Si vous êtes amoureux du son qui pleure, nostalgique des premiers Walkmans ou simplement allergique à la pimpante et froide perfection de l'audio numérisé, le banc d'essai du jour est pour vous. Comme son nom l'indique, le petit dernier de Wavesfactory est un plug-in destiné à recréer la pâte sonore si particulière de nos bonnes vieilles cassettes audio enregistrées et lues au travers de machines très éloignées des standards HiFis. Êtes-vous prêts pour une petite virée à bord d'une DeLorean ? Accrochez vos ceintures, c'est parti !
Back to the future
Disponible aux formats VST 2/3, AU et AAX pour Mac et Windows 64 bits, Cassette s’installe et s’autorise le plus simplement du monde grâce à un numéro de série. À l’ouverture, l’interface graphique photoréaliste avec l’animation de la cassette fait son petit effet, d’autant plus lorsqu’on découvre que cette superbe GUI est entièrement redimensionnable de façon continue. De plus, la cassette virtuelle arbore fièrement le nom de la piste sur laquelle est glissé le plug-in, et ce, sans aucune manipulation de l’utilisateur. C’est peut-être un détail insignifiant d’un point de vue sonore, mais j’avoue qu’en matière d’ergonomie, j’y ai pris goût très rapidement.
Bien, passons à présent du côté audio de la force. Au centre de l’interface, nous avons accès à quatre simulations de K7 audio (types I, II, III et IV). Juste en dessous, trois switches permettent de sélectionner différents modèles de lecteurs/enregistreurs : « Pro » est modélisé à partir d’un Portastudio Tascam 414, « Micro » simule un dictaphone Omega Recorder-20 et « Home » est le fruit d’une hybridation entre les deux modèles précédents. Bien entendu, le choix de telle ou telle cassette avec tel ou tel lecteur se répercute sur le son obtenu à plusieurs niveaux : réponse en fréquences, saturation, compression, bruit de fond, artefacts, etc. Afin de doser l’impact de l’empreinte sonore, l’utilisateur dispose des réglages principaux suivants :
- Input : règle le gain en entrée. Un plus haut niveau entraîne plus de compression, plus de saturation, un haut du spectre atténué et moins de bruit de fond alors qu’une baisse du niveau engendre logiquement l’effet inverse. Notez que ce gain a la bonne idée d’être automatiquement compensé, ce qui facilite grandement la vie !
- Output : gère le niveau en sortie du plug-in.
- Erasures : simule l’usure de la cassette audio à force de réenregistrer par-dessus.
- Spread : permet de régler la largeur stéréo du rendu.
- Stability : dose globalement le pleurage et le scintillement.
- Static noise : nivelle la quantité de bruit de fond.
- Dynamic noise : règle le niveau de bruit stéréo également connu sous le terme « asperity ». Ce dernier est dynamique, car il varie en fonction du contenu fréquentiel de la piste traitée.
- Artifacts : permet de doser globalement l’état de dégradation de la bande.
Rien qu’avec ça, il y a déjà de quoi joliment salir n’importe quelle source sonore en un tournemain. Le développeur majorquin aurait donc largement pu s’en tenir là, mais que nenni ! Un clic de souris sur l’icône en forme de roue dentée située en haut à droite de l’interface graphique ouvre le panneau des réglages avancés où nous attendent d’autres joyeusetés pas piqués des hannetons.
La partie supérieure gauche du panneau permet tout d’abord d’activer ou désactiver certaines caractéristiques du traitement : réponse en fréquences, saturation, compression. C’est diablement pratique à l’usage puisque l’utilisateur peut ne conserver que les éléments de la pâte sonore qui l’intéressent. C’est également ici que s’activent l’oversampling et la très agréable fonction « noise automute » qui coupe le bruit de fond lorsqu’aucun signal n’est présent en entrée du plug-in.
Le quart supérieur droit donne accès à des paramètres de gestion en profondeur des effets de pleurage et scintillement (Wow & Flutter). Il s’agit en fait de l’arrière-cuisine du potard Stability présent sur la « face avant » du plug-in.
Dans le même ordre d’idée, nous avons droit juste en dessous aux réglages avancés de dégradation de la bande magnétique virtuelle qui se gère de façon globale avec le potentiomètre Artifacts vu précédemment. Notez la présence du paramètre « Random Snap » qui simule l’effet produit lorsque la bande magnétique reste collée l’espace d’un instant, ce qui entraîne une baisse rapide de hauteur tonale suivie d’un retour à la normale tout aussi véloce. Le rendu de cette option est particulièrement réaliste, mais son caractère aléatoire peut s’avérer gênant dans certains cas avec l’apparition de l’effet à un moment inopportun. Il aurait été intéressant à mon humble avis d’offrir en sus un bouton virtuel permettant à l’utilisateur de déclencher l’effet quand bon lui semble, avec éventuellement une option pour synchroniser la vitesse de variation de pitch au tempo. Si monsieur Wavesfactory passe par là, cela pourrait être une bonne idée pour une future mise à jour, non ?
Pour finir, le quart inférieur gauche du panneau des réglages avancés permet de :
- gérer le niveau de diaphonie (Crosstalk) ;
- triturer l’angle des têtes de lecture (Azimuth) ;
- doser le phénomène d’intermodulation ;
- simuler la mise en série de plusieurs instances du plug-in (jusqu’à 4) pour obtenir une empreinte sonore encore plus marquée (Re-cassette) ;
- régler la balance entre le signal source et le signal traité pour un effet sauce chorus / flanger (Mix).
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Cassette ne fait pas les choses à moitié ; d’autant que tous les paramètres sont automatisables ! J’ai cependant quelques remarques à faire, comme vous devez vous en douter…
Tout d’abord, il n’y a pas de fonction de comparaison A/B. Je souligne très souvent ce détail lors de mes bancs d’essai tant cette fonction est pratique. Pourtant, de nombreux développeurs font encore l’impasse sur ce point et c’est bien dommage. Ensuite, Cassette n’est bizarrement pas doté d’un bouton de bypass. Il est bien entendu possible d’utiliser le bypass de votre STAN, mais selon le séquenceur que vous utilisez, cela peut engendrer des clics audio pour le moins disgracieux. C’est d’autant plus ennuyeux sur un plug-in tel que celui-ci puisqu’il est courant d’automatiser le bypass afin d’utiliser la bête en guise d’effet spécial sur un passage précis d’un morceau. Fort heureusement, la majorité des STAN modernes gèrent mieux qu’avant cette problématique et je n’ai d’ailleurs personnellement rencontré aucun souci avec ma DAW de prédilection, à savoir Reaper. De plus, mon petit doigt m’a dit qu’un bouton de bypass pourrait voir le jour sous peu à la faveur d’une mise à jour…
Enfin, voici quelques fonctions absentes qui ne sont pas à proprement parler des manques, mais qui collent parfaitement avec l’esprit de ce joujou et qui seraient donc des atouts non négligeables selon moi. Par exemple, une fonction « Tape Start / Stop » synchronisable au tempo serait fort sympathique et en parfait accord avec le thème « K7 LoFi » du plug-in. Des boutons de lecture, pause, stop, retour arrière et avance rapide seraient également les bienvenus, un peu comme sur l’excellent instrument virtuel freeware Old Tape Drums du même éditeur ou bien encore son très inspirant Old Tape Piano. D’autres modèles d’enregistreurs / lecteurs du même acabit que ceux déjà présents ne seraient pas non plus de refus. Qui a dit Fostex ?
Cela étant, ne boudons pas notre plaisir et concluons ce tour d’horizon avec le menu principal accessible via le dernier bouton en haut à gauche de l’interface. Ce dernier donne accès à l’excellent manuel que je vous conseille de lire attentivement si vous n’êtes pas allergiques à la langue de Shakespeare tant il est instructif au-delà de la simple compréhension du fonctionnement de la bête. C’est également par ce menu que l’utilisateur peut désactiver l’animation de la cassette afin d’économiser quelques ressources CPU au besoin. À ce propos, Cassette est plutôt raisonnable puisqu’il ne consomme que 0,3% de CPU avec une latence nulle sans oversampling et 0,5% pour 60 samples de latence avec oversampling sur ma machine de guerre (Mac Pro fin 2013 Hexacoeur Xeon 3,5 GHz – 32 Go DDR3). Dernier détail de taille, ce menu permet de vérifier la disponibilité de mises à jour ; sauf qu’en sus, une fonction « Auto-Updater » signale directement sur l’interface principale la sortie d’une mise à jour par l’entremise d’une icône jaune particulièrement voyante et permet d’installer celle-ci en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, à condition que votre ordinateur soit connecté à internet, cela va sans dire. C’est simple et efficace, chapeau bas !
Sur ce, voyons à présent ce que la bestiole a réellement dans le ventre…
Forward to the past
Pour commencer cette séance d’écoute, voici ce que donnent les différentes combinaisons cassettes / lecteurs avec automation du gain d’entrée de façon à bien mettre en évidence le grain sonore poussé à l’extrême :
- 01_Organ_dry00:25
- 02_Organ_I-Home00:25
- 03_Organ_I-Micro00:25
- 04_Organ_I-Pro00:25
- 05_Organ_II-Home00:25
- 06_Organ_II-Micro00:25
- 07_Organ_II-Pro00:25
- 08_Organ_III-Home00:25
- 09_Organ_III-Micro00:25
- 10_Organ_III-Pro00:25
- 11_Organ_IV-Home00:25
- 12_Organ_IV-Micro00:25
- 13_Organ_IV-Pro00:25
Bien entendu, le rendu est ici loin d’être musical, ce n’était pas le but de la manoeuvre. Voici donc trois exemples de ce même son d’orgue avec des réglages beaucoup plus plaisants :
- 14_Organ_Oldie00:25
- 15_Organ_Unstable00:25
- 16_Organ_ChorusLike00:25
Utilisons l’engin pour salir une ligne de basse avec un supplément de bruit de fond juste histoire de :
- 17_Bass_dry00:12
- 18_Bass_I-Home00:12
- 19_Bass_I-Micro00:12
- 20_Bass_I-Pro00:12
Voyons à présent ce que nous pouvons obtenir sur un Hi-Hat provenant d’une boîte à rythmes LinnDrum :
- 21_HiHat_dry00:17
- 22_HiHat_wet00:17
Sur le premier extrait, la rythmique est pour le moins mécanique. Avec une instance de Cassette, avouez que le rendu est tout de suite un peu plus vivant, n’est-ce pas ?
Essayons donc de voir ce que cela donne sur une rythmique complète :
- 23_Linn_dry00:17
- 24_Linn_wet00:17
- 25_Linn_wet-verb00:17
- 26_Linn_Erasure-1400:17
- 27_Linn_Erasure-2000:17
- 28_Linn_Erasure-9_Re-400:17
Le premier extrait se résume au son pur et dur de la boîte à rythmes. Pour le deuxième, une instance est utilisée sur le HiHat et les cymbales comme précédemment, une autre instance donne un poil plus de corps à la caisse claire tandis qu’une troisième placée sur le bus vient lier le tout. Avec un peu de réverbération sur le troisième exemple, nous voilà instantanément transportés dans les années 80. Pour les derniers samples, j’ai joué avec les paramètres « Erasures » et « Re-cassette » afin d’appuyer encore plus le trait. Nostalgie, quand tu nous tiens !
Enchainons avec l’utilisation de l’engin dans le contexte d’un mix :
- 29_Nonetheless_dry00:26
- 30_Nonetheless_Feary-Movement00:26
- 31_Nonetheless_Gtr00:26
- 32_Nonetheless_Vox00:26
Comme d’habitude, le premier extrait n’est autre que le signal source dans son plus simple appareil. Pour le deuxième, une instance de Cassette est utilisée sur le bus de la boucle de guitares aiguës tournant dans le fond de façon à lui imprimer une certaine sensation de mouvement. Le troisième extrait met à l’oeuvre une autre instance sur le bus des guitares rythmiques pour un rendu proche du flanger. Enfin, une dernière instance travaille ma voix sur le quatrième exemple, histoire de la colorer légèrement. Comme quoi, il est possible d’utiliser ce genre de joujou sans tomber dans l’effet caricatural.
Puisqu’on en parle, terminons cette session par une utilisation sauce « cliché » sur un break :
- 33_So Pretty_dry00:35
- 34_So Pretty_wet00:35
Ici, l’effet vintage joue à merveille en imprimant une jolie couleur surannée au break tout en renforçant l’impact sonore de la reprise. Simple et diablement efficace.
Bien, il est grand temps de conclure…
Nom de Zeus !
Pour un aficionado des effets du genre comme je le suis, Cassette est une véritable réussite. Facile d’utilisation, il est doté d’une très forte personnalité évocatrice et joue à merveille le rôle de curseur de contraste sonore. De plus, ses fonctionnalités inédites comme l’activation/désactivation de certaines composantes de la signature audio ou bien encore les paramètres « Erasures » et « Re-cassette » le rendent beaucoup plus malléable que la concurrence. Du coup, en petit enfant gâté que je suis, j’en voudrais bien évidemment plus. Or, il se trouve qu’un éminent membre de la communauté Audiofanzine ayant participé au développement de la bête m’a laissé entendre que Wavesfactory avait déjà un certain nombre de nouveautés en préparation… Inutile de vous dire que je les attends avec impatience ! D’ici là, je vous invite à télécharger la version d’évaluation de ce plug-in on ne peut plus addictif, vous m’en direz des nouvelles !