Laissez-moi vous présenter LUFS Meter, un petit plug-in rudement malin qui pourrait bien faciliter la vie à tous ceux qui prennent la "Loudness War" au sérieux. Et j'ose espérer que vous êtes nombreux dans ce cas après tout le mal qu'Audiofanzine se donne pour vous sensibiliser sur le sujet…
Présentation
Disponible aux formats AAX, AU, VST, VST 3 en 32 et 64 bits pour Mac et PC, LUFS Meter est le premier plug-in de l’éditeur suisse Klangfreund. L’installation et l’autorisation (jusqu’à 3 ordinateurs simultanés) n’étant qu’une simple formalité, rentrons directement dans le vif du sujet. Comme son nom le laisse supposer, LUFS Meter permet avant tout de visualiser le niveau sonore de vos enregistrements via l’unité LUFS (Loudness Units Full Scale). Cette unité de mesure basée sur le niveau sonore réellement perçu est devenue depuis quelque temps d’une importance capitale, non seulement pour le Broadcast, mais également pour la musique en soi puisque les principaux acteurs du streaming musical s’y mettent petit à petit. Pour plus d’informations sur le sujet, je vous renvoie vers ce chapitre de l’excellent dossier sur la « Loudness War » réalisé par mon confrère Sleepless.
Pour en revenir au sujet du jour, l’interface du plug-in affiche les valeurs suivantes via un bargraphe :
- Integrated loudness (I) : mesure globale de la sonie depuis le début de la lecture ou depuis la dernière remise à zéro via le bouton Reset ;
- Loudness range (LRA) : plage dynamique du signal, toujours depuis le début de la lecture ou depuis la dernière remise à zéro ;
- Short-term loudness (S) : sonie sur les trois dernières secondes ;
- Momentary loudness (M) : sonie sur les 400 dernières millisecondes.
À cela s’ajoute une mesure True Peak du signal en dBFS avec une précision de deux décimales après la virgule ainsi qu’un graphique affichant l’évolution de toutes ces valeurs au cours du temps. Notez que de base, cet historique travaille sur les 20 dernières secondes, mais qu’il est possible de personnaliser cette fenêtre temporelle dans les préférences du plug-in (de 4 secondes à 4 heures !). L’ensemble est on ne peut plus clair et fonctionnel, d’autant que l’interface est redimensionnable à loisir et qu’il est possible de personnaliser l’affichage (couleurs et tailles des différentes zones) toujours via les préférences du plug-in qui sont accessibles d’un clic sur la petite clé à molette située en haut à gauche. Bien entendu, il est possible de sauvegarder les préférences en presets de façon à pouvoir passer rapidement d’un affichage à un autre selon les situations.
Un seul regret à signaler à ce stade, le plug-in n’est pas livré avec un manuel d’utilisation. J’ai eu beau chercher, pas de trace d’un quelconque PDF… Heureusement, une aide contextuelle débrayable (bouton « Help » en bas à gauche) affiche l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour utiliser la bête lors du survol des différentes zones du plug-in.
Tout cela est bien joli, mais il n’y a pour l’instant pas de quoi casser trois pattes à un canard. Ce type de plug-in existe déjà et le LUFS Meter ne semble pas apporter de réelle nouveauté le démarquant de la concurrence. Et pourtant…
Le petit plus…
Dans le cadre d’un mixage, après l’inévitable phase de « Gain Staging », certains ingénieurs du son aiment réaliser un prémix rapide en jouant simplement sur les niveaux afin de savoir où ils vont. Il y en a même qui poussent le vice jusqu’à appliquer concrètement les variations de gain ainsi obtenues directement sur les pistes afin d’avoir ce prémix avec tous les faders à zéro et ainsi profiter d’une meilleure résolution de faders lors du mixage à proprement parler. En effet, l’échelle des faders n’est pas linéaire comme vous vous en êtes sans doute déjà aperçu, et la zone autour du gain unitaire est bien entendu celle offrant la meilleure précision, d’où l’intérêt de la manoeuvre.
Pourquoi diable évoquer cette technique dans ce banc d’essai ? Tout simplement parce que LUFS Meter se propose de réaliser cette étape automatiquement ! Et la chose est vraiment d’une simplicité enfantine. Il suffit de placer une instance du plug-in sur la piste souhaitée, de lancer la lecture de bout en bout, de choisir un niveau LUFS cible, puis de cliquer sur le bouton « adjust to » et le tour est joué. LUFS Meter réglera alors le gain de la piste en fonction des mesures effectuées pour atteindre le niveau cible sans que vous n’ayez à toucher au fader de la piste. La beauté de la chose, c’est qu’il est possible de synchroniser les fonctions « reset » et « adjust to » entre plusieurs instances du plug-in. Il suffit alors d’insérer LUFS Meter avec le niveau cible souhaité et la fonction « sync » activée sur chacune des pistes de votre mix, de lire le morceau dans son intégralité, puis de cliquer sur un seul bouton « adjust to » et paf ! voilà votre prémix plié en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Pour mieux comprendre, voici une vidéo en anglais expliquant la chose :
J’ai bien entendu testé la manoeuvre en long, en large et en travers. Il faut bien avouer que le résultat est assez bluffant, jugez plutôt :
- 01 Firethief dry 01:10
- 02 Firethief wet 01:10
Le premier extrait se résume au titre avec tous les faders au gain unitaire une fois l’étape de « Gain Staging » effectuée, et bien sûr sans aucune égalisation ou compression. Sur le second, une instance du LUFS Meter sur chacune des pistes a servi à établir le prémix avec un niveau cible fixé à –23 LUFS. Notez que les niveaux « Master » des deux extraits ont été fixé à –16 LUFS, toujours grâce au plug-in, afin de pouvoir les comparer à volume perçu égal. Plutôt convaincant, non ? En tout cas, personnellement je trouve qu’il s’agit d’une très bonne base pour attaquer le mixage.
Voyons ce que cela donne sur un morceau un peu plus chargé…
- 03 Whatsoever dry 00:49
- 04 Whatsoever wet 00:49
De nouveau, le résultat semble plus que probant, d’autant que l’opération n’a pris qu’une paire de minutes alors qu’il m’en aurait bien fallu une quinzaine pour faire ça à la main. Quelques remarques cependant. Cette fois-ci, le niveau cible était de –30 LUFS pour toutes les pistes à l’exception de la voix qui est à –23 LUFS car j’aime bien attaquer mes mixages avec le chant au-devant de la scène.
D’autre part, je tiens à préciser un petit détail quant à l’utilisation du plug-in. Gardez bien à l’esprit qu’après coup, lors du mixage, il vous faudra insérer les traitements (EQ, compresseur, etc. ) avant le LUFS Meter, sinon vous n’attaquerez pas ces derniers avec la bonne structure de gain.
Alors, que reprocher à ce plug-in ? Pas grand-chose en vérité. Toutefois, l’accès à la fonction de synchronisation me paraît peu pratique. En effet, il faut farfouiller dans l’un des onglets des préférences pour l’activer. Un bouton dédié directement sur l’interface m’aurait semblé plus judicieux. D’autre part, il manque à mon goût une fonction de bypass global permettant de court-circuiter toutes les instances synchronisées afin de pouvoir juger rapidement l’impact du plug-in. Heureusement, mon petit doigt m’a dit que l’éditeur planchait sur la question.
Concernant la consommation en ressources, le LUFS Meter est assez versatile. Sur ma machine (Mac Pro fin 2013 Hexacoeur Xeon 3,5 GHz), une instance consomme environ 0.12% lorsqu’un signal est présent – même s’il s’agit d’un silence total – mais monte à 0.47% sur les passages « vides »… Il est possible de réduire considérablement la consommation en désactivant l’affichage de la valeur True Peak pour tomber à 0.04%. Et vous pouvez même descendre encore plus bas et atteindre 0.01% en mettant l’affichage en pause via le bouton idoine.
Pour finir, une petite astuce que le développeur m’a gentiment soufflée à l’oreille. Outre l’utilité de la fonction « adjust to » et de la synchro pour le prémix, il se trouve que cela peut également servir à juger la pertinence d’un traitement à volume égal perçu, ce qui est fort pratique. Pour ce faire, il suffit de dupliquer la piste concernée, d’insérer sur chacune des deux pistes une instance du plug-in, et de les synchroniser entre elles avec le même niveau cible. Traitez maintenant l’une des pistes, mais évidemment pas l’autre. Une fois cela fait, lancez la lecture, cliquez sur « adjust to » et vous pouvez alors comparer les deux pistes sans être influencé par les éventuels changements de volume perçu. Pas mal, non ?
Addendum du 09/12/15
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Conclusion
Pour une première, il faut reconnaître que Klangfreund réussit un joli coup avec ce plug-in utilitaire qui m’a définitivement séduit. Certes, il ne paye pas de mine de prime abord, mais, sur la longueur, il peut faire gagner beaucoup de temps tout en aidant à lutter contre la Loudness War. Notez que l’éditeur propose deux types de licence : la complète à 59$ HT (49$ pour le lancement) et la « Discounted » à un prix très abordable (24$ HT / 19$ pour le lancement) mais avec quelques fonctions en moins comme la synchro limitée à 6 instances maximum, l’absence du True Peak, etc. Comme d’habitude, je vous invite à juger la bestiole par vous-même en téléchargeant la version d’évaluation.
Téléchargez les extraits sonores (format FLAC)