Ne laissez pas la technologie brider votre inspiration : maîtrisez-la et utilisez-la pour arriver à vos fins.
On peut se demander si « composer en studio » est un oxymore. Il semble qu’écrire et enregistrer un morceau soient deux activités totalement différentes qu’il faut réaliser séparément. Je me suis fait cette réflexion en constatant que je n’avais aucune difficulté à composer un morceau au piano ou avec une guitare, tandis que tout devenait plus compliqué en présence d’un séquenceur. Mais j’ai appris que cela n’est pas irrémédiable.
Cet article décrit ce que j’appelle la « prise rapide », une technique qui consiste à utiliser un séquenceur ou un logiciel audionumérique en se concentrant uniquement sur la composition et en ignorant totalement les processus d’enregistrement et d’édition. Grâce à ce procédé, je me sens enfin capable de composer avec un ordinateur aussi facilement qu’avec un instrument de musique. Bien sûr, chacun conçoit le processus créatif à sa façon. Pourtant, les conseils ci-dessous s’appliquent à une situation suffisamment courante pour que la plupart d’entre vous puissent en tirer profit.
Capturer l’inspiration immédiatement
L’inspiration est fugitive dans le sens où elle apparaît et disparaît rapidement. La seule façon de prolonger ce moment d’exaltation est d’exploiter l’inspiration dès son apparition. Faites tout votre possible pour accélérer le temps de démarrage de votre ordinateur, par exemple en défragmentant régulièrement vos disques durs et, sous Windows, en tenant à jour la liste des applications utilisées.
N’hésitez pas non plus à personnaliser votre système de MAO en créant des presets sur mesure servant de base à vos différents travaux. Rien n’est plus précieux qu’un « environnement instantané » optimisé pour la composition fournissant des instruments, des patterns et des assignations de pistes prêts à l’emploi. Si vous n’êtes pas en mesure d’enregistrer vos pistes dans les 30 secondes suivant le démarrage de votre ordinateur, c’est qu’il y a un problème.
Commencez avec des pistes MIDI et bannissez l’audio
Bien entendu, un piano MIDI ne sonnera pas aussi bien que votre Bösendorfer. Mais lors de la composition, l’essentiel est de travailler avec des prises aussi malléables que possible. Il peut s’avérer nécessaire de modifier la tonalité ou le tempo au fur et à mesure que la composition avance. Bien que cela soit possible avec des données audionumériques grâce au pitch shifting et au time stretching, le MIDI reste malgré tout beaucoup plus simple et immédiat.
Utilisez un générateur de sons logiciel
Il est accompagné d’une vaste banque de sons et peut jouer simultanément jusqu’à 16 parties (instruments) différentes.
Assez peu de plugins sont conçus comme des expandeurs généralistes multitimbraux embarquant toute une cargaison de sons (outre SampleTank 2 de IK Multimedia, citons également Halion Sonic de Steinberg). Même les expandeurs logiciels tout simples, tels que Cakewalk Studio Instruments sur PC ou GarageBand sur Mac, peuvent suffire à jeter les bases d’un morceau.
Le fait d’utiliser un seul plugin multitimbral présente l’avantage majeur de permettre la création rapide de pistes : insérez une piste MIDI, assignez-la à un canal de votre plugin, sélectionnez un son et cliquez sur REC. Vous pouvez simuler ce processus en préparant des presets contenant différents instruments déjà assignés aux pistes de votre séquenceur. Cependant, je préfère personnellement maximiser la simplicité dans un souci d’efficacité.
Des brouillons pour gagner du temps
Le but est d’écrire un morceau, pas de jouer un ensemble de prises parfaites. Un bon morceau, au sens classique du terme, est composé d’éléments phares tels que les mélodies, les paroles et le bon enchaînement des idées – le fait de peaufiner le timbre de la basse n’est par exemple pas primordial. Vous aurez tout le temps d’optimiser vos prises ultérieurement. En revanche, si vous souhaitez enregistrer une prise avec un instrument donné, faites-le. Ne vous attardez pas sur la qualité du son ni de votre jeu. Utilisez le copier-coller pour obtenir des parties complètes plutôt que de tout jouer de A à Z. Bien entendu, l’essentiel de ce travail ne pourra pas être utilisé dans la version définitive du morceau, mais peu importe ! Ici, le but est de concevoir un morceau et son arrangement, pas de l’enregistrer.
Qu’en est-il des voix
Si vous pouvez enregistrer des passages de texte essentiels ainsi qu’une ligne mélodique, c’est très bien. Vous n’avez pas de paroles pour le second couplet ? Fredonnez la mélodie ou enchaînez des syllabes comme elles viennent. Vous pourrez toujours travailler sur les paroles ultérieurement. Même si vous n’avez que quelques lignes de texte, enregistrez-les et passez rapidement à la suite.
Concentrez-vous sur l’essentiel
N’ajoutez les parties qui flattent l’oreille de l’auditeur – un shaker à la croche, une partie rythmique sous un solo et j’en passe – qu’après avoir enregistré toutes les parties principales. Chaque « flatterie musicale » est une distraction potentielle à remettre à plus tard, à moins qu’elle soit absolument nécessaire au morceau. Et ne commencez surtout pas à ajouter d’effets, à égaliser une piste, etc. La seule raison pour laquelle vous pourriez être amené à ajouter un effet serait qu’il joue un rôle essentiel dans le morceau : par exemple, un delay synchronisé sur le tempo peut constituer la signature rythmique du morceau.
N’éditez pas au fur et à mesure
L’utilisation de plugins d’effet MIDI permet de quantiser la lecture des prises pendant la composition du morceau.
La prise originale n’étend pas modifiée, la quantisation pourra être supprimée ou éditée ultérieurement.
Lorsque vous composez avec un système de MAO, l’ennemi principal de l’inspiration est l’édition des prises. Ce processus utilise l’hémisphère gauche du cerveau, tandis que la création mobilise l’hémisphère droit. Le fait d’enregistrer une prise puis d’essayer de la parfaire est le meilleur moyen de couper court à l’inspiration.
Prenons la quantisation comme exemple. En composant avec Sonar, si je veux quantiser une prise, je me contente d’insérer le plugin de quantisation MIDI dans la piste, de sélectionner la double croche et un taux de quantisation de 85% puis de ne plus y penser. La prise originale n’étant pas modifiée par ce traitement, je pourrai toujours supprimer l’effet et appliquer une quantisation plus adaptée ultérieurement, si toutefois la prise est suffisamment bonne.
Souvenez-vous que le timbre d’un instrument ne fait pas une bonne chanson. Il se contente seulement de l’améliorer. Concentrez-vous sur l’essentiel lorsque vous composez : l’impact émotionnel sur l’auditeur. Souvenez-vous qu’aucun auditeur aime tel ou tel morceau pour la simple raison que le chant a été enregistré avec un Neumann.
Tout est dans l’attitude
Nous avons passé en revue différents conseils, mais l’essentiel reste l’attitude. Une fois que vous aurez éduqué votre cerveau de sorte qu’il ne mélange pas les processus de composition et d’enregistrement – et je suis convaincu qu’il s’agit de deux choses totalement différentes, vous aurez déjà fait la moitié du chemin. L’autre moitié consiste à acquérir la discipline nécessaire permettant de tuer dans l’œuf tout ce qui pourrait vous détourner du processus de composition. Depuis que j’ai pris conscience de ces préceptes et que je les ai mis en pratique, mon système de MAO est devenu un outil de composition au même titre qu’un instrument de musique. En fait, il est même supérieur par bien des aspects.
Originellement écrit en anglais par Craig Anderton et publié sur Harmony Central.
Traduit en français avec leur aimable autorisation.