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Pourquoi est-il si difficile, aux classiques, de faire un chorus jazz ?

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Sujet de la discussion Pourquoi est-il si difficile, aux classiques, de faire un chorus jazz ?
J'ouvre ce thread suite à certaines divergences de vocabulaire et de conception mises en évidence dans ce thread sur la quinte. Il est en effet apparu que la notion de quinte, chez les classiques, est essentiellement une mesure de l'écart (7 demi tons) dans le sens montant ou descendant, dans un modèle linéaire alors que chez les jazzeux, la quinte est un intervalle dans un modèle circulaire. Je ne vais pas redire ici ce que j'ai dit là bas à propos de ce modèle. Je veux simplement réfléchir et recueillir des avis (après tout, c'est fait pour ça les forums) sur le rapport à la grille, dans les chorus de jazz des musiciens qui n'intègrent pas le modèle circulaire (c'est à dire les classiques).

Je m'explique. En jazz, à cause de ce modèle circulaire, la hauteur de la quinte ou de la tierce ou de n'importe quelle note, n'a aucune importance. Ce modèle circulaire entraine le fait que l'intervalle et la note sont d'une certaine façon confondus. Pour les classiques, la quinte est essentiellement un intervalle, alors que pour les jazzeux, c'est une note en relation avec une fondamentale.

Si la quinte (ou n'importe quelle note) est en relation avec une fondamentale, elle est donc en relation avec une tonalité. Ce rapport à la tonalité ne tient aucun compte des écarts entre les notes. Par exemple, dans un CM7, la quinte est sol. Le fait qu'il existe un écart de quinte entre la 3 et la 7, soit entre le mi et le si n'a strictement aucune importance. C'est non seulement sans importance mais c'est aussi une impasse que de s'en soucier. Pourquoi une impasse ? Parce qu'en jazz, dans la construction d'un chorus, on ne se soucie pas de la relation qu'ont les notes entre elles. On se soucie uniquement de la relation qu'elles ont à la fondamentale. Sans la connaissance de cette relation à la fondamentale (et donc à la tonalité), on ne peut construire un chorus cohérent (free jazz à part, puisque registre atonal).

Une écriture comme CM7/E (la basse est mi sur l'accord de CM7) n'implique nullement, comme le dirait un classique (très étonnant d'ailleurs) que le mi est quinte du si puisqu'il existe un intervalle de 7 demi tons entre le mi et le si et que le mi est la note la plus grave. On voit là, très clairement, le niveau d'impasse du classique (dans la construction d'un chorus de jazz) puisque, pour le jazzeux c'est clairement une erreur d'harmonie que de considérer le mi comme quinte de si. Ce n'est du reste pas la seule erreur. L'erreur est aussi de penser l'accord de CM7/E pour autre chose que ce qu'il est en réalité, à savoir simplement un CM7. En effet, le E à la basse n'a qu'une fonction de voicing sans relation avec le chorus qui pourrait se construire dessus.

Bien sûr, un chorus de jazz, c'est pas seulement une mécanique avec, pour certains, un schéma géométrique pour l'accord (surtout vrai chez les gratteux et les bassistes). C'est aussi le recherche du son et du chant mélodique. Mais ceci est un deuxième aspect qui sort un peu du cadre théorique que je veux maintenir.

Je pourrais développer plus mais je préfère attendre les réactions des personnes intéressées par ce débat, pas tant pour se taper dessus entre classiques et jazzeux (c'est clairement pas le but) mais pour essayer de clarifier certaines notions théoriques qui sont incompatibles avec la construction d'un chorus.
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En fait, je pense qu'il faut faire abstraction de ce qui va vraiment bien sonner dans le style de ce qui, au plan théorique, fait la différence d'approche de la musique improvisée.

C'est sans doute vrai que Keith Jarrett ne fera pas un super concertiste classique comme il est certainement vrai que je ne ferai pas un bon métalleux même si j'ai pas mal joué de hard rock dans mes jeunes années. C'est pas tellement la question, je trouve.

Il est certain que l'approche de l'improvisation est liée à l'écoute. Les musiciens qui écoutent du jazz (toutes les formes de jazz car il en existe plusieurs) vont faire des relevés de chorus (c'est, du reste, très conseillé). Ces relevés vont leur permettre, à la lumière de la théorie, de comprendre comment ceux qui savent faire du jazz le font. Je peux me tromper, mais je ne pense pas que l'on demande aux classiques de relever à l'oreille des improvisations. Je sais très bien qu'on forme leur oreille à retrouver les notes (absolues ou relatives), à écouter et reconnaître un ou plusieurs instruments... mais je ne pense pas qu'on leur propose de faire des relevés. Enfin, je peux me tromper. Certains profs peuvent parfaitement proposer ça à leurs élèves.

En clair, le jazz est une musique où l'oralité joue un rôle essentiel. C'est une musique qui s'apprend par coeur alors que, j'observe en tout cas ce qui se passe dans mon entourage de musiciens, même si je n'ai pas la prétention d'en connaître des tonnes, il est rare qu'un musicien classique se déplace au concert sans ses partitions. Parfois, elles ne sont là que pour rassurer, mais elles n'en sont pas moins absentes. En jazz, on ne porte les real book que pour jouer en jam des thèmes qui sont inconnus du musicien (et qu'il pourrait donc trouver dans le real book).

Concernant la musique modale en général, le jazz, je le rappelle, l'a largement travaillé avec des gens comme Coltrane. L'exemple de Coltrane est d'ailleurs intéressant car c'est sans doute un des musiciens qui ait fait pratiquement le tour théorique de l'harmonie en l'exploitant un max. Mais enfin, Coltrane était un monstre de technique, travaillant comme un fou et une exception.
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En fait, tu parles de ce que tu connais.


Citation : Ces relevés vont leur permettre, à la lumière de la théorie, de comprendre comment ceux qui savent faire du jazz le font. Je peux me tromper, mais je ne pense pas que l'on demande aux classiques de relever à l'oreille des improvisations. Je sais très bien qu'on forme leur oreille à retrouver les notes (absolues ou relatives), à écouter et reconnaître un ou plusieurs instruments... mais je ne pense pas qu'on leur propose de faire des relevés. Enfin, je peux me tromper.



Et tu te trompes, je te propose de faire les dictées musicales demandées aux élèves qui passent leur prix de solfège, et tu verras que la formation est tout aussi poussé qu'en Jazz.

En ce qui concerne l'harmonie, le Jazz n'a rien inventé, loin de là, d'un point de vue théorique. C'est une musique improvisée qui doit donc se baser sur une forme simple, même si l'harmonie peut-être compliquée et savante. La musique classique, est par tradition une musique écrite, et où la forme à une importance extrême. De la forme découle beaucoup de choses, de concepts, etc... Encore une fois, l'opposition ou la comparaison me semble fort difficile. Entre Schoenberg et Coltrane, il y a un monde!! Tout comme entre Bartok et Bach, tout est question de style, et une style se définie par sa "théorie". Non?
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Citation : En fait, tu parles de ce que tu connais.



C'est préférable :lol:

Citation : je te propose de faire les dictées musicales demandées aux élèves qui passent leur prix de solfège, et tu verras que la formation est tout aussi poussé qu'en Jazz.



Je ne doute pas que la formation classique soit aussi, sinon plus, poussée qu'en jazz. Je sais aussi qu'on demande aux élèves de faire des dictées musicales. Ce que je ne sais pas - mais si tu me l'affirmes, il n'y a pas de problème - c'est si on demande aux élèves de faire des relevés d'improvisation, non pas pour savoir s'ils ont une bonne oreille (en tout cas pas uniquement) mais dans le but de leur faire comprendre comment s'articule un discours improvisé. C'est certainement le cas en jazz. Est-ce le cas en classique ?

Citation : En ce qui concerne l'harmonie, le Jazz n'a rien inventé, loin de là, d'un point de vue théorique. C'est une musique improvisée qui doit donc se baser sur une forme simple, même si l'harmonie peut-être compliquée et savante. La musique classique, est par tradition une musique écrite, et où la forme à une importance extrême.



Je sais cela. Le fait, justement, que le classique soit une musique écrite est peut-être (c'est une simple supposition) un élément en défaveur de l'apprentissage de l'improvisation.
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Citation : En effet, il n'entend pas la grille ; il la lit comme il lirait une partition. Il n'a donc pas d'approche globale de cette grille.


C'est peut-être là le handicap des classiques: déchiffrer ce qui est écrit sur papier et occulter la spontanéité des jazzeux qui travaillent certes sur une grille, mais fonctionnent beaucoup plus à l'instinct que les classiques.
Il y a un monde entre jouer en temps réel et prendre tout son temps pour répéter un morceau écrit sans en changer une note.

Citation : En ce qui concerne l'harmonie, le Jazz n'a rien inventé, loin de là, d'un point de vue théorique. C'est une musique improvisée qui doit donc se baser sur une forme simple, même si l'harmonie peut-être compliquée et savante. La musique classique, est par tradition une musique écrite, et où la forme à une importance extrême. De la forme découle beaucoup de choses, de concepts, etc... Encore une fois, l'opposition ou la comparaison me semble fort difficile. Entre Schoenberg et Coltrane, il y a un monde!! Tout comme entre Bartok et Bach, tout est question de style, et une style se définie par sa "théorie". Non?


J'y vois là toute la différence entre impro et compo.
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Citation : mais dans le but de leur faire comprendre comment s'articule un discours improvisé. C'est certainement le cas en jazz. Est-ce le cas en classique ?



Sauf que si ils souvent des études classiques, c'est peut-être parce que le Jazz ne les intéresse pas au premier abord. Donc encore une fois pourquoi essayer de comparer. On tourne en rond là.
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Citation :
A priori, il n'existe aucune raison qu'un jazzman soit incapable d'improviser une forme sonate


Mais bien sûr que si ! Evidemment il pourra faire du jazz sur n'importe quel thème, mais s'il n'a pas étudié ou pratiqué le style de Schumann, il y sera aussi à l'aise qu'un mozartien dans Miles Davis :o:

Et je peux te dire qu'improviser sur du médiéval, du renaissance, ou du baroque, c'est vraiment très différent. L'aisance musicale elle s'acquiert avec la pratique des formules propres à un style. Et concernant les deux dernières époques que j'ai citées, il y a plein de traités sur la manière d'improviser (juste deux exemples : un de Ganaissi en 1535, un de Ortiz en 1553, et tant d'autres !)
Evidemment lire ça le soir avant de se coucher, ça ne suffit pas... il faut pratiquer. L'un deux (Ortiz, je crois), dit que l'acquisition de cette pratique se compare à celle de la goutte d'eau qui creuse une pierre à force de toujours tomber au même endroit...

Cette discussion est vraiment bizare, elle ferait presque penser que ceux-là même qui prétendent être versatiles ne se sont jamais aventurés en dehors de leur propre univers, parce que s'ils avaient essayé, ils auraient bien vu que ce n'est pas évident comme ça, pouf, dès le départ !
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Citation : Cette discussion est vraiment bizare, elle ferait presque penser que ceux-là même qui prétendent être versatiles ne se sont jamais aventurés en dehors de leur propre univers, parce que s'ils avaient essayé, ils auraient bien vu que ce n'est pas évident comme ça, pouf, dès le départ !



Entièrement d'accord avec cela.
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Citation : Encore une fois, l'opposition ou la comparaison me semble fort difficile. Entre Schoenberg et Coltrane, il y a un monde!! Tout comme entre Bartok et Bach, tout est question de style, et une style se définie par sa "théorie". Non?



Il n'y a, encore une fois, ni comparaison, ni opposition. Il y aurait, éventuellement, pourquoi pas, à chercher une théorie du style qui expliquerait pourquoi, l'approche musicale d'un classique ne lui permet pas d'être à l'aise sur une grille de jazz. Pour le moment, on n'a que des propositions qui tiennent effectivement au style de chacun, que l'on pourrait définir par son approche personnelle de la musique.

Un style qui privilégie l'écriture (et donc la lecture) est-il favorable au discours improvisé ? Je pose juste la question. Je pourrais poser la question autrement : Un style qui privilégie la spontanéité est-il favorable, sans une certaine connaissance théorique de l'harmonie, à l'improvisation ?

Pour certains, les connaissances théoriques sont inutiles pour l'improvisation. On donnera le cas d'un Django par exemple (il est loin d'être le seul) pour faire la preuve qu'un riche discours improvisé peut parfaitement se passer d'un grand bagage théorique. Mais on fera aussi la preuve qu'une faible bagage théorique, en général, limite considérablement la richesse du chant improvisé. Django et autres improvisateurs incultes de légende sont des exceptions. Le plus souvent, les improvisateurs reconnus de jazz ont une culture musicale énorme.

Il me semble que le meilleur résultat tient d'un compromis qui serait une sorte de créolisation de la théorie de la musique. Le thread sur la quinte a bien montré les écarts de vocabulaire. Je pense, pour ma part, qu'en dehors des questions de culture, de style ou formation musicale, il existe une redéfinition des règles de la culture classique européenne nécessaire. C'est de cette redéfinition que j'aurais aimé parler. Je crois qu'on s'est trop penché sur l'opposition ou la comparaison et on est un peu passé à côté du pb.
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Oh mince alors : en résumé il voulait nous faire dire 'que le jazz c'est vachement mieux', sauf que c'est pas le cas, c'est ça ?
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Peut-être qu'il y a un peu d'idéologie sous-jacente du genre "moins on en sait, plus on est libre"..?
Note bien que ça peut fonctionner comme ça pour certaines personnes, et pas du tout pour d'autres. Moi je n'ai jamais pu apprendre une langue avec la méthode assimil (tm), où tu trouves la deuxième personne du singulier à la page 23, et la troisème personne page 46 (je schématise à peine) - pour moi j'ai besoin d'un cadre synthétique pour m'envoler... chacun son truc.