Depuis la futuriste RH450, toute droite sortie d’un film de Georges Lucas, la compagnie viking n’en finit pas de gâter la plèbe bassistique de ses attentions.
Un couple d’années plus tard, on découvre un magnifique rayon groove au catalogue du fabricant : pas moins de cinq têtes d’ampli, huit modèles d’enceintes et cinq combos. Pour une marque qui n’y touchait pas il y a dix ans, la conversion prend presque des airs de sacerdoce. Et juste pour appuyer un peu là où ça fait mal à certains, je rappelle qu’au catalogue des amplis pour guitare de la même marque, règne un silence évocateur : un vide qui pourrait faire des envieux et susciter l’incompréhension de pas mal de guitaristes, fidélisés par les effets que propose TC Electronic depuis ses origines.
Car c’est par cette petite porte que les frères Rishøj ont fait connaître l’entreprise qu’ils ont fondée en 1976. D’abord productrice de pédales d’effets puis de racks, l’activité de la compagnie s’ouvre aujourd’hui à un large panel de production : de la solution d’enregistrement studio au monitoring, des systèmes de postproduction à la régie sonore, la firme propose même des solutions digitales pour la diffusion audio.
Jusque-là, les amplis de la marque avaient marqué le marché par un parti pris novateur : un format et un poids réduits, une préamplification avec mémorisation de preset, une façade à LEDs et un design novateur. Mais pour séduire les rockeurs qui boudent parfois la nouvelle technologie, pour aimer les valeurs plus élémentaires, nos amis danois se sont forcés à présenter un système qui leur ressemble : un format et un poids conséquents, aucune LED autour des potards (dans le milieu, on dit que ça fait mauvais genre…) et un design à l’ancienne. Avec du rouge en façade pour annoncer la couleur.
Pas si élémentaire
À bien regarder ce que propose la BH500, on comprend que le minimalisme n’est pas de mise. La façade est bien chargée : un compresseur, quatre bandes d’égalisation, un accordeur intégré, un contour, un simulateur de lampes (simule un ampli tout lampe), un filtre pour les aigus et même trois mémoires disponibles pour stocker ses réglages. Pour les connectiques, toujours en façade, on a une entrée instrument (active ou passive), une entrée auxiliaire (RCA), une sortie casque et la sortie directe. À l’arrière restent l’interrupteur de mise en marche et une seule sortie HP. Pourquoi une seule sortie au lieu de deux, cela reste pour l’instant une énigme à mes yeux, ça n’était pas faute d’espace en tout cas !
Comme son nom l’indique, la tête fournit une puissance pratique de 500 watts RMS, sous quatre ohms. Parlons maintenant de l’enceinte fournie pour cet essai. Nommée BC210, elle associe deux HP Éminence de dix pouces à un tweeter de la même marque et encaisse 250W sous huit ohms. À l’arrière, deux évents de taille respectable assurent discrètement une bonne circulation de l’air. Comme disait ma grand-mère, qui slappait déjà sous le général De Gaulle, on reconnaît la puissance d’un bon caisson de basse à la taille de ses évents. Là je pense que Mamie aurait été comblée, on pourrait presque y faire passer un ballon de hand ! Le gabarit de cette enceinte est de 46 × 66 × 38cm pour un poids de 19 kilos. Celui de la tête en affiche treize à la pesée. Soit un poids total de trente-deux kilos : de quoi muscler le dos des jeunes bassistes agités qui fondent la scène Rock actuelle.
L’une et l’autre ne sont pas fabriquées au même endroit : La tête vient de Thaïlande, tandis que l’enceinte est produite en “PRC”, l’acronyme anglo-saxon pour République Populaire de Chine. La nouvelle manière de dire “Made In china” de plus en plus à la mode, allez donc savoir pourquoi… Détail important, la tête est équipée d’un rack en bois au tolex noir. Le revêtement est identique sur l’enceinte, il n’y a donc pas besoin d’investir dans un écrin protecteur pour ce matériel. Le tout est équipé de huit talons en caoutchouc, permettant de poser à loisir l’enceinte en position verticale ou à l’horizontale, il en est de même pour la tête.
De manière générale, le système inspire une confiance certaine. Les potards et autres contrôles semblent de bonne qualité et la finition est irréprochable, il y a un côté robuste dans l’image que renvoie le matos à mes regards. Si l’ensemble était un peu plus grand et qu’un Viking pouvait se poser dessus, il me ferait presque penser à un drakkar débarquant sur les plages normandes pour y piller quelques villages. Et puis ce noir légèrement brillant et ce rouge donnent envie de faire une pause à chaque répétition pour se livrer à une traditionnelle partie de lancer de hache entre potes. Tout en descendant quelques litres d’hydromel bien sûr ! On n’imagine pas le pouvoir de suggestion de certains objets, c’est épatant le rouge cardinal. Tenez par exemple : j’ai chez moi un slip de cette couleur que je mets assez rarement (oui ça rend dingue ma petite amie). Et bien croyez-moi si je vous dis qu’une fois enfilé, je me retrouve, illico presto, dans la peau de Sean Connery dans Zardoz, le film le plus déjanté de John Boorman. Voilà pour le tour du proprio ; il est temps pour moi de pourrir l’après-midi de ma voisine du dessus, sans épargner les nerfs de celle d’en dessous. Comme ça pas de jalouses !
Par le marteau de Thor !
Tel le Dieu guerrier dont le glorieux char est tiré par deux boucs, la BH500 et ses deux dix pouces trônent crânement à mes cotés. Il est temps pour moi d’y brancher mon arme de prédilection, une Precision Bass Deluxe avec un SI grave en guise de cinquième corde. Je teste toujours les amplis avec des basses passant sous le MI à vide, surtout les petits gabarits. Cela me permet de constater le plus simplement du monde l’encaissement des haut-parleurs embarqués. J’utilise cette fois-ci un micro dynamique Beyerdynamic M88 pour reprendre l’enceinte (j’ai dû rendre le Zoom H2 que j’utilisais jusque-là), le tout passant par une interface Novation. J’utiliserai aussi la sortie DI en parallèle, histoire de profiter de l’alternative et d’estomper la réverbération naturelle de mon bureau, qui faute de moyens et surtout d’agrément conjugal, n’a pas encore été aménagé en studio capitonné. Que de sacrifices accordés au salut de ma vie de couple ! Mais je sais que je ne suis pas seul dans ce dilemme qui laisse le rude choix, aux modestes artistes que nous sommes, entre la tenue d’un foyer chaleureux et la pratique innocemment envahissante de notre art. Pour la peine et puisque je suis seul à la maison cette après-midi, je jouerai encore plus fort que d’habitude ! D’abord parce que c’est épanouissant et surtout pour dire merde au leitmotiv de mes relations de voisinage, représenté hebdomadairement par une sentence que vous devez probablement connaître : « Moins fort les basses ! ».
Premier sentiment : Les 500 watts même divisés par deux font quand même trembler les murs et hérisser le poil de mon furet. C’est du costaud le matos danois (du moins de conception), ça encaisse et envoie pour des dix pouces ! Pas moyen de faire gerber le HP, pourtant les deux micros double de ma basse ont tendance à pousser la diffusion dans ses retranchements. Un truc me plaît d’emblée, c’est le grain de l’Éminence qui me rappelle les références de ma jeunesse. De nos jours, il est assez fréquent de voir les HP équipés d’aimants néodyme, je n’ai rien contre puisque je joue moi-même sur un caisson Epifani. Mais ça fait plaisir d’entendre ce grain un peu précieux, avec son caractère marqué par une petite touche d’antan pour ne pas dire Vintage. Ce qui serait un peu exagéré et je n’aime pas pousser Mémé dans les cactus ! Seconde constatation : le passage par l’égalisation, s’il est nécessaire (n’étant pas fan ici, de la traduction linéaire de mon son de basse), reste assez accessible.
Les contrôles sont pleinement efficaces, un dixième de tour valant son lot de corrections, sans être trop compliqués. Quatre bandes pour quatre potards, c’est simple et il suffit d’employer le contour à deux niveaux et le contrôle de la brillance (tweeter tone) afin de compléter ses réglages. Dans le détail, le contour se présente sous la forme d’un petit bouton et de deux LEDS. Une pression et on creuse les médiums (LED 1), on les enfonce un peu plus en pressant le bouton une seconde fois (LED 2) et on bypasse le contour en appuyant une troisième fois (tous témoins éteints). Le Tweeter Tone quant à lui se charge de pousser ou couper les fréquences extrêmes, il n’agit pas sur le volume du tweeter (il faudrait pour cela une bi-amplification et une connectique appropriée), mais en corrige la tonalité. Son effet se fait donc entendre dans le signal émanant de la sortie DI. Son action est pertinente dans le rendu, passer d’un son hi-fi à une teinte plus “à l’ancienne” se fait en un tiers de tour.
- Doigts slap reglage 100:48
- Mediator Reglage 200:28
- Slap Reglage 300:23
- Sature00:32
- Rock Reglage 500:32
Un compresseur et un accordeur sont aussi intégrés. Mon sentiment à l’égard des systèmes de compression incorporés, de manière générale, se résume en une phrase : qui veut une belle compression, se paye une bonne pédale (ou un bon rack). Pour l’occasion, je ne serai pas trop médisant sur celui qui équipe la BH500. Il fait son effet sans manger les notes et l’alignement de LEDs qui témoigne de son niveau, permet de le calibrer assez facilement. Ce qui est déjà pas mal, sans pour autant assurer de remarquables prouesses. Je resterai donc sur ma phrase. Ces LEDs sont aussi employées par l’accordeur qui coupe le volume quand on l’active. Cinq témoins allant du Si grave au Sol ; amis du Do aigu, veuillez passer votre chemin. Sur ce point rien à redire, à moins d’être à vingt mètres de son ampli ou d’avoir oublié ses lunettes dans sa housse, il est facile de s’accorder avant de jouer. Voilà une option appropriée à ceux qui n’ont pas forcément l’oreille absolue, malgré les notes qui passent inlassablement au travers. Passons maintenant au réglage de la simulation lampe, qui pour l’écrire deux fois, s’emploie prétendument à simuler à la fois un préamplificateur à lampes et son complément en puissance. Tout ça en passant par la rotation d’un unique potard, s’il vous plait Mesdames et Messieurs ! Tel un coup de baguette magique sur un gibus, annonçant l’apparition d’une 6L6 en forme de lapin et de quelques AX-7 tourterelles… Comme c’est beau la magie !
Mais la prestidigitation danoise fait-elle illusion ? Ma foi, si on n’est pas exigeant et que l’on garde une âme d’enfant, oui ça peut être plaisant pour réchauffer un son clair en poussant ses harmoniques. Ce qui, paradoxalement, est l’inverse d’un ampli tout lampes, réputé pour être linéaire (à ce sujet, vous pouvez consulter mon topo dans le dernier test SWR). Alors oui, quand on passe de 0 à 3 les graves et les médiums sont un peu plus chatoyants, au-delà de 4 ça commence à mordre sévère et à partir de 7 on sature tout à fait. Et cette distorsion n’est pas mauvaise à mon goût, bien que je ne sois pas expert en la matière. Le signal poussé dans ses extrêmes reste chaud et précis et donne sa véritable raison d’être, selon ma pomme, à la présence de ce potard : pousser les harmoniques pour teinter le grain jusqu’à le salir impunément.
J’en viens à l’option ultime de cette tête qui permet de mémoriser jusqu’à trois presets, aussi facilement que l’on met en mémoire une station sur son auto-radio. On presse longtemps sur l’un des trois boutons et tous les réglages sont enregistrés. Attention, ni le mute ni le volume général ne sont stockés. Je me suis fait un peu peur en passant d’un preset simple à un second dont le gain était à fond. Résultat des courses, à volume égal j’ai failli me retrouver décalqué sur le mur d’en face. Depuis, je pense que je fais un peu d’arythmie cardiaque… Cette mise en garde passée, je conclurai sur cette option en témoignant de sa simplicité et de son utilité toute relative au gain de temps qu’elle peut octroyer. Pour n’utiliser aucun des presets, une pression suffit à repasser sur les réglages du tableau de bord.
Le préampli est-il digital pour autant (passant par un processeur numérique ou DSP) ? Je ne saurais le dire objectivement. Je n’ai pas eu l’occasion de démonter la tête et ne trouve de réponse nulle part dans les documents techniques mis à ma disposition. Si je m’en fie à mes oreilles, le grain me paraît fortement analogique. Mais cela n’engage que mes modestes esgourdes qui ne sont que deux à l’affirmer. Le système est destiné commercialement à répondre aux attentes d’une clientèle plutôt Rock. Et je pense que les différentes tonalités que propose l’ampli-préampli, appuyées par la teinte des haut-parleurs Eminence, joueront le jeu dans cette cour. Mais l’emploi de ce stack reste ouvert à tout style de jeu, c’est assez polyvalent pour ne pas dire passe-partout. Il peut donc intéresser une majorité de types de joueurs, du bassiste énervé aux amateurs de Groove (qui ne l’oublions pas, peuvent s’incarner en un seul musicien touche-à-tout !). Quand on joue, tous les styles sont bons à prendre !
Petit détail pratique, il est possible d’utiliser la tête sans avoir à la raccorder à une enceinte. Parfois, sur certains amplis, ce jeu est dangereux pour des raisons d’impédance minimum et parce que voir une tête fumer reste un triste spectacle pour son propriétaire. Ici la chose est possible, l’étage de puissance se commute automatiquement quand on travaille au casque ou en sortant par la DI. Sympa pour le dos, quand on n’a pas besoin de repiquer son baffle au studio et que l’on s’épargne la manutention et le lumbago qui va avec.
Prix modeste
Concluons sur le tarif que je trouve fort raisonnable, les prix publics s’élevant à 299 € pour le baffle de 2×10 pouces équipé d’un tweeter et de 449 € pour la tête de 500 watts. À ce tarif, ça donnerait presque envie d’investir directement dans une seconde enceinte, en 2×12 ou en 4×10. Je suis assez séduit par les qualités du matériel pour cette somme. Cette configuration ouvre de nouveaux horizons au sein du catalogue de la marque, qui propose désormais une solution de forme plus traditionnelle à sa clientèle, tout en restant moderne dans son contenu.