Décidément, c'est l'avalanche d'interfaces audio-numériques au format desktop en ce moment : après les Fast Track C400 et C600 de M-Audio/AVID, la Duet 2 d'Apogee ou encore la BabyFace de RME, c'est au tour de Steinberg de sortir une série d'interfaces, les UR, dont fait partie la UR28M que nous testons aujourd'hui…
Au mois de septembre, Steinberg a dévoilé les deux premiers membres de la famille UR, une interface au format rack possédant 8 entrées et 8 sorties analogiques et deux paires d’entrées/sorties ADAT, et une autre au format desktop (à poser sur son bureau, donc), intégrant 4 entrées et 6 sorties analogiques suppléées par deux entrées/sorties numériques au format S/PDIF. Les deux entités disposent de préamplis D-Pre en classe A ainsi qu’un DSP pour les effets comme la réverbe REV-X ou la tranche de console virtuelle.
Après avoir évincé le carton d’emballage, nous nous retrouvons devant une interface de la largeur d’un clavier Mac (sans pavé numérique), entièrement en métal. Nous ne pouvons ranger cette interface dans la catégorie des nomades pour plusieurs raisons : son poids de 1,4 kg et ses dimensions 59×164×291 mm sont assez imposantes par rapport aux Babyface ou autre Duet 2. De plus, l’interface doit obligatoirement être alimentée par son bloc secteur, le port USB ne suffisant pas.
Mais cette taille n’est pas forcément un inconvient pour tout le monde : cela permet de caser toute une série de contrôleurs et de connecteurs. Alors, commençons par l’arrière pour voir ce que cette UR28M propose…
UR my first…
En retournant l’interface, on se rend compte que le panneau arrière est bien rempli : on retrouve les deux entrées micro/ligne/instrument dotées d’un connecteur combo Neutrik, les entrées ligne 3/4 et les 3 paires de sorties analogiques en jack 6,35mm (asymétriques ou symétriques). Sur la partie gauche, il reste les deux sorties casques, l’entrée/sortie S/PDIF, la prise USB et l’entrée « 2 tracks » pour brancher un iPod, lecteur CD ou autre.
Petite remarque à chaud : vu que l’interface est de type desktop, on aurait aimé voir apparaître les sorties casques à l’avant de l’appareil, et pourquoi pas une entrée instrument. On imagine facilement que cela est moins coûteux pour le constructeur de tout mettre au même endroit, mais cela aurait été plus pratique de ne pas avoir à tâtonner derrière l’interface (on l’a tous fait) pour trouver cette maudite sortie casque. Une dernière chose à reprocher : pas d’entrée/sortie MIDI, dommage.
…my last…
Sur le dessus de l’interface en revanche, nous sommes gâtés : plein de potards, de boutons, de lumières vertes, rouges, orange… c’est joli comme tout ! Les quatre petits boutons en haut à gauche permettent d’activer les entrées Hi-Z (instrument) ou d’enclencher le PAD (-26 dB). Ce sont les seuls à ne pas être rétro-éclairés et ils font un peu plus « toc » que les autres, dommage. Steinberg aurait pu mettre des boutons identiques à celui de l’alimentation fantôme 48V, qui s’allume en rouge lorsque cette dernière est activée. Une petite économie encore !
Pour le reste, ça fait sérieux, avec les 5 potards permettant d’ajuster les niveaux des gains d’entrée, les niveaux des deux sorties casques et enfin le niveau de l’entrée « 2TR », désactivable via un bouton (rétro-éclairé, lui). Au milieu du tableau de bord gisent 4 rangées de 4 LEDs permettant de visualiser grossièrement les niveaux de deux entrées et des sorties principales. Il y avait de la place pour rajouter d’autres LEDs, dommage.
Terminons avec la partie « monitoring », organisée autour du gros potard de volume. Au-dessus de ce dernier, on aperçoit les trois boutons qui serviront à sélectionner la paire de sorties que l’on désire. Intéressant si l’on possède plusieurs paires d’enceintes : on passe de l’une à l’autre en un clic. On pourra sélectionner, via le bouton situé à gauche du potard de volume, la source de ce que l’on envoie vers nos enceintes, c’est-à-dire les mix 1, 2 ou 3. On termine avec les boutons DIM (pour atténuer de 20 dB les sorties ligne, mais pas les casques), MONO MIX (pour vérifier la phase et la balance en mono), et enfin MUTE pour couper la sortie. On remarquera la présence d’une LED affichant la source de l’horloge numérique (S/PDIF ou interne) et le bouton marche/arrêt qui n’est donc pas à l’arrière, un très bon point.
Regardons maintenant du côté software.
…my everything !
N’oublions pas que nous avons affaire à une interface Steinberg, papa du fameux séquenceur Cubase, et que l’intégration de l’UR28M à ce dernier est assez poussée. Pour ce test, nous avons utilisé un MacBook Pro sous Lion, et la dernière version de Cubase (6.0.4).
Après avoir installé le driver, nous apercevons le module « Yamaha Steinberg USB » dans les préférences système que nous lançons sans attendre. Surprise, une seule chose est disponible : « Enable Power Management ». Si on active cette fonction, l’interface s’éteindra d’elle-même après 30 minutes d’inactivité. Sympa, mais où est tout le reste ?!
Lançons Cubase 6 pour voir… Nouvelle surprise, la présence de nouveaux projets dans la section « Recording » de l’assistant, dénommés « Steinberg UR28M stereo recording », « Steinberg UR28M Vocal-Inst Recording 1 », etc. L’éditeur nous gratifie donc de points de départ pour nos futurs projets taillés pour l’UR28M, sympa ! À l’ouverture de l’un d’eux, nous apercevons quelques nouvelles têtes : une réverbe Yamaha Rev-X Plate, mais aussi une « tranche » que nous n’avions pas avant, située au-dessus de chaque entrée dans la console de voies. On y retrouve un inverseur de phase, un coupe bas, mais aussi et surtout un accès au Channel Strip intégré.
Dans les bras de Morphée
Ce Channel Strip, toujours signé Yamaha, inclut un compresseur et un égaliseur. Pour le premier, on dispose de réglages classiques : attack, release, ratio et soft/medium/hard knee. À noter la présence d’un side chain, permettant de choisir une fréquence et de régler sa largeur de bande et son gain. Sympa tout ça, mais ils n’auraient pas oublié le réglage de seuil (threshold) ? Non, il est bien là, mais il se dénomme Drive (?). Sur la partie droite, il y a l’égaliseur 3 bandes, avec choix des fréquences et réglage de gain, et un Q (largeur de bande – de 0,5 à 16) pour les moyennes fréquences uniquement. En fait, les bandes graves et aiguës sont des shelves (paliers). L’égaliseur ne remplace pas un vrai EQ digne de ce nom, mais pourra combler certains néophytes pour plusieurs raisons : il existe toute une ribambelle de presets avec des noms explicites (guitar, bass, vocal, drums) et surtout un gros potard virtuel appelé « Morph ». Chaque preset ayant en fait 5 réglages différents, il vous sera permis de naviguer progressivement (de faire du morphing) entre ces derniers en tournant le gros bouton tout rond afin de trouver votre réglage préféré, votre « sweet spot ». Ceux qui ont l’habitude de régler des égaliseurs et des compresseurs passeront leur chemin, mais les autres pourront trouver leurs réglages en chargeant un preset puis en tournant doucement le potard Morph et en se fiant seulement à leurs oreilles et leurs envies. Plutôt pas mal comme approche, même si cela peut avoir ses limites. Quoi qu’il en soit c’est mieux que rien et certains trouveront sûrement leur bonheur. Dernière chose, ce plug-in est aussi disponible en VST, et donc utilisable à volonté, sur toutes ses pistes.
Ces traitements pourront servir pour le monitoring, mais il sera aussi possible de les enregistrer. Vous pourrez choisir grâce au point d’insertion : soit vous bypassez complètement les channel strip, soit vous ne l’appliquez qu’au retour, soit au retour et à l’enregistrement. Nickel le teckel.
Rêves X
Non, Rev-X n’est pas la dernière production de John B.Root mais bien une réverbe logicielle fournie dans le bundle (certains commencent à quitter la salle). L’effet, nous le connaissons, il faisait aussi partie du bundle Cubase Producer Pack testé ici par notre cher Los Teignos. Je vous invite donc à écouter les fabuleux exemples audio. Nous avons accès à pas mal de réglages : des filtres, des temps de réverbe, decay, diffusion… De quoi égayer nos tristes soirées d’hiver, ou pas. Les trois algorithmes (room, plate et hall) sont aussi disponibles en VST, afin de les utiliser dans vos projets, cool.
À noter que vous ne pourrez enregistrer la réverbe lors de la prise. En même temps, ça ne sert à rien vu qu’elle est dispo en VST3 et que les presets sont compatibles. Elle n’est donc dispo que pour le retour casque, les chanteurs aiment bien ça généralement.
Il existe aussi un petit bout de soft, dénommé dspMixFx, qui vous permettra de mixer et router les signaux entrant dans l’interface, en mode stand alone (c’est à dire sans Cubase ou un autre séquenceur de lancé). Vous aurez accès à Rev-X, au Channel Strip, et vous pourrez concocter trois mix, chacun assigné à une paire de sorties physiques. Il sera possible d’enregistrer des scènes afin de les rappeler plus tard.
Mais il est temps de passer aux choses sérieuses : enregistrons et comparons.
Test, 1 2, 1 2
Pour tester cette interface, nous avons utilisé un micro à condensateur Audio-Technica AT-4040 et une guitare acoustique Takamine. Nous l’avons comparée à notre Mbox Pro : chaque interface est reliée à un ordinateur avec Cubase 6 et nous envoyons des signaux identiques aux deux. Nous avons donc branché un câble Y sur le micro et nous avons pu le relier ainsi aux deux interfaces simultanément. Afin de calibrer les signaux, nous avons placé le micro devant une enceinte émettant un signal sinusoïdal de 1 kHz, et nous avons réglé les gains des interfaces audio pour que les niveaux en entrée correspondent à 0,1 dB près.
Voici les deux exemples audio, enregistré sur la Mbox et l’UR28M :
- AT4040 UR28M00:28
- AT4040 Mbox Pro00:28
Il y a très peu de différences entre les deux fichiers, et seulement les mieux équipés d’entre nous et ceux ayant les oreilles les plus affutées pourront éventuellement entendre quelque chose… Reste que l’UR28M nous a convaincus de par sa réserve de gain suffisante et le rendu sonore de son préampli.
Afin de comparer cette fois-ci les convertisseurs, nous avons envoyé un signal au niveau ligne, provenant d’une session Cubase. Là aussi, les deux fichiers sont quasi identiques et il est très difficile de désigner un véritable vainqueur. Les deux interfaces font toutes les deux très bien leur travail et aucun home-studiste ne se sentira limité techniquement ! Ses qualités artistiques pourront s’exprimer comme il se doit.
- Line UR28M00:32
- Line Mbox Pro00:32
À l’utilisation, cette UR28M s’est révélée plaisante. Nous avons aimé sa section de monitoring et il est aisé de contrôler plusieurs paires d’enceintes. En revanche, il sera compliqué d’utiliser les sorties lignes analogiques pour des envois (retour casques ou effets), car on ne peut en activer qu’une à la fois. Ainsi, si on utilise les sorties 3/4 pour diverses raisons, on coupera les enceintes principales branchées en 1/2. On regrette aussi l’absence de boutons de transports pour contrôler Cubase, il faudra repasser à la caisse (Steinberg vient d’ailleurs de sortir toute une série de contrôleurs!).
Pour le reste, c’est du tout bon (comme Jacques). Le prix reste un peu élevé (trouvable à un peu moins de 400€), mais le boîtier en métal, la qualité des préamplis et convertisseurs ou encore le DSP et le bundle (channel strip et réverbe) font de cette interface une valeur sûre.
Conclusion
L’UR28M a des atouts à faire valoir, que ce soit au niveau de la qualité audio, du look ou encore de ses contrôles utiles et accessibles. Le boitier en métal est robuste et le format desktop permet d’avoir une bonne accessibilité. On aurait quand même apprécié que Steinberg aille un peu plus loin dans le concept en déportant les sorties casques à l’avant et en ajoutant quelques boutons de transport pour les séquenceurs. Surtout que l’intégration avec Cubase est assez poussée et les plug-ins VST fournis peuvent s’avérer utiles. Un bon produit pour qui veut s’offrir une interface audio complète, au format desktop, offrant deux préamplis, pour un peu moins de 400€.