Très productif, le constructeur new-yorkais Electro-Harmonix commercialise régulièrement des effets variés à des tarifs contenus. Outre certaines pédales très originales ayant contribué à la renommé de la marque, EHX propose aussi des grands classiques se distinguant par leur simplicité. C’est notamment le cas du récent Canyon, un delay/looper ne cherchant pas à faire de l’ombre aux ogres de la pédale numérique haut de gamme, mais souhaitant simplement faire office d’outil minimaliste délivrant une multitude de delays essentiels.
Le Canyon est une pédale de delay numérique dotée de dix algorithmes différents et d’un looper. Le tout est embarqué au cœur d’un boîtier au format Nano, dont le footswitch d’activation fait aussi office de Tap Tempo. En plus d’une entrée et d’une sortie mono, elle propose une entrée pour un Tap Tempo externe, La recette est donc simple, mais devrait combler les besoins principaux des guitaristes en quête d’un delay ou d’un looper compact.
La terre vue du ciel
Comme la plupart des produits EHX, le Canyon est livrée avec une alimentation de 9V. Une fois déballée, la machine ne paie pas vraiment de mine : elle est esthétiquement quelconque, voire laide, et ne comporte que quatre potards principaux agrémentés d’un petit bouton et d’un footswitch. Un des potentiomètres est cranté, et permet de naviguer parmi les onze modes (dix delays + le looper). Il n’est d’ailleurs pas assez cranté, puisque le bouton peut se retrouver entre deux modes. Dommage ! Les autres potards modifient le volume et la vitesse des répétitions (de cinq millisecondes à trois secondes), ainsi que le feedback. En mode looper, ces contrôles agissent évidemment différemment, mais nous y reviendrons.
Voici la liste des algorithmes de delays :
- Echo : simple delay numérique
- Mod : reprend le delay précédent, mais y ajoute des modulations
- Multi : delay multi-tap
- Revrs : delay avec effet inversé
- DMM : simulation de la fameuse Deluxe Memory Man
- Tape : simulation d’un écho à bande
- Verb : delay mêlé à une réverbe de type plate
- Oct : delay avec des répétitions dont la hauteur varie
- Shim ; effet shimmer
- S/H : effet sample & hold qui répète indéfiniment certaines notes en fonction de l’attaque
Le petit bouton situé au milieu des potards sert à enclencher des subdivisions rythmiques. Trois possibilités sont accessibles : répétitions à la noire (la LED de la pédale s’éclaire alors en rouge), répétitions à la croche pointée (LED orange), et répétitions à la croche (LED verte).
Quant au footswitch, il active évidemment l’effet, mais sert aussi de Tap Tempo. Cette dernière fonction est étrange à utiliser, puisque les appuis répétés pour donner le rythme activeront et désactiveront sans cesse la pédale. Heureusement, un petit sélecteur interne au Canyon donne accès à un mode Trail qui préserve les répétitions une fois l’effet « bypassé ». Pour autant, l’utilisation reste déstabilisante, puisqu’on a l’impression d’être moins précis. Certains apprécieront qu’il ne faille pas enclencher un mode particulier, mais un temps d’apprentissage est nécessaire.
L’on pourrait aussi s’étonner du faible nombre de paramètres disponibles au regard des modes parfois complexes proposés. En réalité, les potards Delay et Feedback cachent des fonctions secondaires. Ainsi, en restant appuyé quelques secondes sur le bouton dédié aux subdivisions, ces deux contrôles agiront sur des paramètres supplémentaires dépendant du mode choisi. Il peut s’agir de la profondeur et de la vitesse des modulations, de la sensibilité à l’attaque du mode Sample & Hold, ou bien encore de la hauteur des répétitions en mode Oct. Même si l’on aurait préféré deux potards supplémentaires pour gagner en vitesse et en instinctivité, cela permet de gagner de la place et reste bien pensé.
Trekking
Sortez les sac à dos, on part en rando ! Pour capter le son de notre Canyon, nous avons utilisé un Kemper Profiler configuré pour délivrer le son d’un Twin Reverb. Il est enregistré via une carte son Steinberg UR22. La guitare, quant à elle, est une Ibanez RG Prestige dotée de deux humbuckers et d’un micro simple. Nous naviguons régulièrement entre les micros dans les extraits. Pour chaque mode, nous utilisons d’abord les réglages de volume, de feedback, et de vitesse des répétitions. Puis, dans un second temps, nous actionnons les paramètres secondaires.
- 1 Echo 04:26
- 2 Echo subdivisions (noire, puis croche pointée, puis croche) 00:56
- 3 Mod 04:46
- 4 Multi 04:56
Dès les premiers modes, l’on remarque que la pédale sonne bien, et, surtout, assez large pour une pédale mono. Les répétitions s’estompent de manière douce, sans atteindre non plus l’effacement léger et naturel de certains algorithmes haut de gamme. C’est également très propre, mais un peu froid. Le bouton de volume est très utile, puisqu’il permet de napper légèrement le son dry avec des répétitions, ou bien de faire de ces répétitions un élément central. Une fois le potard poussé au-delà de 14h, le volume de la guitare baisse petit à petit pour laisser place aux répétitions.
Le feedback offre une très jolie résonance lorsqu’il est poussé, mais les oscillations ne deviennent pas vraiment folles comme avec certains delays, notamment analogiques. On reste dans des répétitions assez mécaniques, millimétrées et nettes, mais un peu trop sèches et mathématiques. C’est notamment le cas avec les effets echo, mod et multi. Les modulations du delay Mod sont intéressantes, car des réglages très extrêmes sont possibles. L’on obtient alors des répétitions « détunés » qui s’emballent, et l’on peut générer des bruits réussis. Le mode Multi sort du lot en utilisant les subdivisions rythmiques pour créer des patterns. La fonction secondaire de ce mode permet de modifier le volume au fur et à mesure des répétitions. Il peut bien sûr baisser, mais aussi partir de zéro et augmenter au fur et à mesure, ce qui a le mérite d’être original.
L’effet reverse permet de créer de jolies ambiances et sa fonction secondaire offre la possibilité de gérer la sensibilité à l’attaque. Ainsi, les nuances que vous utilisez dans votre jeu peuvent être entièrement retranscrites pour quelque chose de plus percussif et défini, ou un peu gommé pour obtenir une nappe. Dans les faits, le paramètre modifie effectivement cet aspect, mais de manière très fine et finalement peu perceptible. Il aurait fallu accentuer un peu plus les possibilités pour offrir une plus grande polyvalence. Ce mode reste un modèle du genre, et rarement l’effet reverse nous a paru aussi maîtrisé sur une pédale à ce tarif.
Le mode simulant une Deluxe Memory Man est très réussi. Nous n’avons pas sous la main le modèle original et nous ne pouvons pas comparer, mais ce mode a bien plus de caractère que les delays Mod ou Tape. La tonalité est modifiée : c’est plus chaud et légèrement sale. Une jolie résonance fait aussi son apparition. Bref, c’est clairement l’un de nos sons délivrés par le Canyon préférés.
L’effet tape est un peu caricatural, notamment dans la façon dont la saturation des bandes arrive. C’est un peu trop mathématique, et donc peu naturel. Pour autant, l’effet est plaisant et utile d’un point de vue musical. Les réglages secondaires permettent de modifier la saturation, jusqu’à obtenir un voile distordu intéressant. On peut aussi ajouter une modulation pour un effet « flutter ».
La réverbe du mode Verb ne s’applique qu’aux répétitions. Elle évoque parfois le mode plate de la Holy Grail. Pour être honnêtes, nous n’apprécions pas particulièrement cette fameuse pédale de réverbe à la rédaction à cause de son aspect trop synthétique. Pour autant, malgré son côté sec et aigu, la réverbe apporte un plus indéniable au sein du Canyon. En baissant la vitesse des répétitions, l’on finit par obtenir uniquement la réverbe, avec un léger effet de chorus. En l’augmentant, on entend distinctement le son dry de la guitare sans réverbe, et les répétitions avec l’effet. Si l’on pousse alors le feedback, la réverbe devient plus enveloppante et traine par dessus le son dry, offrant ainsi un son plein. Pas mal !
- 9 Oct 05:22
- 10 Shim 05:06
- 11 S H 02:08
Les trois derniers modes apportent une belle touche d’originalité au Canyon. Nous n’avons alors plus affaire à un pur delay, mais à une machine capable de créer des ambiances. Il y a tout d’abord le mode Oct qui permet d’obtenir des répétitions pitchées du plus bel effet. L’on pense parfois à un arpégiateur, et l’on peut même modifier le volume des octaves inférieures et supérieures. C’est synthétique, mais très accrocheur, et le mode pourra même faire office d’octaveur en baissant la vitesse des répétitions au minimum et le volume au maximum pour n’avoir que le son wet pitché.
L’effet shimmer est dans la même veine que le précédent mode. Il est basé sur la combinaison de simulations de plusieurs pédales d’Electro-Harmonix : le compresseur Soul Preacher, le pitch shifter Pog2, et le delay Deluxe Memory Man. Cela donne un effet très réussi ! Les modes shimmer sont parfois trop « acides », mais ce n’est pas le cas de celui du Canyon. C’est épais, chaud, très enveloppant. Les réglages secondaires permettent même d’affiner ça en utilisant un passe-bas, ou en modifiant l’effet de désaccordage. Ce mode figure parmi nos préférés.
Enfin, le mode Sample and Hold s’avère être le plus étonnant. Il va en effet répéter infiniment le son généré par une attaque plus ou moins forte. Dans l’extrait sonore, vous pouvez clairement entendre que les accords égrenés avec vigueur se retrouvent échantillonnés et répétés, alors que les notes plus douces ne le sont pas. C’est terriblement fun à utiliser, et de multiples possibilités sont envisageables. Le bouton Feedback fait office de réglage de la sensibilité : plus il est baissé, plus il est nécessaire d’attaquer les cordes de manière très forte pour enclencher une boucle. Le bouton Delay agit sur la vitesse des répétitions, ou bien sur leur disparition progressive (fonction secondaire). Maîtriser ce mode n’est pas toujours évident, mais il reste un grand atout qui démarque le Canyon de la concurrence.
La grande boucle
Tout au bout du potrad cranté se trouve un tout dernier mode que nous n’avons pas évoqué. Il s’agit en réalité de la fonction looper de la pédale. L’utilisation est très basique : un appui sur le footswitch enclenche l’enregistrement, un second les overdubs. Un double appui stoppe la lecture, et il suffit de rester alors appuyé quelques secondes sur l’interrupteur au pied pour effacer une boucle. Une fonction Undo/Redo est aussi disponible. Enfin, le potard Feedback détermine le volume de la boucle initiale lorsqu’un overdub est enregistré.
En résumé, cette fonction est simple et efficace. C’est par contre dommage de ne pas pouvoir utiliser les delays en même temps que le looper, comme sur la Stereo Memory Man with Hazarai par exemple.
Conclusion
Le Canyon est un outil simple, facile d’utilisation, et malgré tout polyvalent grâce à de nombreux modes et réglages. La pédale d’Electro-Harmonix mêle habilement des delays essentiels, mais un peu trop sages, à des modes originaux et réussis. De plus, son tarif de 155 € est très correct au vu de ses qualités sonores et des possibilités.
Toutefois, quelques éléments essentiels manquent à l’appel si vous recherchez un delay sérieux : il n’y a pas d’entrée et sortie stéréo, pas de presets, pas de MIDI. La machine n’est donc pas faite pour intégrer une grosse configuration live. Si vous êtes en quête d’une pédale de delay de caractère et qui sera le centre de votre son, passez aussi votre chemin. Il vous faudra de toute façon dépenser plus. Le Canyon conviendra plutôt aux débutants exigeants, et à ceux qui recherchent un delay d’appoint ou une machine simple pour créer des ambiances en deux temps, trois mouvements.