Spark : encore un produit Native. Encore un synthé. Quels sont ses atouts et ses faiblesses ? Réponses.
S’il fallait pointer une caractéristique de Native Instruments durant l’année 2010 et le début 2011, c’est la régularité. Celle des sorties de produits, véritable avalanche tous azimuts, avec de plus l’introduction de nouvelles intégrations comme les effets dits “Studio” qui utiliseront le moteur de Guitar Rig, comme Reflektor (test ici), et celles des synthés et autres effets dits “Creative” qui utiliseront plutôt la plateforme Reaktor, comme The Mouth (test ici) ou Prism (test ici). Sans compter toutes les bibliothèques d’échantillons, que ce soit dû à leur partenariat/rachat (?) avec Scarbee, ou leurs propres efforts comme Vintage Organs (test ici) ou George Duke Soul Treasures (test ici). L’éditeur n’oublie pas non plus de sortir des mises à jour, comme celles (annoncées) de Kontakt 4.2 ou Reaktor 5.6, cette dernière apportant enfin le support 64 bits (hélas non disponible au moment de ce test).
C’est donc un autre synthé pour Reaktor qui nous arrive avec Spark, créé, comme Prism, par le principal concepteur de l’usine à créations protéiformes de Native, Stephan Schmitt.
Introducing Spark
Reaktor Spark (dont le dossier d’installation est suivi d’un R2, mais pas le produit lui-même) est la refonte d’un précédent produit vendu sous forme de Kore Soundpack (que devient Kore, d’ailleurs ? Hum…), que l’on utilisera au sein de Reaktor ou Reaktor Player, le lecteur gratuit (merci) à partir de la version 5. Il est d’ailleurs “amusant” de constater que si l’on charge le manuel disponible sur la page d’accueil du synthé, on a droit à celui du Kore Soundpack, ce qui est plutôt mal venu, l’acheteur (le synthé est vendu 49 €) pouvant tiquer d’autant que le manuel installé avec le logiciel est bien mis à jour, lui… Notons toutefois que les acheteurs du Kore Soundpack ont droit à une mise à jour gratuite, c’est fort aimable.
|
Le synthé est donc disponible pour Mac et PC, doit être autorisé via l’habituel Service Center avec son numéro de série. Ses sons apparaissent même dans Kore 2, sans toutefois que l’on puisse ouvrir son interface. Il faudra pour cela passer par Reaktor ou Reaktor Player, que l’on appellera au sein de Kore, afin d’accéder aux réglages complets, puisque seuls quelques-uns sont disponibles via l’interface de Kore.
Ouvrons donc Reaktor et Spark.
Architecture soustractive ?
Alors que Prism faisait appel à un nouveau module de synthèse (la Modal Bank, disponible depuis Reaktor 5.5.1), Spark ne présente a priori aucune section inédite, même si son architecture sonore est particulière.
Deux oscillateurs simples, Pulse et Sine sont chargés de produire des ondes complexes grâce aux possibilités de feedback, de modulation de fréquence (FM) et de Hard Sync de l’oscillateur Pulse. Une section Envelope avec deux enveloppes et une section de routing, un ensemble modulateur en anneaux et filtre multimode, une section Special incluant le circuit de feedback, un mixeur, une section Macro, une section Shaper et une section d’effets complètent la bête.
La section Oscillo offre d’abord les réglages de hauteur de chaque oscillos, P, de –20 à 130 (valeur de référence 60), par demi-tons ou centièmes. Le champ doté d’une icône de clavier permet de régler le suivi de clavier de l’oscillo, d’une valeur fixe à toute une gamme de nuances. De légers décalages entre les deux oscillateurs sont ainsi facilement obtenus, et permettent de créer des battements et des fluctuations façon “analogique” pour peu qu’une très légère modulation soit appliquée à l’un et/ou l’autre de ces réglages.
Les deux oscillos disposent chacun d’un réglage FM, résultant en des modifications substantielles des formes d’onde. Là, on travaille à l’oreille, pour retrouver des ondes type triangle ou dent-de-scie. Le bouton Key Sync force les formes d’ondes à redémarrer au début de leur cycle. Celui simplement nommé Sync génère entre autres des effets de Hard Sync, plus ou moins imprévisibles, car fortement liés aux autres paramètres. Pour finir, on trouve un réglage de volume de sortie et un rotatif pour le mix entre les deux oscillateurs (PLS-SINE). Une section d’apparence simple, mais pourtant riche de possibilités.
Taillage d’ondes
Plutôt qu’une habituelle configuration de filtre multimode, multipente, l’éditeur a choisi de proposer un ensemble constitué d’un filtre et d’un modulateur en anneaux, le tout renforcé par un Shaper et la section Special. Dans l’ensemble Ring Mod/Filter, on trouve néanmoins un classique multimode, LP, BP ou HP, mais dont les caractéristiques sont glissantes (on passe progressivement d’un mode à l’autre), tout comme celle de la pente du filtre (de 12 à 24 dB, par pas d’un centième). Cela est rendu possible par l’utilisation de deux filtres 12 dB/oct. en série, dont la proportion est aussi paramétrable par le rotatif Split. On dispose d’un classique suivi de clavier (rotatif Track) et d’un moins classique réglage FM, qui permet de moduler la fréquence de coupure par le signal entrant.
|
Ces quelques points d’originalité sont complétés par d’autres paramètres qui décuplent les possibilités sonores. Tout d’abord, le circuit Feedback (FB) qui permet de générer des effets de larsen, d’auto-oscillation, qui bénéficie d’un complément via le rotatif AM (pour modulation d’amplitude) qui ajoute des harmoniques. RM, pour Ring Modulator, génère lui des partiels (harmoniques inharmoniques) dont le nombre et l’amplitude sont en fonction du signal modulant, qui est celui en provenance des oscillateurs, et que l’on dosera via les rotatifs RM Mix et RM PLS-SINE.
On le voit, cet ensemble offre de nombreuses possibilités de filtrage créatif. Et l’on y rajoute le Shaper, qui permet d’enrichir le signal suivant son amplitude via son réglage Drive, le paramètre SAT-SINE qui offre le choix entre deux courbes de saturation et le rotatif 2ND H, qui relève progressivement le niveau du deuxième harmonique ainsi que celui des autres harmoniques pairs.
Enfin la section Special gère tout particulièrement les caractéristiques du Feedback. Elle présente tout d’abord un Delay polyphonique, dont le retard est dépendant à la fois du bouton Time (en ms) et du rotatif Track (jusqu’à correspondre à la fréquence de la note entrante). On passe ensuite dans un Frequency Shifter, dont on réglera le taux de décalage grâce au paramètre Amount (avec bouton d’inversion du sens de décalage). Color permet de simuler des effets de phasing plus marqués, Mix la balance entre signal d’origine et signal décalé. Pour finir, Mono et INT-EXT règlent la redistribution et la balance du signal du feedback, jusqu’à par exemple des effets de diaphonie, etc.
Si après tout ça, et les modulations apportées par les enveloppes (voir encadré), le signal de base ne paraît pas encore assez abîmé, il reste la section d’effets et le Mixer.
FX & Mix
La section d’effets de Spark est assez similaire à celle de Prism, avec un simulateur d’ampli/baffle, un 8-Pole Filter, un Mod Delay (avec possibilité de synchro au tempo de l’hôte et une Reverb aux réglages succincts (Size, Lo et Hi Cut). Comme dit dans le test de Prism, on est loin de plugs dédiés, mais dans le contexte, ces effets inclus s’en sortent bien. Je vous renvoie au test de Prism pour de plus amples informations, notamment en ce qui concerne le 8-Pole Filter.
|
Quelques variations cependant méritent d’être signalées : Cabinet a gagné une résonance pour chacun de ses filtres Cut, le 8-Pole Filter voit ses filtres bénéficier de réglages de niveau et de résonances séparés à la place de la Balance et du réglage Reso commun. Et surtout un Mod Delay a pris la place des Flanger et Echo, soit un délai stéréo modulé, avec LFO doté de réglages de vitesse, profondeur et phase, deux filtres Cut (Lo et Hi), possibilité de synchro au tempo, feedback et inversion dudit, décalage L/R et Mix. Un effet très complet, qui permet de produire écho, chorus, ping-pong, effets de pitch, etc. On gagnera à automatiser tous ces paramètres, et/ou à les moduler via les trois MC (voir encadré). Ne manque à mon avis qu’un bypass par effet, ce qui permettrait de couper direct, via automation ou Midi Learn, les délais ou disto, par exemple.
La section Mix est elle aussi très importante dans le sound design, puisqu’elle permet de spécifier dans quelles proportions les différentes composantes du signal vont être envoyées dans la section FX. C’est quasi un circuit parallèle (pas tout à fait, dommage). Dommage, car on aurait pu imaginer avoir d’un côté la chaîne Oscillos-Ringmod/Filter-Shaper-Special et de l’autre la section d’effets vers laquelle on enverrait l’une ou l’autre des composantes du signal en la prélevant à n’importe quel stade de son parcours. Il y a un peu de ça, mais en plus contraint. C’est-à-dire que l’on pourra doser dans cette chaîne d’effets (dont le routing n’est pas modifiable, dommage aussi) l’envoi des différents éléments, mais que le son arrivant à la sortie du synthé sera celui provenant de cette chaîne seule, et non pas un mélange entre le pur son de synthèse et le son traité. Ainsi, on peut envoyer la proportion désirée de signal Pulse et Sine, en totale indépendance du mélange de ces mêmes oscillos qui sera lui envoyé vers le filtre, duquel on pourra router vers les effets la proportion désirée de chacun des trois types de filtres selon leur pente (eh oui…), etc. Bien sûr, on pourra jouer des potards Mix de chaque effet pour doser la proportion de signal sec et traité, mais ce n’est pas tout à fait la même chose : ainsi impossible d’avoir d’un côté un son complètement déformé, saturé via le RingMod/Filter et le Shaper, et de l’autre un mélange fin de Sine et Pulse avec un léger écho.
Les possibilités offertes sont néanmoins intéressantes, plus que celles généralement rencontrées sur des produits de même type. Un bouton de volume général ainsi qu’un rotatif Ceiling (qui agit comme le seuil d’un limiteur brickwall) complètent cette section, ainsi que plusieurs afficheurs sur la gauche, Value, Tune (pour l’accord global), PB (réglage d’amplitude du pitch bend), Voices et Spread reflétant le paramétrage du nombre de voix, ainsi que celles utilisées en Unison et leur décalage. On remarque très vite qu’une trop grande gourmandise en termes de polyphonie fait rapidement monter la jauge CPU, méfiance donc.
Bilan
On le voit, voilà un synthé très bien conçu d’un point de vue routage, possibilités, ergonomie, sans que sa prise en main ou la compréhension de son architecture soient complexes. D’où vient alors le sentiment qu’il nous laisse, celui d’un synthé de plus ? D’abord, les presets, à l’exception de quelques bruitages intéressants, ne sont guère représentatifs du présupposé potentiel du synthé : on retrouve les types de sons habituellement rencontrés sur les produits issus de Reaktor de l’éditeur, sans qu’ils fassent de plus un grand usage de toutes les modulations offertes (MC ou enveloppes) ou alors pour des effets de cris et autres facilités synthétiques, certains proposant même des animations très rapides, mais sans destination… D’autres ont un volume de sortie mal paramétré (alors qu’il y a un limiteur !) qui procure quelques frayeurs sur de simples accords de trois sons (ça peut passer si l’on a pris l’habitude de mettre un limiteur en sortie de sa DAW, mais en standalone, ça peut être très problématique…). Bref, beaucoup de bruitages, de sons typés FM (décidément), et rien qui attire l’oreille au premier abord, qui donne envie d’arrêter le défilement pour simplement jouer du son proposé (on pourra aller écouter les démos de l’éditeur ICI).
Puis reviennent en tête le prix, 49 €, et le fait de pouvoir utiliser le synthé au sein du Reaktor 5 Player, qui est gratuit. Certes de nombreux synthés freeware sont disponibles sur le net (à commencer par des ensembles de très bonne qualité pour… Reaktor) et d’autres éditeurs proposent des synthés de type soustractif à des tarifs très proches ; mais, pour être honnête, quasi aucun ne rivalise avec Spark en termes de possibilités de programmation, de concepts d’architecture et de qualité sonore globale.
Et l’on se dit alors qu’à ces conditions, Spark permet de mettre la main sur un outil un cran au-dessus du commun de la production dans cette fourchette de tarifs, tout en restant plusieurs crans en-dessous de ce que peut attendre d’un instrument virtuel un amateur exigeant et a fortiori un professionnel. Il faut des outils différents pour contenter tout type de pratiquant, ceci n’a absolument rien de péjoratif, et Spark peut prétendre être un bon moyen d’entrée dans une synthèse un petit peu plus sophistiquée…