Fabricant historique de guitares et de basses, l’allemand Framus tente de renouer avec son lustre d’antan depuis sa renaissance en 1995 sous l’égide de Warwick. Parmi les instruments du catalogue actuel de la marque, une guitare en particulier se distingue grâce à ses courbes affriolantes : l’Idolmaker. Nous avons passé au crible l’une des dernières itérations de ce séduisant modèle.
Au nom du père
Fondé en 1946, Framus va rapidement s’imposer comme l’un des plus gros fabricants européens d’instruments. Il faut dire que les années 50 et surtout les années 60 voient petit à petit la démocratisation des guitares solid body, propulsées par la fulgurante ascension des Beatles. Framus mise donc sur ce type d’instrument, investit dans des équipements ultramodernes pour l’époque, et s’entoure d’artistes allant de Bill Lawrence à Bill Wyman (bassiste des Rolling Stones), en passant par Attila Zoller et John Lennon.
Dans les années 50, la firme est capable de produire plus de 2 000 instruments par mois et prend même pour slogan « Known all over the world » (connue dans le monde entier) le temps d’une campagne publicitaire. La marque continue de se développer et emploie plus de 300 personnes à la fin des années 60. Pourtant, le fabricant négocie mal le tournant des années 70 et finit par déposer le bilan. Framus n’est plus.
Quelques années plus tard, un certain Hans-Peter Wilfer crée la marque Warwick. Du haut de ses 24 ans, le bonhomme maitrise déjà parfaitement le business des instruments de musique. Rien d’étonnant à cela, Hans-Peter a passé son enfance dans l’usine de son papa, fondateur de… Framus ! En 1995, fort d’une solide réputation, Warwick fait renaître la marque du paternel en se concentrant cette fois-ci exclusivement sur les guitares électriques et acoustiques. La boucle était enfin bouclée.
Triumvirat
Retour en 2017 ! Le catalogue actuel de Framus est divisé en trois séries distinctes. Nous avons ainsi la gamme Custom Shop Masterbuilt, le haut du panier fabriqué à la main en Allemagne, la gamme Pro Series Teambuilt et ses instruments produits dans la même usine, mais en série, et enfin la gamme Dragon Series Standard dont les instruments sont réalisés en Chine.
Le modèle Idolmaker qui nous intéresse aujourd’hui est proposé dans des versions Custom Shop et Pro Series. Notre choix s’est porté sur cette dernière, plus accessible. Voici ses caractéristiques :
- Table en érable flammé
- Corps en acajou
- Manche collé en érable
- Diapason de 24,75" (628 mm)
- Sillet GraphTech Black Tusq de 1,7"
- Touche en ébène tigré, radius de 12", 22 frettes jumbo avec traitement IFT, incrustations ovales
- Mécaniques bloquantes GraphTech Ratio Locking
- Un micro Seymour Duncan SH1 en position manche, un micro Seymour Duncan SH4 en position chevalet
- Un contrôle de volume, un contrôle de tonalité avec Push/Pull (Split), sélecteur à 3 positions
- Chevalet Tonepros Tune-O-Matic
- Accastillage chromé
- Finition : vernis polyuréthane couleur Nirvana Black Transparent
- Prix TTC : 2 520 euros
Notons qu’une autre version Pro Series de l’Idolmaker embarquant trois micros simples à la place des deux humbuckers est commercialisée, l’Idolmaker 5’R.
Ma benz
L’Idolmaker Pro Series est livrée dans une housse de la marque Rockbag (il s’agit de la division accessoires de Warwick). Au regard du tarif de la guitare, il est décevant de ne pas recevoir un flight case, mais nuançons ce constat puisque la housse modèle Starline est bien matelassée, lourde, et d’une remarquable solidité. C’est clairement un modèle haut de gamme, mais l’on perd tout de même en élégance (et certainement en protection) si l’on compare à un flight case.
Une fois sortie de son écrin, la guitare est resplendissante. Quelle gueule, mais quelle gueule ! L’instrument évoque évidemment les grands classiques Offset comme la Jazzmaster ou surtout la Firebird, mais avec des courbes plus voluptueuses et rondes. La table en érable flammé ne recouvre pas intégralement le corps en acajou et laisse donc apparentes des formes « d’ailes » de chaque côté de la guitare. De plus, la finition laquée et les striures de la table contrastent parfaitement avec l’acajou satiné, et le tout est très élégant. Différentes couleurs existent, mais toutes ne sont pas de très bon goût, alors que le Nirvana Black Transparent de notre modèle reste d’une grande sobriété et fait son effet. Enfin, la touche ajoute encore un peu de caractère à cette guitare : le bois n’est pas homogène et présente de jolies nuances naturelles.
Vous l’aurez compris, nous avons affaire à une guitare esthétiquement sublime. Un élément vient toutefois quelque peu noircir le tableau : la tête ! Elle est toute petite, et jure avec le reste de l’instrument en déséquilibrant l’ensemble. Nous avons également trouvé quelques traces de colle au niveau de la jonction corps/manche. C’est dommage, car les autres finitions sont tout simplement impeccables. Ce n’est donc pas un sans-faute, mais le look de l’Idolmaker est indubitablement un de ses grands atouts.
Côté confort, la guitare s’apparente beaucoup aux instruments de Gibson. Tout d’abord, elle est assez lourde. Certes moins qu’une Les Paul, mais bien plus que beaucoup de guitares. Assis, son format offset oblige à se déporter un peu sur la gauche. La position n’est pas très naturelle et peut donc fatiguer dans un premier temps, mais c’est probablement une question d’habitude. De plus, l’arrière de la guitare penche un peu à cause du poids. Encore une fois, on pense à la Les Paul même si le corps de l’Idolmaker est beaucoup plus fin et ergonomique. La table et le dos satiné de l’instrument sont en effet légèrement bombés, et épousent assez bien le corps. On regrettera quand même l’absence d’échancrure notamment au niveau de la corne supérieure où repose la poitrine. Debout, l’instrument est équilibré et ne nécessite aucun effort particulier.
Le manche est lui aussi très inspiré du style Gibson. Plutôt large et épais, il n’en reste pas moins extrêmement jouable. L’arrière satiné et l’incrustation des frettes offrent un glissé remarquable, et l’on parcourt le manche avec une grande aisance. C’est donc une réussite qui ravira les détracteurs de profils trop fins tout en restant accessible à de nombreuses mains.
En ce qui concerne l’accastillage, nous avons trouvé les mécaniques bloquantes un peu trop sensibles. Nous aurions aimé plus de résistance et un ratio un peu plus important. Toutefois, les Graphtech Ratio Locking ont pour originalité d’être chacune adaptées à l’épaisseur de la corde à laquelle elles sont dédiées, ce qui permet d’harmoniser le nombre de tours nécessaires avec chacune des clefs pour obtenir un ton ou un demi-ton en moins par exemple. Dans les faits, on sent effectivement une petite différence, et la tenue d’accord est bonne. Toujours concernant l’accastillage, le potard de tonalité est très efficace, homogène sur l’ensemble de la course et donc utile pour modifier son son suivant ses goûts. Quant au contrôle de volume, il agit trop vite : à peine baissé, le volume est réduit drastiquement. C’est dommage, car c’est un peu trop brusque pour par exemple obtenir un joli effet de trémolo avec le potard.
Enfin, ajoutons que Framus fait montre d’un véritable souci du détail avec une petite trappe qui s’ouvre très facilement au dos de la guitare pour accéder à l’électronique.
Maître Splitter
Il est temps d’écouter l’Idolmaker. Les sons clairs ont été enregistrés avec un ampli Fender '65 Twin Reverb combiné à un simulateur de HP Two Notes Torpedo VB-101. Le tout rentre dans une carte son Steinberg UR22. Pour les exemples sonores saturés, nous avons ajouté à cette configuration la pédale BB Preamp de Xotic Effects.
- 1 Clean Micro manche 01:32
- 2 Clean Micro manche splitté 01:26
- 3 Clean Position intermédiaire 01:16
- 4 Clean Position intermédiaire splittée 01:08
- 5 Clean Micro chevalet 01:30
- 6 Clean Micro chevalet splitté 00:54
- 7 Saturé (gain 1 4) Micro manche 00:52
- 8 Saturé (gain 1 4) Micro manche splitté 01:08
- 9 Saturé (gain 1 2) Position intermédiaire 01:10
- 10 Saturé (gain 1 2) Position intermédiaire splittée 00:48
- 11 Saturé (gain Full) Micro chevalet 00:58
- 12 Saturé (gain Full) Micro chevalet splitté 00:36
Quelles que soient les conditions, les micros Seymour Duncan restent clairs, pêchus, et les notes bien distinctes même avec de la saturation. De plus, ils sont relativement polyvalents en étant capables « d’envoyer », mais aussi d’être plus subtils grâce à l’excellente réponse à la dynamique. Le niveau de sortie reste toutefois raisonnable, et ils ne sont clairement pas taillés pour le métal.
Le micro manche est très rond, chaud, et fait la part belle aux basses, alors que le micro aigu offre évidemment plus de tranchant sans être non plus dans un registre très claquant ou brillant. La position intermédiaire est très utile puisqu’elle se caractérise par un parfait compromis entre les graves omniprésents du micro manche et les notes bien distinctes que l’on obtient avec le micro chevalet. Nous ne sommes pas toujours conquis par les positions intermédiaires, mais c’est le cas cette fois-ci.
Le fait de « splitter » les micros ne permet pas vraiment d’avoir le même rendu qu’avec des micros simples. On perd un peu du moelleux d’un micro manche de Stratocaster par exemple. À l’inverse, on retrouve le côté claquant des single coils, notamment avec le micro chevalet qui ne propose pas originellement ce type de sonorités. Enfin, la position intermédiaire une fois splittée permet d’avoir ce grain compressé et soyeux typique des positions intermédiaires d’une Strat.
Conclusion
L’Idolmaker Pro Series Teambuilt est une bien belle guitare. Elle a un look d’enfer, sa jouabilité est excellente, et les micros sont bons et polyvalents tant que vous ne versez pas dans le métal.
L’instrument n’est pas pour autant exempt de défauts, mais ils restent mineurs : les mécaniques sont un peu trop sensibles, l’on trouve quelques traces de colle, le potard de volume n’est pas assez progressif, et splitter des micros ne donnera jamais le même résultat qu’avec des micros simples (mais est-ce réellement le but ?).
Le principal frein pour un éventuel achat de cette Framus est en réalité son prix de 2 520 €. Si on le compare à certains de ses concurrents, ce positionnement tarifaire n’est pas aberrant pour un instrument de cette qualité et fabriqué en Allemagne. Mais Framus ne jouissant pas de la même aura que certains fabricants mythiques, peut-il se permettre un tel alignement ? D’autant plus que beaucoup de ces grandes marques y vont fort sur les prix et sont vivement critiquées.
Quoi qu’il en soit, les arguments sont nombreux pour tomber amoureux de l’Idolmaker — il suffit de la regarder — et quand on aime, on ne compte pas.