Voilà un casque qui a déjà fait couler pas mal de bits sur la Toile depuis sa sortie : le nouveau venu de la gamme MDR de Sony, j'ai nommé le MDR-MV1, casque pensé et réalisé pour s'adapter au mixage et à l'écoute immersive. Plongeons donc dans ce test...
Nous avions relayé l’information en avril dernier : Sony annonçait la sortie d’un nouveau casque dans la série MDR, casque qui devait être particulièrement prédisposé pour le mixage spatialisé, grâce à une scène sonore large et précise, et une réponse en fréquence étendue. Bien sûr, il est pour l’instant impossible pour nous (AF) de tester objectivement les résultats d’un casque en utilisation binaurale. Nous aborderons donc le MV1 selon notre procédure classique de test.
Par ailleurs, nous tenons à rappeler, en introduction, que l’écoute binaurale peut se pratiquer sur n’importe quel casque : de ce point de vue le MV1 possède surtout la qualité d’avoir été développé spécialement pour cette utilisation (si l’on en croit le constructeur), mais cela n’empêche qu’il s’agit tout aussi bien d’un casque passif à deux voies, bref d’une technologie largement éprouvée. Cependant, il y a deux aspects très excitants dans ce MV1 : premièrement c’est le premier casque ouvert de la gamme pro de Sony, et deuxièmement cette marque n’a jamais proposé pléthore de casques professionnels, et la plupart de ces anciens modèles ne sont aujourd’hui plus produits. On était donc intrigué par ce nouveau venu…
Présentation/déballage
Spécifications
Le MV1 est un casque de type circum-aural, ouvert, avec un transducteur dynamique de 40 mm.
Les spécifications annoncées par le constructeur sont les suivantes :
- Impédance : 24 ohms à 1 kHz. On s’attend d’habitude à une impédance nominale, c’est-à-dire une impédance moyenne, plutôt que l’impédance spécifique pour une fréquence choisie. Cette remarque mise à part, il s’agit d’un casque adapté à des sources de faible puissance (téléphone portable et tablette par exemple).
- Réponse en fréquence : 5 Hz – 80 kHz
Le câble détachable se connecte à l’écouteur gauche, comme le veut la norme, grâce à un jack 3,5 mm TRRS, sécurisé par vis. À son autre extrémité on trouve un jack 6,35 mm TRS, plus un adaptateur vers jack 3,5 mm. Le câble est d’une longueur de 2,5 m, d’un diamètre assez important, et couvert d’une gaine côtelée plutôt originale, et plutôt élégante. D’ailleurs, dans l’ensemble le câble nous a paru être d’une très bonne facture avec des fiches jack 100 % métalliques, très robustes et texturées pour permettre une meilleure prise en main.
En ce qui concerne la robustesse du produit, le câble reste son meilleur atout : nous ne dirons pas que le casque n’a pas l’air solide, mais à part le ressort de l’arceau, toutes les autres pièces sont en plastique.
Les mousses d’écouteurs sont couvertes d’une matière intéressante (qui rappelle un tissu microfibre), très douce, moins chaude que le velours. Si elles sont très épaisses (un peu plus de 2 cm), au toucher, elle semble être remplie d’une simple mousse (pas mémoire de forme) dont on peut craindre qu’elle perde sa forme avec le temps.
Démontable ?
Oui
En premier lieu, il suffit de tirer sur les mousses pour les retirer, et l’on accède ensuite à la plaque de support du haut-parleur, maintenue en place par 5 vis :
Une fois les vis retirées, on peut atteindre le câblage (qui nous a paru un peu fin, mais bien sécurisé contre les chocs) ainsi que le transducteur qui se déclipe en lui appliquant une rotation de quelques degrés :
On découvre au passage que l’intérieur de la cavité des oreillettes est couverte d’un très fin tissu, permettant la transmission des ondes vers l’arrière, mais empêchant la poussière d’entrer à l’intérieur :
Pour ce qui est de l’arceau et des axes de pliage, toutes les pièces sont maintenues en place par des vis cruciformes :
Pour finir, si le casque est encore très récent, il nous a semblé possible de trouver, aujourd’hui, au minimum un câble de remplacement. Les coussinets d’oreillette sont probablement remplaçables par quelques modèles de taille similaire.
Confort
Très bon.
Au niveau des oreillettes, c’est très bien : assez grand pour vraiment faire le tour de l’oreille (et donc s’adapter à de nombreuses morphologies) avec une force de serrage pas trop importante. Pour ce qui est de l’arceau, la mousse pourrait être un peu plus ferme : en effet, on a tendance à sentir le poids sur le dessus du crâne lors de longues écoutes.
Seul défaut véritable à notre sens : le câble, plutôt long et avec des connectiques métalliques assez lourdes, a un impact (léger) sur l’équilibre ressenti au niveau de la tête : ça tire un peu du côté gauche, en particulier lorsque l’on se tient debout.
Isolation
Casque ouvert, donc rien à signaler. Lors du benchmark, nous avons trouvé que le casque fuyait moyennement.
Transport
Sur ce point, et étant donné le prix du casque (469 €), on pouvait s’attendre à beaucoup mieux de la part de Sony : aucune pochette de protection n’est fournie, et encore moins une véritable boîte de transport. C’est quand même très dommage pour un casque qui ne se plie pas.
Benchmark
Voici donc le nouveau protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion harmonique totale (THD), réalisées dans notre atelier.
Réponse en fréquence
Ça faisait longtemps qu’on avait pas vu un profil aussi droit. On remarque donc :
- 20 Hz à seulement – 3 dB
- Un rendu presque totalement droit entre 30 Hz et 1 kHz
- Un très léger creux (-2 dB) juste avant 2 kHz suivi d’une légère accentuation à 3 kHz (différence de 3 dB entre ces deux fréquences)
- Un creux légèrement plus marqué à 5 kHz
- Une accentuation générale (avec des creux et des bosses) entre 6 et 17 kHz, mais pas trop marquée (+8 dB par rapport à 1 kHz, pour référence un DT-770 a un écart de +15 dB).
- Un bon appairage des transducteurs, malgré une petite différence gauche-droite
On s’attend donc à un casque assez « neutre », peut-être un peu terne si l’on aime les casques qui soulignent les aigus, avec pas mal de graves et de bas-médium.
Distorsion
On remarque deux éléments principaux :
- Une distorsion particulièrement basse entre 150 Hz et 1,5 kHz (0,05 %). Au-dessus de cette fréquence, on avoisine en moyenne 0,1 %, ce qui est très classique.
- Une distorsion forte, voire très forte en dessous de 100 Hz, augmentant jusqu’à pratiquement 10 % à 20 Hz (distorsion de seconde harmonique principalement).
Écoute
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. Une des premières choses qui nous frappe c’est que tout en étant assez généreux dans l’aiguë le casque est très loin d’offrir les niveaux « d’aération » qu’on peut trouver, par exemple, sur un DT 990 PRO. La signature sonore du casque ne rappelle plutôt le K371 d’AKG que nous avions testé il y a 3 ans : un casque avec des aigus précis, mais avec une présence égale du médium et du bas médium, qui font que le haut du spectre ne se trouve pas mis en avant par comparaison. Le suivi des queues de réverbe en souffre un peu. En revanche : très belle image stéréo, on en reparlera plus tard.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Le casque s’en tire très bien dans le grave, avec une présence dans le mix égal pour toutes les notes du clavier basse, y compris les plus « sub ». À nouveau, on remarque une belle image stéréo, très large, avec un placement très précis des instruments. La voix, naturellement nasale, gagne à ne pas être accentuée dans le haut-médium : on retrouve vraiment la tessiture baryton du chanteur. Les médiums nous paraissent également très précis (sur les overdubs de caisse claire en particulier).
Massive Attack – Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut-médium et l’aigu. Ça se confirme : le casque est très agile pour atteindre certaines notes très graves, et l’on n’a pas l’impression que la distorsion mesurée soit particulièrement audible, même si l’on sent que le casque est plus détaillé dans le médium que dans le grave. On est également frappé par une vraiment belle image stéréo, large, mais surtout précise. Pour ce qui est des S un peu sifflants sur le premier couplet, pas d’inquiétude : malgré une extension jusqu’à 17 kHz, les aigus ne sont pas trop artificiellement accentués. Une impression critique commence à se dégager : le MV1 ne nous paraît pas être un casque pour la recherche de défauts (casque loupe), plutôt un casque utile pour des écoutes d’ensemble (équilibre du mix).
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Si parfois certains casques accentuent trop les cymbales, ce n’est pas ici le cas. Tant mieux ! Ce qui nous semble le mieux rendu ici, c’est justement la masse des cuivres dans le médium et haut-médium : aussi bien leur placement dans le panoramique stéréo, que leur capacité à se détacher du groupe ou, justement, à se fondre dans un ensemble. Le trombone basse est suivi jusque sur ses notes les plus graves, et l’on ne se souvient pas qu’un casque testé eût jusqu’alors permis cela !
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15 min. Pour une part on apprécie le rendu précis des dynamiques, ainsi que des impressions de proximité ou d’éloignement des instruments selon l’emplacement dans l’orchestre. Mais par ailleurs, sur ce genre de programme, on aimerait une accentuation légèrement plus importante des aigus, dans le cadre d’une écoute plus analytique : on trouve par exemple difficile de bien percevoir la résonance, dans la salle, de la caisse claire, résonance dont la longueur varie selon les nuances de jeux. Encore une fois, autant le casque s’en sort très bien pour rendre l’équilibre d’un ensemble de sons et de timbres, de l’aigu jusqu’au très grave, autant il ne nous semble pas totalement convenir pour fixer son attention sur une plage de fréquence (à part peut-être pour les médiums, qui nous paraissent vraiment très détaillés)
Conclusion
C’est l’heure du bilan : revenons rapidement sur les aspects positifs et les aspects négatifs du casque. Et pour cela, commençons par ce que nous avons critiqué : une construction qui nous a paru moyennement robuste, mis à part le câble, un casque qui ne facilite pas le transport, et un confort bon au niveau des oreilles, mais moyen au niveau de l’arceau. Vous remarquerez que dans cette liste, nous ne parlons pas du son…
En effet, pour ce qui est de sa signature sonore, le MV1 ne met pas en avant un trait accusé et précis (comme, par exemple, certains casques qui sont très largement pourvus dans le grave ou, inversement, dans l’aigu ou le haut-médium). Cette approche limite naturellement son usage, et si cette neutralité sonore nous paraît intéressante dans le cadre d’un mixage immersif binaural (où l’on va souhaiter retrouver tous les instruments dans l’espace précisément dans un espace à 360°), il ne sera pas toujours adapté à toutes les phases du mixage (en particulier au moment des écoutes analytiques sur certaines prises, ou certaines plages de fréquence). En revanche comme casque pour contrôler l’équilibre des plages de fréquence, et des timbres des instruments les uns par rapport aux autres, le MV1 nous a paru un excellent choix. Et cela d’autant plus que son rendu panoramique nous a paru très précis. Ajoutons pour finir que, par ce caractère équilibré, nous pensons qu’il pourrait également s’agir d’un très bon casque d’écoute récréative, ce qui ouvre une perspective au-delà de son usage professionnel.