La sortie quasi simultanée de versions logicielles des 1176 et LA2A chez IK Multimedia et Native Instruments est une occasion de réaliser un mini-comparatif. Let’s squash!
Quelques pièces hardware bénéficient d’un statut équivalent au Graal, qu’il s’agisse d’instruments, de micros, d’équipements ou d’effets de studio. Parmi ces derniers, qu’ils soient nommés limiting amplifiers, leveling amplifiers ou plus simplement compresseurs, les Teletronix LA-2A et Urei/Universal Audio 1176 LN, sans oublier les mythiques Fairchild 660 et 670, quasi introuvables à l’achat (on en a vu sur ebay à 42 000 $…), sont des pièces très estimées, que l’on trouve encore dans les grands studios dans leurs versions d’époque ou celles plus récentes nommées Reissue. Quand les studios ne s’équipent pas avec l’une des nombreuses copies plus ou moins fidèles mais généralement de très bonne qualité proposées par de nombreux fabricants, de Studio Electronics à Purple Action, etc. C’est bien simple, ces outils mythiques figurent sur la quasi-totalité des disques produits depuis leur création.
Le monde logiciel devait bien sûr s’emparer de ces légendes, et en proposer ses propres versions. Depuis les premières tentatives, comme celles de Bomb Factory, en passant par les Universal Audio, URS, Waves et bien d’autres, jusqu’aux toutes récentes réalisations signées IK Multimedia ou Native Instruments en coopération avec Softube, les simulations ne manquent pas.
Pas question d’exhaustivité ici (beaucoup trop de modèles en circulation), ni de comparaison avec du hardware d’époque ou récent, mais un mini-comparatif entre les deux marques, plus la présence des mêmes plugs signés par Universal Audio pour l’UAD-1/2, comme une sorte de référence, associée à nos souvenirs du comportement des originaux ou de quelques copies. À savoir, le bundle Vintage Compressors de Native inclut aussi le non moins réputé dbx 160, qui ne sera pas abordé dans ce test.
Introducing the plug-ins
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L’éditeur Native Instruments, que l’on ne présente plus, s’est associé à Softube, responsable de plugs assez extraordinaires (si, si) comme l’Acoustic Feedback ou le Tubetech CL 1B, dont je ne me lasse pas. Je n’ai pu essayer encore leurs réverbes ou simulateurs d’amplis, mais les retours utilisateurs semblent très prometteurs. Voici donc des émulations des Urei 1176 LN (VC 76) et Teletronix LA-2A (VC 2A), destinés à être utilisées, comme les autres Studio Effects de l’éditeur, au sein de Guitar Rig 4. La bonne nouvelle étant que le player Guitar Rig 4 est gratuit, la “mauvaise” étant que les plugs sont inexploitables sans passer par le multi-effet guitare de l’éditeur. Disponible sur Mac (Intel seulement) et PC, en 32 et 64 bits, l’ensemble hôte (GR4, ou GR4 Player) plus plugs est compatible avec les formats AU, VST et RTAS, et comprend une version standalone. L’activation passe par le Service Center habituel.
Du côté de chez IK Multimedia, les T-RackS Black 76 et T-RackS White 2A sont, comme leur nom l’indique, conçus pour fonctionner à l’intérieur de T-Racks 3 mais aussi sous forme de plug-ins autonomes, directement exploitables dans la DAW de son choix, en 32 et 64 bits, formats AU, VST et RTAS. L’autorisation s’effectue via la procédure usuelle en utilisant l’Authorization Manager.
Quant aux plugs d’Universal Audio, les UAD 1176LN et UAD LA2A, ils ne sont bien entendu utilisables qu’avec l’une des cartes DSP du constructeur, de l’UAD-1 à l’UAD-2 Quad. Le logiciel d’exploitation de la carte est en version 5.9.1, les plugs sont compatibles Mac et PC 32 et 64 bits (pour le 64 bits, seuls les drivers des cartes sont compatibles, les plugs restant en 32 bits et devant être utilisés via un bridge), AU, VST et RTAS.
Vous avez demandé le 1176…
Tous les éditeurs se sont inspirés des versions LN du compresseur FET 1176. LN, pour Low Noise, suite à la modification par un ingénieur de Urei, Mr Plunkett, en vue de réduire le bruit de fond, qui a conduit aussi à l’adoption de la fameuse façade noire en lieu et place de celle en alu brossé et bandeau bleu encadrant le Vumètre à aiguille. Ces versions nommées C, D et E sont les plus recherchées. D’un point de vue technique et sonore, les compresseurs FET ont apporté le principe de ratio réglable, et des temps d’attaque et de release bien plus rapides que ceux de leurs alter ego basés sur des designs Vari-Mu ou opto-électrique.
IK Multimedia précise avoir modélisé son plug sur un modèle E. Native ne donne pas de précision, pas plus que Softube, dont le savoir-faire mis en œuvre pour sa propre version du FET Compressor a certainement profité à Native. Chez UA, pas non plus d’indication ; de toute façon, ces trois versions sont très proches en termes de caractéristiques sonores, autant que peuvent l’être des processeurs sonores utilisant uniquement des composants analogiques. Car au sein d’une même version, avec numéros de série se suivant, deux modules sonneront de façon légèrement différente.
Côté fonctionnalités, en-dehors de l’innovation majeure qu’est l’apport de la stéréo (puisque c’est du 1176 qu’il s’agit ici, et non de sa version stéréo, le Urei 1178), UA reste fidèle à l’aîné. On retrouve donc les fonctions originales notamment appréciées pour leur simplicité. À savoir les deux gros rotatifs d’entrée et de sortie, les deux plus petits Attack et Release, les quatre boutons de Ratio (4:1, 8:1, 12:1 et 20:1, y compris le mode All Buttons) et les quatre boutons d’affichage, Off, +4, +8 et GR (pour Gain Reduction). En revanche, pas moyen de caler le rotatif d’attaque sur Off, ce qui mettrait le compresseur en ratio 1:1 et permettrait de traiter le signal sans compression, mais en profitant de la signature sonore du processeur. Les trois éditeurs ont bien entendu repris le principe (assez déstabilisant au départ) des potards : l’attaque la plus rapide n’est pas à gauche (1), mais à fond à droite (7). Même chose pour le release. Rappelons les vitesses d’action des deux paramètres : de 20 à 800 microsecondes (oui, micro) pour l’attaque, de 50 à 1100 millisecondes pour le release.
Native et IK ont apporté quelques modifications. IK, d’abord avec ses quatre snapshots hérités de l’architecture de T-RackS et surtout les boutons L/R, M/S qui permettent donc de choisir l’un ou l’autre des modes de fonctionnement (bien vu), boutons complétés par L, R et = (les deux premiers se transformant en M et S le cas échéant), qui permettent de traiter séparément ou non les deux canaux d’un signal. IK a aussi rajouté l’affichage des valeurs de réglage, mais sans correspondance avec la réalité en ce qui concerne Attack et Release, dommage. Quitte à mettre des indications, autant qu’elles signifient quelque chose… Le mode All-Buttons est permis grâce à un bouton spécialement dédié. Le ratio 1:1 est assuré par le bouton Off sous Attack. On dispose aussi d’un Bypass et d’un Reset.
Chez Native, un curseur Ratio remplace les quatre boutons, reprenant les réglages habituels (de 4:1 à 20:1, plus All-Buttons), en y ajoutant un mode 1:1 à la place du bypass du potard d’Attack. La gestion du Vumètre change aussi, puisque l’on peut afficher niveau d’entrée, de sortie et de réduction de gain. Le plug bénéficie aussi d’un menu de presets, accessible dans les réglages avancés, ainsi que d’une entrée side-chain (bien vu pour tous les amateurs de techno/electro) et d’un slider permettant de doser le signal non traité, afin de reproduire un principe de compression parallèle en modulant le niveau de sortie Output (qui, rappelons-le, n’a pas d’incidence sur la compression en elle-même). Notons aussi qu’à la différence du FET Compressor de Softube, les réglages de Ratio ne sont pas continus.
Exemples audio 1176
Les réglages ont été à la fois effectués en adoptant les mêmes positions, et en corrigeant si nécessaire quand les écarts de comportement étaient trop flagrants, comme on peut le constater sur les captures d’écrans, l’important étant d’obtenir un niveau de sortie égal sur tous les plugs et, ce qui est très important, une lecture sur le Vumètre des plugs affichant les mêmes valeurs, afin de vérifier comment les éditeurs ont calibré leurs réglages et leurs Vumètres. Il a parfois été nécessaire d’utiliser la vue Controls de Logic, afin d’ajuster plus précisément les paramètres que ce que permet parfois l’interface graphique. Un DPeak Meter Pro a été utilisé en fin de chaîne pour ultime vérification des niveaux.
Commençons avec une boucle de batterie avec une attaque rapide (position 7, rappel sur le 1176, c’est 0,00002 seconde…), un release relativement rapide (6) et un taux de compression de 8:1, avec un réglage d’Input donnant une réduction de gain maximum de 5 dB au VU-mètre.
On entendra d’abord la boucle sans traitement, puis dans l’ordre UA, IK puis Native. Et pour finir, un invité surprise, le 24/7 de TC Electronic, puisqu’il traînait par là…
Ça bouge chez tout le monde dans le bas du spectre, mais c’est surtout le charley qui est modifié, avec une coloration subtile. Le résultat en termes de gain de “corps” est flagrant chez quasi tout le monde, un peu moins chez NI et TC.
On continue avec cette fois un ratio de 12:1, et une réduction de gain affichée de 10 dB.
Les choses commencent à se préciser. UA montre un caractère très prononcé, IK en délivre une version comme hyperréaliste, encore plus boostée, alors que Native est plus discret (gestion des transitoires différentes, empêchant de pousser le niveau de sortie autant qu’il le faudrait). Sans avoir à rougir du résultat, TC ne montre cependant pas une grande personnalité.
On finit pour la batterie avec le fameux British Mode, ou All-Buttons, qui correspond à peu près à un ratio de 12:1 (flottant en 12 et 20:1, disons), mais avec un release dont le temps et la courbe changent radicalement, ainsi qu’un léger retard sur les transitoires. Attack 7, Release 5 et autour de 7 dB de réduction au VU-mètre …
On retrouve même le comportement du Vumètre qui se met à +3 dans le rouge, à l’exception du 24/7, qui d’ailleurs ne sonne pas du tout comme les autres sur ces réglages (puisqu’il limite en plus de façon assez sévère)… Et le comportement de l’UA 1176LN se démarque nettement de celui de ses camarades. Si l’on se fie au VU-mètre, le son ressemble à celui obtenu sur des réglages de compression élevés, mais sans plus. Si l’on utilise les réglages à peu près semblables à ceux des autres plugs, eh bien le résultat est tout autre. On remarque que quelques transitoires passent chez IK et Native, ce qui empêche d’élever le niveau de sortie. Dommage, car, à condition de limiter ces attaques, la couleur sonore est relativement proche du référent UA.
Afin de mettre tout le monde sur le même pied (en théorie), voici un exemple reprenant UA, IK et NI, Input à fond, attaque et release inchangés, et Output ajusté pour ne pas dépasser le 0 dB
Le 1176 est aussi très utilisé sur les voix. À partir d’un exemple comportant d’assez grandes variations d’amplitude et tapant le 0 dB, avec de plus un très léger détimbrage dû aux mouvements de la chanteuse par rapport au micro, voyons ce que les plugs peuvent apporter. Les réglages sont : Attack 3 qui permet de “coller” aux montées vocales, Release 5, ratio de 4:1 et Input réglé pour obtenir 5 dB de réduction de gain.
Les trois plugs montrent un comportement très proche, avec une belle action sur la voix. On continue avec les mêmes réglages d’attaque, et un taux de 8:1, Input modifié pour obtenir 10 dB de réduction. Sur une voix, c’est beaucoup, mais le fichier est très dynamique, et ça permet d’entendre la réaction des plugs en condition poussée.
Le lissage est impressionnant, tout en restant très musical, si l’on considère qu’une telle perte de dynamique reste musicale…
On termine par une guitare électrique que l’on veut “salir” un peu, en accentuant l’impact des mutes. Réglage d’attaque moyen (5,5), release court (6), ratio 8:1, taux de réduction centré sur 7 dB (une ou deux pointes à 9 dB).
Mission accomplie.
On l’entend, de façon commune les caractéristiques sonores sont assez particulières et identifiées, les ratio et l’Attack/Release changeant suivant le signal entrant, ce qui est fidèle au comportement attendu. De même, le travail sur les transitoires. Les plugs se différencient néanmoins dans la modification des fréquences, la saturation apportée (le résultat du All-Buttons varie énormément de l’un à l’autre). On apprécie le grand Vumètre de la version IK, plutôt lent comme celui de Native, le plus agité (et pas forcément pratique à lire), étant celui d’UA.
L, A, 2 dans A, LA, LA-2A
Autre petite merveille de la compression, le compresseur opto-électrique à lampes Teletronix LA-2A signé James F. Lawrence Jr. (qui a commencé à réfléchir au problème de la compression dès les années 20…) a inspiré les éditeurs, UA restant dans la réplique exacte, les autres apportant quelques fonctions supplémentaires.
Difficile de faire plus simple en termes de réglages purement sonores : un switch permettant de choisir entre fonction Limit et Compress (ce qui sous-entend que la version modélisée est la version 2, dite Silverface. Ou la version récente…), un Gain, qui ajuste le niveau de sortie après compression (ce n’est pas le volume d’entrée…) et un Peak Reduction, qui détermine le taux de compression. Ce dernier rotatif ajuste simultanément taux de compression et niveau de Threshold (seuil au-dessus duquel tout signal est compressé). C’est une des particularités du LA-2A (et de ce type de compresseur). Le VU-mètre affichera au choix la réduction de gain, et le niveau de sortie (+4 ou +10). Le temps d’attaque peut descendre en théorie à 10 millisecondes et le release atteint sa moitié entre 40 et 80 millisecondes, et peut prendre entre 0,5 et cinq secondes pour revenir au niveau d’origine. Tout cela réagit de toute façon au signal entrant : l’attaque aux fréquences, et le release (la véritable clé du son du LA-2A) selon la tenue du signal entrant à un niveau donné ou en cas de compression élevée (sur l’original, cela influe sur l’effet de mémoire de la cellule).
IK a rajouté les Reset, Bypass et boutons permettant de basculer des modes L/R à M/S. Native a modifié l’affichage du Vumètre, puisque l’on peut vérifier niveau d’entrée, de réduction et de sortie. On retrouve un side-chain et le slider de volume non traité, plus un filtre coupe-bas (de 20 Hz à 2 kHz) modifiant le contenu spectral du signal entrant. Une excellente idée, vu la douceur de réaction du compresseur, qui permettra de ne pas le faire réagir à l’énergie des basses fréquences quand ce n’est pas nécessaire, ce qui se fait toujours au détriment des aiguës.
Exemples audio LA-2A
On reprend l’exemple vocal précédent, le LA-2A étant aussi beaucoup employé sur ce type de signal (certains utilisent même une chaîne 1176LN + LA-2A), sa configuration soft knee avec un ratio plus ou moins fixe de 4:1 associés à son enveloppe particulière y faisant des merveilles.
Les plugs sont réglés de façon à ce qu’ils affichent une réduction de gain de 5 dB. Dans l’ordre, toujours le même principe : fichier non compressé, puis UA, IK et NI.
UA et Native montrent un comportement assez semblable, là où IK gérera les niveaux les plus forts de façon différente. Ce qui frappe surtout c’est la différence entre les réglages pour arriver à un résultat similaire.
Passons à une réduction de 10 dB.
Autre essai sur une guitare acoustique, dans le but de lisser un peu le phrasé, en appliquant 6 dB maximum de réduction de gain.La douceur de l’action et la musicalité sont bien rendues, bien distinctes du traitement des 1176, même si de façon différente suivant les plugs, et surtout avec des écarts flagrants en ce qui concerne les réglages. Encore une fois UA et Native sont dans un mouchoir.
Pour finir, une contrebasse avec une réduction de gain autour de 5 dB.La version UA réduit un peu plus les transitoires que ses concurrents, IK est en peu en-dessous en termes de volume moyen, même s’il montre un comportement assez proche de celui de NI, dans les trois cas, les résonances sont boostées, prolongées très doucement. En revanche, la capture d’écran montre bien encore une fois l’incroyable disparité des réglages pour arriver à un résultat sonore à peu près équivalent…
On entend clairement ce que le compresseur apporte à la tenue des notes, grâce au comportement particulier de son release, les transitoires étant préservées vu l’attaque lente due à la conception photo-électrique. UA flatte un peu plus les aigus, tandis que Native booste un peu les extrêmes graves. IK montre un volume moyen plus faible, dû à une gestion différente des transitoires.
Bilan
Alors que choisir entre Native et IK Multimedia (UA est hors course dans ce test, uniquement présent comme référent) ? Difficile de se prononcer, car les deux solutions montrent des avantages et de bons résultats sonores. Les plugs remplaceront-ils de réels 1176LN et LA-2A ? Non. Ont-ils un comportement fidèle, proche de l’esthétique des originaux ? Oui, à quelques exceptions près (mode All-Button, certaines gestions de transitoires, calibrage des réglages et/ou des Vumètres). Peut-on faire du bon boulot avec ? Oui. Les éditeurs profitent de la puissance des bécanes toujours en augmentation, et proposent des émulations de plus en plus réussies. À titre d’exemple, le 24/7 était considéré à l’époque de sa sortie comme un plug réussi…
Et ces outils restent abordables, ce qui n’est pas le cas des machines dont ils se sont inspirés. Chez IK, chaque module vaut 89,99 euros, et peut donc être utilisé sans T-RackS. Chez Native, le bundle de trois compresseurs est vendu 199 euros, chacun d’entre eux pouvant être acquis pour 99 euros. Et le Guitar Rig Player 4 nécessaire à leur exploitation est gratuit. Les deux éditeurs proposent des démos pleinement utilisables, un excellent moyen de prolonger ce comparatif.