Nous reprenons ici notre routine d'échauffement vocal, commencé par dix minutes de relaxation et de mise en route du diaphragme et des cordes vocales. Il s'agit maintenant d'aller un peu plus loin et de s'attaquer à une difficulté majeure de la technique vocale, à savoir le surfing en souplesse entre les deux principaux registres de notre voix.
Dans la première partie de notre échauffement, nous avons pu voir comment passer en douceur de la simple respiration, calme et profonde, au geste vocal complet, ouvert et décontracté. Cette petite routine, qui doit durer entre cinq et dix minutes, proposait quatre étapes, et nous allons en reprendre maintenant la troisième, afin de continuer à nous échauffer, tout en nous attaquant au travail de l’homogénéité de notre son vocal.
Le smuuum sur le grand 8
Ce n’est pas le seum que nous avons ici, mais bien le « smuuum », que nous avons émis les lèvres fermées lors du début de notre échauffement (cf. première partie). Rappelons que l’on doit garder, pour ce son, la bouche la plus largement ouverte, sans que l’on ressente toutefois de crispation musculaire au niveau des muscles des mâchoires. On doit être proche de la tête que l’on fait lorsque l’on bâille, et que l’on garde la bouche fermée pour rester le plus discret possible !
En donnant une petite attaque au son avec le diaphragme et en s’aidant pour cela du « sm » du début du son, on démarre sur une note au milieu de notre tessiture, sans forcer, et sans trop de volume. Il faut conserver la sensation de détente que nous avons trouvée jusqu’alors, et veiller, comme à chaque fois que l’on attaque un son, à être le plus rapide et le plus précis possible au niveau de la mise en vibration correcte de la note émise, même si, pour cet exercice, nous allons allègrement ensuite pratiquer le pitch bend !
En effet, lorsque notre note est posée, nous allons commencer à parcourir notre tessiture, en commençant par descendre vers les basses. Si nous avons attaqué dans un registre médium, nous utilisons ce que l’on appelle généralement la voix de poitrine (voir, pour plus de clarté, l’excellent article de Stéphanie Dumouch sur « Les registres mécaniques de la voix »), et, en descendant vers les basses, nous allons essayer de conserver la même position vocale, en tentant de bouger le moins possible.
On doit normalement ressentir le besoin d’appuyer un peu plus au niveau du diaphragme, et d’ouvrir un peu plus la bouche. C’est tout à fait normal, et on peut y aller, tout en douceur, en profitant de la sensation que l’on a de plonger dans un bain d’harmoniques chaleureux et vivant : un vrai massage de tout le torse ! Attention seulement à bien garder les lèvres fermées.
On recommence plusieurs fois ce son et ce glissement progressif vers le plaisir des basses, en essayant à chaque fois de creuser un peu plus profond, jusqu’à ce que la vibration de la voix disparaisse dans les profondeurs. On doit avoir l’impression (c’est juste une impression !) que l’on prend de plus en plus de volume.
Vers le ciel…
La seconde étape consiste maintenant à aller faire un petit tour de l’autre côté, dans les hauteurs, et à effectuer notre pitch bend vers les fréquences aiguës. On reprend donc notre note médium, et l’on va maintenant essayer de monter le plus possible.
Il se pose alors ici un nouveau problème : à un moment donné, on va sentir le fameux passage entre les voix, puisque l’on va devoir utiliser le registre léger, que l’on appelle encore « la voix de tête ». Avec notre « smuum », c’est très simple à ressentir, puisque si l’on reste décontracté, et que l’on ne bouge pas, on va tout simplement constater une coupure du son sur un petit passage de notes (c’est environ entre le sib3 et le ré4). Pas de panique, c’est tout à fait normal !
Pour éviter cette coupure, il faut simplement donner un peu plus de pression avec le diaphragme, tout en accentuant le mouvement du bâillement. On doit essayer de faire une moyenne entre la contraction musculaire, qui va bien sûr se faire sentir, et la fluidité de l’émission : trop de contraction et le son aigu sera raide, forcé, pas assez, et la coupure persistera. Il faut donc chercher à se balader, jusqu’à ce que l’on saute par-dessus le ruisseau sans se mouiller les pieds !
Pour s’aider, il faut chercher à ce que, lorsque l’on monte, le son s’enroule dans le voile du palais, tout en « creusant » le plus possible vers le haut de la tête, dans les sinus. Combinée à la pression du diaphragme, cette sensation va nous permettre de trouver nos aigus sans forcer, en souplesse.
On effectuera ici encore quelques montées, avant de combiner les deux exercices en partant alors des basses pour monter vers l’aigu, ou l’inverse. On notera que plus on va vite pour parcourir le chemin, plus le passage entre les voix est facile. Il faudra donc travailler selon plusieurs rythmes, en fonction de ce que l’on ressent, et ne pas hésiter à faire quelques petits allers-retours au niveau de la zone de décrochage, en faisant bien attention à ne jamais forcer sur le son, qui doit rester le plus homogène possible, et jamais trop fort.
Et après ?
Dans la troisième partie de notre échauffement, nous travaillerons encore avec notre « smuum », qui est décidément bien pratique pour s’échauffer sans se fatiguer, et nous partirons à la recherche de la maîtrise des différents résonateurs que nous avons à notre disposition pour amplifier nos petites vibrations.