Troisième synthé proposé avec Komplete, Rounds mixe deux types de synthèse pour 16 synthés pilotés de façon étonnante, via une interface inhabituelle. Explications.
Bon an, mal an, l’éditeur Native Instruments nous livre une nouvelle version de son ensemble d’instruments et d’effets, plus ou moins complet suivant les versions, Komplete. C’est la dixième version qui nous est parvenue, dans sa version Ultimate, sans clavier associé. L’objet de ce test est l’un des trois nouveaux synthés offerts avec la collection, Rounds…
L’éditeur a en effet pris pour habitude de sortir en même temps que la Komplete quelques nouveautés, et de les offrir dans cette dernière. Cette année, on a droit à la Definitive Piano Collection (voir le test ici) et à trois synthés différents, qui seront tous testés pour AF, Kontour (voir le test ici), Polyplex (voir le test ici) et celui qui nous intéresse ici, Rounds.
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Dernier synthé de la livraison de printemps 2014, Rounds regroupe, selon l’éditeur, un moteur de synthèse numérique et un moteur de synthèse analogique, que nous appellerons ici plutôt analogique virtuel (le fameux VA). Ce n’est pas pinailler, on entend parfois des trucs à faire dresser les cheveux sur la tête (même si je n’en ai plus…).
On peut programmer huit sons par moteur, que l’on placera ensuite dans un système de huit blocs circulaires à quatre cellules et l’on activera différents modes en fonction de son jeu pour lire des suites de ces sons, traités via un multieffet, le tout avec une destination assumée pour la scène via commande directe sur le clavier-maître et autres subtilités. On détaille tout ça.
Introducing Native Instruments Rounds
Rounds peut être acheté seul sur le site de l’éditeur, pour la somme de 99 euros, ou au sein de la Komplete (de 199 euros l’update à 499 euros la version complète) et de la Komplete Ultimate (de 399 euros l’update à 999 euros la version complète), sans oublier les versions incluant les nouveaux contrôleurs de la maison (voir ici).
On procèdera comme d’habitude à l’installation et à l’autorisation grâce au Service Center et au numéro de série fourni, et l’on pourra utiliser Rounds avec la version complète de Reaktor 5 aussi bien qu’avec sa version gratuite (Reaktor Player). Une version standalone et des déclinaisons sous forme de plug-ins aux principaux formats actuels sont fournis, sachant qu’il faudra de toute façon passer par Reaktor.
La Komplete utilise maintenant un nouveau logiciel/navigateur très bien conçu (on pense son plutôt qu’instrument), Komplete Kontrol. Après avoir fait des petits clones au nez rouge de nos DD système, nous avons installé dans nos machines le dernier OS d’Apple, OS 10.10, de son petit nom Yosemite. Si tout fonctionne sans problème sur la tour (une petite manipulation à faire pour gérer certaines kexts, comme celle de la PowerCore, par exemple), sur le portable, il existe un conflit entre certains logiciels/matériels de Native et le pilote AvidCore Audio, faisant que Komplete Kontrol ne s’ouvre plus (pour en savoir plus, voir ici). Retour à Rounds (ce qui fait qu’on tourne en rond…).
Synthèses multiples
On l’a vu, Native considère que son premier moteur est « analogique ». Regardons ce que recouvre ce vocable : d’abord, un réglage d’accord global et un Glide, puis deux oscillateurs à plusieurs formes d’onde (Noise, Triangle, Saw pour les deux, plus Pulse pour Osc1, Square pour Osc2) avec possibilité de Hard Sync, ajout d’un Sub, réglage d’accord par demi-tons et fin pour l’Osc2, taux de modulation de la hauteur de l’oscillo 1 par le second, taux commun de largeur d’impulsion, balance entre les deux et niveau de sortie global vers le filtre. Qui est un filtre 24 dB/oct. multimode (Low, Band et High-Pass) résonant, avec modulation de la fréquence de coupure par l’Osc2, suivi de clavier et taux d’action du générateur d’enveloppe. Une section de modulation offre un LFO multi-onde (Triangle, Saw, Pulse, Random) avec resync, vitesse en Hz ou par valeur temporelle, destination (Pitch, Semi, PW, Mix, Cutoff, Pan, Level) et un générateur d’enveloppe AD (cela semble un peu court en ce que ça empêche d’effets spécifiques sur le filtre), avec sa destination (Pitch, Semi, PW, X-Mod, Mix, FM), suivi de clavier, réponse à la vélocité et mise en boucle.
On termine par la sortie globale, avec ses départs vers le délai et la réverbe inclus, un pan, un Master Level, et un générateur d’enveloppe ADSR pour l’amplitude, avec suivi de clavier et réponse à la vélocité. Tout cela semble bel et beau, avec cependant les limites pointées, mais sachant que l’on dispose de huit fois ce synthé…
Huit fois aussi pour le synthé numérique, qui utilise une forme de FM (qui est donc à la fête à l’occasion de Komplete 10, voir le test de Kontour ici). On recommence par un réglage d’accord global et un Glide, puis un oscillateur FM composé de trois opérateurs (un porteur et deux modulateurs), avec configuration en série ou parallèle, réglages de fréquence (Ratio ou intervalle) et de feedback (un des trois opérateurs). Un réglage Spread ajoute deux oscillateurs FM supplémentaires (Unison, une ou deux octaves au-dessus, en dessous) et Op Out permet d’ajouter le signal de sortie audio des modulateurs à celui du porteur.
Le filtre est cette fois-ci un 12 dB/oct. résonant, avec réglage continu entre hi et low-pass (notch au milieu), suivi de clavier et taux d’action du générateur d’enveloppe. Une fonction Digitize remplace la modulation, une réduction de bits avant d’attaquer le filtre. Sections Mod et Output sont identiques à celle du moteur « analogique ».
Tantum ergonomie
Depuis quelques années, les synthés Native issus de Reaktor font montre d’une recherche ergonomique assez unique. L’accent semble revenir à des surfaces visuelles, des raccourcis/Macros, des éléments si ce n’est ludiques, tout du moins agréables à utiliser et manipuler, avec parfois des résultats emmenant l’utilisateur dans d’autres directions que celles prévues (à partir du moment où l’on sait comment aller quelque part, on peut accepter de se laisser promener, puisqu’on pourra toujours revenir à son idée première). Le tout récent Kontour avec ces Macros répond à cette philosophie, tout comme Polyplex et ses nombreux paramètres pseudo-aléatoires. Rounds adopte aussi ce point de vue et la fenêtre Control offre une vision globale des 16 synthés sous forme de deux fois huit curseurs, qui permettent de visualiser et modifier d’un coup de souris le même paramètre pour tous les synthés à la fois : en effet, chaque série de faders bascule sur le paramètre sélectionné dans la fenêtre de synthèse. Huit macros sont disponibles, on peut y assigner n’importe quel paramètre en deux clics, tout comme pour la molette de modulation (on regrette que cela ne fonctionne pas ainsi sur Kontour, par exemple). De même, les niveaux, le Pan, les niveaux d’envoi vers Delay et Reverb sont ici accessibles ; on peut dessiner des courbes sur tous les faders avec le clic droit et les réglages peuvent être liés avec offset, le réglage maître étant celui du premier synthé.
Au niveau des effets, on dispose d’un délai modulé avec réinjection (affichant millisecondes ou division de mesure), mono ou ping-pong, le LFO offrant vitesse en Hz ou valeur temporelle, et formes d’onde Triangle, Saw, Square et Random, et bénéficie de deux filtres Hi et Lo-Pass. Un paramètre Grain permet de choisir entre comportement classique lors du changement de durée (effet de pitch) ou comportement forcé de stretching des retards. Enfin la réverbe spécialement conçue pour ce synthé selon l’éditeur, offre, parfois sous des noms moins courants, la totalité des paramètres que l’on peut attendre d’une bonne algorithmique, ce qu’elle est.
Il est temps maintenant d’entendre ce que propose au niveau sonore Rounds, grâce notamment à sa dernière partie et ses ronds intrigants.
Tous en cercle !
Huit ronds, les Sound Blocks (SB), donc, que l’on va charger avec des sons programmés dans l’un ou l’autre synthé, dans quatre cellules, les Sound Cells (SC), qui peuvent être activées ou non ; on peut mettre plusieurs fois le même son dans différentes cellules, ne pas toutes les remplir, en utilisant deux types d’outils, Paint et Replace, le premier pour placer un son à la souris, le second pour des remplacements multiples.
Ces ronds font partie d’un Voice Programmer, qui va permettre toute la richesse supposée du synthé. D’abord, tous les SB disposent de fonction de morphing indépendantes, fonctions pilotées dans le temps par un LFO, qui agira dans les deux sens des aiguilles d’une montre. Une aide visuelle sous la forme de lignes en quart de cercle permet de connaître le nombre de voix actives (quatre maximum), le sens et le tempo du morphing.
D’abord il faut choisir le comportement de Rounds à la réception de notes ; on dispose de cinq Voice Modes, et de plusieurs Poly Modes, fondamentaux pour la gestion des sons, et donc de la richesse en découlant (nous ne détaillerons pas tout ici, le mode d’emploi est accessible en ligne ici). Premier mode, Rotate, dans lequel les Cells sont jouées l’une après l’autre, avant de passer au SB suivant. Les Poly Modes agissent ainsi : Monochord, toutes les notes proviennent de la même SC. Multichord, toutes les notes d’un accord sont égrenées sur autant de SC, quitte à aller chercher les manquantes dans le SB suivant. Unison, euh, eh bien, unisson. Démonstration audio dans l’ordre, une triade, le passage par les quatre Cells en Monochord, puis Multi, puis Unison :
Rotate Reset fonctionne quasiment de la même manière, sauf qu’il démarrera tout le temps sur la première Cell active d’un SB. Les modes Poly sont identiques, à l’exception du Multi dont les notes sont confinées dans le même SB. Random fait ce qu’il dit, et fonctionne d’un point de vue Poly comme Rotate.
Layer permet comme, son nom l’indique, de superposer toutes les Cells d’un SB sur les notes entrantes, le Monochord résultant en un mode mono. Enfin Zone permet de répartir les quatre Celles une par une sur quatre zones du clavier.
Enfin, le Progress Mode permet de choisir vitesse et condition de passage d’un SB à l’autre, via note, durée ou séquence.
Voilà de quoi donner de la vie à un son. Cela peut aller du principe de mode Rotate à la Oberheim Matrix 12 à des superpositions et enchaînements presque proche d’un synthé Wavetable. Reprenons l’exemple précédent, en jouant simplement sur le mode Sequence et des réglages de morphing différents.
Précisons qu’on ne joue pour le moment que sur un SB, et qu’il en reste sept à truffer de ce que l’on veut, ou presque (pas d’échantillons, bien évidemment). On dispose de plus d’une octave de commande réglable, les notes blanches permettant la sélection des SB, les notes noires celles des SC, une par une ou groupées. C’est bien vu et très puissant, puisque laissant la main sur une forme de manipulation directe du son malgré une répartition pré-programmée dans les SB.
Voici quelques exemples issus de la banque d’usine de Rounds, plus ou moins modifiés selon les besoins de la démonstration, et sur quelques séquences de base.
Bilan
Rounds, s’il ne révolutionne rien, n’en est pas moins un synthé très intéressant, notamment grâce à son concept de cellules, à mi-chemin entre le Rotate du Matrix 12 et la synthèse à table d’ondes. On peut aussi penser à la façon dont on peut configurer certains Combis dans Reason.
Si la polyphonie de quatre voix pourra sembler légère à certains, il faut remettre Rounds dans son contexte, qui n’est pas de produire des pads chatoyants ou des imitations d’instruments réalistes, mais plutôt des gros sons, mouvants et pêchus, des effets spéciaux ou des séquences toujours (ou presque) renouvelées. Dans l’esprit de ce cahier des charges, Rounds est tout à son affaire, et l’on ne peut que saluer l’esprit d’invention et de simplification (en termes ergonomiques notamment) des concepteurs de Native, sur ce test qui conclut le tour des nouveaux synthés inclus dans la livraison 2014 de la Komplete.