passées, l’his­toire complète ! (Rires)

Bob Power mixe les albums d’une façon très diffé­rente d’El­liott Schei­ner par exemple, qui est très diffé­rente de Michael Brauer ; mais ces gars-là sont amis et leur « facteur commun » c’est d’écou­ter et d’avoir leur person­na­lité qui ressorte d’un disque.

Oui mais c’est une histoire vrai­ment inté­res­sante !

C’est plutôt drôle en effet et la chose à laquelle je pense le plus par rapport à mon évolu­tion de stagiaire à l’âge de 13 ans avec mon père, à celle d’in­gé­nieur, mixeur et réali­sa­teur artis­tique à l’âge de 39 ans c’est simple­ment : garde la tête dans le guidon, main­tiens le cap et recon­nais les oppor­tu­ni­tés. Les gens disent qu’ils ne travaillent jamais gratui­te­ment et ce genre de choses, mais je n’en serais jamais arrivé là si je n’avais pas donné un peu de mon temps. À certains moments de ma vie, à des moments cruciaux de ma carrière, il y a toujours eu des « coups de mains », que ce soit pour produire l‘EP d’un petit groupe de punk de m*** que j’ai donné à Jerry Finn pour après obte­nir le plan avec Blink-182 ; ou bien faire un mix-test pour Rick Rubin pour fina­le­ment récu­pé­rer l’al­bum des Red Hot Chili Peppers. Recon­naître ce genre d’op­por­tu­ni­tés est très impor­tant dans ce métier.

Il faut être investi.

Il faut être investi, faire sans relâche et s’in­té­grer dans les endroits où tu as envie d’être. Si tu veux être un ingé­nieur ou mixeur reconnu, il faut que tu travailles pour un ingé­nieur ou un mixeur reconnu. Regarde comment ce type fait son truc. Ensuite, absorbe ça et passe à quelqu’un d’autre. Trouve les endroits pour t’ap­prendre. Et si tu ne peux pas bosser pour ces gars, suis un sémi­naire avec eux. Lis tout ce que tu peux à leur propos et trouve les infor­ma­tions qui viennent des endroits dans lesquels tu voudrais travailler. Pas des endroits qui sont à côté de chez toi ou derrière chez toi – comme tout ce qu’on peut lire sur les forums – avec tous ces mecs qui se demandent quel micro­phone chinois à lampe sonne le mieux pour 100 dollars ? Ça n’a aucune impor­tance ! Regarde qui fait les disques qui ont du succès et ce que tu voudrais faire ! Et découvre ce qu’ils utilisent. Comprends comment ils pensent, comment ils écoutent et ce qu’ils entendent dans un micro chinois à lampe à 100 dollars, ou dans ce que tu as toi, ou peu importe ce que tu cherches. Ça n’a rien à voir avec le maté­riel, ça a à voir avec comment toi, tu vois les choses et ce que tu cherches à entendre. Je peux utili­ser un petit micro chinois de m*** pour obte­nir un son « hi-fi » mais je dois d’abord me deman­der : « Comment vais-je faire pour avoir ce résul­tat ? » Tu vois ce que je veux dire ? Quel micro­phone de m*** ? Mets-en un dans ma main et je vais trou­ver un son avec ça ! Ca n’a pas d’im­por­tance. Oui, j’ai­me­rais bien avoir tel ou tel micro­phone, j’ai­me­rais bien avoir ce péri­phé­rique, ou ce pream­pli micro, OK, mais aujour­d’hui je n’ai pas ça ! Donc qu’est-ce que je vais faire ? Bah, je vais utili­ser celui-ci !

Et en tirer le meilleur !

Et je vais en tirer le meilleur ! Ce sera toujours mon son, parce que je place le micro, je l’éga­lise, je le compresse, je fais n’im­porte quoi avec. Si je n’ai pas le setup opti­mal, j’uti­lise les plug-ins ou, enfin tu vois, je trouve une autre façon de faire ! Mais j’écoute toujours et je recherche toujours le son qui est le mien. Avec ce musi­cien, cet instru­ment, dans cette pièce, aujour­d’hui. (Rires) Tu comprends ce que je veux dire ? Tous ces trucs du genre : « Mais pourquoi tu n’uti­lises pas ça ? » – Eh bien aujour­d’hui je n’ai pas ça, donc aujour­d’hui je ne l’uti­li­se­rai pas !

On est d’ac­cord ! Ça tombe bien car tu embrayes sur ce que je voulais abor­der ensuite : le maté­riel et ta façon de travailler. Les péri­phé­riques, micros et autres équi­pe­ments que tu utilises. J’ai vu que tu avais une belle collec­tion de péri­phé­riques et d’équi­pe­ments. Tu as monté ton propre studio il y a 1 ou 2 ans… Qu’est ce que tu as dans ce studio ? Qu’est ce que tu aimes utili­ser et que tu utilises tout le temps dans tes séances ?

Commençons peut-être avec l’étape d’en­re­gis­tre­ment… Comment procèdes-tu quand tu commences une séance d’en­re­gis­tre­ment ? Qu’est ce que tu utilises comme micros ? J’ai vu que tu aimais bien les Moja­ve… Pourquoi ?

Ok, si on doit abor­der le début d’une séance d’en­re­gis­tre­ment, au moment de l’ins­tal­la­tion, j’ins­talle pour tout faire. Quand j’as­sis­tais Jim Scott ou main­te­nant que je fais des enre­gis­tre­ments pour Rick Rubin, ou que je travaille sur mes propres produc­tions, je veux être prêt à tout. Ayant appris dans l’en­re­gis­tre­ment de concerts, j’ai toujours du backup. Je n’ai pas seule­ment le kit pour la batte­rie, avec les micros habi­tuels : kick in, kick out, snare dessus, snare dessous, les toms, les cymbales, le char­ley, les rooms, blah-blah-blah… J’ai toujours quelques micros bran­chés dans la pièce, au cas où… « Oh, on aurait besoin de faire une percu ! » – Ouais, pas de problème, j’ai ça. « Oh, on voudrait un son de room complè­te­ment dément ! » – Ouais, j’ai ça aussi. Pas de souci, c’est là, déjà bran­ché. Avec Rick, tout se fait live donc on fait tout, batte­rie, basse, guitares, les voix, violon, peu importe ce qu’il y a dans le groupe ou qui est présent, on enre­gistre tout le monde ensemble.

En même temps ?

Oui, en même temps. Parce qu’il s’agit de captu­rer le feeling lié à une prise de la chan­son. Tout peut être modi­fié, re-joué ou édité plus tard, OK, mais si tout le monde joue ensemble, chacun sait ce que les autres font. Et du coup ils jouent sur ça. Ils le sentent.

Et ils construisent quelque chose à partir de ça.

Et tu construis quelque chose à partir de ça. Tu n’es pas en train de faire d’abord les batte­ries, puis les guitares, ensuite la basse, puis les voix et tous ces trucs qui vont être arti­fi­ciel­le­ment parfaits – ce qui peut être cool, je fais aussi des disques de cette façon, qui doivent sonner de cette manière – mais j’ai un vrai penchant pour faire les disques live en studio. Autant que possible. Là encore, je n’ai pas de règles, du genre « Pas grave si ça n’est pas parfait tout de suite, tout va bien, ça peut être un chant témoin, une partie témoin, c’est top ! » mais on doit savoir comment tout ça va s’im­briquer. Tout est installé, j’aime bien prendre les guitares en DI quand je peux, si jamais nous avons besoin de les ream­per plus tard. Parce que nous devons avan­cer, vite, pour captu­rer l’ins­pi­ra­tion, et si le guita­riste n’a pas LE son parfait, on peut le ream­per plus tard, le modi­fier, peu importe, mais on a ce moment, ce feeling dans son jeu, parce que le batteur est juste à côté. Il voit le batteur et ils font quelque chose ensemble. C’est à ce moment parti­cu­lier et ça n’ar­ri­vera plus jamais, quelque soit l’éner­gie que tu y mets plus tard au moment des over­dubs ; ça ne sera jamais pareil que d’être assis dans la pièce – peut-être dans la même pièce que le batteur, peut-être dans un booth ou dans la régie, qui sait ? – mais CE moment n’ar­ri­vera plus jamais. Et si tu as la DI tu peux le ream­per, le modi­fier, peu importe, si je dois le faire. J’aime avoir le son au moment où on enre­gistre mais tu ne peux pas passer une heure à cher­cher un son de guitare alors que tout le groupe attend pour jouer.

Parce que tu dois avan­cer vite.

Oui, tu dois avan­cer et pareil, tu dois garder ce flot d’ins­pi­ra­tion. Quand je travaille avec Rick Rubin, on fait 2, 3, 4 chan­sons par jour, le tout dans une jour­née courte, dans un court moment. Il est un peu du genre (claquant des doigts, en regar­dant sa montre) « Allez, on conti­nue tant que ce groupe est chaud ! » Il ne se laisse pas frei­ner pour savoir quelle pédale d’over­drive est la meilleure entre celle-ci ou celle-là, ou ce genre de choses… Parce que, si tu obtiens le bon « feeling », tu t’ap­puies sur tes compé­tences de base d’in­gé­nieur pour avoir un super son dès le départ, tu traces ta route avec et ça sera très bien. 

C’est du coup plus facile de construire le titre, le réali­ser et le mixer ensuite.

Oh que oui !

La chose à laquelle je pense le plus par rapport à mon évolu­tion de stagiaire (…) à celle d’in­gé­nieur, mixeur et réali­sa­teur artis­tique c’est : garde la tête dans le guidon, main­tiens le cap et recon­nais les oppor­tu­ni­tés. 

Parlons un peu des batte­ries, parce qu’on a commencé sur ce sujet. Tu as des sons très diffé­rents sur les disques des Avett Brothers compa­rés au Red Hot Chili Peppers par exemple. Comment places-tu les micro­phones sur ces kits ? Qu’est ce que tu utilises en géné­ral ? Peut-être y a-t-il des choses que tu fais tout le temps, comme des rubans sur les overheads ou les rooms… ? Est-ce que tu utilises par exemple un micro que tu compresses ou que tu over­dri­ves… ?

En fait, tout dépend de tout le reste. Du coup, quand j’écoute le grou­pe… Bon d’abord, tu dois faire tes devoirs. Il faut que tu écoutes le groupe, ses CDs en amont. J’aime deman­der aux groupes ce qu’ils écoutent, ce qu’ils aiment en ce moment et ensuite je défi­nis en quelque sorte la direc­tion que je vais vouloir emprun­ter, au niveau du son. J’ADORE les sons de batte­rie, je suis batteur moi-même, j’adore faire un super son de batte­rie. Je veux dire, j’adore faire un super son pour tout, mais les batte­ries en parti­cu­lier, je trouve que c’est un véri­table défi parce qu’avec tous ces micro­phones, tu dois obte­nir un son moder­ne…

Les problèmes de phase…

Ouais, les problèmes de phase, les problèmes d’ac­cor­dage des peaux… Il y a telle­ment de choses qui rentrent en ligne de compte pour obte­nir un super son de batte­rie, c’est un défi énorme. Donc, quand tu as un super batteur, avec un super kit, dans une super pièce, c’est telle­ment plus simple ! Tout le reste est plus simple. Après, que tu utilises tel ou tel micro, c’est une ques­tion de choix person­nel. C’est un peu comme si je te disais : « Ton café, avec ou sans sucre ? », tu vois ce que je veux dire ? Vu le nombre de très bons micros, que tu utilises ce micro ou celui-là, ça n’a pas d’im­por­tance. Je veux dire, je ne vais pas utili­ser un micro nul mais si je veux un son « hi-fi », j’aime bien mes C12 en overheads. Après, ça dépend des pream­plis que tu as, etc. Si par exemple tu as des Coles, qui sont un peu « dark », il te faut un genre de préam­pli un peu brillant qui va t’ame­ner un joli haut du spectre. Si tu as des 1073, ça va sonner super bien. Mais les C12 sonnent très bien, les 87 sont très bons, ils vont tous ajou­ter un peu de leur person­na­lité ; tout dépend de l’ins­tru­ment et de la pièce.

Et du batteur !

Oui, bien sûr ! Le batteur ! Tout dépend de tout. Quand j’ins­talle la batte­rie, j’aime bien bouger la grosse caisse dans la pièce et trou­ver le sweets­pot dans le bas du spectre. Ensuite, je place la batte­rie en fonc­tion. J’ins­talle le kit et essaie diffé­rents micros. Je vais me dire: « OK, dans ce genre d’en­droit, je vais avoir ce genre de problème ici, je vais donc commen­cer avec ce micro et si ce micro ne marche pas, je vais essayer autre chose. » Derniè­re­ment, j’uti­li­sais pas mal cet AEA stéréo à ruban comme un overhead mais parfois ça ne fonc­tionne pas ! Comme c’est un Blum­lein, l’autre côté « regarde » vers le plafond et si tu es dans une pièce qui sonne bizar­re­ment, ça ne va pas le faire ; tu auras besoin de quelque chose de « plus » direc­tion­nel. Nous devons tous faire fonc­tion­ner nos méninges pour choi­sir un micro­phone intel­li­gem­ment mais on n’a malheu­reu­se­ment pas toujours une super liste de micros à notre dispo­si­tion donc on doit faire un peu avec ce qu’on a. J’ai une collec­tion de micros que j’aime, du coup, quand rien d’autre ne fonc­tionne, je sais que les ai et qu’ils vont marcher, donc je les prends. Bon après, pour le kick… D112, D12, 421, tu vois quoi, tout dépend de ce qu’il y a… Les caisses claires avec des 57, les toms avec des 414 ou des 421… Les char­ley j’aime bien des rubans ou des 57…

Qu’as-tu utilisé sur le kit des Avett Brothers ? C’est un son très clair et défini comparé aux Blink-182 ou aux Red Hot Chili Peppers.

Hum, les Avett… Il y avait un D112 dans la grosse caisse, un 47 FET en dehors, un SubKick, 57 sur la caisse claire, 414 sur les toms, C12 sur les overheads. Je crois que j’avais une paire de Royer et une paire de Mojave sur les rooms pour avoir 2 « couleurs » et j’avais certai­ne­ment un green bullet sous le kit, histoire d’avoir une sorte de …

…vibe ?

Ouais, mon p’tit truc à moi !! (rires) Mais tu sais, pour Blink-182, c’était un peu pareil. Juste un batteur diffé­rent, un kit très diffé­rent et un résul­tat final très diffé­rent aussi !

Travis (Barker, batteur de Blink-182) tape très fort !

Oui, de tous les batteurs que j’ai enre­gis­trés, Travis est celui qui joue le plus fort. Il tape plus fort que n’im­porte qui que j’ai pu rencon­trer. Tu dois donc trai­ter ça diffé­rem­ment. Il s’agit plus de bien « sépa­rer » les éléments de la batte­rie. Jerry avait tous ces trucs qu’on a fait sur les toms…

Que veux-tu dire ?

Oh, on avait juste ce truc en paral­lèle pendant l’en­re­gis­tre­ment, qu’on faisait avec un BBE 422. C’est assez compliqué, avec des trig­gers, des gates et ce genre de choses. Mais on a eu un son super cool avec ça et nous avions besoin de ça, prin­ci­pa­le­ment à cause de sa batte­rie en plas­tique, enfin tu vois, la batte­rie en plexi­glas, qui ne génère pratique­ment aucune basse fréquence. Tout a donc été un peu « fait maison » !

OK ! Passons à d’autres instru­ments si tu veux bien, comme les guitares, les claviers. Je trouve que sur les albums que tu fais, les guitares sonnent bien fort mais jamais elles ne sont agres­sives ; bien devant mais jamais à t’ar­ra­cher les oreilles. Ca n’est jamais évident de gérer le son des guitares.

Tu sais, c’est la même chose qu’avec les batte­ries : ça dépend du musi­cien, de l’ins­tru­ment, de l’am­pli dans la pièce et du contexte du son. Parce que oui je traite les guitares pour un disque de punk-rock diffé­rem­ment des guitares pour un disque de folk. Après, pour le résul­tat final… mais le proces­sus, dans le sens où comment je pense les choses, est le même. Je suis du genre à me dire : « Oh, on doit avoir un super son qui va aller avec cette batte­rie, pour ces chan­sons, et qui défi­nit l’iden­tité de ce groupe ! » Quand tu utilises de bons procé­dés d’in­gé­nieur du son… Garder les micro­phones en phase – quand tu utilises plusieurs micros, véri­fier que les capsules soient toujours alignées en phase, en prenant un casque et en écou­tant fort pour détec­ter le moment où la phase est la plus juste. Bouger l’am­pli dans la pièce, bouger les micros devant l’am­pli, afin d’ob­te­nir le meilleur possible, le plus vite possible. Parfois ça peut prendre une jour­née ! Sur l’al­bum des Blink-182, il n’y avait pas de dead­line donc on passait des heures à cher­cher le son de guitare, parce que c’est comme ça que cet album a été fait. C’était du genre : « OK, on a fait les batte­ries, main­te­nant on va faire les guitares, et main­te­nant on va faire les basses. » Du coup il nous fallait trou­ver le meilleur son pour ça. Ce qui était cool dans le fait de faire cet album avec Jerry, c’est qu’il était du genre : « OK ! Essayons cette guitare avec cet ampli ! OK, essayons cette autre guitare avec cet ampli-là ! OK, main­te­nant on essaie les deux ensemble ! OK, essayons cette guitare avec 3 amplis diffé­rents et 6 micros diffé­rents, avec ces préam­plis, et ceux-là dans la (Neve) BCM-10 ! Ça sonne terrible ! OK, faisons la partie ! » Et on passait ces heures à cher­cher le son, parce que c’est devenu l’iden­tité de l’al­bum.

Et aussi parce que certaines chan­sons étaient un peu… « Tum tum tum.. » (mimant les ryth­miques punk à roulettes cali­for­nien typiques de Blink-182, NDA), tu vois ce que je veux dire? Il faut que tu fasses sonner ça d’en­fer ! Et à la fois il faut que ça sonne diffé­rem­ment de la fois où ils ont joué le même genre de partie sur une autre chan­son, qui arrive juste après celle-ci. Il faut que ça soit diffé­rent, ça ne peut pas être toujours la même chose. Mais avec les Avett Brothers, c’est du genre : « Hey, je vais bran­cher ma Strat dans ce Marshall. » – OK. « Est-ce que c’est le meilleur truc que l’on ait ? – Ouais, ça va, ça marche. « OK, j’ai ma partie. je suis prêt. » – OK, on garde ce son ! Et on fait en sorte que ce son soit le plus appro­prié pour cette partie. Bon, après, j’exa­gère un peu mais..

Ce sont des façons diffé­rentes de travailler…

Ce sont des modes de travail très diffé­rents, avec des person­na­li­tés diffé­rentes et des groupes diffé­rents. Et – pour un ingé­nieur du son qui ne veut pas avoir d’étiquette et qui veut être capable de faire des genres de musique diffé­rents – je me dois d’être conscient de la façon dont ces gens aiment travailler et de m’adap­ter rapi­de­ment à leur proces­sus. Si tu ne le fais pas, tu restes cantonné à un seul truc. Pour moi, c’est barbant. Je n’ai pas envie de faire des disques de punk-rock tous les jours. J’aime faire ce genre de disques, j’aime aussi faire des disques avec les Avett Brothers mais je ne veux pas faire ces disques tous les jours non plus. J’aime bien faire ci, puis ça, puis faire un disque de reggae, je veux faire ça, ça et ça. Faire en sorte que ça reste inté­res­sant et être inspiré par ces diffé­rents proces­sus de travail, pour que je puisse appor­ter des bouts de ces proces­sus dans les autres disques.

Enre­gis­trer du banjo avec les Avett Brothers est diffé­rent d’en­re­gis­trer un banjo avec Flog­ging Molly. Mais je peux utili­ser un peu de leurs proces­sus, un peu de leurs idées, les prendre et les utili­ser dans l’autre groupe. Parce qu’ils ne pense­raient pas de cette façon ; Scott Avett ne pense pas comme Bob Schmitt des Flog­ging Molly et vice-versa. Mais je peux me dire : « Comment Bob ferait ça ? » Et je peux dire à Scott : « Hey, je sais que ça pour­rait paraître stupide, mais qu’est-ce que ça dirait si tu jouais tes accords en strum­ming sur ton banjo ? » Et lui de dire : « Oui, c’est cool sur cette chan­son ! » Ou de dire à Bob: « Pourquoi tu n’uti­li­se­rais pas ci, ça ou ça ? » – Oh oui, bien sûr, c’est cool ! De fait, on a cette émula­tion d’idées et de procé­dés qui n’exis­te­raient pas autre­ment. C’est vrai­ment passion­nant.

Il faut être investi, faire sans relâche et s’in­té­grer dans les endroits où tu as envie d’être.

Essayer d’être influencé par d’autres façons de faire, d’autres styles…

Oui, et à la fin de la jour­née, la chan­son doit parler d’elle-même et tu dois faire tout ce qui est appro­prié pour que ça arrive. C’est l’autre idée globale dans tout ça : faire tout ce qui est appro­prié au moment oppor­tun, pour CETTE musique, CE groupe. CE jour-là ! (Rires)

C’est toujours une ques­tion de temps !

Oui, telle­ment de choses : le temps, l’équi­pe­ment, blah blah blah… Je ne sais pas, il n’y a pas de règles ! Fais ce qui sonne bien !

Pour faire en sorte que ça sonne bien, il faut un peu d’équi­pe­ment. Qu’est ce que tu as dans ta liste de maté­riel ? il me semble que tu as un sacré arse­nal, et pas seule­ment des péri­phé­riques, consoles, enceintes et micros, mais aussi des instru­ments et des effets, des choses comme ça. J’ai lu que tu étais un utili­sa­teur averti des plug-ins UAD, tu as aussi un gros somma­teur Tone­lux, tu es fan de Manley et de Chand­ler… Est-ce que tu peux nous en dire plus sur cet équi­pe­ment et comment tu as construit ton iden­tité sonore avec ?

En fait, j’ai vu venir ce truc du home studio… Il y a combien de temps main­te­nant ? 13 ans je pense. J’ai vu arri­ver le déclin des studios, c’était immi­nent; j’ai vu que les gens allaient aban­don­ner toutes ces grosses consoles hors de prix et s’ins­tal­ler chez eux. Je ne savais pas que ce serait du Mix In The Box parce qu’à l’époque ce genre de système n’exis­tait pas en « haute-fidé­lité »… Pro Tools Accel HD venait juste de sortir. Mais je l’ai vu venir et je me suis dit : « OK, je vais commen­cer à ache­ter un peu d’équi­pe­ment, comme ça, quand ça va arri­ver et que tout va s’écrou­ler, je serai prêt ! » J’ai donc vu ce revi­re­ment dans le fait de travailler dans les gros studios et ai commencé à ache­ter les choses que je pensais néces­saires, que les autres studios n’avaient pas forcé­ment. De ce fait, j’ai acheté le Tran­sient Desi­gner, j’ai acheté des Distres­sor au tout début, quand ils sont sortis. Je me suis acheté une paire de ProAc parce qu’il est néces­saire d’avoir ses propres enceintes, celles que tu connais, avec qui tu as un lien. Ensuite j’ai acheté l’am­pli, et les câbles d’en­ceintes, des choses comme ça, comme Michael Brauer, Rick Rubin et tous ces mecs. Et ensuite j’ai acheté des préam­plis micro. J’ai acheté un Chand­ler LTD-1 ; c’était mon « vrai » premier préam­pli micro.

La réplique du 1073…

Oui, c’est un genre de réplique de 1073 ; mais le mien a le numéro de série 39 ou quelque chose comme ça ; il a donc les cartes et les trans­for­ma­teurs origi­naux Neve à l’in­té­rieur, quand Wade a monté la boîte. Et je l’ai toujours ! Je l’uti­lise tout le temps. J’ai donc commencé à ache­ter des choses de qualité qui pouvaient m’ai­der à avoir mon son et ce, peu importe là ou j’al­lais ou ce que je faisais; j’avais quelque chose de bon. Est-ce que c’était le meilleur ? Peut-être pas, mais c’est vrai­ment bien par contre. Du coup j’avais mon petit rack 4U avec un Distres­sor, un LTD-1 et je ne sais plus encore ce que j’avais à l’époque… Je pouvais enre­gis­trer n’im­porte quoi, j’avais quelques trucs pour pouvoir mixer et faire en sorte de bosser. Après, de la même façon, j’ai commencé à ache­ter les trucs dont j’avais besoin pour le studio, plus de compres­seurs… Ensuite j’ai trouvé ce distri­bu­teur/préam­pli casque, par hasard sur eBay, pour pas cher. « Oh, cool, je vais ache­ter ça ! » Ensuite, des cables Mogami, ensuite ça, puis ça… Après ça j’ai eu le job avec Blink-182 donc j’ai mis tout ça dans un rack avec une baie de patch. J’ai donc construit mon premier rack, avec tous mes trucs, avec un patch, les câbles Mogami et ce genre de trucs… J’ai conti­nué à travailler dans les gros studios pendant un moment et soudai­ne­ment c’était devenu diffi­cile de trou­ver du budget pour tous ces mixes qu’on me deman­dait de faire, du style : « Oui, je peux le faire mais il faut que tu paies 2000 dollars par jour pour le studio ! » Tu vois le truc ? « Tu plai­santes ??! » Du coup, il fallait que je sauve le boulot que j’avais en faisant mon propre endroit. J’ai démé­nagé et ai fait mon propre studio à la maison ; c’était il y a 6 ans.

Ça n’a rien à voir avec le maté­riel, ça a à voir avec comment toi tu vois les choses et ce que tu cherches à entendre.

Ca n’a pas été pas trop dur de faire ton studio à la maison ?

Non ! Je veux dire, pas dans la pratique ! Concrè­te­ment, j’ai fini une session un jour, j’ai bougé tout mon maté­riel dans ma nouvelle maison, ai tout installé et le jour d’après, j’avais ma première séance. Ça n’était pas le meilleur studio du monde et ça m’a pris 2 à 3 ans pour y trou­ver mes marques. Beau­coup de sang, de sueur et de larmes, et tout le côté affec­tif qui va avec ; beau­coup d’ef­forts, d’ar­gent, ce genre de choses, mais c’était génial ! J’ai travaillé là-bas pendant près de 6 années et comme j’ai changé de maison, j’ai tout déplacé dans un gros studio qui contient plusieurs cabines ; main­te­nant j’ai une vraie régie, conçue par George Massen­burg à la fin des années 70, avec une belle pièce de prise dans laquelle je peux enre­gis­trer des groupes. Et c’est quand même cool d’être en dehors de la maison et d’al­ler au travail ! Quand je rentre chez moi le soir, je ne suis plus au travail.

Sépa­rer la vie profes­sion­nelle de la vie person­nel­le…

Oui, c’est impor­tant de garder un certain degré de sépa­ra­tion, même si c’est juste aller dans le fond du jardin pour travailler dans le garage qui a été trans­formé en studio ou bien de faire 10min de voiture pour aller à un autre endroit. Ceci étant dit, la solu­tion du home studio a bien fonc­tionné pour moi pendant un moment et j’y ai fait pas mal de bons disques. J’ai mixé tous les disques des Avett Brothers dans mon home studio. Et oui j’ai mon somma­teur Tone­lux et plein de péri­phé­riques que j’uti­lise en hard­ware insert, parfois direc­te­ment en sortie de Pro Tools vers le somma­teur. Tout cela a été déve­loppé pour répondre à des besoins occa­sion­nels qui ont fina­le­ment déter­miné une façon de travailler très fluide pour moi. C’est devenu très confor­table.

Que penses-tu de l’évo­lu­tion des méthodes de travail ? Est-ce que tu penses qu’on est sur une bonne voie ?… Comment te sens-tu dans ces nouvelles façons de travailler ?

Ryan Hewitt

En fait, j’ai deux opinions là-dessus. Au début, je détes­tais ça. Quand j’ai commencé à installé mon studio et que je bossais « in the box », je me disais : « Ça craint ! C’est nul ! C’est vrai­ment pas fun ! » Mais par la suite, les plug-ins UAD sont arri­vés et là j’étais plus : « Oh, cool ! Main­te­nant je peux mixer tranquille­ment avec ces plug-ins qui sont des re-créa­tions des péri­phé­riques que je connais ! » Après j’ai conti­nué d’ache­ter un peu plus de maté­riel, je deviens meilleur mixeur avec le temps, du coup je suis l’aise pour mixer avec ce setup hybride. Il y a des avan­tages : je peux faire des recalls en quelques minutes, mais ça peut être aussi un incon­vé­nient, parce que ça peut être du genre : « Hey, tu peux recal­ler le titre pour la 13e fois et enle­ver le shaker dans le deuxième couplet…? » (l’air blasé) « Ouais…OK…oui, oui, on va le faire, pas….pas de problème ! » (Rires) Tu dois gérer un peu ce genre de choses…

Mais pour les clients c’est sûr, c’est génial et pour les budgets aussi. Je mixe des disques d’ar­tistes qui ont des « statures » diffé­rentes; je veux dire, j’ai mixé l’al­bum de Harry Connick Jr l’an­née dernière et d’autres choses comme les Avett Brothers avec Rick Rubin. Il n’y a pas de honte à faire ce que tu fais, quelle que soit la manière dont tu t’y prends. D’ailleurs pendant ce sémi­naire, on a fait la première semaine sur une 9000 et la seconde semaine je mixais quasi­ment in the box. Et je me disais : « Woah, ça va aller telle­ment plus vite, de mixer sur une 9000, ça va être cool de retra­vailler sur une console à nouveau ! » Et en fait c’était pareil ! Ca m’a pris à peu près le même temps de faire le mix. Je me suis dit après coup « Oh, je pensais que j’irais plus vite sur la console ! » Mais ce sont juste deux proces­sus diffé­rents, deux façons de travailler diffé­rentes. Est-ce qu’il y en a une meilleure que l’autre ? Je ne sais pas… je ne pense pas qu’il y ait un point de vue absolu là-dessus, tu vois. Ce truc doit avoir ci ou ça, ou ça et ça… Je ne sais pas. Une chose que j’ai apprise en travaillant pour tous ces gens – et plus parti­cu­liè­re­ment mon père – c’est : « Garçon, fais avec ce que tu as ! » Tu peux passer tes jour­nées à te plaindre que tu n’as pas ci ou ça, que tu n’as pas tel ou tel micro­phone, que le monde va s’ar­rê­ter… Non, c’est plutôt : « OK, j’ai tous ces trucs, j’ai ce groupe, je suis ici pour enre­gis­trer. Allons-y ! Faisons un disque ! »

C’est super, et très posi­tif comme façon de penser !

Tu te dois d’être posi­tif! Si tu ne l’es pas, qui va vouloir passer du temps avec toi ? Qui va t’ap­pe­ler, qui veut du « mec qui fait la tronche sans arrêt dès qu’une note est fausse ? » Qui ? « Oooh, je n’ai pas mon micro, oh je n’ai pas tel musi­cien, ooooh c’est nul, ça craint…aaaaannnn ! » NON ! Il faut être du genre : « OK, allez, on la refait, ça sonne super, j’ai besoin que tu me refasses ci, ça et ça, faisons une nouvelle prise. OK, ça sonnait super, il nous manque un tout petit truc juste ici, est-ce qu’on peut juste puncher cette phrase là, ou juste ce break de batte­rie ici ? » Il faut être posi­tif et patient, et encou­ra­ger la personne avec qui tu travailles, peu importe qui c’est. Je suis dur avec mon assis­tant et fais en sorte qu’il bosse pour méri­ter son salaire mais avec les musi­ciens, il faut les soute­nir, les encou­ra­ger et être cool. Il faut que tu sois ce mec avec qui ils ont envie de passer du temps. Parce qu’ils se mettent un peu à nu avec toi, musi­ca­le­ment…

Je vois bien ! Je voulais juste termi­ner avec le maté­riel, avant de passer à…

Je me suis éloi­gné de l’as­pect tech­nique ! (Rires)

J’ai un vrai penchant pour faire les disques live en studio. Autant que possible.

Non mais c’est très bien, au contraire ! Tu fais juste­ment la tran­si­tion avec la suite… Je voudrais juste savoir ce que utilises sur ton mix bus. De quoi te sers-tu ? Sur combien de versions de mixes tournes-tu ? etc.

Je sors de mon somma­teur et j’ai une chaîne de trai­te­ment sur mon mix bus stéréo. J’ai le compres­seur API 2500 que j’ai fait modi­fier; il y a quelques trucs sympas en plus. Ensuite ça, ça va dans mon Chand­ler Curve­Ben­der et après j’ai un EQ3 NTI, le rack 2U que j’adore et qui rajoute un peu « d’air ». Je ne les utilise pas tous tout le temps mais ils sont bran­chés et je peux les enclen­cher pour voir ce qu’ils font. Si ça ne me plaît pas, je les enlève. Pas de problème ! Pour (la conver­sion de) mon mix bus j’uti­lise un Burl B2, ça sonne phéno­mé­nal ! Ce truc a un vrai son. Il ajoute une sorte de vibe et fait son truc. Ca sonne vrai­ment bien. Et oui, parfois je les utilise, parfois pas du tout, parfois je les utilise tous à fond, parfois juste un seul (faisant semblant de tour­ner les boutons) parfois juste un tout petit peu… Ce sont de super outils à avoir et je suis très content de les avoir.

Ils font partie de ton iden­tité dans tes mixes.

Ouais, parce que l’API peut être violent parfois! Il peut réagir d’une manière assez dure et c’est cool ! Mais je peux aussi l’uti­li­ser d’une façon plus douce, quand une chan­son le demande. J’ai égale­ment un Elysia mPres­sor que j’uti­lise parfois sur le mix bus ; c’est assez inté­res­sant. Donc oui, ce sont des couleurs diffé­rentes. Mon prochain achat sera un Alan Smart C2. J’adore cette machine, le bon son VCA.

Est-ce que tu tournes des stems pendant les mixes ?

J’es­saie d’évi­ter. Je fais le Main Mix, le Lead Vocal Up, les Choeurs Up, toutes les voix Up… S’il y a sujet à polé­mique sur « Mec, je ne sais pas si les guitares sont assez fortes », si quelqu’un n’est pas satis­fait ou que quelqu’un fait part de quelque chose dans le mix, je fais une version avec plus de cet instru­ment et une version avec moins de cet instru­ment, juste pour l’avoir, au cas où… Je préfère prendre 10mn de plus main­te­nant que devoir faire un recall un mois après… « Ooh M****, j’au­rais dû te deman­der de tour­ner le mix avec ça plus fort, ou d’en­le­ver cette partie… », ce genre de trucs… Je me fais juste une petite note dans ma tête et à la fin de la jour­née je tourne ces mixes.

Et oui après, je fais l’ins­tru, l’aca­pella, parfois certains demandent des TV Mixes (mixes compre­nant l’ins­tru­men­tal et les choeurs). J’évite les stems la plupart du temps – à moins que quelqu’un me le demande – je doute vrai­ment que les stems puissent refaire le mix que tu avais tourné. Essen­tiel­le­ment à cause de ma chaîne de trai­te­ment du mix bus. Mais s’ils les veulent, je les tourne et parfois – tout dépend de ce que je fais avec le compres­seur de mix bus – je laisse enclen­ché ou pas. Mais après, je ne trouve pas que ça apporte quoi que ce soit et personne n’est jamais venu me dire, avec les stems : « Reprends ces stems et refai­sons le mix ! » C’est un sacré casse-tête mais s’ils en ont besoin, à des fins de remix par exemple, oui bien sûr ils peuvent les avoir, je m’en fiche ! C’est pas un problème !

C’est l’autre idée globale dans tout ça : faire tout ce qui est appro­prié au moment oppor­tun, pour CETTE musique, CE groupe. CE jour-là.

Tu parles des assis­tants et je voudrais abor­der avec toi la ques­tion de l’évo­lu­tion du busi­ness, de l’ap­pren­tis­sa­ge… Est-ce que tu travailles avec des assis­tants ? Comment vois-tu cette évolu­tion dans l’in­dus­trie musi­cale ?

Eh bien, comme je le disais plus tôt, je pense que c’est un busi­ness où la carrière se déve­loppe grâce à l’ap­pren­tis­sage. Tout dépend des expé­riences, la trajec­toire de ta carrière dépend d’où tu as été, ce que tu as fait, avec qui tu as travaillé, ce genre de choses. Je me suis retrouvé à assis­ter des gens incroyables et beau­coup de gens m’ont donné ma chance, certains m’ont pris sous leur aile et m’ont ensei­gné ce qu’ils savaient et j’ai été capable de conti­nuer avec ça. Certaines personnes dans ce busi­ness ont été très sympas avec moi et j’ai comme une obli­ga­tion morale de conti­nuer cela, de faire en sorte que cet état d’es­prit perdure. J’ai eu des assis­tants au fil des ans, pendant les 6 années dans mon studio j’ai eu quelques assis­tants – certains ont été plus effi­caces que d’autres, que ce soit pour des longues ou des courtes durées – et je pense que c’est impor­tant, pour quelqu’un qui a « une voix » dans ce métier, d’être capable de trans­mettre ce que je sais et ce que j’ai vécu à la nouvelle géné­ra­tion, à ceux qui vont arri­ver. Je reçois pas mal d’emails de gens qui cherchent un stage ou juste avoir des infos et j’es­saie d’éta­blir un programme me permet­tant de prendre ces gens avec moi et de les former pour le long terme, de diffé­rentes manières. Main­te­nant que mon studio est en dehors de ma maison, cela va rendre les choses plus simples, c’est pourquoi je travaille actuel­le­ment sur ce program­me… Et c’est pourquoi j’ai commencé Studio Prodigy aux Etats-Unis, ainsi que ces sémi­naires que je dirige ici en Europe.

Mais, tu sais, l’as­sis­tant – ou n’im­porte quelle personne qui veut travailler pour moi – doit être fort. Ils doivent savoir ce qu’il se passe et avoir envie de travailler. Ne me demande pas à quelle heure on rentre ce soir. Tu me demandes ça, je te fous dehors du studio. Demande moi : «  Qu’est ce que je peux faire pour toi quand tu vas partir ce soir ? Qu’est ce que je peux faire après que tu seras parti ? » J’ai dit à plusieurs gars (en montrant la chaise sur laquelle il est assis) : « Si tu veux ce fauteuil, tu dois travailler plus dur que moi. Il va falloir que tu restes plus long­temps, que tu sois là avant, et que tu ne sois pas distrait par ce qu’il se passe en dehors du studio. Si tu veux réus­sir dans ce busi­ness, il faut que tu sois en avance sur moi. Et ça n’est pas facile, parce que je bosse vite. Et j’en sais beau­coup, parce que j’ai un peu traversé tout et n’im­porte quoi dans ce métier. Mais pour passer au niveau supé­rieur, tu te dois d’être en avance par rapport à la personne qui se trouve dans le fauteuil que tu plébis­cites. » C’est très impor­tant. Si l’ar­tiste est là, et que quelqu’un dit qu’il a faim, tu as déjà le menu dans les mains. Si on doit te deman­der pour quelque chose, tu es déjà derrière, peu importe qui te pose la ques­tion. Si je dois te deman­der les Shar­pie, tu es derrière. Si je dois te deman­der de faire le recall, c’est que tu n’y prêtes pas atten­tion. Les assis­tants doivent toujours être prêts à faire, tout le temps. C’est un travail épui­sant !

Je sais que j’ai été un bon assis­tant mais je sais que j’au­rais pu être meilleur à certains moments. J’y pensais ce matin, je me disais : « Hey, il y a quand même des choses que j’ai faites pour lesquelles j’au­rais pu me faire virer ! » Mais ça n’est pas arrivé, heureu­se­ment ! Je me suis fait malme­ner et je ne rends pas non plus la vie facile à mes assis­tants, j’at­tends un certain niveau de la part de ces mecs. J’ai écrit sur un petit carnet les choses que je veux, les choses que j’at­tends, les choses qu’ils doivent faire. Tout est « forma­lisé ». Quand un nouveau arrive, c’est du genre : « Voici la liste des choses que tu auras à faire ! Si ça ne te va pas, je n’ai pas besoin de toi, la porte est là ! » Ce n’est pas pour jouer les c*nnards, mais j’ai un boulot à faire et si tu m’em­pêches ou me retardes dans mon travail, si je dois tout t’ex­pliquer, si je dois te montrer comment passer une commande pour le déjeu­ner, comment deman­der l’ar­gent au groupe pour ache­ter à manger et leur rendre la monnaie correc­te­ment, pourquoi es-tu là ? Je ne peux pas t’ap­prendre ça, je suis là pour mixer un disque, tu es ici pour prendre soin du groupe qui est là quand on enre­gistre, mixe ou peu impor­te… Si tu ne comprends pas l’idée globale, tu ne peux pas faire de recall, ça ne va pas le faire. Il y a des choses de base en studio que tu te dois de connaître. Ce sont en quelque sorte des leçons de vie et si tu ne les as pas vécues, si tu n’as pas travaillé assez dur pour que je puisse t’em­bau­cher, nous ne pouvons pas conti­nuer ainsi. Parfois ça ne se voit pas tout de suite et ça rend les choses compliquées. Cepen­dant, peu importe qui j’em­bauche, cette personne doit agir en bonne intel­li­gence. Pas besoin qu’elle soit le meilleur ingé­nieur du monde – je ne l’em­bauche pas pour qu’elle soit ingé­nieur – je l’em­bauche pour qu’elle soit mon assis­tant. Et j’ap­prends à mes assis­tants comment enre­gis­trer, mixer, ce genre de choses, oui, mais ils doivent avoir un mini­mum d’ex­pé­rience de vie qui leur permet de réali­ser des tâches de base, d’ap­prendre, d’ab­sor­ber les infor­ma­tions et de se battre pour les choses qu’ils doivent faire. Là, c’est l’as­sis­tant qui parle à l’as­sis­tant. C’est un boulot très très dur. Et c’est malheu­reux que ces postes se fassent de plus en plus rares avec l’ar­ri­vée des home studios, mais je pense qu’il reste encore des oppor­tu­ni­tés pour ceux qui les veulent vrai­ment.

Si tu entre­tiens les liens avec les gens et que tu écoutes leurs conseils… Je veux dire, si tu envoies des emails à 30 ingé­nieurs avec qui tu veux travailler, tous ne te répon­dront pas, peut-être 1 seule­ment, voire 2… Et peut-être que ce gars-là te voudra comme assis­tant ! Mais je pense que c’est impor­tant de garder le contact et de faire évoluer sa carrière de n’im­porte quelle façon. Je ne réponds pas à tous les emails ; je peux tout de suite recon­naître qu’un­tel va être diffi­cile, je ne veux pas non plus qu’un mec de Tombouc­tou vienne s’ins­tal­ler en Cali­for­nie pour être mon assis­tant ; ça n’est pas le genre de choses que je recherche. Mais une fois de plus, être intro­duit là où on veut évoluer, aller aux salons de l’AES, aller aux conven­tions, rencon­trer des gens, traî­ner avec eux et faire partie du truc, de l’ex­pé­rience – je pense – est une façon d’évo­luer dans sa carrière. On peut tous ache­ter du maté­riel, on peut tous ache­ter ces équi­pe­ments mais comment allons-nous faire pour faire des disques ? Comment allons-nous faire pour passer au niveau supé­rieur ?

On doit d’abord apprendre à travailler.

Oui, on doit d’abord apprendre à comman­der les sand­wiches ! (Rires)

À la Bernard Pivot

Quel est ton meilleur souve­nir d’en­re­gis­tre­ment ?

Le premier qui me vient à l’es­prit est quand j’en­re­gis­trais « Stadium Arca­dium » pour les Red Hot Chili Peppers. Flea arrive – on avait déjà enre­gis­tré le prin­ci­pal, j’avais déjà fait pas mal de choses avec John (Frus­ciante, guita­riste, NDA), c’était d’ailleurs des années après que j’ai commencé à travailler avec John en solo – mais à ce moment précis Flea vient au studio pour refaire 2–3 parties de basse pendant quelques jours sur des titres qu’il avait déjà enre­gis­trés. À un moment, il joue un truc et il me dit : « Cool, super, on passe au suivant ! » Là je lui réponds qu’il peut faire mieux. « Quoi ?? » Il se retourne vers moi et me regarde (l’air étonné et surpris) « Vrai­ment ??! » – Oui, oui le place­ment dans le temps peut être un peu mieux je pense ! Là, il me dit : « OK, vas-y, lance la bande ! » Il écoute sa partie et me dit : « Ouais, d’ac­cord, je vois ce que tu veux dire… OK, on la refait mais si je ne la rejoue pas mieux, je vais vrai­ment être fâché après toi ! » Et là je me dis « OK… » Je me tourne vers la télé­com­mande du magnéto et je me dis : « Put*** de m***, je viens de dire à Flea qu’il pouvait la refaire mieux ! » Et je suis là, à rembo­bi­ner et à réflé­chir à ce punch qu’on est en train de faire et à ce moment-là je me dis « Pu*** !! Mais c’est cool ! je suis en train d’en­re­gis­trer mon groupe préféré et je viens juste de dire à Flea de la refaire ! » Tu sais du genre : « Hey ! je suis là ! J’ai une carrière main­te­nant !! » (Rires) « Hey maman, j’ai une carrière main­te­nant ! Je viens de dire à Flea de la refaire ! Et il a dit qu’il était OK ! » Ce moment était juste… Quand je suis rentré à la maison j’étais sur mon petit nuage, parce qu’il a refait sa partie et qu’après, il m’a dit que ça sonnait mieux ! Je ne me souviens plus de quelle chan­son ou de quelle partie il s’agis­sait – c’est sans consé­quence d’ailleurs !  – mais le simple fait que je puisse dire à Flea, qui était un de mes héros à la basse quand j’étais plus jeune : « Refais-le ! » je me suis dit « OK, j’y suis. C’est génial ! » Ce fut un grand moment pour moi.

Quel est ton pire souve­nir ?

Le pire c’est quand j’ai effacé quelque chose par acci­dent. Je ne me souviens plus de qui c’était ou de ce qui est arrivé mais j’ai effacé un truc sur une bande et je me suis dit : « Oh M*** !!! L’ai-je vrai­ment effacé ??!! » Le mec dans la cabine, derrière le micro, me dit : « OK, c’est cool, je vais le rechan­ter, ne t’en fais pas, c’est pas un problème. » J’ai cru que mon coeur allait s’ar­rê­ter. J’étais dépité ! Fran­che­ment, il a fallu que je reprenne mes esprits. Il a fallu que je la joue en mode « OK, tout va bien… » et drop­per la partie et rempla­cer ce que j’avais effacé mais je n’ar­rê­tais pas de m’ex­cu­ser. Là il me dit : « OK, n’en parlons plus. Il n’y a pas de problème. On sait que je l’ai mieux chanté de toutes façons donc ça n’est pas bien grave. » J’étais morti­fié ! (Rires) Heureu­se­ment, tout s’est bien passé et ça s’est bien fini.

Il faut que tu sois ce mec avec qui ils ont envie de passer du temps.

Avec quel artiste voudrais-tu travailler et pourquoi ?

Je fais des allers-retours avec cette ques­tion. The Police était mon groupe préféré quand j’étais tout jeune et j’ai cette idée de vouloir travailler avec l’un d’entre eux, Stewart, Sting ou Andy. Mais après je me dis que, comme ces mecs sont mes héros, je ne pour­rais pas ! Ca pour­rait casser la barrière pour moi de bosser avec eux un jour. Parce que j’ai entendu qu’ils n’étaient pas faciles ! (Rires) Mais après tout je me dis, qui sait ? Peut-être qu’un jour ça arri­ve­ra… ou pas !

Ryan Hewitt

Il y a deux personnes sinon. J’ai­me­rais bosser avec Dave Grohl ; ça serait vrai­ment cool dans une certaine mesure. Et j’ai­me­rais travailler avec Paul Weller parce que j’aime sa musique depuis que je suis môme, j’ai acheté tous les disques qu’il a faits et il a juste ce « style » où il se fout de tout, tu vois ? Il est telle­ment « effronté », il est… Telle­ment unique ! Il a cette voix, il a un super groupe et il est en total contrôle de ce qu’il fait. J’ad­mire ça en quelque sorte mais après ça me fait peur aussi parce que, si je travaille avec quelqu’un dont j’ad­mire la musique, que se passe-t-il après ? C’est un peu comme « Dans la Peau de John Malko­vitch » quand tu te retrouves dans cette posi­tion. (Rires) C’est un peu comme si tu voyais les choses à travers ces yeux qui ne sont pas les tiens et d’un seul coup tu fais un disque comme tu le ferais habi­tuel­le­ment mais est-ce que cela vien­drait inter­fé­rer avec ce que tu aimes dans ces disques juste­ment 


Pareil, j’adore les Doves mais j’écoute ces disques par plai­sir. Je les écoute dans la voiture, je les écoute à la maison sur ma chaîne et je ne les écoute pas d’un point de vue de la produc­tion. D’un seul coup, j’em­mène ces disques au studio et je me dis que certains de ces disques ne sonnent vrai­ment pas terribles ! Qu’ils sont mauvais et que je veux les faire sonner mieux que ça ! Mais ce son qu’ils ont, c’est aussi ce qui fait le charme de ces disques. Le son de Paul Weller est telle­ment… « bizarre » – parce que je ne trouve pas de meilleur adjec­tif pour le quali­fier - et le son des Doves est ce qu’il est – sur les deux premiers albums par exemple – parce qu’ils les ont enre­gis­trés eux-mêmes dans leur petit studio. Mais ils sonnent super bien ! est-ce qu’ils sonnent comme moi je les ferais sonner ? Pas du tout. je ferais quelque chose de poten­tiel­le­ment diffé­rent. Et peut-être qu’ils aime­raient ça. Peut-être que ce serait une bonne combi­nai­son, je ne sais pas. J’ai toujours un peu peur de travailler avec un groupe que j’ad­mire pour ce genre de raisons.

Tu es engagé pour faire un disque que tu aimes mais tu ne dois prendre que 5 éléments de ton setup. Qu’est ce que tu choi­sis et pourquoi ?

Je ne sais pas… C’en est une bonne ! Proba­ble­ment un 1176, parce que c’est le meilleur compres­seur jamais fait. Et… certai­ne­ment mes enceintes, mes ProAc. C’est une ques­tion diffi­cile ! J’en sais rien !! Est-ce que je dois prendre des micros ou est-ce qu’ils ont des micros là-bas ? Je ne peux pas répondre à cette ques­tion !

Des choses sans lesquelles tu ne pour­rais travailler.

Alors si je vais dans un studio, les choses que je dois avoir… Donc oui, je pren­drais mes enceintes j’ai­me­rais avoir un 1176… Je pren­drais certai­ne­ment mon Chand­ler TG-2, c’est mon préam­pli micro favo­ri… je ne sais pas, je pren­drais mon rack de séries 500, parce qu’il n’y a pas beau­coup de trucs pour faire des enre­gis­tre­ments, mais plutôt du mix. Je pren­drais mon « camion de lunch­box » comme je l’ap­pelle, parce que c’est un rack 12U avec des chas­sis de séries 500 que je me suis fait faire et il y a plein d’autres préam­plis Chand­ler, des EQ Tone­lux, des trucs comme ça… Donc ça fait 4… M***, quel micro je pren­drais avec lequel je pour­rais tout enre­gis­trer ?!…

Un 47, un 67… ?

Ouais, allez si je dois faire la liste du Père Noël, oui ! Je ne sais pas pour le 47, oui, peut-être un 47 FET, parce que tu peux enre­gis­trer plus de trucs avec et que ça sonne vrai­ment bien, tu peux faire des voix avec et tout, et…. Non !! Non, non, enlève-le ! Je pren­drais un Gefell UMT 70 parce qu’avec ça je peux enre­gis­trer vrai­ment TOUT et ça sonne super bien ! (Rires)

OK super ! Fina­le­ment, tu y es arrivé !

Ouais, pffiouu… (Rires) Cool ! C’était une ques­tion diffi­cile !

Pour finir, as-tu un « leit­mo­tiv » ou une cita­tion que tu aimes employer à propos de la musique ?

En fait mon père a plein de super cita­tions, comme un peu des « punchlines » qu’il a accu­mu­lées au fil du temps et je ne sais pas si elles sont de lui ou s’il les a volées à d’autres mais, pour moi, à la fin, si ça sonne bien, c’est que c’est bien. Peu importe comment tu y es arrivé, ce que tu as utilisé pour le faire, c’est tout ce qui compte. Le maté­riel… j’adore le maté­riel, j’en achète des tonnes et c’est complè­te­ment hypo­crite pour moi de dire ça mais ça n’est pas le plus impor­tant. Si tu as du maté­riel que tu connais et dont tu sais te servir pour obte­nir un super son… C’est le plus impor­tant. Je collec­tionne tous ces trucs, les guitares, les pédales, les claviers et ce genre de trucs. Donc oui je peux faire de meilleurs albums et j’en fais profi­ter les musi­ciens qui autre­ment ne pour­raient pas jouer sur une super Les Paul ou un super Marshall ou n’im­porte quel truc de studio que je peux bran­cher et qui m’aide à avoir un super son. Mais à la fin… Rien de tout cela n’a d’im­por­tance. Fais en sorte que ça sonne super bien ! (Rires) Ça n’est pas si diffi­cile ! Voilà ! (en français dans le texte) Fais en sorte que ça sonne !

Eh bien, ce sera le (super) mot de la fin ! Merci Ryan pour cette inter­view !

Merci de m’avoir fait venir !

Vidéo

Voici la vidéo en anglais de cette inter­view :

 

 


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