Lancée en 2017, la série Gem d'Overloud rassemble des plug-ins basés sur des machines hardwares légendaires. Si certaines de ces bestioles semblent d'emblée pertinentes, car peu représentées dans le monde virtuel (Dopanmine, Sculptube, etc.), d'autres ont tellement été copiées ad nauseam avec plus ou moins de succès depuis l'avènement de l'audionumérique (qui a dit 1176 ?) qu'il paraît logique de s'interroger quant à l'utilité de la démarche. Le benjamin de la gamme tombant dans cette dernière catégorie, nous allons donc voir ce qu'il en est sur-le-champ !
LA Confidential
Baptisé Comp LA, l’objet de notre test du jour regroupe au sein d’un même plug-in deux modélisations de compresseurs optiques signés Teletronix : le LA-2A et le LA-3A. Si le premier est depuis belle lurette un classique du monde virtuel, son petit frère à transistors est en revanche beaucoup moins répandu. De plus, pouvoir basculer de l’un à l’autre d’un simple clic de souris s’avère diablement agréable à l’usage. Bref, c’est un premier bon point qui distingue avantageusement le joujou de l’éditeur italien de la concurrence.
Commençons notre tour d’horizon avec la barre de menu. De gauche à droite, nous avons tout d’abord un bouton « Power » permettant de bypasser le plug-in, des flèches pour naviguer rapidement d’un preset à l’autre, un menu déroulant pour accéder à l’ensemble des presets, les classiques switches de sauvegarde « Save » et « Save as », les fonctions de comparaison A/B et un Undo/Redo multiniveaux. Le dernier bouton donne accès à plusieurs options : l’affichage du manuel, la gestion de l’autorisation, l’amusante fonction « Scribble » permettant de coller un bout de gaffer virtuel sur l’interface afin d’écrire un commentaire et pour finir, les préférences. Celles-ci permettent à l’utilisateur de calibrer le VU-mètre (-8, –14, –18 et –21 dBFS), de choisir le mode d’oversampling (Off, Standard et Ultra) ainsi que d’activer ou non des demandes de confirmation lors des changements ou écrasements de preset. Seule absence notable, une fonction de redimensionnement de l’interface graphique, mais tout ici est tellement clair et efficace que ce n’est absolument pas un problème.
Passons à présent au coeur de la bête. Sans surprise, le milieu de l’interface graphique photoréaliste donne accès aux réglages habituellement présents pour chacun des membres de la famille des « Leveling Amplifier » de Teletronix : le switch « Compress/Limit » pour un ratio plus ou moins élevé, le rotatif « Gain » pour récupérer du niveau en sortie et le potard « Peak Reduction » permettant de gérer le niveau de compression. Planté en plein centre, le VU-mètre affiche au choix le niveau d’entrée, de sortie, de réduction de gain ou bien encore le niveau de distorsion harmonique ajouté par le traitement. Cette dernière option est un ajout fort bienvenu, surtout compte tenu des autres joyeusetés présentes dans la partie inférieure du plug-in…
Il y a pour commencer le switch pour basculer du compresseur optique à lampes LA-2A à son petit frère à transistors LA-3A. Nous en avons déjà parlé : simple et bigrement pratique. Autre ajout par rapport aux modèles hardwares, le potard « Parallel » permet d’appliquer la fameuse technique de compression parallèle. Mine de rien, ce n’est pas forcément monnaie courante sur les LA-xA virtuels concurrents. Le potentiomètre « LF Sens » est, pour sa part, un filtre passe-haut pour le circuit de détection qui permet donc de rendre le compresseur moins sensible au bas du spectre, un peu comme le faisait le réglage R37 de pré-emphase sur le LA-2A original. De prime abord, ce paramètre est assez déroutant car sa course ne semble absolument pas linéaire et l’absence de véritables valeurs chiffrées en Hertz n’aide pas à la chose. Cela dit, une oreille avertie retrouvera ses petits très vite.
Viennent ensuite les paramètres ajoutés par Overloud qui font toute la différence selon moi ! Tout d’abord, les potards « In Level » et « Out Level » qui offrent tous deux une plage de +/- 15 dB de gain « propre », c’est-à-dire sans aucune modification du signal autre que le changement de niveau. Sur des modélisations de compresseurs « vintages » tels que ceux-ci où il n’y a, de fait, pas de paramètre dédié au niveau seuil, la présence de ces potentiomètres devrait être obligatoire tant ils sont utiles. Avec tous les autres produits concurrents, je suis très souvent obligé d’utiliser un plug-in de gestion de gain en amont et en aval afin d’obtenir le même résultat. Rendez-vous compte de la souplesse que cela donne ici. Seule ombre au tableau, il n’y a pas de fonction « Link » permettant de compenser automatiquement le maniement de l’un par un mouvement inverse de l’autre. Mais ne boudons pas notre plaisir, rien que pour la présence de ces deux potentiomètres, mille mercis Overloud !
Autre joyeuseté, le réglage « Harmonics » permet de finement doser la quantité de distorsion harmonique ajoutée par le traitement. Il est possible de la faire varier de façon continue entre aucun ajout (Linear) jusqu’à une distorsion harmonique outrancière (Dist), en passant par le comportement normal de la bête (Original). Allié à l’option du VU-mètre affichant le niveau de distorsion harmonique, c’est un outil de choix pour colorer le signal audio.
Pour finir, l’éditeur italien a doté ce diabolique engin d’une fonction de traitement Mid/Side. Lorsque ce switch est enclenché, un deuxième rack virtuel apparaît sous le premier et il est alors possible de traiter les canaux Mid et Side différemment. Cerise sur le gâteau, il est possible d’écouter le signal Mid ou le signal Side en solo grâce à un petit bouton « S » apparaissant lors du survol des potards « Peak Reduction ». Je n’aurais pas forcément pensé au LA-2A ou au LA-3A pour du traitement M/S, mais comme nous le verrons tout à l’heure avec les exemples sonores, force est de constater que cela fonctionne terriblement bien. Seul bémol, il aurait pu être intéressant d’ajouter également un mode de traitement « Dual Mono » calqué sur le même principe.
Avant de passer à une séance d’écoute afin de juger la bête sur pièce, prenons un instant pour évoquer quelques détails technico-techniques. Sachez que ce Comp LA est proposé aux formats VST 2/3, AU et AAX pour Mac et Windows 32 et 64 bits, que l’installation n’est qu’une simple formalité et que l’autorisation via numéro de série s’effectue en un clin d’oeil. Encore une fois, merci Overloud. Niveau consommation en ressources sur ma machine de guerre (Mac Pro fin 2013 Hexacoeur Xeon 3,5 GHz – 32 Go DDR3), une instance grignote à peine 0,1% de CPU avec une latence nulle sans oversampling. Avec l’oversampling « Standard », cela passe à 0,2% pour 3 samples de latence et en « Ultra », j’obtiens 0,3% pour 4 samples de latence. Bref, l’engin est plus que raisonnable. Voyons à présent pour quel rendu sonore…
LA Women
Je vous propose d’attaquer cette session avec une ligne de basse :
- 01_Bass_dry00:11
- 02_Bass_2A-000:11
- 03_Bass_3A-000:11
- 04_Bass_2A-5000:11
- 05_Bass_3A-5000:11
- 06_Bass_2A-10000:11
- 07_Bass_3A-10000:11
- 08_Bass_2A-Ultra00:11
- 09_Bass_3A-Ultra00:11
Ici, pas de compression à proprement parler, j’ai juste fait mumuse avec le potard Harmonics afin de mettre en évidence le caractère sonore de la distorsion harmonique propre à chacun des deux modèles. Notez que pour les extraits « Ultra », j’ai utilisé les réglages de niveaux d’entrée et de sortie pour attaquer le plug-in encore plus fort de façon à mettre toujours plus en lumière la coloration propre à chacune des modélisations et, avec de tels niveaux, la compression entre tout de même en oeuvre malgré un « Peak Reduction » au plus bas. Bien entendu, ce genre de réglage est un tantinet exagéré, mais cela montre bien le caractère de chacun de ces joujoux : les lampes bien sales et très médiums du LA-2A face aux transistors plus sages avec l’accent mis sur le bas et le haut du spectre du LA-3A.
J’aime tellement ce type de compression sur la basse que je ne peux résister à vous en redonner une bonne louche pour la route :
- 10_Tiger Bass_dry00:50
- 11_Tiger Bass_2A-Comp GR-500:50
- 12_Tiger Bass_3A-Comp GR-500:50
- 13_Tiger Bass_2A-Lim GR-1000:50
- 14_Tiger Bass_3A-Lim GR-1000:50
- 15_Tiger Bass_Trash-2A00:50
- 16_Tiger Bass_Trash-3A00:50
Le premier extrait présente la ligne de basse dans son plus simple appareil. Notez que cette dernière commence tout en douceur et lenteur pour devenir petit à petit beaucoup plus frénétique, ce qui permettra de bien voir comment le Comp LA réagit en fonction de ces variations temporelles et dynamiques. Les exemples dotés du suffixe « Comp GR-5 » utilisent une instance en mode « Comp » avec une réduction de gain maximale de 5 dB. Comme vous pouvez le constater, le LA-3A est beaucoup plus nerveux dans l’attaque que le LA-2A qui reste « cool » en toute circonstance sans pour autant se départir de son caractère haut en couleur. Dans les deux cas, le relâchement correspond bien au comportement typique des compresseurs opto-électriques. C’est beau, n’est-ce pas ?
Pour les extraits « Lim GR-10 », le plug-in était logiquement en mode « Limit » avec une réduction de gain maximale de 10 dB. Sachez également que le réglage « LF Sens » a été mis à profit de façon à ce que le bas du spectre puisse respirer un peu plus librement malgré les 10 dB de compression. Une fois de plus, le LA-3A sonne plus moderne que son aïeul, mais les deux rendus restent pertinents selon ce que vous souhaitez faire en cours de mix.
Les deux derniers exemples sont clairement caricaturaux avec une réduction de gain de plus de 20 dB qui ligote carrément le signal avec du fil barbelé pour le LA-2A et une corde de piano pour le LA-3A. Dans les deux cas, le rendu sonore n’est pas dépourvu d’intérêt et en dosant finement la balance entre le signal traité et le signal source grâce au potentiomètre « Parallel », nul doute qu’un résultat utile sera vite atteignable.
Permettez-moi une petite parenthèse à propos des constantes temporelles. Je n’ai pas glissé d’extraits audio de mon test avec une sinusoïde tant le rendu n’a rien de plaisant à l’oreille, mais vous pouvez observer sur les images ci-dessous les différences de comportement entre les deux modèles qui sont, somme toute, fidèles à ce que l’on peut attendre d’un compresseur opto-électrique :
Passons à présent au traitement d’un bus en utilisant le mode M/S :
- 17_Please_dry00:35
- 18_Please_MS 2A00:35
- 19_Please_MS 3A00:35
Comme toujours, le premier extrait présente le signal source. Il s’agit ici du brouillon de l’une de mes compositions orchestrales en cours d’écriture. Le but de la manoeuvre était ici de non seulement d’accentuer la sensation d’espace en travaillant la balance entre la profondeur de champ et la largeur stéréo, mais également de gagner en cohésion sonore, notamment grâce à l’ajout de distorsion harmonique. Avouez qu’à ce jeu-là, le LA-2A comme le LA-3A s’en tirent à merveille !
Pour finir, voyons ce qu’il est possible de faire dans le contexte d’un mixage :
- 20_Nonetheless_dry00:22
- 21_Nonetheless_Bass00:22
- 22_Nonetheless_Drums00:22
- 23_Nonetheless_Vox00:22
- 24_Nonetheless_MS 3A00:22
Bien entendu, le premier sample constitue notre référence. Sur l’extrait suivant, une instance de LA-2A est utilisée sur la basse de façon à plaquer la ligne sur un même plan sensiblement plus en retrait tout au long du morceau. Pour le troisième exemple, une autre instance travaille sur le bus de batterie en mode LA-2A afin d’accentuer la sensation de profondeur. À cela vient s’ajouter un autre LA-2A sur ma voix pour le quatrième extrait. Le Comp LA fait ici tellement bien son job que le chant est à présent un poil trop en avant de la scène sonore. Qu’à cela ne tienne ! Une dernière instance du plug-in sur le bus master en mode LA-3A vient aider à homogénéiser le tout de la plus belle des façons. Sachez que ce petit exercice en condition de mixage a été réalisé en moins de temps qu’il n’en faut pour vous le décrire. Elle n’est pas belle la vie ?
Ode to LA
Alors, Overloud a-t-il bien fait de sortir une énième émulation des légendaires machines signées Teletronix ? À mon sens, la réponse est indéniablement affirmative. Je suis absolument incapable de vous dire s’il s’agit des modélisations les plus fidèles du marché, et à vrai dire je vous avoue que je m’en fiche royalement. L’important à mes yeux est ailleurs.
Est-ce que ça sonne ? Est-ce le type de rendu que l’on attend de compresseurs opto-électriques ? Est-ce conforme à l’esprit de simplicité et d’efficacité d’utilisation qui a largement contribué à rendre les modèles hardwares aussi incontournables ? Le Comp LA apporte-t-il quelque chose de neuf par rapport à la concurrence ?
Après lecture de ce banc d’essai, vous vous doutez bien que mes réponses sont une fois de plus affirmatives. Moralité, si vous n’êtes pas encore équipé en LA-xA virtuel, courrez donc tester ce plug-in. Et si vous possédez déjà un ou deux plug-ins du genre, jetez-y tout de même un oeil, car les « petits plus » de cette nouvelle déclinaison sont loin d’être anodins. De fait, il s’agit à mes yeux du plus complet et du plus polyvalent des LA-xA du marché actuel, rien de moins. Bref, chapeau bas Overloud !