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Interview exclusive de Vintage Software - Futur sur le retour

A quelques jours du Musikmesse de Francfort, nous avons rencontré une toute jeune société qui risque de remettre pas mal de pendules à l’heure dans le petit monde des logiciels audio. Son nom ? Vintage Software.

J’avoue qu’en lisant le premier commu­niqué de presse de la jeune entre­prise, nous étions tous plus scep­tiques les uns que les autres : une blague, un canu­lar du premier avril ? Et pour­tant, après avoir fait quelques recherches sur son fonda­teur Andrew Donald­son et reni­flé du côté de l’INPI, il ne fait aucun doute que le projet est bel et bien sérieux. Si sérieux même qu’il est large­ment subven­tionné par la chambre de l’in­dus­trie d’une part et par le minis­tère de la Recherche de l’autre.

 

Si le nom d’An­drew Donald­son ne vous dit rien, vous serez sans doute inté­ressé d’ap­prendre que ce dernier est le fils d’Ho­ward Donald­son, célèbre docteur en acous­tique et trai­te­ment du signal à l’Uni­ver­sité de Melbourne. C’est ce même Donald­son qui a mené quelques-unes des plus impor­tantes recherches sur l’au­dio au cours de ces 30 dernières années, dont une thèse sur la nature oscil­lante et vibra­tile des données numé­riques qui, bien que rele­vant de la recherche fonda­men­tale, n’en finit plus de nour­rir la recherche appliquée. Sans cette dernière, nous n’au­rions proba­ble­ment jamais pu goûter aux joies du Time Stret­ching et du Pitch Shif­ting, ni même à la correc­tion tonale avec préser­va­tion des formants. Et c’est encore sur des travaux de Donald­son que se sont appuyées les inven­tions du dithe­ring, du système cais­son de basse / satel­lite, de la convo­lu­tion et même, dans une certaine mesure, du filtre à peigne (Robert Moog comp­tait d’ailleurs parmi les admi­ra­teurs du bonhomme). Bref, un grand monsieur de l’au­dio dont l’en­ver­gure est inver­se­ment propor­tion­nelle à la popu­la­rité et qui nous a hélas quitté le 18 avril 2008 à l’âge de 94 ans.

 

Mais assez parlé du père : reve­nons au fils qui, pour­sui­vant certaines recherches d’Ho­ward sur la conser­va­tion des données numé­riques et la somma­tion du signal est parvenu à quelques décou­vertes assez sidé­rantes.

 

Des algos et des bits !

La première de ces décou­vertes, c’est que tout comme les compo­sants élec­tro­niques vieillissent et gagnent et perdent des proprié­tés au fil du temps, il en est de même pour les algo­rithmes : en gros, la façon dont sonne un algo de somma­tion ou de Time Stret­ching évolue avec le temps, de sorte qu’on peut parler d’algo Vinta­ge… Et Pro Tools 3, Cubase SX ou encore Sampli­tude 2 de ne plus sonner exac­te­ment de la même façon qu’à l’époque de leur sortie !

 

La seconde de ces décou­vertes tient à une nouvelle tech­nique d’échan­tillon­nage pour effec­tuer les trai­te­ments audio que Donnald­son nomme le ‘63+1 bit’. En vis-à-vis de la méthode  déjà connue et recon­nue d’échan­tillon­nage sur 1 bit, Donald­son propose un échan­tillon­nage sur 63 bits, le nombre impair de bits étant selon ses recherches plus à même de respec­ter l’im­per­fec­tion du signal analo­gique à numé­ri­ser. L’échan­tillon­nage de Donald­son procède ensuite à une somma­tion diffé­ren­tielle des deux méthodes qui conci­lie le meilleur des deux méthodes.

 

A la faveur de ces décou­vertes, plusieurs appli­ca­tions devraient être propo­sées par Vintage Soft­ware :

  • Le 63+1 bit bundle, dispo aux formats VST, AU, RTAS et TDM pour Mac et Windows et qui sera composé d’un plug-in à mettre en dernière posi­tion en insert de votre piste Master.
  • Le Vintage Wrap­per, une sorte d’ap­pli­ca­tion ReWire qui vous permet­tra, depuis n’im­porte quel séquen­ceur compa­tible VST / AU / RTAS / TDM, de faire tour­ner dans votre séquen­ceur habi­tuel un autre séquen­ceur Vintage comme Pro Tools 3, Cake­walk 5 ou encore Cuba­sis, le pont entre les deux séquen­ceurs utili­sant une conver­sion 63+1 bit.

Au-delà de ces deux solu­tions logi­cielles qui devraient être présen­tées la semaine prochaine sur le stand de la marque au Musik­messe (Hall P, stand 56bis), d’autres produits et services devraient arri­ver courant 2011. Même si rien n’est encore confirmé, on parle en effet d’une gamme hard­ware basée autour de l’échan­tillon­nage 63+1 bit et qui compren­drait, de ce qu’on en sait, des amplis casques, des moni­teurs de studio et peut-être même des câbles S/PDIF… Une boutique en ligne devrait aussi voir le jour pour ache­ter des séquen­ceurs et des plug-ins de 10 à 20 ans d’âge, en toute léga­lité, avec une garan­tie de pouvoir les faire tour­ner, via le Wrap­per de la marque, sur votre config récente.

 

Bref, pas mal de choses de prévues et qui méri­taient bien que nous allions, nous-mêmes, poser quelques ques­tions à Andrew Donald­son himself.

 

Rencontre avec Andrew Donald­son

AF : Comment vous est venue l’idée qu’un algo­rithme puisse évoluer dans le temps ?

AD : Lorsqu’il avait une douzaine d’an­nées, j’avais offert eJay 2 à mon fils aîné pour qu’il puisse s’ini­tier de manière ludique à la musique. Il m’avait notam­ment composé une chan­son Dance pour la fête des Pères que je garde toujours dans l’au­to­ra­dio de la voiture. Or, je suis retombé en faisant du range­ment sur son vieux PC. J’ai lancé la chan­son qui m’est alors appa­rue vrai­ment diffé­rente : notam­ment au niveau du bas médium, sur le kick et la caisse claire. J’ai d’abord pensé que le système de resti­tu­tion expliquait cette diffé­rence, mais après avoir effec­tué un nouveau bounce et l’avoir comparé avec le même morceau bouncé 15 ans plus tôt, j’ai été surpris de voir que les deux formes d’ondes et les deux spec­tro­grammes n’avaient rien à voir. De l’in­tui­tion, je devais passer à la recherche propre­ment dite et je me suis amusé à compa­rer les bounces du même projet sous les diffé­rentes versions d’un séquen­ceur. Là, j’ai su que j’avais trouvé quelque chose.

 

C’est-à-dire ?

Que ce soit avec Cake­walk, Cubase, Logic ou encore Pro Tools, à mesure que j’uti­li­sais des versions plus anciennes des softs, la partie médium semblait mieux tenue, le son plus compact, avec toute­fois des aigus un tout petit peu plus ternes, moins agres­sifs dirais-je… Dans ma démarche scien­ti­fique, j’ai voulu comprendre le phéno­mène et, même si je ne devrais pas le dire, car c’est illé­gal, j’ai fait du reverse engi­nee­ring pour accé­der au code de tous ces logi­ciels… Et là, à ma grande surprise, je me suis aperçu que le code subis­sait les outrages du temps : dans mon éditeur de texte (NDR : UltraE­dit), la colo­ra­tion syntaxique était plus pâle avec les anciennes versions sur des portions de code pour­tant iden­tiques d’une mouture à l’autre d’un séquen­ceur. Quant à l’exa­men du signal numé­rique généré par les uns et par les autres, il m’a permis de consta­ter un tasse­ment sensible des données sur les plus vieux séquen­ceurs : les données sont les mêmes, des 0 et des 1, mais pour vulga­ri­ser un peu mon obser­va­tion, disons que ces derniers sont plus conden­sés sur les vieux séquen­ceurs, ce qui explique ce côté plus compact, plus ramassé dans le son…

 

D’où l’idée de réuti­li­ser des vieux séquen­ceurs ?

Oui. Et pour cela, il fallait déve­lop­per un soft qui permette d’uti­li­ser un séquen­ceur vintage dans un séquen­ceur récent. Le projet Vintage Soft­ware était né.

 

Quelles diffi­cul­tés avez-vous rencon­trées lors de vos recherches ?

Le plus dur rési­dait dans la phase du Reverse Engi­nee­ring car, suivant les versions, on trou­vait des séquen­ceurs écrits en C++, en Borland, en Pascal et avoir des éléments de compa­rai­son objec­tifs en terme de code source était un vrai défi ! Pouvoir compa­rer les rendus audio était égale­ment assez complexe, car au-delà des instru­ments de mesure et de leurs limites, il nous fallait nous repo­ser sur le verdict plus fiable de l’oreille humaine. Pour cela, je ne remer­cie­rai jamais assez l’As­so­cia­tion des Audio­pro­philes Austra­liens Amateurs (AAAA) pour avoir mis à notre dispo­si­tion certaines des meilleures paires d’oreilles qu’on puisse trou­ver. Leur contri­bu­tion a en outre été assez déter­mi­nante dans la mise au point du système 63+1…

 

Juste­ment, dites-nous-en un peu plus à ce sujet?

Le 63+1, c’est autre chose. C’est une simple histoire de bon sens : la nature, même si elle n’est pas dépour­vue d’un certain sens de la symé­trie n’offre jamais de symé­trie parfaite. Comment donc imagi­ner traduire un signal acous­tique avec un nombre pair de bits. D’où l’idée du 63 bits, couplée à l’échan­tillon­nage 1 bit qui m’a toujours semblé plus perfor­mant. Mais nous n’en sommes encore qu’au balbu­tie­ment de ce côté, puisque nous travaillons d’ores et déjà sur des systèmes offrant une réso­lu­tion au demi-bit, voire au tiers de bit, ou encore s’aven­tu­rant vers des bits néga­tifs, des anti­bits…  Au-delà de cet aspect pure­ment mathé­ma­tique et physique, le plus saisis­sant reste l’im­pres­sion qu’on ressent à l’écoute d’une sinu­soï­dale de 400 Hz échan­tillon­née en 63+1. C’est comme si, d’un coup d’un seul, on levait un voile qui ternis­sait le son : ce qu’ont confirmé la douzaine d’au­dio­pro­philes de l’AAAA lors d’un blind test orga­nisé à l’au­di­to­rium de Melbourne. Dur en tout cas de réécou­ter un sinus à 440 à 24 bits une fois qu’on a goûté à ce même sinus en 63+1.

 

Quels sont vos projets pour la suite ?

Dans un premier temps, nous nous foca­li­sons sur l’as­pect soft­ware et audio de nos décou­vertes, mais il ne fait aucun doute que ces deux avan­cées concer­nant le trai­te­ment du signal peuvent boule­ver­ser bien d’autres domaines. Nous compa­rons actuel­le­ment les flous gaus­siens de Photo­shop 4 et de la version CS 5, et là encore, la diffé­rence est flagrante alors que les algos sont suppo­sés être les mêmes. Une diffé­rence que nous parvien­drons peut-être à modé­li­ser d’ailleurs… De son côté, le 63+1 pour­rait égale­ment appor­ter une bien plus grande préci­sion dans l’ima­ge­rie médi­cale. Bref, il y a du pain sur la planche (rires).

 

Dernière ques­tion : le prix de tout cela ?

Je ne suis qu’un univer­si­taire, pas un gourou du marke­ting et j’ai bien conscience que les musi­ciens ne sont pas des gens fortu­nés. De fait, nous avons décliné le concept du 63+1 en 15+1 et en 23+1 pour que chacun puisse accé­der à cette tech­no­lo­gie en fonc­tion de ses moyens. Selon que vous optez pour une version VST/AU/RTAS ou TDM, les prix s’éche­lon­ne­ront donc entre 239 et 1990 € pour ce qui est du 63+1 Bundle.

 

Et pour le Vintage Wrap­per ?

Là, ce sera forcé­ment un peu plus cher, car il faut amor­tir la R&D qui fut très longue et parce que nous vendons le Wrap­per avec un soft Vintage de votre choix, adapté au 63+1. En fonc­tion de l’âge de ce dernier (NDR : plus c’est vieux, et plus c’est cher), les prix pour­ront grim­per jusqu’à quelques dizaines de milliers d’eu­ros, même si vous pouvez déjà accé­der à un Sonar 5 ou un Cubase SX3 pour quelques milliers d’eu­ros à peine…

 

NOTE APRES PUBLI­CA­TION SUR LE REQUIN D’AVRIL : si vous avez le moindre doute sur la véra­cité des infor­ma­tions ci-dessus, il se peut que vous soyiez audio­phile sans forcé­ment le savoir et que poten­tiel­le­ment, vous dépen­siez des dizaines de milliers d’eu­ros dans des Iono­stats, des cordons secteur qui sonnent mieux dans l’ex­trême grave ou que vous vous deman­diez si les câbles ont un sens. Ne paniquez pas, ça peut arri­ver à n’im­porte qui, même aux gens les plus intel­li­gents. N’hé­si­tez donc pas à vous faire aider pour vous en sortir…


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