Si vous suivez un tant soit peu les divers bancs d’essai écrits par votre serviteur pour Audiofanzine, vous avez certainement remarqué toute l’affection que je porte aux « petits » développeurs indépendants.
Bien sûr, je ne dénigre pas pour autant les mastodontes du marché, je suis même un aficionado de certains d’entre eux. Cependant, il faut bien avouer qu’en tant que « petit » ingénieur du son/musicien/pigiste, je me sens beaucoup plus proche de ces véritables artisans du monde de l’audionumérique que des éditeurs dont le nom à lui seul peut faire vendre des palettes de produits. Ainsi, lorsque la rédaction m’a proposé de passer à la moulinette le dernier joujou d’un artisan italien, j’ai forcément accepté avec un grand sourire aux lèvres. Permettez-moi donc de vous présenter le plug-in SKnote SDC !
Round one
Rentrons tout de suite dans le vif du sujet. SDC est l’acronyme de « Stereo Double Compressor », il s’agit donc là d’un plug-in dédié à la compression stéréo et disposant de deux étages de compression. Les plus « audio Geeks » d’entre vous auront certainement remarqué que l’interface graphique de la bestiole ressemble étrangement au compresseur de mastering analogique signé Shadow Hills Industries, et pour cause ! Il se trouve que Quinto Sardo, l’homme caché derrière SKnote, a créé le SDC à partir de mesures effectuées sur deux de ces appareils. Cependant, les mesures n’ont servi que de base de travail et le développeur a ensuite brodé autour du concept en s’accordant quelques libertés. Ne vous attendez donc pas à une émulation parfaite, mais plutôt à un rendu sonore « dans l’esprit » du modèle hardware.
Avant de passer aux fonctionnalités, intéressons-nous à quelques points techniques. Le SDC est disponible pour Mac et PC aux formats VST et AU (32 et 64-bit). Sachez que des versions RTAS et AAX sont dans les tuyaux, mais qu’aucune date de disponibilité n’est annoncée à ce jour. En attendant, les utilisateurs de Pro Tools peuvent tout de même profiter du plug-in moyennant l’utilisation du Patchwork de Blue Cat Audio qui fera alors office de « wrapper ». Ne voyez ici aucune publicité cachée pour Blue Cat Audio, un autre « wrapper » pourra éventuellement faire l’affaire. Cependant, il se trouve que c’est justement PatchWork qui est utilisé dans la vidéo de présentation du SDC sur la page produit de l’éditeur, par conséquent cette solution me semble être l’une des plus « sûres » en attendant les versions compatibles avec le séquenceur d’Avid.
Niveau installation, SKnote utilise un système inhabituel, mais on ne peut plus simple. Une fois le plug-in acheté (pour seulement 29.99 $ à l’heure où j’écris ces quelques lignes), il faut tout d’abord vous connecter à votre compte utilisateur afin de télécharger la version qui vous convient. Une fois cela fait, décompressez l’archive Zip, renommez le fichier obtenu en fonction de vos besoins (SDC.dll pour Windows, SDC.vst ou SDC.component pour Mac OS) et placez-le dans le dossier de plug-ins adéquat. Et voilà ! Certes, cette procédure peut paraître barbare, mais elle est très simple à effectuer, et surtout, elle n’implique aucun système de protection envahissant. De plus, un manuel d’utilisation prenant la forme d’un simple fichier texte (en anglais) est téléchargeable en bas de la page produit sur le site de l’éditeur. Ce dernier expliquant très clairement la marche à suivre, que demande le Peuple ?
Enfin, sachez qu’il n’y a malheureusement aucune version d’évaluation. Ceci étant d’une certaine façon, la chose n’est pas réellement problématique, car, d’une part, le tarif demandé n’a rien d’exorbitant, et d’autre part, l’éditeur propose tout bonnement de vous rembourser si vous n’êtes pas satisfait du produit (dans la limite de 7 jours après l’achat).
Round two
Comme je vous le disais précédemment, le SDC est un compresseur stéréo inspiré du Mastering Compressor de Shadow Hills Industries. À l’instar de ce dernier, le plug-in propose donc deux étages de compression débrayables à l’envi. Le premier étage simule un compresseur opto-électrique. Si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pensez à un maître du genre, j’ai nommé le fameux LA-2A. Cet étage dispose d’un réglage du niveau seuil ainsi que d’un potard de gain pour remonter le niveau du signal en sortie et d’un switch de bypass. Petit raffinement par rapport à l’original, un potentiomètre permet de choisir entre trois comportements opto-électriques différents : Old avec une réponse temporelle lente et une dépendance fréquentielle de la compression assez marquée pour un rendu bien « vintage », B reprend quant à lui le concept précédent, mais avec une réponse un poil plus rapide et une dépendance fréquentielle moindre, et enfin Modern pour une réponse rapide et un rendu plus uniforme d’un point de vue spectral. À l’usage, cette section est on ne peut plus réussie, le rendu est crémeux à souhait et la possibilité de choisir entre les différents comportements est un plus indéniable qui permettra d’adapter cet étage à la source en un tournemain. Seul reproche, les potentiomètres virtuels sont crantés comme sur l’original. Étant donné le caractère « souple » des compresseurs opto-électriques, ce n’est pas vraiment gênant pour le réglage du seuil. En revanche pour le potard de gain, la chose ne facilite pas la vie lorsque l’on souhaite remettre le signal compressé au même niveau que le signal source afin de comparer les deux dans les meilleures conditions possibles. Dommage…
Baptisé « Discrete », le second étage offre une compression plus violente avec un comportement du type VCA. Ici, nous avons droit aux réglages de seuil, ratio, temps d’attaque et de relâchement, gain en sortie, bypass, et enfin un filtre sidechain débrayable très doux placé aux alentours de 100 Hz. Pas grand-chose à dire ici, le résultat sonore est en tout point conforme à ce que l’on peut attendre de ce type de compresseur et le mariage des deux étages fonctionne à merveille. Mais encore une fois, le potard de gain cranté est un peu agaçant pour les mêmes raisons que précédemment.
Passons maintenant au point phare du modèle original, à savoir les options au niveau du transformateur en sortie. Le SDC propose trois modélisations de transformateurs différentes labellisées comme sur l’unité hardware, à savoir Nickel, Iron et Steel. Honnêtement, je n’ai malheureusement pas la chance d’avoir le petit bijou de Shadow Hills Industries pour comparer. Mais peu importe, car le résultat est là ! Les trois colorations sont d’une finesse et d’un goût certains qui ravira à coup sûr les oreilles des plus exigeants d’entre vous, n’est-ce pas là le plus important ?
Toutes les fonctions que je viens de vous décrire se règlent via les potards situés à gauche de l’interface graphique. Au passage, je tiens à signaler que cette interface, aussi belle soit-elle, est tout de même un peu trop sombre et les textes ne sont pas des plus lisibles. Rien d’alarmant toutefois, ce détail s’oublie en effet très vite une fois que l’on commence à faire mumuse avec la bête. Mais à quoi sert donc la partie droite ? Comme je vous le disais, le SDC est un compresseur stéréo. Il offre un mode de traitement purement stéréo, mais également un mode « Dual mono ». Serait-ce donc pour compresser de façon différente les canaux gauche et droit dans ce dernier mode ? Malheureusement non. Cependant, la bonne nouvelle c’est que le SDC dispose d’une fonction de traitement Mid/Side qui est absente du modèle hardware. Ainsi, en activant cette option, les contrôles situés à gauche gèrent la compression du canal Mid alors que ceux à droite s’occupent du canal Side. C’est très bien vu et ça offre des perspectives réjouissantes !
Avant de passer aux exemples sonores, quelques petites remarques. Tout d’abord en ce qui concerne les VU-mètres. Ils permettent d’afficher au choix la réduction de gain pour l’étage opto-électrique, l’étage VCA ou les deux. J’ai trouvé que ces indicateurs n’étaient pas des plus précis et j’ai même rencontré quelques bugs occasionnels à ce niveau-là avec des aiguilles inertes alors qu’à l’oreille il y avait bel et bien compression. Du coup, j’ai pris l’habitude de ne pas me fier à eux jusqu’à nouvel ordre. Cela n’empêche en rien de travailler avec le SDC, mais c’est tout de même dommage.
Autres petits regrets, l’absence d’une fonction de comparaison A/B ainsi que d’un potentiomètre dry/wet. Notez cependant que le développeur devrait intégrer le dry/wet sous peu.
D’autre part, sachez que ce plug-in est livré sans préset. Je ne trouve pas cela gênant, bien au contraire, car je suis un fervent défenseur du travail sans pré-réglage hormis pour les effets (réverbération, délai, etc.), mais je tenais tout de même à le signaler.
Enfin, concernant la consommation CPU de la bête, sachez qu’une instance utilise entre 0,5 et 0,7 % sur mon Mac Pro (fin 2013) équipé d’un processeur Xeon E5 à 6 cœurs cadencé à 3.5 GHz. Sur mon MacBook Air i7 bicœur à 2 GHz, la consommation oscille entre 2 et 3 %. Quant à la latence induite, elle est tout simplement égale à la taille du buffer audio. Bref, ce SDC n’est pas des plus économes, mais ce n’est pas non plus un glouton insatiable, surtout en regard de la qualité audio qu’il délivre.
Récré à deux
Commençons notre séance d’écoute avec une instance du SDC placée sur le bus master d’un titre.
- 01 Whatsoever Dry 00:49
- 02 Whatsoever Firm 1 00:49
- 03 Whatsoever Firm 2 00:49
- 04 Whatsoever Firm 3 00:49
- 05 Whatsoever Firm 4 00:49
Le premier extrait se résume à la source dans son plus simple appareil. Le second utilise uniquement l’étage VCA avec un ratio de 2:1, une attaque longue et un relâchement rapide pour une réduction de gain de 4 dB maximum. Le mode de traitement est stéréo, le transformateur en sortie est sur la position Nickel. Comme vous pouvez le constater, nous gagnons une certaine assise. Le deuxième extrait reprend les mêmes réglages avec en sus l’étage opto-électrique (mode B) travaillant au maximum à –3 dB de réduction de gain. Ici, le bas dégouline un poil, mais on reste dans les limites du raisonnable et le « pep’s » qui se dégage de l’ensemble en vaut la peine selon moi. Enfin, les deux extraits suivants illustrent les mêmes réglages avec pour seul changement le transformateur en sortie qui passe à Iron, puis Nickel. La coloration est subtile et belle, un régal !
Continuons avec un autre titre, toujours avec une seule instance sur le bus master.
- 06 Call it even Dry 00:33
- 07 Call it even Wet 00:33
- 08 Call it even Wet MS 00:33
Par rapport à la source nue, l’exemple « Wet » utilise l’étage opto en mode Modern pour 5 dB de réduction de gain maximum ainsi qu’une bonne dose de VCA lent avec un très faible ratio (1.2:1), mais un seuil bas pour encore 5 dB de réduction de gain, le tout avec l’option Iron. Notez que le filtre sidechain est également activé sur le VCA afin de préserver le bas du spectre. Le résultat me semble plus « vivant » que l’original, et pour cause ! Le traitement est ici « Dual Mono », ce qui accentue légèrement la sensation d’espace. L’exemple « Wet_MS » enfonce encore le clou avec en sus un traitement sensiblement différent pour le canal Side. C’est beau, n’est-ce pas ? Le titre gagne en punch et en espace, que demander de plus ?
Passons maintenant au traitement d’un bus batterie.
- 09 Drums Dry 00:31
- 10 Drums Wet 1 00:31
- 11 Drums Wet 2 00:31
- 12 Drums Wet 3 00:31
Le premier sample est le signal sec. Le deuxième illustre une action relativement violente de l’étage VCA qui détériore beaucoup trop la grosse caisse. Heureusement, le filtre sidechain permet de remédier à cela, comme vous pouvez le constater avec l’exemple 3. Enfin, le dernier extrait reprend le même réglage avec en plus une instance du SDC placée sur un bus auxiliaire afin d’effectuer une compression parallèle. Impact garanti !
Sortons maintenant de l’usage classique pour traiter une basse mono.
- 13 Bass Dry 00:18
- 14 Bass Wet 00:18
Ici, rien à redire, ça fait le job même si à la base ce n’est pas le genre d’outil que j’aurais utilisé de prime abord pour gérer cet instrument.
Pour finir, voyons ce que l’engin donne sur des voix.
- 15 Talking Dry 00:12
- 16 Talking Wet 00:12
- 17 Singing Dry 00:10
- 18 Singing Wet 00:10
Comme vous pouvez le constater, le SDC est vraiment merveilleux pour cet usage. Le mariage opto/VCA prend ici tout son sens et permet de très facilement équilibrer une piste vocale, qu’elle soit parlée ou chantée. Le gain en consistance simplifiera à coup sûr l’insertion dans un mix, aussi chargé soit-il. Chapeau bas !
Verdict
Malgré quelques petits points faibles, que j’espère être des défauts de jeunesse qu’une mise à jour viendra corriger sous peu, le petit dernier signé SKnote est une véritable réussite sur le plan sonore. Non seulement le SDC possède un caractère bien trempé, mais il se paie également le luxe d’aller un peu plus loin que le compresseur dont il est inspiré, et ce pour un tarif extrêmement attractif ! Ça mérite bien un Award du rapport qualité/prix, non ?
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