Nouvelle venue parmi la gamme de contrôleurs Midi signée Novation, qu’apporte la série Launchkey ? Réponse avec le test de la version 61 notes.
S’il est bien un choix d’instrument posant problème, tout spécifiquement depuis l’avènement de la musique sur ordinateur, c’est celui d’un clavier-maître, et plus particulièrement pour les pianistes de formation. On rétorquera qu’il est aussi difficile de choisir une guitare, une batterie, une basse, etc. Oui et non. Même s’il y a des lieues entre une Strato de 1954 et une Standard mexicaine récente, l’interface, malgré quelques changements, bien sûr, reste la même.
C’est-à-dire qu’à peu de choses près, on retrouvera ses marques sur le manche, avec le tirant de cordes que l’on utilise habituellement. Alors que le pianiste doit faire face, et ce depuis la création des claviers électromécaniques et électroniques à un changement total d’approche de l’instrument, puisque d’un clavier en bois doté d’un toucher dit lourd (avec tous ses paramètres propres sur lesquels on reviendra si besoin), on se retrouve la quasi-totalité du temps face à des claviers en plastique, sans aucune résistance ou si peu, voire des touches dont les formats (largeur, longueur), le rebond et la course ont été modifiés.
Et si l’on peut parfois trouver satisfaction (je me suis longtemps posé la question de faire Midifier ou non mon Stage 73 Mark II, tant son toucher me plaît ; comme quoi on peut se passer du toucher piano), il est parfois très difficile de passer de l’un à l’autre, sur scène, en studio voire chez soi quand l’un des claviers a rendu l’âme. Mais pas question de jouer (uniquement) au ronchon, on trouve aussi de nombreuses qualités à ces nouveaux (et plus anciens) claviers, notamment le côté portable et relativement léger (trimballer un K2500X, un SY99, un OB-3 et un rack 12U plein à ras bord laisse quelques souvenirs…) et les nombreuses fonctionnalités directement sous la main grâce aux faders, rotatifs et autres switches dont les fabricants truffent leurs claviers de commande. Simplement un rappel, pour dire par exemple qu’un clavier pas content dans une salle de répète ou pire, lors d’un concert avec backline, face à un instrument rincé, mérite compréhension…
Bref, c’est compliqué.
D’autant que l’offre est pléthorique, et, pour rester gentil, nombre des produits proposés sont surnuméraires, leurs qualités ne les différenciant pas de celles du voisin, quand ils ne sortent pas de la même usine (ou de l’usine voisine, soyons enclins à la tolérance…). C’est dans ce contexte surchargé que Novation, dont l’expérience en la matière remonte à plus de 20 ans (avec le MM10, censé constituer, avec le QY10 de Yamaha, une des premières solutions portables), nous propose une nouvelle ligne de claviers, la série Launchkey, déclinée en trois versions, 25, 49 et 61 notes. C’est cette dernière qui est ici testée.
Introducing Novation Launchkey 61
Dans le carton, on trouve le clavier et une pochette contenant un « Getting Started Guide » (un simple quatre-feuilles cartonné), une carte pour le téléchargement d’applications sur l’App Store et une autre pour le téléchargement des applications fournies avec le clavier, sous réserve que tout ce qui est fourni avec le clavier dans le commerce l’ait été dans notre exemplaire de test. Ces réserves, car il nous manque les numéros de série pour télécharger les applications offertes, alors que le clavier est présenté comme une station de musique complète grâce à ses logiciels inclus, ce qui est un comble…
En effet, aucun CD ou DVD d’installation n’est fourni, il faut donc se connecter sur le site, enregistrer son clavier, et sans numéro de série, on ne peut rien télécharger. D’où la recommandation de vérifier l’existence desdits autocollants sur les cartes lors de l’achat…
|
Heureusement, je possède déjà quelques-uns des logiciels en question, ce qui me permettra d’en parler (rapidement, pour le coup). Attention, la brochure annonce un logiciel InControl, qui n’existe simplement pas (après vérification auprès de l’importateur et du fabricant)…
Les manuels ainsi que l’installeur spécifique pour Reason sont disponibles sans autre formalité.
Les logiciels (normalement) prévus sont les V-Station et Bass Station de l’éditeur, Ableton Live Lite, le logiciel InControl (donc inexistant) et un package d’échantillons et boucles signés Loopmasters, ainsi que deux applications pour iPad, Launchkey iPad et Launchpad iPad.
Un physique avantageux ?
De dimensions habituelles pour un tel type de clavier (93cm x 27cm x 8,1cm) et d’un poids (3,5 kg) en relation avec son principal composant, le plastique, le clavier est doté d’une dominante grise, avec cependant une surprenante couleur orange vif pour sa face inférieure. Du coup, malgré ses dimensions, l’ensemble paraît un peu fragile, même si son tarif de 212 euros (prix catalogue TTC) le met en position avantageuse par rapport à une certaine concurrence (par exemple l’Arturia Analog Laboratory 61 notes qui coûte 429 euros, prix catalogue TTC, mais qui offre du tout métal et bois, tout du moins en ce qui concerne la structure, et une offre logicielle différente). La fabrication est chinoise.
Le Novation est plutôt riche en faders, rotatifs et switches, puisqu’on dispose de neuf faders (merci pour les utilisateurs d’émulations de B3 virtuel) sous lesquels on trouvera neuf switches, de huit rotatifs, des deux molettes habituelles de modulation et de pitch-bend, de huit pads offrant plusieurs couleurs, plus deux boutons, de commandes complètes de transport (six en tout), de trois boutons InControl, de deux boutons Midi Channel/Track et de deux autres Transpose/Octave et d’un écran LED à trois chiffres.
Les premiers essais sur le clavier révèlent un clavier semi-lesté, avec une résistance un peu supérieure à celle de mon SY99 (voir « Un comparo de poids » ci-dessous en ce qui concerne les tentatives de mesure de réponse à la vélocité), et plutôt confortable pour un clavier « mou ». Sa réponse est assez régulière, et les traits fusent assez facilement. Mais, deux fois mais, énorme déception : il n’y a pas d’aftertouch ! Comment est-il encore possible en 2013 de sortir un clavier, qui plus est un 61 touches, sans aftertouch ? Et je dirais même plus : sans aftertouch ? Comment ? Ha, je vois que monsieur au fond n’a pas entendu : non, il n’y a pas d’aftertouch sur le Launchkey 61, un clavier de commande sorti en 2013 !
Un comparo de poids…
Curieux de voir comment se comportait le clavier en ce qui concerne l’envoi de la vélocité (qui est, rappelons-le, une mesure de la vitesse, et non de la force, avec laquelle on attaque une note), nous l’avons comparé à trois autres machines disponibles dans le studio, toutes réglées (quand c’est possible) avec une courbe de réponse à la vélocité linéaire, en effectuant neuf lâchers d’un poids de 100 grammes sur la même touche blanche (le bord du poids est à la verticale de celui de la touche, le poids est posé sur la touche sans le laisser peser, suivi d’un lâcher brusque), puis moyenne des neuf, avec indication des valeurs les plus faibles et plus fortes.
Voici les résultats :
- Kurzweil K2500X : vélocité 37–39 (37.8, le plus régulier, avec six fois 38)
- Yamaha SY99 : vélocité 19–24 (21.7)
- Novation Launchkey 61 : 43–52 (48.6, avec cinq fois 52)
- Arturia The Laboratory 61 : 56–73 (64.4, aux écarts les plus grands)
Au vu de la différence assez importante entre les claviers (les deux premiers ayant plus de 15 ans, et ayant été joués très intensément, sur scène et en studio, et toujours utilisés), on peut comprendre la difficulté de parfois trouver chaussure à son pied.
Si le Kurzweil, malgré son grand âge, se montre extrêmement régulier (donc sans véritable surprise pour son utilisateur), on imagine la force/vitesse à laquelle il faut attaquer un SY99 pour atteindre la vélocité maximum, et on comprendra la difficulté de passer de l’un à l’autre des trois claviers « non-lourds » quand une même « frappe » donne des écarts allant de 19 à 73 !
Intégration ?
Tel qu’il est vendu par son fabricant, le Launchkey est une solution de musique complète, en cela qu’il offre d’abord sur iPad (Apple Camera Connection Kit obligatoire) deux applications : faute d’avoir pu les tester, on dira que la première, Launchkey iPad propose 70 sonorités à modifier via un ensemble de contrôles automatiquement assignés, une interface très plaisante, et bénéficiant de l’Audiobus (stream audio possible vers applications compatibles dans l’iPad). La seconde offre un ensemble de pads pouvant héberger et déclencher échantillons et boucles, avec commandes de filtrage, d’effets et de volume, le tout en interaction complète avec les boutons, pads et faders du clavier.
Autre proposition pour les non-possesseurs de tablette signée la pomme, Novation fournit les deux versions logicielles de ses synthés matériels K-Station (lui-même issu de l’A-Station) et Bass Station, nommées V-Station et BassStation (respectivement en version 2.2 et 2.0). Pas question de revenir ici sur les mérites et défauts de l’un ou l’autre (les deux ayant dix ans), mais sur la façon dont le clavier s’interface avec le logiciel. Dans les deux cas, les récentes versions présentent à l’ouverture une fenêtre demandant à l’utilisateur comment le clavier communiquera avec le synthé, de façon traditionnelle (Midi) ou avec mapping Launchkey (réglage aussi accessible via le Setup ou sur la façade des synthés). Dans ce dernier cas, les rotatifs seront automatiquement assignés aux Cutoff, Res, taux de LFO et Env2 sur le filtre, taux de modulation des oscillos 1 & 2, vitesses du LFO et du délai, les deux boutons à pression ronds permettant de faire défiler les présets, tandis que les faders seront assignés aux enveloppes. Pratique, mais loin d’être complet, ne serait-ce que si l’on considère que le V-Station est doté de trois oscillos. Un système de pages aurait pourtant simplement permis d’avoir la main sur tous les paramètres, au moins pour les synthés maison, et en poussant un peu, pour les synthés et plugs d’autres éditeurs. Mais peut-être aurait-il été compliqué de réaliser une telle implémentation ? Ah ben non, ça existe déjà, ça s’appelle l’Automap, et c’est signé… Novation.
Dernier type de contrôle possible, celui de différentes DAW, parmi lesquelles sont annoncées, Live, Reason (avec un petit logiciel à télécharger et installer au préalable, ce qui permet la reconnaissance immédiate du Launchkey via l’auto-détection dans les Preferences>Control Surfaces), Logic, Pro Tools, Cubase, Studio One, etc.
Le paramétrage de chacune est assez simple ; ainsi dans Logic, on passera par le gestionnaire de surfaces de contrôle, on créera un module HUI, et l’on sélectionnera Launchkey InControl pour les deux ports. Immédiatement, et après avoir activé les boutons flêchés InControl nécessaires sur les trois disponibles (correspondant à l’activation des faders, rotatifs et pads), en l’occurrence deux pour Logic, le clavier peut commander les volumes et pan de huit tranches. Les boutons Track permettent de se déplacer de piste en piste, les faders et rotatifs fonctionnant par banque de huit pistes (sélection des banques via les boutons ronds à droite des pads). Les boutons sous les pistes font aussi office de Solo ou Mute, fonction en cours choisie via le bouton sous le fader Master. Tout fonctionne bien, la réaction est immédiate, et les fonctions de transport remplissent leur effet (merci pour la fonction Cycle).
En revanche, il y a un problème de résolution, il est par exemple impossible d’obtenir toutes les valeurs sur les faders de volume : ainsi, dans Logic, on passe de –0.1 à –0.4, –0.8, –1.1, –1,4, etc., alors que l’incrémentation est normalement par pas de 0.1 dB. De plus, il est impossible d’accrocher le 0 dB… Adieu automations précises et autres subtilités au fader.
Bilan
On connaît la très longue expérience de Novation dans le domaine du contrôleur, et particulièrement dans celui du clavier de commande. Le fabricant anglais nous a gratifiés depuis ses débuts de plusieurs séries cohérentes, avec de grandes réussites comme le logiciel Automap (actuellement en version 4.7) et la gamme l’utilisant, et tout particulièrement le Nocturn.
Avec cette série Launchkey, l’éditeur semble être entre deux eaux : de nombreux atouts (nombre de contrôleurs, simplicité de mise en œuvre, offre logicielle pour ordi et iPad, etc.) mais aussi des défauts qui restent parfois incompréhensibles (pas d’aftertouch, des faders imprécis, pas de compatibilité avec l’Automap maison, etc.). Du coup, sans pour autant oublier que le clavier se montre très agréable à jouer (ce qui est plutôt rare dans du semi-lesté actuellement), et en dehors d’une utilisation qui montre une conception tournée vers Live d’Ableton et FL Studio (pads conçus pour le lancement/l’arrêt de clips), ce qui est logique vu l’autre produit du fabricant, Launchpad, on pourra se tourner vers des claviers offrant plus de contrôles immédiats, et pourquoi pas chez Novation même, la série des SL par exemple, qui dispose elle de l’Automap et de l’aftertouch. Évidemment, le prix doublera… D’où l’importance, mais après tout comme avant chaque achat, d’un cahier des charges bien précis avant toute prise de décision.