Après un Echorec virtuel sorti en avril dernier, la jeune société grenobloise Pulsar Audio nous présente une émulation logicielle d'un célèbre compresseur variable-mu. Sachant que les cerveaux cachés derrière la marque ont fait leurs armes chez des pointures comme Arturia, Eiosis ou bien encore Slate Digital, il y a vraiment de quoi attiser la curiosité ! Voyons donc ce que la bête a dans le ventre…
Mu-tation
Sobrement baptisé Mu, le nouveau plug-in signé Pulsar Audio est donc un compresseur / limiteur fonctionnant selon une architecture à lampes « variable-mu ». Pour des questions de licence, l’éditeur ne cite pas directement le nom de la machine hardware dont il s’est inspiré, mais un simple coup d’oeil à l’interface graphique photo-réaliste de l’engin ne laisse pas trop de doute à ce sujet : il s’agit très certainement du fameux Manley Variable Mu, un joujou pas si courant dans le monde virtuel.
À ce stade du banc d’essai, il me semble opportun d’évoquer sans détour un point qui risque de faire grincer les dents de certains… L’utilisation de ce plug-in passe obligatoirement par la case iLok avec au choix le dongle physique ou l’option iLok Cloud qui, comme son nom l’indique, nécessite une connexion internet. Quant à l’autorisation iLok liée à votre bécane, Pulsar Audio a fait le choix de ne pas proposer cette option, dommage…
Bref, hormis ce petit « détail », sachez que l’installation de la bestiole est un jeu d’enfant sur Mac comme sur PC (formats VST 2/3, AU et AAX). Autre bonne nouvelle, l’éditeur a pris la peine de nous pondre un manuel utilisateur en français librement accessible depuis leur site, chose suffisamment rare pour être saluée. D’ailleurs, cela va me permettre de faire l’impasse sur une description exhaustive des paramètres disponibles pour mieux me concentrer sur les options qui distinguent ce beau bébé de la concurrence.
Pour commencer, Mu est doté d’une fonction Undo / Redo pas piquée des hannetons puisqu’un clic droit sur les boutons idoines affiche l’historique d’annulation. Simple et diablement efficace. Autres options appréciables : la comparaison A / B, des bulles d’aide débrayables afin de rappeler à l’utilisateur qui fait quoi rapidement, ainsi que des presets avec entre parenthèses la réduction de gain conseillée. Ce dernier détail est certes moins évolué que la fonction Sound Design Tips d’Arturia, mais ça a tout de même le mérite d’être là. Caché dans un menu accessible via le dernier bouton situé dans le coin supérieur droit de l’interface, les options d’oversampling (jusqu’à x8) permettent de s’affranchir des éventuels problèmes d’aliasing moyennant une consommation CPU accrue : sur ma machine (Mac Pro fin 2013 Hexacoeur Xeon 3,5 GHz – 32 Go DDR3) cela donne 0,4% sans oversampling, 0,9% @ x2, 1,8% @ x4 et 3,6% @ x8, ce qui ne me paraît pas exagéré étant donné le rendu, mais nous verrons cela tout à l’heure. Notez que rien n’indique l’activation de l’oversampling sur l’interface graphique et qu’il faut donc aller vérifier cela dans le menu, ce qui peut s’avérer fatigant à la longue…
Puisque nous y sommes, continuons avec les indicateurs visuels. Outre les classiques VU-mètres virtuels indiquant la réduction de gain, Mu propose de basculer en un clic de souris vers une interface de visualisation plus moderne, et donc plus précise, qui affiche une courbe de la réduction de gain en fonction du temps ainsi que trois bargraphes pour le niveau d’entrée, la réduction de gain et le niveau de sortie avec en sus les valeurs chiffrées. Cette option est vraiment très intéressante, mais il y a un hic… En effet, l’interface graphique du plug-in n’est pas redimensionnable. Or, sur un écran HD, Retina & Co, l’affichage moderne est beaucoup trop petit pour être lisible. C’est vraiment regrettable tant l’idée est séduisante à la base. Croisons les doigts pour qu’une mise à jour vienne rectifier le tir !
Sachez d’ailleurs que ce n’est pas totalement illusoire d’espérer cela puisque l’équipe grenobloise semble à l’écoute de ses clients. J’en veux pour preuve la récente version 1.0.4 qui apporte la compensation du niveau d’entrée par le niveau de sortie lorsque l’utilisateur manie le potard « Dual Input » tout en maintenant la touche Shift du clavier enfoncée, chose qui n’était pas possible à la sortie du plug-in et que bon nombre d’utilisateurs réclamaient. Bon, il y a tout de même à mon sens encore un défaut à cet égard puisque la plage disponible pour le niveau de sortie n’est pas suffisante pour totalement compenser l’amplitude disponible en entrée : +32 dB alors que la sortie n’offre que –24 dB. Cela étant, il faut saluer l’initiative qui constitue un premier pas dans la bonne direction et qui souligne une belle ouverture d’esprit de la part des développeurs.
En parlant de plage de réglage, il me semble qu’un autre paramètre du Mu pêche en la matière : le Threshold, ou seuil en français. Il faut savoir qu’il est impossible de choisir le niveau de référence relatif au fonctionnement optimal de la bête. Ce dernier est fixe et il est logiquement réglé sur un niveau étudié pour une utilisation sur des bus étant donné ses origines. Cependant, il est tout de même intéressant d’appliquer l’engin sur des instruments isolés et il faut bien avouer que dans ce cas, on se retrouve bien souvent bloqué par le réglage de seuil qui ne descend pas suffisamment. C’est somme toute logique puisque sur ce compresseur / limiteur, le Threshold influence également le ratio. Plutôt que d’offrir une plus grande plage de réglage, il serait peut-être plus utile de permettre à l’utilisateur de toucher au calibrage. J’en vois déjà certains qui se disent : « Mais il suffit de booster le signal en entrée avec le Dual Input ! » Sauf que cette solution ne me semble pas entièrement satisfaisante, car ce paramètre ajoute également de la distorsion harmonique et que ce n’est pas forcément ce que l’on souhaite. Rien de rédhibitoire ici toutefois, un bête plug-in de gain placé en amont du Mu en guise de « clean boost » remédiera vite fait bien fait à cela. Il aurait tout de même été agréable de pouvoir se passer d’un tel subterfuge, ça n’aurait absolument pas trahi l’esprit de la modélisation, d’autant que Pulsar Audio ne s’est par ailleurs pas gêné pour intégrer de nombreuses fonctions absentes de l’appareil hardware dont ils se sont inspirés, comme nous allons encore le voir…
Par ses origines, Mu est un compresseur / limiteur stéréo disposant d’un switch « Link Sidechain » qui lui permet d’opérer en Dual Mono. La bonne nouvelle, c’est que les Grenoblois ont pris la peine de lui ajouter un mode de fonctionnement M/S ma foi fort bienvenu. Notez également l’ajout d’un potard « Mix » permettant de doser la balance entre le signal source et le signal traité, un classique malheureusement pas toujours présent encore de nos jours.
Les plus attentifs d’entre vous auront certainement relevé la présence d’un switch baptisé « Link Controls ». Comme son nom le laisse supposer, ce dernier permet de lier les réglages des canaux gauche / droit ou mid / side entre eux. Petite subtilité, cette liaison est relative, à savoir que si vous avez déjà des réglages différents pour chaque canal et que vous activez ce switch, vos prochaines modifications conserveront la différence relative préexistante entre les paramètres liés. Ça n’a l’air de rien dit comme ça, mais je vous assure que c’est fichtrement agréable à l’usage. Seul bémol, cette fonction « Link Controls » n’est pas respectée lors d’une automation ou d’un pilotage via un contrôleur MIDI. Je dois avouer qu’en grand adepte des surfaces de contrôle, ce bémol me chagrine énormément.
Finissons par la section Sidechain qui réserve, elle aussi, son lot de raffinements. Outre la possibilité d’utiliser un signal externe pour déclencher le traitement, Mu offre dans cette section un potentiomètre « Look ahead / behind » permettant de retarder ou d’avancer le déclenchement de la compression dans le temps. Ce réglage s’avère fort intéressant tant il rend l’engin plus polyvalent. Bien sûr, une telle fonction implique un coût en termes de latence de traitement (entre 240 et 368 samples) et il aurait été intéressant de pouvoir la débrayer, comme c’est le cas chez certains concurrents, afin d’obtenir une latence nulle indispensable à une utilisation « live ».
Vient ensuite un égaliseur du signal sidechain (avec un passe-haut, un filtre paramétrique en cloche et un filtre high-shelf) qui permettra de rendre plus ou moins sensible le plug-in à certaines zones du spectre. Dommage qu’il n’y ait pas un bouton d’activation / désactivation global pour cet EQ, cela aurait facilité le jugement de la pertinence des réglages.
Enfin, l’utilisateur se consolera avec la section « Listen » diablement complète qui offre la possibilité de basculer l’écoute entre la sortie du plug-in, le signal Sidechain, le canal gauche (ou mid) et le canal droit (ou side). L’adepte des surfaces de contrôle que je suis déplore toutefois que cette superbe section ne soit pas accessible par MIDI…
Mais qu’importe tout cela puisqu’il est grand temps à présent de passer à une séance d’écoute qui vous permettra de juger des qualités sonores de ce Pulsar Audio Mu !
Mu-muse
Commençons par évacuer la question de l’aliasing. Pour ce faire voici ce que donne Mu sur un signal test constitué d’une sinusoïde balayant l’ensemble du spectre, gare à vos oreilles car ce genre d’exercices n’a rien de musical :
- 01_Sine Sweep_dry00:21
- 02_Sine Sweep_oversampling off00:21
- 03_Sine Sweep_oversampling x200:21
- 04_Sine Sweep_oversampling x400:21
- 05_Sine Sweep_oversampling x800:21
Le premier extrait se résume à la source en guise de référence. Sur le deuxième, le gain en entrée du plug-in (Dual Input) est poussé à son maximum et l’oversampling n’est pas activé. Dans un premier temps, vous pouvez entendre l’ajout subtil de distorsion harmonique, puis le phénomène d’aliasing lorsque la sinusoïde arrive dans le haut du spectre. L’expérience a ensuite été reproduite avec l’oversampling activé (fois 2, 4 et 8). Comme vous pouvez le constater, il faut déjà des oreilles dignes d’une chauve-souris pour capter l’aliasing avec un facteur 2, alors que dire du facteur 8 ! Tout ça est bien joli, mais est-ce vraiment utile en situation musicale ? Voyons ça sur une ligne de basse :
- 06_Bass_dry00:12
- 07_Bass_Drive00:12
- 08_Bass_Drive_oversampling00:12
- 09_Bass_Control00:12
Comme toujours, le premier sample est là en guise de référence. Pour les deux suivants, le Dual Input est poussé à son maximum, d’abord sans oversampling, puis avec (facteur 8). Une oreille particulièrement affutée remarquera une légère différence au niveau des attaques, mais certainement pas de quoi transfigurer le son une fois plongé dans un mix. Moralité, en situation de mix sur des sources pas trop complexes, inutile de dilapider des ressources processeur pour cela ; préférez économiser ces dernières pour le traitement des bus (instruments ou master). Notez au passage la belle couleur apportée par la distorsion harmonique qui donne ici au son un regain de caractère sans pour autant l’engluer totalement. Pour le dernier exemple, j’ai juste utilisé une instance du Pulsar Mu de façon à mieux tenir les rênes de cette ligne de basse. Comme d’habitude, j’ai pris soin de mettre les extraits au même volume sonore perçu afin de ne pas tromper votre cerveau. Or, il faut tout de même souligner que la ligne de basse ainsi traitée tape à quasiment moins 3 dB en dessous du signal original ! Intéressant, non ?
Passons à présent aux choses sérieuses avec une batterie :
- 10_OH_dry00:33
- 11_OH_Levee_dry00:33
- 12_OH_Levee_wet00:33
- 13_Drums_dry00:33
- 14_Drums_Levee_dry00:33
- 15_Drums_Levee_wet00:33
Étant donné que le premier plug-in de la marque est une modélisation du Binson Echorec, je n’ai pu résister à l’envie de verser dans un son « zeppelinien »… Le premier exemple se limite au signal nu des overheads de ma batterie virtuelle. Le deuxième se voit affublé de l’Echorec virtuel signé Pulsar Audio. Sur le troisième, une instance du Mu travaille dur pour donner un peu plus de poids au rendu. Remarquez au passage que cet extrait a un niveau crête inférieur de 2,3 dB par rapport au précédent. Le quatrième sample présente la batterie dans son ensemble sans aucun effet ou traitement. Le cinquième voit les overheads passer sous l’ombre du Zeppelin. Enfin, le dernier utilise une instance supplémentaire de l’objet de notre test de façon à donner un peu plus de cohésion sonore à l’ensemble : c’est le fameux effet « glue ».
Voyons maintenant ce qu’il est possible de faire sur un bus master :
- 16_So Pretty_Wider_dry00:26
- 17_So Pretty_Wider_wet00:26
Ici, Mu travaille gentiment en mode M/S afin de renforcer en toute transparence la largeur stéréo du mix, et ce, sans pour autant augmenter le niveau crête. Diablement efficace !
Pour finir, essayons la bestiole en contexte à différents niveaux d’un même mixage :
- 18_Nonetheless-instru_dry00:27
- 19_Nonetheless-instru_wet00:27
- 20_Nonetheless-vox_dry00:27
- 21_Nonetheless-vox_wet00:27
- 22_Nonetheless-buss_Glue00:27
- 23_Nonetheless-buss_Punchy00:27
- 24_Nonetheless-buss_Crunchy00:27
Le premier extrait se résume à la version instrumentale dans son plus simple appareil. Sur le deuxième, une instance du plug-in est utilisée sur le bus des guitares électriques pour leur donner un peu plus de consistance et ainsi mieux les asseoir dans le mix.
L’exemple suivant se dote de ma voix sans aucune forme de traitement dynamique. C’est alors que Mu rentre en scène afin de tendrement calmer les crêtes de mes cordes vocales, ce qui permet de placer la ligne de chant au premier plan du mix sans qu’elle ne ressorte trop en avant ou qu’elle ne parte trop en arrière lors des écarts d’intensité.
Pour les trois derniers extraits, une instance du plug-in est utilisée sur le bus master avec en premier lieu un réglage pour renforcer la sensation de cohésion du titre ; puis une alternative un poil plus pêchue ; et enfin un réglage sensiblement plus haut en couleur. Notez que dans tous les cas, l’esprit du mixage est toujours respecté malgré un traitement de la dynamique plus ou moins conséquent. Que demande le Peuple ?
Nous pourrions multiplier encore longtemps les exemples sonores tant le dernier né de Pulsar Audio a à offrir, mais ce banc d’essai commence à être suffisamment long me semble-t-il. Si vous souhaitez en entendre plus, je vous invite à jeter une oreille aux extraits présentés sur la page produit de l’éditeur. Ces derniers sont particulièrement bien faits et ils ont le mérite d’être mis en parallèle avec les mêmes samples traités non seulement par la machine hardware originale, mais également par des produits concurrents, ce qui est particulièrement intéressant.
É-Mu
À la relecture du premier paragraphe de ce test, je dois reconnaître que j’ai peut-être été un peu dur avec ce joujou. Mais que voulez-vous, qui aime bien châtie bien ! Au final, les qualités sonores du Mu de Pulsar Audio emportent tout sur leur passage. Certes, certains détails ergonomiques sont grandement améliorables et quelques mises à jour bien senties pourraient rendre ce sublime outil encore plus fantastique. Ceci étant, en l’état, Mu se place déjà à la hauteur des meilleurs compresseurs / limiteurs variable-mu virtuels du marché actuel. Alors si vous n’êtes pas allergiques au système d’autorisation, je vous invite très fortement à télécharger la version de démonstration pour vous faire votre propre avis sur la bête… Mais ne tardez pas trop, car avec son tarif de lancement de 49 € jusqu’au 24 octobre prochain, Mu est tout simplement un « no brainer » !
P.-S. : Messieurs Pulsar, après les mises à jour, que diriez-vous de plancher sur un petit Massive Passive ? Je dis ça, je dis rien…