Y a-t-il besoin d'une quelconque présentation ? Il est rond et velouté, il nous vient d'Allemagne et on le voit partout dans les studios, sur les plateaux, depuis 1985 déjà ! Et oui, vous l'avez compris...
Ce mois-ci, nous ajoutons à nos tests, qui d’habitude suivent les sorties récentes, un passage en revue de six casques qui ont plus que fait leurs preuves : les indéboulonnables, les classiques, ceux que l’on trouve dans de nombreux studios, pour la prise parfois, ou pour de l’écoute de référence lors du mix, mais aussi dans d’autres domaines où la captation sonore joue un rôle phare (radio, cinéma, TV, régie…). Il s’agit également de six références qui font toujours partie des meilleures ventes chez leurs constructeurs respectifs, et cela plusieurs décennies après leur première production. Chacun d’entre eux est connu pour quelques aspects particuliers (confort, isolation, solidité, légèreté…). Certains tirent vers le « neutre » (si tant est que cette notion existe pour des transducteurs), d’autres sont franchement du côté de l’écoute « effet loupe ».
Certains de ces casques avaient fait l’objet d’un comparatif AF il y a maintenant… douze ans ! Maintenant que notre méthode de test s’est affinée et que nous avons sous la main notre propre testeur, il nous a paru intéressant d’établir ces six tests « de base », auxquels tous nos lecteurs pourront se référer.
Et cette fois-ci, nous nous penchons sur le DT-770 Pro de Beyerdynamic
Présentation/déballage
Spécifications
Le DT-770 PRO est un casque circum-aural fermé, à transducteur dynamique, de 45 mm.
Les spécifications annoncées par le constructeur sont :
- Impédance 250 ohms, donc utilisables seulement avec un amplificateur dédié, mais il en existe aussi des versions 80 ohms et 32 ohms.
- Réponse en fréquence : 5 Hz à 35 kHz
Le câble torsadé, non détachable, fait 3 m en pleine extension, et se rétracte à 1,7 m. Il se termine par un connecteur jack TRS 3,5 mm avec adaptateur vissable 6,35 mm.
Les mousses sont couvertes de velours, très doux au toucher. Par le caractère particulièrement poreux du tissu, elles se salissent lorsque l’on utilise le casque régulièrement, mais elles sont parfaitement lavables à l’eau tiède + lessive, suivi d’un bon séchage à l’air libre. À la différence des revêtements en faux cuir, le velours aura moins tendance à tomber en miettes en vieillissant (miettes qui viennent se coller sur la peau autour des oreilles et dans le cou… on connaît tous ça).
L’arceau est couvert d’une mousse de confort, avec un revêtement en faux cuir. Elle est maintenue sur l’arceau grâce à un système de fermeture à pression, et l’on peut aisément la changer si besoin.
Le casque est majoritairement en plastique, même si l’arceau est en métal. Dans l’ensemble, toute la construction respire la robustesse (tout particulièrement les écouteurs dont la plaque arrière convexe renforce la rigidité), à part peut-être les jointures plastiques entre les fourches et l’arceau : j’ai lu des témoignages de jointures fendues. Là aussi, à tout le moins, soulignons qu’elles sont achetables en pièces détachées.
À part cela, rien de très original donc, mais l’on sait également qu’il s’agit d’un casque produit depuis bientôt 40 ans, et la marque a clairement choisit de rester sur une offre minimale, sans fioriture, jouant tout sur la réputation du produit plus que sur la diversité des accessoires ou des options.
Confort
Très bon à notre avis, même si l’on notera deux points qui diviseront probablement les utilisateurs selon leurs préférences personnelles :
- Les coussinets en velours sont très doux, et offrent un bon couplage avec le pourtour de l’oreille, mais ils tiennent indubitablement très chaud.
- Le serrage est assez important (la marque annonce 3,5 N, plus que le HD-25, par exemple), et influe sur la fatigue et la chaleur ressenties.
Isolation
Excellente. C’est une des caractéristiques généralement appréciées de ce casque. Le coussinet offre un très bon couplage avec la tête, et absorbe bien les sons externes.
Transport
Ce n’est clairement pas le point fort du casque : gros, pas du tout pliable, plutôt lourd (380 gr), et livré avec un sac de transport dans une horrible matière synthétique qui m’a donné de l’urticaire rien qu’en la regardant.
Démontable ?
Totalement.
Les tutoriels de démontage complet pullulent sur Internet. Comme on le voit bien sur une des photos ci-dessus, la jonction arceau/fouches se fait par une pièce fixée avec des vis au format Torx. De même, les écouteurs sont détachables des fourches en ôtant simplement 4 vis. On peut ensuite retirer la mousse, et à l’aide d’un tournevis plat faire sauter le cerclage clippé :
La plaque plastique à évents, couverte d’un papier très poreux, peut ensuite être retirée simplement en versant l’écouteur sur le côté.
On découvre un transducteur monté sous une protection en plastique blanc, clippée elle aussi, et entourée d’une courte section de tube, entourée d’un fin feutre.
Les soudures sont très bien réalisées. Dans l’ensemble, on remarque lors de ce démontage que l’assemblage, très simple, est également robuste et sérieux.
Benchmark
Voici donc le nouveau protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion harmonique totale (THD), réalisées dans notre atelier.
Réponse en fréquence :
On trouve de nombreux graphes de réponse du DT-770 sur le Net, et à quelques différences près (imputables aux méthodes de mesure), ils ont tous les mêmes traits généraux, que l’on retrouve ici :
- « linéarité » générale de 20 Hz à 6 kHz, avec trois creux spécifiques : 90 Hz, 200 Hz et 3,5 kHz, ainsi qu’une plage « centrale » très linéaire (300 Hz-2 kHz) mais légèrement en retrait.
- bosse importante à partir de 7 kHz, qui pointe au maximum à 8 kHz.
- Pas de baisse significative aux extrêmes du spectre.
- Transducteurs très bien appairés. C’est rarement aussi bien !
On s’attend à des aigus biens présents, des basses également mais « allégées » par le creux à 90 Hz et des bas-médiums en retrait, ce qui devrait « clarifier » l’ensemble (le bas médium est, on le sait, une zone qui peut être difficile à mixer, et qui peut créer des conflits importants entre les instruments lors du mix). Mais peut-être aussi lui faire perdre une part de son assise ? À voir…
Distorsion :
Majoritairement sous 0,2 % comme l’annonce le constructeur. C’est très bien.
Écoute
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. La première chose qui nous frappe, c’est la précision du casque, aussi bien dans l’aigu (articulation des consonnes, son du plectre contre les cordes, suivi de la réverbe…) que dans le médium, qui n’est pas « mangé » par la contrebasse. Le casque semble capable de descendre très bas, très grave, mais avec un grave « dégraissé ». On y reviendra…
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Là encore, dans le haut médium et l’aigu, le casque est très précis. Les attaques sont bien retranscrites, aussi bien pour la batterie que pour le petit « piqué » au début de certaines notes du clavier-basse. Lorsque celui-ci descend très bas, le casque suit sans peine. On commence à bien percevoir sa signature dans le grave : une basse bien présente, mais peu de bas médium, donc une impression de précision plus que de chaleur dans cette partie du spectre sonore.
Massive Attack – Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. On continue sur la même impression : les résonances les plus « sub » passent sans problème, et à l’opposé, les sifflantes de la voix sur le deuxième couplet ne sont pas trop agressives. Le piano possède un très beau timbre : on ressent vraiment une belle richesse harmonique dans les médiums.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Ce bas médium en retrait fait des merveilles sur ce titre : on gagne en clarté, même si les cuivres les plus graves se retrouvent un peu masqués. La contrebasse, en revanche, bénéficie de cette cure d’amincissement, et se détache de façon très probante des autres instruments graves. Pareil pour les attaques de la grosse caisse, bien précises. Le suivi des réverbes est, là encore, très précis.
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15 min. On n’est pas surpris, à la fin de cette écoute, de constater que sur un grand ensemble acoustique le DT-770 tire vraiment bien son épingle du jeu : sa précision dans le médium jusqu’à l’aigu permet un très placement des instruments dans le panoramique stéréo, avec un suivi rigoureux des réverbérations acoustiques de la salle. Les percussions graves sont reproduites avec une grande fidélité, et l’on est positivement impressionné par le rendu des grands écarts dynamiques qui jalonnent cette composition.
Conclusion
Les défauts du DT-770 se logent principalement dans des détails mécaniques : serrage (absence de), pliage, câble fixe, chaleur… Car sur les points musicaux, on serait bien en mal d’en dresser une critique négative (tout en notant bien que l’on comprend qu’il puisse plaire à certains plus qu’à d’autres).
C’est probablement le casque fermé le plus précis de cette sélection, ne faisant la part belle à aucune région du spectre plus qu’une autre, n’ayant pas d’effet « loupe » particulier, et mettant seulement en retrait quelques fréquences, en particulier dans le grave et le bas-médium, ce qui minimise parfois certains éléments du mix, mais permet souvent de clarifier le rendu général. Ce n’est pas le casque le plus « chaud » que nous ayons testé (dans les casques fermés, sur la richesse harmonique et l’impression de puissance dynamique, le ATH-M50x nous a nettement plus impressionnés), mais le DT-770 PRO donne surtout un sentiment de précision et d’équilibre qui en fait un casque adéquat pour le mix. Ajoutez à cela une très bonne isolation, et l’on peut tout à fait envisager de l’utiliser également lors de prises. Son statut de référence est donc loin d’être dépassé, et l’on en acceptera mieux son ergonomie passable.