Cet article est la première partie d'un grand dossier sur la compression dynamique du son. Il constitue également une suite de tutoriaux sur Sound Forge - puisque nous utiliserons ce logiciel pour illustrer notre propos.
Avant de commencer, nous allons préciser ce que nous entendons par compression. En effet, ce terme est souvent un peu flou dans l’esprit des novices puisqu’il est employé pour des traitements totalement différents. Dans différents dossiers, nous allons donc vous parler de la compression dans les sens suivants :
- La compression dynamique du son (c’est le présent article, ainsi que la partie II disponible ici)
- La compression des données (destructive ou non)
- La compression temporelle
Dans ce premier dossier, nous allons donc nous restreindre à la compression dynamique du son.
Quelques compresseurs analogiques biens connus |
Nous allons présenter ici les compresseurs logiciels. Evitons d’emblée les polémiques consistant à dire qu’un compresseur logiciel n’arrive pas à la cheville d’un compresseur analogique. Les compresseurs analogiques et numériques (i.e. logiciels) ont souvent une finalité différente, et il ne s’agit nullement ici de comparer les compresseurs des deux mondes.
Principe de base
Définitions
1 : Crête maximale 2,3 : Crêtes secondaires 4 : Creux minimal |
Vous avez peut-être déjà entendu parler de compression dynamique du son, concept tant utilisé par nos amis ingénieurs du son. Pour bien comprendre l’essence du concept, il nous faut tout d’abord nous souvenir de certaines caractéristiques fondamentales du son.
Premièrement, il faut savoir qu’un son se caractérise physiquement par l’évolution d’une pression acoustique dans le temps (ou d’une variation électrique lorsque le son est enregistré sur un support analogique, ou encore de la variation d’un nombre lors de l’enregistrement sur un support numérique). Lorsqu’à un instant donné cette pression acoustique est maximale ou minimale, le point est appelé respectivement crête et creux.
Deuxièmement, il est nécessaire de savoir ce que signifie la dynamique. Ce terme s’utilise dans deux cas différents :
- La dynamique d’un instrument (en décibels, ou dB), ou plus généralement d’un son, correspond au niveau de la crête maximale que l’instrument est capable de générer. C’est ce que nous appellerons le niveau sonore (à différencier de la puissance sonore, expliquée plus loin).
- La dynamique d’un support d’enregistrement correspond à l’écart entre le niveau de la crête maximale que ce support peut enregistrer et le niveau correspondant à l’absence de signal en entrée du support (en pratique, ce niveau minimal correspond au bruit de fond intrinsèque au support d’enregistrement). Par exemple, si vous enregistrez un instrument sur une cassette analogique, le simple fait d’utiliser ce support vous impose d’avoir constamment un bruit de fond. Vous ne pourrez pas enregistrer un son d’un niveau plus faible que ce bruit de fond, puisque ce dernier recouvrira le signal utile. A contrario, au delà d’un certain niveau en entrée, l’enregistrement saturera, c’est à dire que les niveaux enregistrés correspondront à cette valeur maximale enregistrable par le support et non à ce qui devrait être enregistré.
Le même son que précédemment, dont on a abusivement augmenté le niveau sonore. Il apparaît alors le phénomène de saturation, visible ici par l’aplatissement radical des crêtes.
Ayant défini les deux concepts précédents, nous pouvons enfin définir le terme central de ce dossier : la compression est un outil qui abaisse la dynamique d’un son en effectuant un aplatissement des crêtes dépassant un certain seuil.
Imaginez un ingénieur du son qui écoute les musiciens jouer ; quand il entend que le son dépasse un certain niveau, il baisse le fader de volume en conséquence ; quand le volume des instruments diminue, l’ingénieur du son remonte le fader de volume. Cela peut sembler être de la science fiction, ou bien une façon imagée d’expliquer le rôle d’un compresseur. En fait, il s’agit de la façon de procéder des ingénieurs du son avant l’apparition des compresseurs ! Le compresseur automatise donc ce traitement.
Utilité de la compression
Pour comprendre plus finement l’utilité de la compression, admettons que l’on peut considérer deux aspects du son : le premier est son oscillation, état extrêmement changeant du son, qui correspond notamment aux crêtes visibles sur le vu-mètre. Le second, en rapport étroit avec le sujet qui nous intéresse, est la puissance du signal, correspondant – pour simplifier – à son niveau moyen. Or, si l’oreille est sensible au premier facteur, chose qui vous paraît évidente, elle l’est encore plus au second. En effet, deux sons peuvent très bien ne pas dépasser 0 dB sur le vu-mètre de Sound Forge et sembler avoir un niveau sonore moyen très différent.
Lorsque le son est compressé, son niveau maximal est réduit (puisque les crêtes les plus élevées ont disparu). On peut donc, comme vous l’avez certainement compris, augmenter le niveau moyen du signal en conséquence. L’outil de compression de Sound Forge est couplé avec une option appelée « Auto Gain Compensate », qui fera ce travail en augmentant le niveau général du son de telle manière que la crête maximale soit à 0 dB. Ce processus est appelé maximisation. Le niveau moyen du son en sera augmenté. Dans les schémas ci-dessous, vous voyez bien que le son de droite est plus fort, et pourtant au vu-mètre, les deux atteignent 0 dB.
Ces captures d’écran mettent en avant la différence entre dynamique et puissance du son : les crêtes maximales atteignent 0 dB dans les deux cas, mais on voit clairement que le son compressé et maximisé est en moyenne plus fort. |
Comment ce phénomène est-il possible ? Par la méthode suivante : le signal musical oscille la plupart du temps en dessous de la crête du morceau. Par exemple, imaginons que votre enregistrement de guitare dure 2 minutes et que son niveau maximal se trouve en dessous de –6 dB durant ces 2 minutes, sauf à un endroit précis où vous trouvez une crête à 0 dB. Celle-ci est très rapide et quasi inaudible. Il serait dommage que l’ensemble du morceau soit 6 décibels en dessous de ce qu’il pourrait être sans cette crête ! On va donc « écraser » (d’où le terme « compresser ») celle-ci au même niveau que les autres et augmenter globalement le niveau de la musique de 6 dB.
Conclusion : le niveau du morceau sera au final plus élevé sans que le son soit pour autant modifié de manière audible.
Caractéristiques principales de la compression
Maintenant que le principe de base de la compression dynamique du son est compris, rentrons un peu plus dans l’utilisation détaillée de cet outil. Dans Sound Forge, vous avez accès à plusieurs types de compression. Commençons par la compression dynamique la plus couramment utilisée. Pour accéder à cette fonction de compression standard (l’autre type de compression dynamique, que nous aborderons plus loin, étant la multibande), allez dans le menu « Effects > Dynamics > Graphic ». Vous devriez normalement visualiser une fenêtre telle que ci-dessous :
Le compresseur avant modification des paramètres
Le graphe, qui prend la plus grande place sur la fenêtre, montre la relation qu’il y a entre le son d’origine et le son après compression. L’axe des abscisses indique comment évolue le niveau sonore du son avant effet de compression. Sur l’axe des ordonnées, c’est le niveau de sortie (après compression) que vous pouvez voir.
Vous avez deux manières de modifier les paramètres de la compression. La plus intuitive consiste à créer des points sur le graphe et à modifier la courbe ainsi créée. Ce mode vous permet également de générer des courbes de compression discontinues, chose totalement impossible avec les compresseurs analogiques du monde réel.
Vous avez accès à quatre curseurs en dessous du graphe, dont nous allons détailler l’utilité. Comme nous l’avons dit plus tôt, la compression réagit dynamiquement selon le son. Le compresseur se met en marche à partir d’un certain niveau sonore (seuil), qui peut être réglé grâce au curseur appelé « threshold ».
L’effet dynamique de compression apparaît et disparaît en suivant une courbe prédéfinie : l’enveloppe. Cette dernière se compose d’une attaque et d’un relâchement déterminés par les curseurs « Attack » et « Release ». L’attaque correspond au temps mis par le compresseur pour commencer à être actif, et le relâchement au temps d’activité du compresseur une fois que le son d’origine repasse en dessous du seuil. Nous allons voir plus loin que ces réglages sont essentiels et doivent être déterminés en fonction de plusieurs paramètres (types d’instruments, style musical, effet recherché etc.)
Enfin, le curseur « Ratio » indique le niveau d’atténuation du compresseur lorsque le son d’origine dépasse le seuil déterminé par le curseur « threshold ». Ce facteur est, comme les précédents, extrêmement important puisque le son peut être plus ou moins dénaturé selon la valeur du ratio (un ratio élevé aura tendance à déformer davantage le son qu’un ratio faible). Par exemple, un ratio 2:1 signifie qu’une crête dépassant de 2 dB le seuil de compression ne dépassera plus que de 1 dB ce même seuil.
Voilà pour ce qui est des compresseurs « classiques », c’est à dire qui opèrent sur l’ensemble du son. Il existe cependant des compresseurs plus subtils encore, et surtout plus polyvalents, puisqu’il est possible de restreindre leur champ d’activité à une bande de fréquence spécifique. L’utilité de ce type de compresseur, dit multibande, sera explicitée plus loin, lorsque nous parlerons du mastering. Nous verrons aussi quelques réglages classiques de compression selon l’instrument et le style musical.
Cas concrets d’utilisation de la compression
De nos jours, la compression est utilisée à plusieurs niveaux, parfois de manière abusive, disons le honnêtement, notamment à cause de la course au volume sonore à laquelle participent majors et radios. Souvent, néanmoins, la compression est utilisée à bon escient. Nous allons donc voir les multiples façons d’utiliser la compression.
Compression pendant l’enregistrement
Les ingénieurs du son utilisent souvent un compresseur à l’enregistrement. Pour en expliquer la raison, prenons l’exemple de l’enregistrement d’un solo de guitare de deux minutes. Les crêtes dont nous avons parlé précédemment se situent généralement en dessous d’un certain niveau (-6 dB par exemple), mais imaginons qu’à un instant précis, un pincement un peu plus fort de la corde génère une crête à 0 dB. Le niveau général de l’enregistrement sera alors limité à cause de cette crête. En effet, le niveau maximal enregistrable par le support est de 0 dB et l’ensemble du morceau ne dépasse jamais –6 dB, mis à part à l’unique crête de 0 dB. Vous allez donc enregistrer l’ensemble du solo à un niveau relativement faible. Par conséquent, tous les éléments qui génèrent du bruit de fond après le compresseur (ex : les entrées de la table de mixage) auront un impact plus important sur le signal enregistré. Vous aurez plus de bruit de fond, et ce à cause d’une malheureuse crête unique. Si vous décidez d’augmenter la sensibilité de l’entrée de la table de mixage de 6 dB, vous aurez, à l’endroit de la crête maximale, de la saturation. Le compresseur règle le problème puisqu’il augmente le niveau sonore de 6 dB sans altérer le son de manière audible, en écrasant progressivement la crête fautive.
Rentrons plus dans le détail sur la façon d’utiliser le compresseur. Dans un premier cas, imaginons que vous vouliez enregistrer une voix sans la déformer (pour de la variété, par exemple). La compression devra alors être la plus transparente possible, c’est à dire qu’elle modifiera le son de manière quasi imperceptible. Vous devrez donc mettre le seuil le plus haut possible afin de ne compresser que les montées les plus puissantes du chanteur. L’attaque sera réglée à environ 10 ms, suffisamment rapide pour que l’effet soit déclenché à temps sans pour autant choquer. Le relâchement se situera entre 100 ms et 200 ms afin de laisser le temps à la voix de disparaître en douceur. Enfin, vous éviterez de dépasser un ratio de 2:1 afin de déformer le son au minimum.
Dans un second cas, imaginons que vous désiriez avoir une voix puissante pour un morceau de rock. Le seuil du compresseur sera alors beaucoup plus bas, ce afin de maximiser le niveau de la voix en permanence. L’attaque du son sera courte (3 à 5 ms). Le rétablissement se situera encore une fois entre 100 et 200 ms. Enfin, le taux sera relativement élevé (4:1 par exemple, mais le mieux est de tester au cas par cas).
Vous l’avez compris, les réglages dépendent non seulement de l’instrument joué, mais aussi d’autres facteurs comme le style musical, votre volonté de transformer la voix ou de respecter parfaitement le grain, etc.
Compression pendant le mixage
Les instruments sont généralement parfaitement audibles tout au long du morceau lorsqu’ils sont pris séparément. Par exemple, si la chanteuse chuchote au début du morceau puis crie comme une damnée un peu plus tard, les paroles resteront compréhensibles même lors des passages où le niveau sonore est faible. Il en est tout autrement lorsque plusieurs instruments jouent en même temps. En effet, le niveau relatif des instruments est l’un des éléments déterminants pour l’intelligibilité de chacun d’entre eux. Si votre chanteuse est accompagnée d’une guitare de rock, d’une batterie, d’une basse, d’un piano… personne ne l’entendra lorsqu’elle se contentera de chanter, et elle sera la seule entendue lorsqu’elle poussera ses cris furieux. Il est alors nécessaire d’augmenter le niveau de sa voix au début du morceau, lorsqu’elle sussure des mots doux à l’auditoire, afin d’entendre ce qu’elle dit. En revanche, lorsqu’elle crie que son amour est fini pour toujours, mieux vaut baisser le volume ! Ou, mieux, laisser le compresseur faire ce travail à votre place.
Compression au mastering
Vous avez mixé tous les morceaux de votre futur album et maintenant, vous voudriez finaliser ce dernier. A moins de faire de la musique classique, vous voudrez certainement que le niveau sonore des morceaux de votre album soit relativement homogène. Pour cela, vous allez mesurer le niveau moyen des morceaux grâce, par exemple, à l’outil de statistiques de Sound Forge, dans le menu « Tools > Statistics », ou bien, encore mieux, vous fier à votre oreille (solution que je vous suggère en priorité, puisque le volume sonore, vous l’avez compris, est quelque chose d’assez subjectif).
Le compresseur multibande intervient également à cette étape, dans un but différent du compresseur général. Il sert généralement à corriger des instruments dont l’une des harmoniques s’exprime un peu trop violemment. Si par exemple vous écoutez votre mix et que le son d’une caisse claire semble couvrir de façon exagérée les autres instruments lorsqu’elle est frappée, vous pouvez limiter son impact à l’aide d’un compresseur multibande. Pour cela, commencez par trouver la fréquence incriminée, en balayant toutes les fréquences avec un filtre passe-bande de gain élevé et de largeur minimale (pour plus d’informations sur cette technique, reportez-vous au précédent numéro, dans le tutoriel sur Sound Forge, chapitre intitulé « supprimer les fréquences parasites d’un son »). Ensuite, vous allez réduire l’action du compresseur à une bande de fréquences centrée sur la fréquence que vous désirez atténuer. Faites glisser le curseur « Center » à la fréquence que vous avez trouvée précédemment. Choisissez le type « Band Notch », ainsi qu’une attaque et un relâchement en adéquation avec l’instrument que vous voulez compresser et avec votre style musical. Si l’effet ne semble pas s’étendre sur une bande assez large, augmentez-la à l’aide du curseur « Width ». Et voilà, la caisse claire qui cinglait vos oreilles s’est un peu calmée, tout en restant présente.
Le compresseur multibande de Sound Forge permet l’utilisation de quatre compresseurs simultanément, dont le champ d’activité se réduit à chaque bande de fréquences spécifiée
Conclusion
En parlant de la compression dynamique du son, nous avons abordé un sujet relativement pointu. Pour mémoire, j’avoue ne pas avoir entendu, la première fois que j’ai utilisé un compresseur, de différence avec le signal original (je l’avais certainement mal réglé et ce n’était pas franchement un modèle haut de gamme !). Après avoir compris son fonctionnement, j’en avais abusé sur une rythmique, pour m’apercevoir après coup que le son était devenu totalement inefficace (les basses avaient disparu). Je conseille donc à tous ceux et celles qui décident d’utiliser cet outil de prendre les précautions nécessaires, de tâtonner, d’écouter le résultat, de suivre les conseils d’ingés son et de tout faire dans la subtilité. Souvent, une bonne compression est une compression qui ne s’entend pas.
Mais rassurez-vous, vous n’êtes pas encore lâchés à vous-mêmes, car nous continuerons de parler de la compression dynamique du son dans le prochain numéro, au travers de cas concrets cette fois-ci, en utilisant les outils logiciels comme Sound Forge et certains plug-ins, fichiers audio à l’appui.