Bien connu des amateurs de synthétiseurs et de boîtes à rythmes, le fabricant suédois Elektron s’attaque pour la première fois au monde de la guitare. En effet, la marque propose depuis novembre dernier l’Analog Drive, une pédale de saturation intégrant 8 circuits analogiques différents ainsi que des presets et une connectivité MIDI. Coup d’essai, coup de maître ? Nous vous livrons notre verdict.
L’Analog Drive d’Elektron se veut être un outil extrêmement polyvalent puisqu’il intègre littéralement 8 pédales en une. Il n’est donc pas étonnant, lors du déballage, de découvrir un châssis en aluminium relativement imposant de 171 × 177 × 62 millimètres. Notons d’ailleurs que la bête est livrée dans une fort jolie boîte, et qu’une alimentation de 12 volts est fournie.
La machine est assez laide, mais parfaitement fonctionnelle grâce à de nombreux boutons bien espacés, la présence de trois footswitchs et d’un petit écran sommaire (double afficheur de 7 segments à LED). Les circuits embarqués ont beau être analogiques, un contrôle numérique permet d’enregistrer 100 réglages différents par l’intermédiaire de presets. De plus, l’ensemble des réglages et des fonctions de l’Analog Drive sont pilotables en MIDI. Penchons-nous dans un premier temps sur les multiples paramètres de notre machine.
Premier regard
L’Analog Drive est dotée de huit potards, dont un gros bouton cranté qui permet de choisir le circuit désiré. La sélection du mode est déterminante, puisqu’il est impossible de les mélanger. Voici la liste des choix disponibles :
- Clean Boost
- Mid Drive
- Dirty Drive
- Big Dist
- Focused Dist
- Harmonic Fuzz
- High Gain
- Thick Gain
Bien évidemment, deux boutons sont dédiés au gain et au volume. Si la course du gain est irréprochable, il n’en va pas de même pour le volume. En effet, ce réglage n’est pas très progressif dans le premier tiers de la course du potard, ce qui complique l’ajustement du niveau à faible volume. Quant à l’EQ, il se compose de potards dédiés aux graves, aux médiums, et aux aigus, mais également d’un bouton Mid Freq ajustant la fréquence des médiums. C’est un énorme plus qui modifie complètement le caractère sonore de la pédale, et les potards Low Mid et High sont terriblement efficaces et exploitables sur la quasi-totalité de la course. Bref, l’égaliseur est une réussite.
Un dernier bouton rotatif cranté est dédié aux presets. Il permet de naviguer entre ceux-ci, mais aussi de les enregistrer puisqu’il est cliquable. La gestion des presets est très aisée, puisqu’il suffit de régler la pédale comme on le souhaite, puis d’actionner notre bouton, de choisir entre les 100 emplacements, et d’actionner à nouveau pour sauvegarder les paramètres. Il est d’ailleurs facile de retrouver les réglages d’un preset, car deux petites LED situées l’une à côté de l’autre indiquent s’il faut tourner un bouton à droite ou à gauche pour atteindre le réglage sauvegardé. Ajoutons qu’il est nécessaire de passer par cette opération pour modifier un réglage après l’enclenchement d’un preset puisque le bouton doit se caler sur le paramètre initial sans quoi il n’agira pas.
Il est aussi possible de naviguer parmi les presets par l’intermédiaire des trois footswitchs. Ils sont d’ailleurs placés sur une excroissance légèrement surélevée et inclinée du châssis de l’Analog Drive, ce qui les rend facilement accessibles. Les deux sélecteurs au pied sur les côtés permettent d’aller à gauche ou à droite, et le sélecteur central offre la possibilité de sélectionner un preset ou de « bypasser » le signal tout en gardant le buffer intégré actif. ll est donc possible de choisir les presets même lorsque l’effet n’est pas enclenché. On aurait d’ailleurs aimé un petit interrupteur supplémentaire sur le côté pour allumer et éteindre la pédale, puisqu’il faut la débrancher à chaque fois.
Enfin, un sélecteur à deux positions est dédié au mode Manual. En l’activant, l’écran s’éteint et les paramètres s’adaptent directement aux différents réglages des potards. Exit donc les presets et le contrôle numérique, la pédale se simplifie et fait la part belle à l’intuitivité.
Biberons et couches
Plusieurs entrées et sorties sont disponibles sur l’Analog Drive. L’entrée principale est dédiée aux instruments, dont la guitare, mais également les synthétiseurs ou les boîtes à rythmes. L’on trouve aussi une sortie, deux entrées pour contrôler le gain et la fréquence des médiums avec une pédale d’expression ou une tension de contrôle, et des ports MIDI In et MIDI Out. Elektron a même pensé à ajouter une encoche de sécurité Kensington pour éviter les vols.
La connexion MIDI fonctionne à merveille… lorsqu’on maîtrise le MIDI ! Nous avons piloté la pédale depuis Studio One, et nous n’avons rencontré aucun souci. Les messages MIDI sont référencés dans le manuel, mais il est dommage qu’Elektron ne propose pas de logiciel permettant de faciliter le pilotage de la pédale, ou même un éditeur pour les presets. Pire, pour mettre la pédale à jour, il faut télécharger un logiciel libre de droits (SysEx), télécharger le fichier de mise à jour, puis uploader ce fichier par l’intermédiaire du logiciel dans la pédale. Ce n’est pas très pratique, et le fabricant suédois réduit sa cible avec une machine certes performante, mais nécessitant des efforts et des connaissances.
Il en va d’ailleurs de même avec les paramètres de la pédale. Ils sont accessibles via l’écran en appuyant sur les deux footswitchs en même temps, mais les indications sont sommaires et peu parlantes. Il est notamment possible de choisir entre le contrôle CV ou les pédales d’expression, ou encore de configurer le MIDI, mais il faut obligatoirement se référer au manuel pour comprendre le fonctionnement de l’Analog Drive.
Babillements
Voici des extraits sonores dédiés à chacun des huit circuits. Afin d’illustrer la polyvalence de la pédale, nous jouons à chaque fois avec l’EQ et le gain. Les six premiers sons ont été enregistrés avec les micros magnétiques d’une guitare Variax Standard de Line 6, et les deux autres avec une Ibanez FR2620 Prestige. L’Analog Drive est connectée à un ampli Fender '65 Twin Reverb combiné à un simulateur de HP Two Notes Torpedo VB-101 et une carte son Steinberg UR22.
- 1 Clean Boost Micros manche+intermédiaire (gain à fond) 02:38
- 2 Mid Drive Micros manche+intermédiaire 02:18
- 3 Dirty Drive Micro chevalet 02:32
- 4 Big Dist Micros chevalet+intermédiaire 02:18
- 5 Focused Dist Micro chevalet 02:32
- 6 Harmonic Fuzz Micro chevalet 03:14
- 7 High Gain Micro chevalet Ibanez 04:02
- 8 Thick Gain Micro chevalet Ibanez 04:34
Une fois branchée, la pédale d’Elektron tient toutes ses promesses. Ainsi, le Clean Boost est d’une grande clarté, même lorsque l’on pousse le gain. Le mode Mid Drive, lui, est clairement dans l’esprit Tube Screamer, et rivalise avec l’effet d’Ibanez tout en étant plus paramétrable. L’on regrette toutefois que la saturation soit relativement prononcée même avec le gain au minimum, ce qui est décevant pour un circuit d’overdrive.
La Dirty Drive propose une saturation vintage évoquant un baffle lacéré. La rédaction d’Audiofanzine ne raffole pas de ce type d’effet habituellement, mais en l’occurrence c’est plutôt réussi. Le son est effectivement « sale » sans être trop agressif, et l’EQ permet justement d’apporter encore plus de douceur ou, inversement, de rendre l’effet plus méchant.
Le mode Big Dist est l’un de nos favoris. Il offre une belle réserve de gain, mais il est aussi possible d’obtenir un son clean qui crunche légèrement. Ajoutons qu’il y a plus d’aigus qu’avec le circuit Mid Drive.
La Focused Disto s’avère très polyvalente. Elektron indique que ce mode se rapproche des sonorités d’une Klon Centaur, mais cela ne nous a pas marqués dans les faits. C’est un effet assez passe-partout, mais efficace, qui débute comme une petite distorsion idéale pour du classic rock puis lorgne vers des sons plus heavy et tranchants lorsque le gain est poussé à fond. Attention tout de même au souffle, particulièrement présent.
L’Harmonic Fuzz est l’autre grande réussite de notre pédale. Elle se caractérise par un son épais, et un gate présent mais sans être trop prononcé. Le gain est assez poussé même avec le réglage au minimum, mais l’on peut jouer avec le volume de la guitare. L’on peut très bien s’adonner à du rock façon Hendrix ou à des sons plus modernes avec le gain à fond, et en jouant avec l’EQ pour obtenir un rendu plus synthétique et gonflé. Encore une fois, l’on entend pas mal de souffle lorsque le gain est au maximum.
Enfin, les modes High Gain et Thick Gain offrent les plus grosses saturations dont est capable l’Analog Drive. Dans les deux cas, le souffle est très important. C’est un phénomène naturel qui nous avions déjà décelé avec certains modes, mais il devient plus contraignant avec ces deux circuits. L’High Gain est très intéressante lorsque le bouton de gain est poussé jusqu’à 12 h, puis devient un peu plus difficile à dompter. Le son est ample, et reste bien défini. La saturation du Thick Gain est assez similaire à la précédente, mais avec plus d’épaisseur. On perd un peu en définition, surtout au-delà de 12 h. La pédale commence alors à gronder méchamment, et il n’est pas évident de la dompter.
Enfin, comme nous l’indiquions précédemment, il est possible d’utiliser une pédale d’expression pour contrôler la fréquence des médiums. Nous avons donc branché notre Boss FV-500H et enregistré une petite série d’extraits avec les modes Harmonic Fuzz, Clean Boost, et Big Dist. Pour bien entendre l’influence du changement de fréquences, le bouton Mid est à fond. Voici ce que cela donne.
- 9 EXP Medium Fuzz 00:58
- 10 EXP Medium = Clean Boost (manche + inter) 01:06
- 11 EXP Medium Overdrive Big Dist (manche + inter) 01:08
Conclusion
Cette première intrusion d’Elektron dans le monde de la guitare est impressionnante. L’Analog Drive n’est pas originale dans ses sonorités, mais l’intégration de 8 circuits analogiques complètement différents contrôlés numériquement en fait un produit rare et innovant. Nous avons certes été moins séduits par les grosses saturations, mais le clean boost, les overdrives et la fuzz sont tout simplement excellents. L’EQ est redoutable, et nous avons adoré la possibilité de modifier la fréquence des médiums, que ce soit avec le bouton ou la pédale d’expression.
À l’inverse de Strymon qui souhaitait avec la Riverside simplifier au maximum le travail du guitariste en ajustant en permanence des paramètres à mesure que le gain augmente, l’Analog Drive offre la possibilité de chercher son son. Ces deux pédales ont donc des approches complètement différentes. L’Elektron est plus classique, car elle embarque des circuits assez traditionnels. C’est l’EQ, les presets, et la possibilité de piloter en MIDI qui en font un outil incroyable. Elle demande plus d’investissement que la Riverside, ne fait pas préampli, mais c’est une boîte à outil regorgeant de solutions utiles. Elle remplacera sans pâlir la plupart des pédales de saturation de votre pedalboard, et vous fera ainsi gagner beaucoup de place et peut-être même de l’argent malgré le tarif de 399 €.
Les guitaristes appréciant cumuler les saturations regretteront toutefois l’impossibilité de mêler les circuits. C’est le grand défaut de l’Analog Drive, auquel il faut ajouter le très ennuyeux manque de progressivité du potard de volume en début de course et la grande austérité esthétique et ergonomique de la machine. L’on sent qu’Elektron vient du monde des synthés, et que la marque s’adresse à une niche de spécialistes. Nos amis claviéristes et autres amateurs de machines devraient d’ailleurs eux aussi se pencher sur l’Analog Drive, ils pourraient avoir une bonne surprise.