Dans le précédent article, je vous ai introduit aux notions de voice-leading et de voicings. Nous allons donc aujourd'hui les explorer plus en détail.
Nous avons vu que les accords classiques sont constitués à partir d’empilements de tierces (cf article 4). Nous avons également vu dans l’article précédent que l’on distingue en général trois couches d’harmonisation : la ligne mélodique aiguë, la ligne de basse, et la ou les voix intermédiaires. Cela tombe parfaitement bien, car on peut facilement reporter cela sur la structure de nos accords : la note supérieure d’un accord pour la mélodie, la note inférieure pour la basse et la note centrale (ou les notes centrales, pour les accords composés de plus de trois notes) pour la coloration de l’harmonie.
Dans l’exemple suivant, nous avons la progression d’accords la plus simple que nous puissions imaginer, une simple progression diatonique basée sur l’harmonisation de la gamme de Do majeur :
Les trois différentes voix progressent parallèlement et cela n’a musicalement et harmoniquement aucun intérêt. En condition pratique, cela pourra tout au plus servir de transition, et encore à condition d’être très indulgent.
L’exemple suivant va en revanche vous montrer de manière très simple à quoi peut aboutir un voice-leading bien mené. Nous avons la mélodie suivante (jouée ici avec un petit effet de swing, ne soyez pas surpris!):
À celle-ci, le compositeur a décidé d’apposer les accords suivants : Do majeur, Mi #5 et La min.
Associée de manière aussi basique à la mélodie, la progression d’accords s’avère très pataude même si elle apporte une couleur intéressante. On peut faire beaucoup mieux. Déjà, on va tenter de définir une vraie ligne de basse ! Si l’on observe bien les accords, on s’aperçoit qu’ils contiennent tous la note Do.
Petit aparté : on remarquera par la même occasion que Mi #5 peut devenir en un tournemain Do #5, c’est la magie des accords altérés comme par exemple les accords diminués que nous avons vus dans l’article 21. Mais trève de digression.
Puisque tous les accords en question contiennent ma note Do, ne serait-ce pas le moment d’instaurer une petite pédale, telle que nous l’avons vue dans l’article 29 ? Allez c’est parti :
Par cette simple astuce, on constate que non seulement on a correctement assis la basse du morceau, ce qui était le but premier, mais tout d’un coup, on a rendu également plus audible la voix centrale, qui forme la seconde mélodie suivante :
Magique non ?
Maintenant, une dernière chose. En plus du Do, tous les accords proposés disposent également du Mi, qui est aussi présent dans la ligne mélodique. On a donc ici un effet de doublon par forcément nécessaire, d’autant que le Mi en basse alourdit la pédale et brouille un peu encore la voix centrale. Supprimons donc ce Mi disgracieux :
Et voilà, nos trois voix se superposent maintenant très clairement ! Et devinez quoi ? Chaque moment harmonisé de ce mini-thème musical correspond à un accord de triade utilisé dans la configuration appropriée, sans utiliser une note de plus. Bien évidemment, libre à chacun d’enrichir les accords comme il le souhaite, mais l’objectif de cet article était de montrer que l’on peut déjà trouver des choses intéressantes avec des accords simples (bon avec un petit #5 quand même pour relever un peu la sauce).
Rendez-vous au prochain article pour poursuivre l’exploration des voicings !