Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou

Sujet Pourquoi est-il si difficile, aux classiques, de faire un chorus jazz ?

  • 134 réponses
  • 15 participants
  • 12 497 vues
  • 16 followers
Sujet de la discussion Pourquoi est-il si difficile, aux classiques, de faire un chorus jazz ?
J'ouvre ce thread suite à certaines divergences de vocabulaire et de conception mises en évidence dans ce thread sur la quinte. Il est en effet apparu que la notion de quinte, chez les classiques, est essentiellement une mesure de l'écart (7 demi tons) dans le sens montant ou descendant, dans un modèle linéaire alors que chez les jazzeux, la quinte est un intervalle dans un modèle circulaire. Je ne vais pas redire ici ce que j'ai dit là bas à propos de ce modèle. Je veux simplement réfléchir et recueillir des avis (après tout, c'est fait pour ça les forums) sur le rapport à la grille, dans les chorus de jazz des musiciens qui n'intègrent pas le modèle circulaire (c'est à dire les classiques).

Je m'explique. En jazz, à cause de ce modèle circulaire, la hauteur de la quinte ou de la tierce ou de n'importe quelle note, n'a aucune importance. Ce modèle circulaire entraine le fait que l'intervalle et la note sont d'une certaine façon confondus. Pour les classiques, la quinte est essentiellement un intervalle, alors que pour les jazzeux, c'est une note en relation avec une fondamentale.

Si la quinte (ou n'importe quelle note) est en relation avec une fondamentale, elle est donc en relation avec une tonalité. Ce rapport à la tonalité ne tient aucun compte des écarts entre les notes. Par exemple, dans un CM7, la quinte est sol. Le fait qu'il existe un écart de quinte entre la 3 et la 7, soit entre le mi et le si n'a strictement aucune importance. C'est non seulement sans importance mais c'est aussi une impasse que de s'en soucier. Pourquoi une impasse ? Parce qu'en jazz, dans la construction d'un chorus, on ne se soucie pas de la relation qu'ont les notes entre elles. On se soucie uniquement de la relation qu'elles ont à la fondamentale. Sans la connaissance de cette relation à la fondamentale (et donc à la tonalité), on ne peut construire un chorus cohérent (free jazz à part, puisque registre atonal).

Une écriture comme CM7/E (la basse est mi sur l'accord de CM7) n'implique nullement, comme le dirait un classique (très étonnant d'ailleurs) que le mi est quinte du si puisqu'il existe un intervalle de 7 demi tons entre le mi et le si et que le mi est la note la plus grave. On voit là, très clairement, le niveau d'impasse du classique (dans la construction d'un chorus de jazz) puisque, pour le jazzeux c'est clairement une erreur d'harmonie que de considérer le mi comme quinte de si. Ce n'est du reste pas la seule erreur. L'erreur est aussi de penser l'accord de CM7/E pour autre chose que ce qu'il est en réalité, à savoir simplement un CM7. En effet, le E à la basse n'a qu'une fonction de voicing sans relation avec le chorus qui pourrait se construire dessus.

Bien sûr, un chorus de jazz, c'est pas seulement une mécanique avec, pour certains, un schéma géométrique pour l'accord (surtout vrai chez les gratteux et les bassistes). C'est aussi le recherche du son et du chant mélodique. Mais ceci est un deuxième aspect qui sort un peu du cadre théorique que je veux maintenir.

Je pourrais développer plus mais je préfère attendre les réactions des personnes intéressées par ce débat, pas tant pour se taper dessus entre classiques et jazzeux (c'est clairement pas le but) mais pour essayer de clarifier certaines notions théoriques qui sont incompatibles avec la construction d'un chorus.
Afficher le sujet de la discussion
31

Citation : Si quelqu'un peut faire un petit topo sur la verticalité, l'horizontalité, je veux bien !


A mon avis, la verticalité ça doit être les accords (empilement vertical de notes jouées en même temps) et l'horizontalité, ça doit être la mélodie (notes jouées successivement, donc se déplaçant à l'horizontale).
La musique, c'est la combinaison des deux.

C'est pourquoi je suis d'accord avec (12ax7)2, on ne peut pas dire que classique=horizontal et jazz=vertical. Classique et jazz sont les deux à la fois, c'est l'approche qui diffère.
32
Je crois qu'en impro jazz, il y a une approche verticale et horizontale... :?!: Je trouve pas sur wiki !
33
Oui vertical = harmonie , horizontal = mélodie.

Attention, dans beaucoup de conservatoire on enseigne l'harmonie et l'écriture, mais ce sont des disciplines à part. Un musicien qui prend juste des cours d'instrument et de solfège n'en connait à peine l'odeur...enfin ça dépend des profs bien sûr.
En solfège on apprends les gammes, les accords, le chiffrage etc... Mais on ne les utilise pas pour de l'impro ou de la compo, juste pour des dictées et de l'analyse simple. Mais selon les prof et les conservatoire l'accent et plus ou moins porté dessus, parfois pas du tout, l'enseignement fabricant plutôt des super-déchiffreurs avec des super-oreilles. Un elève qui sort des trois cycles de solfège de conservatoire est capables de chanter en transposant une partoche inconnue, il peut aussi faire un relevé à 3 ou 4 voix en quelques écoute (a priori, une seule par voix...).


Après j'aimerai retourner un peu la question:
Pourquoi est-il si difficile, aux classiques, de faire un chorus jazz ?

Peut-être parce qu'ils écoutent peu ou pas de jazz?
Parce qu'ils n'aiment pas forcément ça?
Est-il difficile pour un jazzeux de faire une impro classique? (exemple archi connu d'impro classique: Sonate au clair de lune de Beethoven, 1er mouvement, oué oué c'est une impro...)

Raphaël Raymond, Compositeur, Arrangeur, Guitariste : http://www.raphaelraymond.fr 

34

Citation : Mais quand tu dis "le classique etc", as-tu déjà entendu des impros à l'orgue, par exemple Tierry Escaiche (et pourtant ce n'est pas vraiment mon genre de musique) ? Donc tu as dit quelque chose d'inexact par sa généralité.



Je ne connais pas. Je ne peux donc en parler. Et s'il existe des exceptions, c'est que la règle est confirmée.

Je reviendrais ultérieurement sur les impros verticales et horizontales. La, il se fait un peu tard.

Hors sujet : Jl&ric :clin:

35
A mon humble avis, ça n'est dû qu'à une éducation musicale différente :noidea: .

36
Concernant l'improvisation verticale, cela existe en jazz et est pratiquée, évidemment par des instruments polyphoniques. Cela consiste à improviser en successions d'accords. En fait, cela revient un peu à improviser dans un style multilinéaire. Les voicings en sont des expressions courantes. La densité des accords est variable ainsi que leurs étagements.

L'improvisation horizontale, c'est celle qu'on retrouve avec des instruments monodiques ou polyphoniques aussi. C'est la grille qui détermine son orientation. C'est l'improvisation la plus courante en jazz (on voit mal, par exemple, comment un sax pourrait improviser en accord).

Pour revenir à la question du thread, je n'ai évidemment pas la réponse (si tant est qu'il n'en existe qu'une) exacte concernant les raisons qui font qu'en règle générale, les classiques, y compris ceux qui ont un niveau de 3ème cycle de conservatoire, éprouvent de réelles difficultés à construire un chorus en jazz. Evidemment, le fait qu'ils n'aient jamais appris à le faire est une réponse. Le cursus de l'enseignement classique ne prévoit pas l'harmonie jazz. Cependant, il existe des classes d'improvisation. Des gens comme Didier Lockwood, par exemple, ou des musiciens de formation classique venus ensuite au jazz font des sortes de "master class" pour initier les classiques à l'improvisation.

Je joue souvent en jazz avec un trompettiste ayant une solide formation classique, très bon lecteur et ayant des notions d'harmonies plus qu'honnorables puisqu'il est capable de suivre une grille sans difficulté et connait tous ses accords. Mais son approche de l'improvisation est paradoxalement très verticale. Chaque accord, pour lui, contient un certain nombre de notes qu'il peut jouer à peu près dans n'importe quel sens. Il lui suffit donc de lire la grille en mesure et faire des gammes d'accords différentes à chaque fois qu'il rencontre un accord. Ce n'est pas une mauvaise approche de l'improvisation car elle est relativement simple et parfois de bon aloi dans le contexte tonal. Mais il est incapable de construire son chorus sans lire la grille. En effet, il n'entend pas la grille ; il la lit comme il lirait une partition. Il n'a donc pas d'approche globale de cette grille. Il ne l'intègre pas comme un ensemble cohérent. C'est, je crois, ce que veut dire (12ax7)² quand il dit que les classiques ont une perception horizontale de la musique. Je ne dirais qu'il ont une approche de lecteur. Ce trompettiste n'est pas une exception dans le genre. J'ai eu l'occasion de participer à des ateliers de musiques improvisées dans la classe jazz du conservatoire de ma région. Le prof de sax, titulaire d'un CA, homme de pupitre, avait exactement la même approche, sauf qu'il ne connaissait pas toutes les extensions possibles des accords et donc capable de faire une neuvième majeure là où elle doit être jouée mineure, une treizième mineure là où elle doit être jouée majeure... En clair, incapacité de détecter une cadence, d'associer la grille au thème (qui lui est pourtant écrit). Incapacité aussi de "chanter" la grille. Le test, c'est de sortir de la salle pendant un chorus, de revenir plus tard, et de reprendre le chorus exactement là où il faut. Sans compter, la plupart n'y arrive pas.
37
Je n'ai pas tout lu, désolé. Je rebondis donc sur cette question:

Citation : "Pourquoi est-il si difficile, aux classiques, de faire un chorus jazz ?"



Tout simplement parce que ce n'est pas leur culture, leur style, leur apprentissage. Et nous pourrions retourner aisément les choses, pourquoi les Jazzmen ne savent pas improviser une forme sonate alors que c'est monnaie courante chez les organistes. Pourquoi donc essayer de comparer ce qui ne peut l'être? L'une et l'autre de ces deux visions musicales se complètent cela ne fait aucun doute, l'histoire de la musique l'a prouvée, mais je crois que nous n'irons pas plus loin. L'un s'exprime dans un univers écrit et "savant", le second s'exprime dans l'éphémère et l'expression directe.
38

Citation : Et nous pourrions retourner aisément les choses, pourquoi les Jazzmen ne savent pas improviser une forme sonate alors que c'est monnaie courante chez les organistes.



A priori, il n'existe aucune raison qu'un jazzman soit incapable d'improviser une forme sonate. Je ne connais pas de jazzman s'étant lancé dans ce style musical mais je ne pense pas que ça puisse leur poser un problème. Des gens comme Keith Jarreth, par exemple, ne devraient pas avoir de grosses difficultés.

Citation : Pourquoi donc essayer de comparer ce qui ne peut l'être?



Il ne s'agit pas de comparer deux approches différentes de la musique. On se demande simplement ce qui, au plan théorique, empêche la plupart des classiques d'improviser en jazz. Bien sûr, il y a la culture, l'envie, la formation. Mais ce n'est pas une réponse satisfaisante. Tournons alors la question différemment : pourquoi, au plan théorique et technique, la culture et la formation classique paralyse le plus souvent un classique face à une grille de jazz alors que l'inverse (un jazzman qui jouerait une pièce classique) n'est pas vrai.
39
Je pense que Laurent Juillet a mis en avant la solution, que j'avais un peu évoqué auparavant.

Il est très difficile de sortir de son style en fait, ça ne marche pas tout le temps. Keith Jarret à sorti un album avec les variations Goldberg de Bach... C'est un excellent pianiste de jazz, mais cet album est pas terrible terrible, enfin sauf pour les jazzmen, mais ils écoutent peu de musique baroque...

Pour extrapoler un peu. Moi j'ai une manière de jouer de la guitare très rock/blues, jai un jeu assez influencé par celui de Jimmy Page. J'aime bien le swing manouche mais ça na rien à voir avec Led Zep, pourtant j'y arrive à peu près, mais j'ai l'impression de transformer complétement ma manière de jouer, ma posture, la manière d'attaquer les cordes etc...
Te serait-il facile de faire un solo de heavy-métal sérieusement? Voire même, technique à part, de pondre un bon riff et une bonne grille de métal?
Il te faudra du temps pour t'adapter, surtout si c'est un style auquel tu ne t'es jamais vraiment interessé (enfin ça je le suppose pour mon exemple hein, j'en sais rien du tout, mais on pourrait imaginer la même chose avec un morceau de techno si tu es familier du métal, bref...).
Le classique constitue un répertoire énorme, on peu passer sa vie dedant sans jamais en faire le tour et sans jamais s'en lasser, donc beaucoup de classique ne vont même pas essayer de faire du jazz, ils n'en écoute pas tellement. Il n'y a aucune imprégnation et je pense que c'est ça la principale raison.

Le jazz étant une musique très ouverte, c'est peut-être la raison qui explique que certains vont avoir plus de facilité a aller vers d'autre style que la classique qui n'en peut plus de ses 4 ou 5 siècles rempli de partition.

Je donne un autre exemple d'improvisation "classique", enfin plutôt baroque pour être précis: les clavecinistes dans la basse continue.
En musique baroque les clavecinistes possède juste une basse chiffrée, c'est à dire une clé de fa avec juste la note grave de chaque accord et le chiffrage au-dessus, mais il n'y a rien d'autre d'écrit, et pourtant ça fourmille. C'est de l'improvisation sur une grille, et même très verticale.
Alors c'est sûr que sur une telle improvisation on va préferer faire des reverences plutôt que des claquettes, m'enfin ça reste de l'impro...

Raphaël Raymond, Compositeur, Arrangeur, Guitariste : http://www.raphaelraymond.fr 

40

Citation : Tournons alors la question différemment : pourquoi, au plan théorique et technique, la culture et la formation classique paralyse le plus souvent un classique face à une grille de jazz ...



Il n'y a aucune raison théorique, juste des raisons stylistiques et culturelles. Nous utilisons tous le système tempéré.

Citation : ...alors que l'inverse (un jazzman qui jouerait une pièce classique) n'est pas vrai.



L'inverse n'est pas vrai, le son change, l'interprétation dans les canons du style change. Sauf pour ceux qui partagent la double culture bien sûr.