Grand classique des studios d'enregistrement, mais aussi des plateaux cinéma ou télévision, où sa précision accrue dans l'aigu a toujours été appréciée, la MDR-7506 fait vraiment partie du panthéon des casques "de référence", grâce à (ou malgré ?) une signature sonore particulière.
Ce mois-ci, nous ajoutons à nos tests, qui d’habitude suivent les sorties récentes, un passage en revue de six casques qui ont plus que fait leurs preuves : les indéboulonnables, les classiques, ceux que l’on trouve comme écoute de référence dans de nombreux studios, mais aussi dans d’autres domaines où la captation sonore joue un rôle phare (radio, cinéma, TV, régie…). Il s’agit également de six références qui font toujours partie des meilleures ventes chez leurs constructeurs respectifs, et cela plusieurs décennies après leur première production. Chacun d’entre eux est connu pour quelque aspect particulier (confort, isolation, solidité, légèreté…). Certains tirent vers le « neutre » (si tant est que cette notion existe pour des transducteurs), d’autres sont franchement du côté de l’écoute « effet loupe ».
Certains de ces casques avaient fait l’objet d’un comparatif AF il y a maintenant… douze ans ! Maintenant que notre méthode de test s’est affinée et que nous avons sous la main notre propre testeur, il nous a paru intéressant d’établir ces six tests « de base », auxquels tous nos lecteurs pourront se référer.
Et cette fois-ci, nous nous penchons sur le MDR-7506 de Sony.
Présentation/déballage
Spécifications
Le MDR-7056 est un casque de type circum-aural, fermé, avec un transducteur dynamique de 40 mm.
Les spécifications annoncées par le constructeur sont :
- impédance 63 ohms, donc plutôt adaptable à tous types de sources
- réponse en fréquence : 10 Hz à 20 kHz
Le câble est semi-droit, semi-torsadé, non détachable (on en reparlera) et fait presque 4,5 mètres de long une fois étiré. Il se termine par l’habituel ensemble : fiche 3,5 mm TRS + adaptateur 6,35 mm TRS.
Il est réalisé principalement en plastique, avec une pièce en métal pour l’arceau, mais la fabrication paraît acceptable… À l’exception des mousses, qui sont clairement le point faible : on a rarement vu un faux cuir aussi fin et léger dans ces tests. On craint tout de suite un vieillissement prématuré.
Démontable ?
Plutôt, même si un peu moins que d’autres casques dans notre sélection de casques « de référence ».
Comme pour beaucoup des casques de cette liste, « toutes » les pièces sont trouvables en ligne, même si celles-ci ne sont pas toutes distribuées par Sony. De même, quelques boutiques proposent des pièces pour customiser votre casque (mousses d’épaisseur, de matières et de couleurs différentes, par exemple).
Le démontage le plus simple se fait de la manière suivante :
En premier lieu, retirer les mousses en tirant dessus, pour accéder aux supports de haut-parleur qui sont maintenus en place par 4 vis :
Une fois ces vis ôtées, il suffit de détacher le support du HP (puis de débloquer les câbles pour ne pas forcer sur les soudures) :
Cela fait, il est assez aisé de dessouder le haut-parleur. Le câble, non détachable d’origine, peut être remplacé une fois l’oreillette ouverte. Certains utilisateurs modifient même le casque en remplaçant le câble par une prise jack 3,5 mm TRS femelle, de façon à pouvoir utiliser un câble détachable.
Les oreillettes peuvent être facilement déclipées des fourches sur lesquelles elles se fixent :
Cela permet alors le remplacement de l’arceau et des fourches.
Voilà en revanche un point critique à nos yeux : il serait bien sûr possible de pousser le démontage plus loin, mais les pièces que l’on trouve le plus aisément sont les mousses, les fourches et l’intégralité de l’arceau, avec son câble et sa mousse. Difficile donc de procéder à des réparations plus précises (par exemple d’un joint plastique fendu entre l’arceau et la fourche, du câble inter-oreillette, ou juste de la mousse d’arceau), à moins d’aller vampiriser un autre MDR-7506 d’occasion (ce qui est toujours une possibilité).
Confort
Correct, même si, comme beaucoup de casques fermés promettant une isolation suffisante pour un usage pro, il serre assez fortement.
Trois choses à noter spécifiquement à ce propos :
– les écouteurs sont moins larges que dans d’autres circum-auriculaires, et peuvent appuyer sur le pourtour du pavillon de l’oreille de certains utilisateurs (ça dépend donc de votre taille d’oreille).
– l’arceau est assez désagréable à la longue : la mousse est bien trop fine.
– Le vieillissement rapide des mousses aggrave cet inconfort, de même que la finesse de la mousse d’arceau. Toutes ces pièces sont remplaçables, mais cela demande nécessairement de prévoir un petit « budget » mousse pour utiliser le casque au mieux.
Isolation
Bonne du point de vue de l’auditeur, un peu moins pour ceux qui l’entourent (le casque a un peu tendance à « fuir »).
Là aussi, soulevons un point négatif qu’il vaut mieux prendre en compte :
– Plus d’un utilisateur note qu’avec le temps l’arceau a parfois tendance à se ramollir, ce qui diminue la qualité de l’isolation, ainsi que le confort noté ci-dessus. Cela, couplé au vieillissement des mousses, joue sur l’isolation du casque sur le long terme.
Transport
Très facile !
Le casque se replie selon le mode « écouteurs sous arceau », ce qui fait gagner de la hauteur (et également de la largeur, car une fois dans cette position l’arceau peut encore être compressé latéralement sans dommage). Le câble, non détachable et torsadé n’est pas un atout, en revanche, et l’on aurait aimé recevoir un sac de protection un peu plus robuste (et pas en toile très cheap)
Benchmark
Voici donc le nouveau protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion harmonique totale (THD), réalisées dans notre atelier.
Réponse en fréquence :
On trouve ici ce à quoi l’on s’attendait :
- bonne linéarité de 300 Hz à 4 kHz
- Accentuation marquée à 5 kHz (le casque est connu pour cela)
- Un creux important vers 14 kHz, mais un casque qui au-dessus de cette fréquence tient encore bien la route, presque jusqu’à 20 kHz.
- Des haut-parleurs correctement appariés, mais sans plus.
En revanche, on est surpris par les bas médiums et graves en retrait : certes, c’est une particularité connue de ce casque (basses un peu en retrait), mais ce trait est ici particulièrement accusé, ce qui ne « colle » pas à d’autres courbes de réponse disponibles sur le Net. Nous avons pris cette mesure trois fois, toujours avec le même résultat. S’agit-il seulement du modèle que nous avons eu entre les mains ? La question restera pour l’instant sans réponse… Si dans le futur, l’occasion se présente de mesurer un autre exemplaire de ce casque, nous l’ajouterons à l’article.
Bon à savoir : le MDR-7506 est considéré comme un des casques « de référence » les plus proches de la fameuse courbe Harman, développée en 2012 grâce aux recherches de Sean Olive de Harman International, et aujourd’hui utilisée pour le développement de certains casques (en particulier chez AKG et JBL, mais pas seulement). Nous le soulignons car les avis d’utilisateurs (il n’y a qu’à parcourir ceux sur votre site préféré) se partagent généralement en deux catégories : ceux qui perçoivent le casque comme « plat », avec une réponse « neutre », et ceux qui le trouvent suraccentué dans les aigus (ces deux jugements étant parfois positifs, parfois négatifs, selon les préférences). La courbe Harman (qui a été par la suite affinée en trois courbes de préférences, aux profils relativement proches) est censée représenter la courbe attendue (voire préférée) par une majorité d’auditeurs (basé sur un panel initial de 71 participants, de 18 à à 59 ans, à 82 % masculins). Il est donc intéressant de remarquer que dans le cas spécifique du MDR-7506, les préférences exprimées mises à part, une telle courbe semble aussi bien pouvoir être perçue comme naturelle et fidèle (« neutre », « plate »), ou au contraire non naturelle, et artificiellement accentuée.
Nous reviendrons sur cela au moment de l’écoute.
Distorsion :
Là aussi, assez peu de surprise : c’est correctement bas sous 300 Hz (moins de 0,2 %, c’est à peu près la norme) mais un peu plus prononcé dès qu’on descend en dessous de cette fréquence (ce qui recoupe généralement les mesures de distorsion faites par d’autres sites). Doit-on s’attendre à un certain manque de précision sur les basses ? Là aussi, l’écoute servira de révélateur.
Écoute
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. Le MDR-7056 ne tourne pas autour du pot : l’aigu compte pour donner une impression de détail et d’espace aéré, et ce casque va droit au but dans ce domaine. On entend chaque ouverture de bouche, chaque contact du plectre sur les cordes. La réverbe de la scie musicale est très bien suivie, et le rendu de l’image stéréo dans son ensemble est plutôt satisfaisant, sans être exceptionnellement subtile. Pour ce qui est de la contrebasse, qui sur ce morceau a parfois tendance à paraître brouillonne, on est plutôt content de sa présence un peu « en retrait ». La voix, en revanche, manque peut-être un peu de « coffre », d’assise : le baryton se fait un peu nasal, mais reste encore assez fidèle.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. La voix, originellement assez nasale sur cet enregistrement, l’est encore un peu plus. En revanche, la séparation entre l’attaque piquée sur la note du clavier-basse et le coup de grosse caisse est vraiment excellente. Les éléments plus « médiums » de la batterie (la caisse claire rajoutée en overdub sur la pré-refrain par exemple) sont bien rendus : on commence à découvrir un peu mieux les médiums plutôt bien équilibrés de ce casque qui insiste pourtant fortement sur l’aigu.
Massive Attack – Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Autant être clair : l’extrême grave n’est pas là, il est remplacé par une sorte de résonance bas-médium un peu « pâteuse » qui dénature la vraie « profondeur » du morceau. La voix qui, sur le deuxième couplet, souffre déjà d’une prise de son un peu trop « sifflante » (des « S » très en avant) n’est pas vraiment rendue plus agréable par le côté ultra-détaillé du casque dans l’aigu. En revanche, on trouve le médium vraiment bien équilibré, en particulier sur le piano. Autre point positif, l’image stéréo est large, avec un suivi assez facile du placement de chaque élément dans le panoramique du mix.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Là aussi, l’élément dont on trouve parfois qu’il « noit » tout dans l’aigu (les cymbales) est peut-être un peu trop souligné. Le suivi des réverbes (ligne du sax en solo), la masse de cuivre dans le médium et l’aigu… Tout cela est fortement détaillé, mais un peu agressif à la longue. On commence à fatiguer au point de vue auditif.
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0 h 30 et 1 h 15 min. La fatigue auditive n’aide pas, mais sur ce genre de morceau, dans le contexte d’une prise, ou d’une écoute analytique de mix (par exemple), le MDR-7506 fonctionne très bien : résonance de la salle, longueur des réverbérations, précision des dynamiques et des attaques, timbre des percussions, place dans le panoramique. Chaque coup de mailloche devient une frappe chirurgicale.
Conclusion
À la lecture de l’article, vous devez vous douter de notre conclusion : le MDR-7506 est intéressant, mais vraiment pas pour toutes les applications !
En effet, ce casque a quelques qualités indéniables : une relative robustesse, un très bon pliage, une isolation adéquate, et un son très précis si ce que l’on recherche concerne le haut médium et l’aigu. C’est typiquement ce que l’on nomme un « casque loupe » : par comparaison, si le DT-770 PRO est très « aéré », cela ne l’empêche pas d’avoir une belle assise dans le grave. Le MDR-7056, quant à lui, mise tout sur un équilibre spectral qui privilégie les médiums (bien détaillés) et surtout le haut médium et l’aigu. La bosse à 5 kHz, tout particulièrement, se ressent fortement sur les voix, les attaques percussives, les articulations…
Alors, pour de la prise, sa bonne isolation couplée à sa précision en font clairement un casque « de référence ». Comme « loupe », lors d’une mise à plat, pour rechercher des défauts, là aussi le MDR-7506 a fait ses preuves. Pour une écoute nomade, pourquoi pas ? Mais pour du mix, nous restons dubitatifs, car même avec une bonne égalisation, les basses manqueront toujours de la précision nécessaire, en comparaison des aigus ou même des médiums. On peut donc dire que sa courbe spectrale particulière est à la fois son atout, et sa limite.